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11/01/2023 | FRANCE | N°23/00048

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 11 janvier 2023, 23/00048


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYX

N° de Minute : 53







Ordonnance du mercredi 11 janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [N] [H]

né le 24 Février 1998 à [Localité 1] - ALGERIE

de nationalité Algérienne

dûment avisé, non comparant en personne (évasion)



re^rése,té par Me Sebastien PETIT, avocat au barreau de DOUAI

, avocat (e) commis (e) d'office



INTIMÉ



MME LA PREFETE DE L'OISE



dûment avisée, absentenon représentée





PARTIE JOINTE



M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparan...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYX

N° de Minute : 53

Ordonnance du mercredi 11 janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [N] [H]

né le 24 Février 1998 à [Localité 1] - ALGERIE

de nationalité Algérienne

dûment avisé, non comparant en personne (évasion)

re^rése,té par Me Sebastien PETIT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office

INTIMÉ

MME LA PREFETE DE L'OISE

dûment avisée, absentenon représentée

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 11 janvier 2023 à 13 h 15

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 11 janvier 2023 à 13 h 49

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'ordonnance rendue le 07 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [N] [H] ;

Vu l'appel interjeté par M. [N] [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 09 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative  ;

Vu le proçès-verbal du 10 janvier 2023 ;

Vu la plaidoirie de Maître Sébastien PETIT ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [H] né le 24 Février 1998 à [Localité 1] en Algérie, de nationalité Algérienne a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 27 novembre 2022 avec reconduite vers le pays dont il a la nationalité sans délai de départ volontaire pris par Mme la Préfète de l'Oise, et d'un placement en rétention administrative le 5 janvier 2023 à 11h30.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 7 janvier 2023 à 17h38 , ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours (déclarant régulier l'arrêté de placement en rétention administrative),

Vu la déclaration d'appel de M. [N] [H] du 9 janvier 2023 à 15h59 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant.

Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :

1) Sur l'arrêté de placement en rétention :

- absence de prise en compte de sa situation de vulnérabilité au regard des problèmes de santé qu'il rencontre et qui sont connus de l'administration depuis le précédent placement en rétention du 27 novembre 2022, de son état de santé incompatible avec la rétention administrative et sa pathologie psycho-psychiatrique, ainsi que l'a relevé le docteur [P] au centre hospitalier de [Localité 2], il en résulte un défaut de motivation de la décision et une erreur d'appréciation de sa vulnérabilité et de son état de santé,

- atteinte à sa vie privée au regard de l'article 8 de la CESDH, au motif qu'il est marié et que son épouse est enceinte de ses oeuvres,

2) Sur la demande de prolongation de l'arrêté de placement en rétention administrative :

- irrégularité de la requête en prolongation au regard de son signataire,

- incompétence du signataire de la demande de laissez-passer consulaire,

- absence de diligences de l'administration, en ce qu'elle ne justifie pas de la réservation d'un vol.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure

L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.

1) Sur l'arrêté de placement en rétention :

Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative : situation de fait et vulnérabilité et l'erreur d'appréciation quant à la vulnérabilité et à l'état de santé

L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étranger sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.

Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.

De même, il ne ressort pas de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant la prise en compte de l'état de vulnérabilité ou de handicap de l'étranger dans l'appréciation par l'autorité administrative du placement en rétention, que le préfet soit tenu d'une motivation spéciale sur la vulnérabilité de l'étranger, le contrôle de cette obligation relevant de la légalité interne de l'acte de placement.

Il ressort de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que: " la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et de tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention"

L'absence de mention dans l'arrêté de placement en rétention administrative d'une prise en compte d'un éventuel état de vulnérabilité de l'étranger ne peut être palliée par le fait que ce dernier a la possibilité de solliciter une évaluation médicale par les agents de l'OFII au visa de l'article R 751-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Cass civ 1ère 15 décembre 2021 N° 20-17283

Il se déduit de ce texte que l'existence d'un état de vulnérabilité n'est pas intrinsèquement de nature à exclure un placement en rétention administrative dés lors que la mesure est compatible avec la prise en charge de la vulnérabilité de l'étranger.

L'évaluation de vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative est nécessairement succincte et principalement déclarative, les fonctionnaires de la police de l'air et des frontières n'ayant pas la possibilité de procéder à une évaluation approfondie de la situation personnelle et médicale de la personne en séjour irrégulier.

L'autorité préfectorale, qui n'est pas tenue de motiver sa décision sur l'ensemble de la situation de l'étranger, ne peut donc motiver sa décision à cet égard qu'en fonction des éléments de vulnérabilité déjà connus d'elle ou qui lui ont été présentés par l'étranger.

L'alinéa 2 de l'article ci dessus énonce des situations qui sont, de plein droit, constitutives d'un état de vulnérabilité et pour lesquelles l'autorité préfectorale est tenue, lorsqu'elle en a eu connaissance, de motiver en quoi le placement en rétention administrative n'est pas incompatible avec l'état spécifique de vulnérabilité prévu par l'alinéa 2 de l'article L 741-4 précité.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que :

"(...) Considérant qu'il ne ressort ni des déclarations de l'intéressé, ni des éléments qu'il a remis, que son état de santé s'opposerait à un placement en rétention ; qu'en tout état de cause, l'intéressé peut demander à consulter un médecin au centre de rétention administrative et se faire prodiguer des soins si cela s'avère nécessaire;

Considérant qu'il n'est pas établi que les conditions sanitaires actuelles soient de nature à empêcher le placement en rétention de l'intéressé ; qu'en effet, le centre de rétention administrative n'accueille plus qu'un nombre réduit de retenus répartis dans plusieurs unités séparées et comporte un service de santé; que des mesures ont été adoptées en lien avec les services médicaux pour faire respecter les règles sanitaires liées à la prévention; (...)"

Il en résulte que l'administration a motivé son arrêté, indépendamment de toute appréciation sur le fond.

Cependant, s'agissant de l'erreur d'appréciation quant à l'état de santé de l'intéressé, il ressort de la procédure, que lors d'une première audition par les services de police, le 26 novembre 2022, M. [N] [H] a déclaré qu'il n'avait pas de suivi médical en cours, qu'il avait des problèmes de drogues et qu'il avait eu beaucoup de problèmes lorsqu'il était jeune et qu'il consommait de l'" ERICA " médicament pour diabétique. Lors que sa seconde audition, le 4 janvier 2023, il a indiqué qu'il état malade et achetait ses médicaments tout seul et qu'il n'allait pas chez le médecin, et qu'il avait été suivi à l'hôpital de [Localité 2] par un psychologue ou un psychiatre, qu'il ne consommait pas de stupéfiant, qu'il ne supportait pas être séparé de sa femme.

Dans le cadre de la garde à vue, M. [N] [H] a été vue par un médecin qui a considéré que son état de santé était compatible avec la garde à vue, avec cependant nécessité d'une surveillance accrue, l'intéressé ayant tenté d'attenter à ses jours.

Si effectivement l'état de santé M. [N] [H] a été jugé compatible avec une garde à vue il y a quelques jours et qu'il a la possibilité de se faire soigner au Centre de Rétention, le certificat du Centre hospitalier de [Localité 2] en date du 4 décembre 2022 indique que : " l'état de santé de (Monsieur [H]) au moment de l'examen n'est pas compatible avec une mesure de rétention administrative '', il ressort de ces éléments que le comportement de M. [N] [H] caractérise un état de vulnérabilité et une fragilité psychologique avérée, qu'il a d'ailleurs été hospitallisé à L'EPSM de [Localité 3], ainsi qu'il ressort du procès-verbal du 10 janvier 2023, cette seule circonstance établissant que M. [N] [H] est en soins, démontre que son état de santé n'est pas compatible avec la rétention administrative.

Dès lors l'administration a commis une erreur d'appréciation quant à l'état de santé et de vulnérabilité de l'intéressé, l'arrêté de placement en rétention administrative pris le 5 janvier 2023 par la Préfète de l'Oise sera en conséquence déclaré irrégulier et la mesure de rétention levée.

L'ordonnance dont appel sera infirmée.

Sur la notification de la décision à M. [N] [H]

En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.

Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.

En l'absence de M. [N] [H] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d'un interprète.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE l'arrêté de placement en rétention administrative pris le 5 janvier 2023 par la Préfète de l'Oise à l'encontre de M. [N] [H] irrégulier ;

LÈVE la mesure de rétention administrative prise le 5 janvier 2023 par la Préfète de l'Oise à l'encontre de M. [N] [H] ;

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.

Véronique THÉRY,

greffière

Danielle THEBAUD,

conseillère

N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYX

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 53 DU 11 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le mercredi 11 janvier 2023 :

- M. [N] [H]

- l'interprète

- l'avocat de M. [N] [H]

- l'avocat de MME LA PREFETE DE L'OISE

- décision notifiée à M. [N] [H] le mercredi 11 janvier 2023

- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE L'OISE et à Maître Sebastien PETIT le mercredi 11 janvier 2023

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général :

- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le mercredi 11 janvier 2023

N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 23/00048
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;23.00048 ?
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