COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00064 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UV53
N° de Minute : 67
Ordonnance du jeudi 12 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent représenté, par Me Alexandrine MATONDO, avocat au barreau de Lille, substituant Maître Guillaume ANCELET, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
M. [F] [X] [D]
né le 01 Décembre 1997 à [Localité 1] - Colombie
de nationalité Colombienne
absent, représenté par Maître Zouhair ZAIRI, avocat au barreau de Lille
Partie jointe
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 12 janvier 2023 à 14 h 15
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai le jeudi 12 janvier 2023 à 17 h 00
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialemnt L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'ordonnance rendue le 11 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE qui a mis fin à la rétention administrative de de M. [F] [X] [D] ;
Vu l'appel motivé interjeté par Maître Guillaume ANCELET venant au soutien des intérêts de M. LE PREFET DU NORD par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 11 janvier 2023 ;
Vu la plaidoirie des avocats présents ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 07 janvier 2023 les services de polices de [Localité 3] contrôlaient deux personnes de nationalité colombienne parvis de la gare [Localité 3]-Europe à [Localité 3]. Le contrôle d'identité était réalisé au visa de l'article 78-2 al 9 du code de procédure pénale.
A la suite de ce contrôle M. [F] [X] [D], ressortissant colombien a fait l'objet d'une mesure de placement en rétention administrative ordonnée par monsieur le Préfet du Nord le 08 janvier 2023 à 13h20 en exécution d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire délivrée le même jour par la même autorité.
Par ordonnance du 11 janvier 2023 (14h07) le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille, statuant tant sur le recours en annulation du placement en rétention administrative, formé par l'étranger au visa de l'article l 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sur la requête de monsieur le Préfet du Nord en prolongation du placement en rétention administrative a refusé la prolongation du placement en rétention administrative aux motifs ci après repris :
En l'espèce si la motivation de l'arrêté permet de comprendre la situation administrative de l'intéressé et le prononcé de l'obligation de quitter le territoire français il ne permet pas de comprendre le recours à une privation de liberté avec la décision d'un placement en rétention. En effet, [F] [X] [D] a fait I' objet d 'un contrôle d'identité alors qu'il se trouvait dans un bus en partance pour l'Espagne qui a fait un arrêt à la gare [Localité 3] Europe. Au regard de cet élément la motivation consistant à lui reprocher l' absence de garanties de représentation effectives en France ne permettant pas une autre mesure que le placement en rétention apparaît absurde. Sans nécessité d'examen du second moyen soulevé l'arrêté de placement en rétention sera déclaré irrégulier.
Par déclaration d'appel du 11 janvier 2023 à 18h45 monsieur le Préfet du Nord a sollicité l'infirmation de cette décision et la prolongation du placement en rétention administrative de M. [F] [X] [D] pour 28 jours.
Au soutien de sa déclaration d'appel l'autorité préfectorale appelante expose que l'arrêté de placement en rétention administrative était parfaitement motivé en ce que :
L'intéressé s'est maintenu sur le territoire de l'espace Schengen au delà de la durée de validité de son visa et qu'il n'était pas en situation régulière en France, situation dont l'examen ne relève pas de l'appréciation du juge judiciaire.
L'intéressé ne présentait aucune garantie de représentation en France
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le moyen retenu par le juge des libertés et de la détention tenant à la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative
L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.
Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.
En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que :
L'intéressé s'est maintenu sur le territoire de l'espace Schengen au delà de la durée de validité de son visa et qu'il n'était pas en situation régulière en France.
L'intéressé, s'étant déclaré célibataire, sans enfant et sans adresse fixe en France, ne présentait aucune garantie de représentation suffisante pour être assigné à résidence.
Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n'est pas tenu de motiver sa décision sur l'ensemble des critères de personnalité de l'étranger dés lors qu'il s'appuie sur des motifs suffisants pour justifier l'inanité du recours à l'assignation à résidence.
Il s'ensuit que le premier juge ne pouvait annuler l'arrêté de placement en rétention administrative pour un défaut de motivation.
2) Sur les autres moyens soumis au premier juge : caractère disproportionné du placement en rétention administrative
Au regard des articles 901-4, 933 et 562 al2 du code de procédure civile, indépendamment des moyens contenus dans l'acte d'appel, la dévolution s'applique de plein droit pour l'ensemble du jugement de première instance lorsqu'il a été invoqué devant le premier juge une exception de nullité qui a aboutit à la décision déférée.
Le moyen tiré de 'l'inutilité du placement en rétention administrative' relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge judiciaire doit effectuer sur la mesure privative de liberté et n'empiète pas sur le contrôle du droit de circulation qui est réservé à la juridiction administrative.
Cet examen de proportionnalité ne peut s'effectuer sur ce moyen précis que si l'étranger a déposé une requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d'examen de l'erreur d'appréciation lors de la prise de l'acte.
Tel est le cas en l'espèce.
Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l'autorité administrative au regard de l'objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il résulte des éléments de fait de la procédure que l'intéressé, bien qu'en situation irrégulière sur le territoire national, disposait d'un document de voyage en cours de validité justifiant son identité.
Il ressort également des éléments de la procédure que M. [F] [X] [D] était en transit sur le territoire français puisqu'il a été interpellé dans un bus international venant des Pays Bas, qui s'apprêtait à quitter le territoire national en direction de l'Espagne, situation confirmée par les circonstances de fait et les déclarations de M. [F] [X] [D].
Dés lors qu'il n'est pas établi que le placement en rétention administrative était l'unique mesure indispensable pour s'assurer de l'éloignement de M. [F] [X] [D], cette mesure sera considérée comme disproportionnée par rapport à l'objectif d'exécution du titre d'éloignement non contesté par l'intéressé.
En conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens soulevés en première instance et tenant à la durée de la retenue et au respect de l'article R 744-8 du CESEDA, le placement en rétention administrative devra être déclaré irrégulier et le placement en rétention administrative de M. [F] [X] [D] levé.
PAR CES MOTIFS
ACCORDE à Maître Zouheir ZAIRI le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sur le siège
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME par substitution de moyens l'ordonnance entreprise.
DÉCLARE l'appel recevable ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [F] [X] [D], à son conseil le cas échéant et à l'autorité administrative.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
N° RG 23/00064 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UV53
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 67 DU 12 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
- décisision transmise par courriel pour notification à l'autorité administrative
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le jeudi 12 janvier 2023
N° RG 23/00064 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UV53