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05/01/2023 | FRANCE | N°22/02406

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 05 janvier 2023, 22/02406


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 05/01/2023





****



N° de MINUTE : 8/23

N° RG 22/02406 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UI7V



Ordonnance (N° 22/00278) rendue le 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTS



Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]



SA BPCE

Assurances agissant poursuites et diligences de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 8]



Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 05/01/2023

****

N° de MINUTE : 8/23

N° RG 22/02406 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UI7V

Ordonnance (N° 22/00278) rendue le 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]

SA BPCE Assurances agissant poursuites et diligences de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substituée par Me Franchi, assistée de Me Laurent Petreschi, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

Madame [O] [S]

née le [Date naissance 3] 1997 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me William Watel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois

[Adresse 1]

[Localité 6]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 17 août 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 19 octobre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 octobre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 14 novembre 2017, Mme [O] [S], alors qu'elle traversait un passage piéton à [Localité 4], a été percutée par le véhicule conduit par M.'[B] [U], assuré auprès de la société BPCE assurances (BPCE). A la suite de cet accident, elle a présenté une fracture alvéolo-dentaire impliquant un traitement par réduction de la fracture sous anesthésie locale et la pose d'une attelle de contention des dents n°14 à 23.

Par ordonnance de référé du 23 octobre 2018, le président du tribunal de grande instance de Lille a confié à Mme [M] [F] une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'évaluer le préjudice de Mme [S]. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 5 mars 2020 concluant à l'absence de consolidation de l'état de santé de la victime, et à la nécessité d'un nouvel examen dans un délai de douze à dix-huit mois.

Par actes du 10, 11 et 15 février 2022, Mme [S] a fait assigner M.'[U] et son assureur, la BPCE, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, afin notamment d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire, deux provisions de 10'000 euros à valoir sur la liquidation ultérieure de son préjudice, et une provision ad litem de 5'000 euros.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance de référé rendue le 5 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Lille a notamment :

1. renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

2. par provision, tous moyens des parties étant réservés, ordonné une mesure d'expertise médicale et commis pour y procéder Mme [M] [F], expert judiciaire inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Douai, avec mission habituelle notamment d'examiner la victime, décrire son état antérieur ainsi que son état de santé résultant du fait dommageable, et évaluer les préjudices imputables à l'accident ;

3. fixé à la somme de 1'000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devait être consignée par Mme [S] avant le 17 mai 2022 à la régie du tribunal ;

4. condamné solidairement M.'[U] et la BPCE à payer à titre provisionnel à Mme [S] chacun la somme de 5'000 euros, soit au total une somme de 10'000 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice ;

5. condamné solidairement M.'[U] et la BPCE à payer à Mme [S] chacun la somme de 1'000 euros, soit au total une somme de 2'000 euros, à titre de provision ad litem ;

6. condamné solidairement M.'[U] et la BPCE à payer à Mme [S] chacun la somme de 750 euros, soit au total une somme de 1'500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

7. condamné M.'[U] et la BPCE aux dépens ;

8. dit que l'ordonnance était commune à la CPAM de l'Artois ;

9. rappelé que l'ordonnance était exécutoire par provision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 16 mai 2022, M.'[U] et la BPCE ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en limitant la contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 2, 3, 4, 5, 6, 7, et 8 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 août 2022, M.'[U] et la BPCE demandent à la cour, au visa des articles 145 et 808 du code de procédure civile, et de la loi du 5 juillet 1985, de :

- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a :

ordonné une expertise et commis Mme [M] [F] pour y procéder ;

fixé tous les chefs de la mission d'expertise ;

condamné solidairement M.'[U] et la BPCE à payer à Mme [S] chacun la somme de 1'000 euros, soit au total une somme de 2'000 euros, à titre de provision ad litem ;

condamné solidairement M.'[U] et la BPCE à payer à Mme [S] chacun la somme de 750 euros, soit au total une somme de 1'500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M.'[U] et la BPCE aux dépens ;

statuant à nouveau,

- nommer tel médecin expert qu'il plaira à la cour, lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, et ce aux fins d'expertiser Mme [S] dans le cadre d'une expertise classique conforme à la nomenclature Dintilhac et notamment aux recommandations de l'association pour l'étude de la réparation du dommage corporel (AREDOC) pour les postes suivants, et lui confier la mission définie ci-après :

- Point 1 - Contact avec la victime : dans le respect des textes en vigueur, dans un délai minimum de 15 jours, informer par courrier Mme [S] de la date de l'examen médical auquel elle devra se présenter ;

- Point 2 - Dossier médical : se faire communiquer par la victime ou son représentant légal tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial, le ou les comptes-rendus d'hospitalisation, le dossier d'imagerie... ;

- Point 3 - Situation personnelle et professionnelle : prendre connaissance de l'identité de la victime'; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activités professionnelles, son statut exact'; préciser, s'il s'agit d'un enfant, d'un étudiant ou d'un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation ; s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, préciser son statut et/ou sa formation';

- Point 4 - Rappel des faits : à partir des déclarations de la victime (et de son entourage si nécessaire) et des documents médicaux fournis':

4.1. Relater les circonstances de l'accident ;

4.2. Décrire en détail les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution ;

4.3. Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (matérielle ou humaine), imputable à l'accident à l'origine de l'expertise, en préciser la nature, la fréquence et la durée ;

- Point 5 - Soins avant consolidation correspondant aux dépenses de santé actuelles (DSA) : décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates exactes d'hospitalisation avec, pour chaque période, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés ;

- Point 6 - Lésions initiales et évolution : dans le chapitre des commémoratifs et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l'origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution';

- Point 7 - Examens complémentaires : prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter';

- Point 8 - Doléances : recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime (et par son entourage si nécessaire) en lui faisant préciser notamment les conditions, date d'apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne, familiale, sociale...';

- Point 9 - Antécédents et état antérieur : dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s'ils constituent un état antérieur susceptible d'avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées';

- Point 10 - Examen clinique : procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ; retranscrire ces constatations dans le rapport ;

- Point 11 - Discussion :

11.1. Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité à l'accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l'examen clinique'; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l'incidence éventuelle d'un état antérieur';

11.2. Répondre ensuite aux points suivants';

- Point 12 - Les gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire (DFT) : que la victime exerce ou non une activité professionnelle,

' prendre en considération toutes les gênes temporaires subies par la victime dans la réalisation de ses activités habituelles à la suite de l'accident ; en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches domestiques, privation temporaire des activités privées ou d'agrément auxquelles se livre habituellement ou spécifiquement la victime, retentissement sur la vie sexuelle) ;

' en discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain ;

' en évaluer le caractère total ou partiel en précisant la durée et la classe pour chaque période retenue ;

'

- Point 13 - Arrêt temporaire des activités professionnelles constitutif des pertes de gains professionnels actuels (PGPA) : en cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise ; en discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution rapportées à l'activité exercée ;

- Point 14 - Souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation ;

Elles sont représentées par «'la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d'hospitalisations, à l'intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s'ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l'accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution »';

Elles s'évaluent selon l'échelle habituelle de 7 degrés ;

- Point 14 bis - Dommage esthétique temporaire constitutif d'une préjudice esthétique temporaire (PET) : dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire dissociable des souffrances endurées ou des gênes temporaires ; il correspond à «'l'altération de [son] apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers'»'; il convient alors d'en décrire la nature, la localisation, l'étendue et l'intensité et d'en déterminer la duré ;

- Point 15 - Consolidation : fixer la date de consolidation qui se définit comme «'le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n 'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il devient possible d'apprécier l'existence éventuelle d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (AIPP)'»';

- Point 16 - Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (AIPP) constitutive du déficit fonctionnel permanent (DFP) : décrire les séquelles imputables, fixer par référence à la dernière édition du « Barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun », publié par le Concours Médical, le taux éventuel résultant d'une ou plusieurs atteinte(s) permanente(s) à l'intégrité physique et psychique (AIPP) persistant au moment de la consolidation, constitutif d'un déficit fonctionnel permanent ;

L'AIPP se définit comme «'la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié, complété par l'étude des examens complémentaires produits ; à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours »';

'

- Point 17 - Dommage esthétique constitutif du préjudice esthétique permanent (PEP) : «'ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage ; ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important)'»'; donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident'; l'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique ;

- Point 18.1 - Répercussions des séquelles sur les activités professionnelles constitutives des pertes de gains professionnels futurs (PGPF), de l'incidence professionnelle (IP), d'un préjudice scolaire, universitaire et de formation (PSUP) : en cas de répercussion dans l'exercice des activités professionnelles de la victime ou d'une modification de la formation prévue ou de son abandon (s'il s'agit d'un écolier, d'un étudiant ou d'un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues ; se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif ;

- Point 18.2 - Répercussions des séquelles sur les activités d'agrément constitutives d'un préjudice d'agrément (PA) : en cas de répercussion dans l'exercice des activités spécifiques sportives ou de loisirs de la victime effectivement pratiquées antérieurement à l'accident, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues ; se prononcer sur l'impossibilité de pratiquer l'activité, sur son caractère direct et certain et son aspect définitif ;

Point 18.3 - Répercussions des séquelles sur les activités sexuelles constitutives d'un préjudice sexuel (PS) : en cas de répercussion dans la vie sexuelle de la victime, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues ; se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif ;

- Point 19 - Soins médicaux après consolidation et frais futurs correspondant aux dépenses de santé futures (DSF)': se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d'appareil1age ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l'état séquellaire'; justifier l'imputabilité des soins à l'accident en cause en précisant s'il s'agit de frais occasionnels, c'est-à-dire limités dans le temps, ou de frais viagers, c'est-à-dire engagés la vie durant';

'

- Point 20 - Conclusions': conclure en rappelant la date de l'accident, la date et le lieu de l'examen, la date de consolidation et l'évaluation médico-légale retenue pour les points 12 à 19 ;

- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- juger que chaque partie conservera à sa charge les dépens.

'

A l'appui de leurs prétentions, M.'[U] et la BPCE font valoir que :

- ils contestent la rédaction de la mission d'expertise telle que retenue par le premier juge et s'appuyant sur les recommandations de l'antenne nationale de documentation sur le dommage corporel (ANADOC) ;

- seule la nomenclature Dintilhac fait aujourd'hui consensus, et la mission d'expertise élaborée par l'ANADOC modifie considérablement la définition de certains postes de préjudices, et aboutit à rompre avec l'équilibre juridique découlant de ladite nomenclature ;

- la mission élaborée par l'ANADOC fragmente certains postes de préjudices et conduit une augmentation voire une double indemnisation de certains d'entre eux ;

- la mission élaborée par l'ANADOC n'a fait l'objet d'aucune discussion ni d'aucune publication dans des revus spécialisées, médicales ou juridiques, et s'avère exclusivement le fruit d'une réflexion unilatérale de l'association nationale des médecins-conseils de victimes d'accident avec dommage corporel (ANAMEVA), secondée par l'association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI) ;

- il convient davantage de retenir une mission d'expertise conforme à la nomenclature Dintilhac ;

- le but poursuivi par la mission ANADOC est d'obtenir un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes, et de parvenir ainsi à obtenir l'indemnisation d'un préjudice sexuel temporaire ou d'un préjudice d'agrément temporaire, lesquels ne sont pas aujourd'hui des postes autonomes ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle, l'expert ne peut se prononcer sur le point de savoir si les activités professionnelles de la victime sont rendues plus difficiles ou impossibles, cette question étant future et incertaine ;

- s'agissant du préjudice d'agrément, il importe que l'expert interroge la victime sur les activités qu'elle pratiquait avant l'accident, et non sur celles qu'elle était susceptible de découvrir plus tard, l'appréciation de ce préjudice exigeant la pratique d'une activité antérieure spécifique ;

- l'atteinte éventuelle à la fertilité doit être indemnisée au titre du préjudice d'établissement et non du préjudice sexuel ;

- l'appréciation du préjudice d'établissement échappe totalement à l'avis du médecin expert qui doit exclusivement se prononcer sur l'importance des séquelles fonctionnelles de tous ordres, ou des atteintes esthétiques permanentes ;

- il y a lieu d'ordonner une mission d'expertise médicale de type AREDOC ;

- Mme [S] doit disposer d'une protection juridique de la part de son assureur qui prend en charge les frais du procès.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 9 septembre 2022, Mme [S], intimée, demande à la cour, au visa des articles 12, 145 et 808 du code de procédure civile, de :

- débouter la BPCE de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions ;

- condamner la BPCE au paiement de la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Mme [S] fait valoir que :

- les appelants entendent critiquer la mission d'expertise adoptée par le juge des référés parce qu'elle pourrait s'avérer trop favorable à la victime ;

- l'AREDOC, organisme proche des assureurs, cherche à imposer ses propres modèles de mission d'expertise, et la BPCE tente de faire écarter les missions élaborées par les organismes favorables aux victimes dans le but exclusif de minorer l'indemnisation servie aux victimes ;

- la nomenclature Dintilhac n'est qu'un outil au service des juridictions, et ne s'impose pas au juge du fond qui conserve son entier pouvoir d'appréciation ;

- la juridiction n'est jamais tenue par les conclusions de l'expert, et peut rejeter un poste si elle estime qu'il y aurait double indemnisation ;

- la mission précise et détaillée adoptée par le premier juge apparaît de nature à apporter le maximum d'informations permettant d'évaluer les préjudices ;

- elle est étrangère au présent litige qui résulte de l'opposition existant entre les assureurs et les organismes concourant à l'amélioration de l'indemnisation des faits accidentels.

4.3. La CPAM de l'Artois, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 3 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mission d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

En l'espèce, M.'[U] et la BPCE ne contestent pas l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction ordonnée, laquelle doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée.

Ils entendent contester la mission d'expertise telle qu'elle a été rédigée par le juge des référés, dans la mesure où ils considèrent qu'une telle rédaction modifie la définition de certains postes de préjudices, peut conduire à une double indemnisation de la victime, et privilégie en définitive les intérêts de celle-ci.

Sur ce, la cour rappelle que la nomenclature des préjudices élaborée par le groupe de travail dirigé par [J] [G] n'a pas de valeur réglementaire, mais permet d'harmoniser la méthode d'indemnisation du préjudice corporel entre les professionnels du droit et de la médecine ; il s'ensuit qu'elle n'est pas limitative, et que le juge peut choisir d'indemniser des postes de préjudices qui n'y sont pas répertoriés. En définitive, cette nomenclature constitue un simple outil de référence au service des justiciables, magistrats, avocats, tiers payeurs, assureurs, experts et professionnels de santé.

Il est indifférent que la mission ordonnée par le juge puisse s'inspirer davantage des recommandations de l'ANADOC plutôt que de celles de l'AREDOC, ce qui n'est au demeurant nullement démontré en l'espèce, dès lors que celui-ci n'est jamais lié par les conclusions de l'expert qu'il reste libre d'apprécier et d'interpréter en fonction de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis.

En l'espèce, la mission précise et détaillée, confiée à l'expert par le juge des référés, permet en tout état de cause d'apprécier le préjudice dans l'ensemble de ses composantes et selon la définition des postes communément retenus par la jurisprudence de la cour, et de le réparer de façon pleine et entière, sans qu'il soit démontré que cela ne conduise nécessairement à une double indemnisation de la victime.

En conséquence, les appelants seront purement et simplement déboutés de leur demande tendant à voir modifier la rédaction de la mission d'expertise confiée à Mme [M] [F].

L'ordonnance dont appel sera confirmée à ce titre.

Sur la provision à valoir sur la liquidation du préjudice

M.'[U] et la BPCE ne contestent pas, dans l'argumentaire de leurs dernières écritures, l'ordonnance dont appel en ce qu'elle les a condamnés solidairement à payer à titre provisionnel à Mme [S] chacun la somme de 5'000 euros, soit au total une somme de 10'000 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice.

Sur la provision ad litem

Aucune disposition ne limite ou n'exclut le pouvoir du juge des référés d'allouer une provision pour le procès, sur le fondement de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dès lors que l'obligation n'est pas sérieusement contestable. En outre, l'allocation d'une telle provision ad litem n'est pas subordonnée à la preuve de l'impécuniosité de la partie qui en sollicite l'attribution.

Contrairement aux allégations des appelants, rien ne vient démontrer que Mme [S] bénéficierait d'une garantie protection juridique pour couvrir ses frais pour le procès.

En l'espèce, M.'[U] et la BPCE ne contestent pas le principe d'une responsabilité et d'une garantie des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme [S], alors que l'expertise ordonnée n'a pour but que de déterminer le montant exact de la créance due à cette victime.

Outre le montant de la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert, le premier juge a pu exactement intégrer dans les frais pour le procès l'assistance d'un conseil au cours des opérations d'expertise pour fixer à 2'000 euros au total le montant non contestable de la provision ad litem dont Mme [S] doit bénéficier.

L'ordonnance dont appel sera confirmée sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer l'ordonnance critiquée sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [U] et la BPCE qui succombent seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à Mme [S] une indemnité de procédure d'appel d'un montant de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 5 avril 2022 par le président du tribunal judiciaire de Lille';

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne M.'[B] [U] et la société BPCE assurances aux dépens d'appel ;

Condamne en outre la société BPCE assurances à payer à Mme [O] [S] la somme de 2'500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur demande indemnitaire à cette fin.

Le greffier

Fabienne Dufossé

Le président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02406
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;22.02406 ?
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