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12/01/2023 | FRANCE | N°22/00460

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 12 janvier 2023, 22/00460


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 12/01/2023





****



N° de MINUTE :

N° RG 22/00460 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCQG



Ordonnance (N° 2020/602) rendue le 18 janvier 2022 par le juge commissaire de Lille Métropole





APPELANTE



SASU Compagnie d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutiques de Rouen (CERP Rouen) représentée par son président

ayant son siège social [Ad

resse 1]



représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Jean-Claude Dmitroff, avocat, avocat plaidant





INTIMÉES



SNC Pharmacie Rogeau Cho...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 12/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/00460 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCQG

Ordonnance (N° 2020/602) rendue le 18 janvier 2022 par le juge commissaire de Lille Métropole

APPELANTE

SASU Compagnie d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutiques de Rouen (CERP Rouen) représentée par son président

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Jean-Claude Dmitroff, avocat, avocat plaidant

INTIMÉES

SNC Pharmacie Rogeau Chopin prise en la personne de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 4]

SELARL [B] Borkowiak représentée par Me [B] ès qualités de mandataire judiciaire de la SNC Pharmacie Rogeau Chopin, désignée par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 7 décembre 2020

ayant son siège social, [Adresse 3]

représentées par Me Nicolas Nef Naf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SELARL AJC représentée par Maître [X] [M] en sa qualité d'administrateur de la SNC Pharmacie Rogeau Chopin et en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SNC Pharmacie Rogeau Chopin domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 29 avril 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 06 décembre 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 novembre 2022

****

Par jugement en date du 7 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert, à l'encontre de la société Pharmacie Rogeau-Chopin, une procédure de redressement judiciaire, désignant la SELARL AJC, représentée par Me [X] [M], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL [B] Borkowiak, représentée par Me [Z] [B], en qualité de mandataire judiciaire.

La société SA Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutique de Rouen (CERP Rouen) a procédé à la déclaration de sa créance le 8 janvier 2021, pour un montant de 186 067,86 euros à titre chirographaire.

Par ordonnance en date du 15 janvier 2021, le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Pharmacie Rogeau-Chopin, a désigné la société CERP Rouen en qualité de contrôleur à cette procédure de redressement judiciaire.

Par courrier du 9 juin 2021, Me [B], ès qualités de mandataire judiciaire, a informé la société CERP Rouen qu'il proposerait de constater l'existence d'une instance en cours.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 juillet 2021, la société CERP Rouen a confirmé l'existence d'une instance en cours et a maintenu solliciter l'admission pour le montant de 186 067,80 euros.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a adopté le plan de redressement par voie de continuation présenté le 2 novembre 2021 par la société Pharmacie Rogeau-Chopin assistée de Me [M], administrateur judiciaire.

La SELARL [B] Borkowiak représentée par Me [Z] [B] a été maintenue en qualité de mandataire judiciaire jusqu'à l'arrêté définitif de l'état des créances, la SELARL AJC représentée par Me [M] [X] étant nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par avis du 19 janvier 2022, la société CERP a été informée : « du dépôt de l'état des créances vérifié et constitué dans la procédure sous rubrique [société SNC Pharmacie Rogeau Chopin] et de la décision du juge-commissaire sur l'admission de votre créance.

Le juge-commissaire a admis votre créance au passif de la procédure de Redressement Judiciaire de SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN pour les sommes ci-après :

- à titre superprivilégié : 0,00 euros

- à titre privilégié : 0,00 euros

- à titre chirographaire : 0,00 euros

- à titre provisionnel : 0,00 euros

- montant rejeté : 186 067,86 euros

Créance contestée le 9 juin 2021 et réceptionnée le 10 juin 2021. Accord du créancier le 5 juillet 2021.

Observation débiteur : Dette contestée devant la CA de ROUEN

Décision rendue par Monsieur le Juge-Commissaire le 18/01/2022 ratifiant la proposition d'admission de la créance ».

Par acte en date du 28 janvier 2022, la société SA Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutique de Rouen (CERP Rouen) a interjeté appel de la décision, en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance pour la somme de 186 067,86 euros.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 26 avril 2022, la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutique de Rouen (CERP Rouen) demande à la cour de :

« A titre principal,

Prononcer la nullité de l'ordonnance entreprise rendue par le Juge Commissaire de la procédure de redressement judiciaire de la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN le 18 Janvier 2022.

En tout état de cause, et compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, statuer sur le fond.

En conséquence,

Constater l'existence d'une instance en cours et ordonner que ce constat d'une instance en cours par devant la Cour d'Appel de ROUEN soit mentionné sur l'état des créances de la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN.

A titre subsidiaire, et si la Cour devait ne pas annuler l'ordonnance entreprise,

Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé l'admission de la créance de CERP ROUEN à zéro, et rejeté sa déclaration de créance pour la somme de 186 067,86 euros .

Statuant à nouveau,

Constater l'existence d'une instance en cours et ordonner que ce constat d'une instance en cours par devant la Cour d'Appel de ROUEN soit mentionné sur l'état des créances de la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN.

En tout état de cause,

Condamner solidairement la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN et la SELARL [B]-BORKOWIAK, prise en la personne de Maître [B], es-qualité de mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN, à payer à CERP ROUEN une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner solidairement la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN et la SELARL [B]-BORKOWIAK, prise en la personne de Maître [B], es-qualité de mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SNC PHARMACIE ROGEAU CHOPIN, aux entiers dépens de l'instance d'appel ».

Elle fait valoir que la décision du juge commissaire ne peut qu'être annulée, ce dernier, qui a statué sur une créance objet d'une instance en cours, ayant excédé ses pouvoirs. À l'issue de la procédure concernant les instances en cours, la liste des créances est par la suite complétée par le greffier, notamment suivant les modalités des articles R 624-2, R 624-9 et R 624-11 du code de commerce.

Elle souligne que :

- les pièces établissent que la SNC Pharmacie Rogeau-Chopin, débiteur, Maître [B], mandataire judiciaire, et elle-même, créancier, admettaient tous trois qu'une instance était en cours par-devant la cour d'appel de Rouen.

- l'existence de cette instance en cours a été prise en considération lors de l'élaboration et de l'adoption du plan de redressement par voie de continuation intervenu par jugement du 14 décembre 2021 ;

- dans le cadre de la transmission par le greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole le 11 octobre 2021 de l'état des créances contestées, elle a constaté qu'elle ne figurait pas en qualité de créancier faisant l'objet d'une contestation, ce point étant confirmé par le courrier du greffe du 2 novembre 2021 lui notifiant, en qualité de contrôleur, les 38 ordonnances rendues par le juge-commissaire suite à contestation le 26 octobre 2021.

Elle estime qu'il ne peut qu'être constaté que la proposition de Me [B] soumise au juge-commissaire n'était pas conforme à la réalité, en ce qu'elle omettait de mentionner de manière claire et précise l'existence d'une instance en cours devant la cour d'appel de Rouen. Il était indiqué en outre que le rejet de la créance était purement et simplement accepté par le créancier, justifiant son absence de convocation à une audience de contestation. Elle n'a donc pas pu faire valoir sa position sur la proposition de rejet total de sa créance, et ce au mépris des règles élémentaires du respect du contradictoire posée à l'article 16 du code de procédure civile.

Elle sollicite donc de la cour, par suite de sa décision d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire, qu'elle statue sur le fond et qu'il soit constaté l'existence d'une instance en cours.

À titre subsidiaire, elle sollicite la réformation de l'ordonnance. Maître [B], mandataire judiciaire, en accord ou non avec la SNC Pharmacie Rogeau Chopin, a modifié, de sa seule initiative, la proposition d'admission résultant de son courrier du 9 juin 2021. Cette modification unilatérale, non portée à la connaissance de CERP Rouen, implique que celle-ci est bien fondée à solliciter la réformation de l'ordonnance du 18 janvier 2022, afin, et pour la première fois, donc, de contester le rejet total de sa créance en présence d'une instance en cours reconnue par l'ensemble des parties, et mentionnée en outre dans le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 14 décembre 2021 ayant adopté le plan de redressement par voie de continuation de la SNC Pharmacie Rogeau-Chopin.

La SNC Pharmacie Rogeau Chopin et la SELARL [B] Bokowiak, en qualité de mandataire judiciaire de la société, ont constitué avocat le 27 février 2022 mais n'ont pas conclu.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été dénoncées à la SELARL AJC, représentée par Me [M] en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la SNC Pharmacie Rogeau Chopin, par assignation du 29 avril 2022.

Par courriel en date du 2 décembre 2022, le conseil des intimés indique s'en remettre à justice et confirmer néanmoins qu'il y a bien une procédure pendante au fond devant la cour d'appel de Rouen qui n'est pas encore clôturée à ce jour.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022.

À l'audience du 6 décembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 12 janvier 2023.

MOTIVATION 

- Sur la demande de nullité de l'ordonnance du juge-commissaire

En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Aux termes de l'article L 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

L'annulation de la décision pour excès de pouvoir suppose l'existence d'un vice suffisamment grave entachant la décision querellée et recouvrant pour l'essentiel l'hypothèse où le juge a outrepassé la mission à lui confiée par les textes ou a refusé de l'exercer.

Ainsi, l'excès de pouvoir ne résulte pas pour le juge du fait de mal appliquer la loi, de statuer sur des choses non demandées ou de ne pas motiver sa décision mais de statuer alors qu'il n'en a pas le pouvoir juridictionnel, ce qui est manifestement le cas en l'espèce.

En effet, il résulte des pièces du dossier que la CERP Rouen a procédé à une déclaration de créance en date du 8 janvier 2021, répondant à la lettre d'observation adressée par le mandataire judiciaire, réceptionnée le 11 juin 2021, par courrier recommandé en date du 5 juillet 2021, en soulignant l'existence d'une instance en cours, puisqu'un recours, pendant devant la cour d'appel, a été formé à l'encontre de la décision du tribunal de commerce de Rouen du 19 janvier 2021.

L'existence de ce contentieux pendant devant la cour d'appel de Rouen était d'ailleurs expressément reconnue par le mandataire judiciaire dans son courrier du 9 juin 2021, réceptionné le 11 juin 2021 par la CERP Rouen, qui indiquait proposer au juge-commissaire de constater l'existence d'une instance en cours.

Au vu de l'accord tant du mandataire, du créancier et du débiteur quant à une procédure en cours et au regard de l'existence d'un recours pendant sur l'admission de la créance dont est saisie la cour d'appel de Rouen, le juge-commissaire ne pouvait approuver la proposition du mandataire de fixation à zéro de la créance apposée sur la liste des créances, laquelle ne résulte que d'une erreur matérielle, et ainsi statuer sur ladite créance, mais pouvait uniquement constater l'existence d'une instance en cours.

En conséquence, au regard de cet excès de pouvoir, l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 18 janvier 2022, ratifiant la proposition du mandataire et rejetant la créance de la société CERP Rouen ne peut qu'être annulée.

La nullité de l'ordonnance n'étant pas consécutive d'une nullité de l'acte introductif d'instance, la cour demeure saisie par l'effet dévolutif de l'appel.

Au vu du contentieux pendant devant la cour d'appel de Rouen, la cour ne peut que constater l'existence d'une instance en cours.

- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SELARL [B] Borkowiak, ès qualités de mandataire judiciaire de la société SNC Pharmacie Rogeau-Chopin, prise en la personne de Me [B], succombant à la présente instance, est condamnée aux dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ANNULE l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole en charge de la procédure de redressement judiciaire de la société SNC Pharmacie Rogeau -Chopin en date du 18 janvier 2022 ;

Statuant à nouveau,

CONSTATE l'existence d'une instance en cours ;

ORDONNE en conséquence que ce constat d'une instance en cours devant la cour d'appel de Rouen soit mentionné sur l'état des créances de la société SNC Pharmacie Rogeau Chopin au regard de la créance déclarée de la société CERP Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SELARL [B] Borkowiak, prise en la personne de Me [B] en qualité de mandataire judiciaire de la société SNC Pharmacie Rogeau Chopin, aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 22/00460
Date de la décision : 12/01/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.00460 ?
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