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05/01/2023 | FRANCE | N°22/00632

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 05 janvier 2023, 22/00632


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 05/01/2023



****



N° de MINUTE : 23/06

N° RG 22/00632 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UDAX



Jugement (N° 14/02231) rendu le 04 Juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Senlis

Arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la Cour de cassation

Arrêt rendu le 3 février 2022 par la Cour de cassation





DEMANDERES

SE A LA DECLARATION DE SAISINE



Société SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]


...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 05/01/2023

****

N° de MINUTE : 23/06

N° RG 22/00632 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UDAX

Jugement (N° 14/02231) rendu le 04 Juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Senlis

Arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la Cour de cassation

Arrêt rendu le 3 février 2022 par la Cour de cassation

DEMANDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE

Société SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Delphine Aberlen, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DEFENDERESSES A LA DECLARATION DE SAISINE

Société Mutuelle Assurance des Instituteurs de France- MAIF agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Thierry Lorthiois, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Klein, avocat au barreau de Lille

SAS Entreprise Coudert représentée par M. [Z] [G], domicilié [Adresse 3], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société Entreprise Coudert, radiée du RCS le 21/09/18

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Défaillante, à qui la déclaration de saisine a été signifiée le 28 mars 2022 à personne

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 20 octobre 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 septembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

L'association départementale pour les handicapés physiques (ADHP) a fait procéder à des travaux dans des locaux lui appartenant, dans lesquels un incendie s'est déclaré le 11 mai 2011, détruisant le bâtiment en cours de construction et endommageant le bâtiment existant.

La société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) a procédé à une indemnisation, au titre d'une assurance dite « tous risques chantier ».

Par actes du 10 et 14 novembre 2014, elle a fait assigner la société Entreprise Coudert et son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) devant le tribunal de grande instance de Senlis, pour obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 2 028 025,50 euros en principal.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 4 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Senlis a :

débouté la société Entreprise Coudert et la SMABTP de leur demande de sommation de communiquer ;

condamné in solidum la société Entreprise Coudert et la SMABTP à payer à la MAIF la somme de 2 028 025,50 euros, portant intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2014 ;

dit que la condamnation de la SMABTP interviendrait dans les limites de ses garanties contractuelles ;

condamné in solidum la société Entreprise Coudert et la SMABTP à payer à la MAIF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties ;

condamné in solidum la société Entreprise Coudert et la SMABTP aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL SDBM ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 12 septembre 2017, la société Entreprise Coudert et la SMABTP ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. La procédure :

Par arrêt du 12 novembre 2019, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement querellé, laissé les dépens d'appel à la charge de la SMABTP, et débouté celle-ci de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 22 juin 2020, la société entreprise Coudert ayant été placée en liquidation judiciaire, le président du tribunal de commerce de Compiègne a désigné Maître [Z] [G] en qualité d'administrateur ad hoc lui confiant pour mission de représenter celle-ci dans l'instance opposant son assureur, la SMABTP, à la MAIF devant la Cour de cassation, et pour toutes les suites de cette instance jusqu'à l'extinction de toutes les voies de recours.

Par arrêt du 4 novembre 2021, ensemble l'arrêt en rectification d'erreur matérielle du 3 février 2022, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 entre les parties par la cour d'appel d'Amiens, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai.

La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel n'avait pas satisfait à son obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui était soumis, faute pour elle d'avoir répondu aux conclusions de la SMABTP, qui développait dans les motifs un moyen au soutien de la prétention d'irrecevabilité figurant dans le dispositif de celles-ci.

Par déclaration au greffe enregistrée le 7 février 2022, la SMABTP a saisi la cour d'appel de Douai du renvoi après cassation.

5. Les prétentions et moyens des parties :

5.1 Aux termes de dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2022, la SMABTP, appelante, à la cour, au visa des articles L. 112-2, R. 112-3, L. 121-12, L. 112-6 du code des assurances, 1251 3° du code civil, 122 du code de procédure civile, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué et, statuant à nouveau, de :

« - juger que la police « tous risques chantier » n'a été valablement proposée et émise que pour la seule garantie des dommages aux existants, et dans la limite d'un plafond de 150 000 euros, à l'exclusion de toutes autres garanties non préalablement définies et acceptées par le souscripteur ;

- juger que les conditions particulières et générales communiquées postérieurement à la rencontre des volontés ne peuvent fonder l'action et les demandes de la

MAIF ;

- juger en conséquence que, faute d'avoir pu justifier que les indemnités qu'elle aurait versées entraient dans le champ d'application de ses garanties, la MAIF est tant irrecevable que mal fondée à exercer une quelconque action subrogatoire ou récursoire ;

- en conséquence, faute d'avoir justifié de sa qualité pour agir, juger et déclarer la MAIF, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, irrecevable en l'intégralité de ses prétentions ;

- réformer le jugement entrepris ;

- en conséquence et faute pour la MAIF de pouvoir justifier des modalités d'application de sa garantie au titre des dommages à l'ouvrage et du plafond de la garantie émise de ce chef, juger et déclarer la MAIF irrecevable et mal fondée en ses prétentions au titre des sommes qu'elle a réglées ;

- juger au surplus que la MAIF ne justifie que dans la limite de la somme de 150 000 euros correspondant au plafond des dommages aux existants, avoir réglé une indemnité correspondant à la garantie effectivement souscrite, par l'effet de la pollicitation ;

- en conséquence, la déclarer irrecevable à plus prétendre ;

- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- réformer le jugement entrepris ;

Très subsidiairement et pour le cas où par extraordinaire la cour croirait devoir retenir que les conditions générales de la police doivent recevoir application,

- juger que la société Entreprise Coudert ayant la qualité d'assuré, au sens de l'article 1.2 de la police, la MAIF ne dispose d'aucune action à son encontre ;

- juger au surplus que l'action subrogatoire définie par l'article 34 des conditions générales de la police « tous risques chantier » la limite en direction des seuls tiers au contrat d'assurance, ce que n'est d'évidence pas la société Entreprise Coudert qui dispose de la qualité d'assuré ;

- juger et déclarer en conséquence la MAIF irrecevable et par là totalement mal fondée en ses demandes et actions ;

- infirmer et réformer le jugement rendu ;

En conséquence et en cette hypothèse pour le cas où par extraordinaire la cour croirait devoir retenir que les conditions générales auxquelles la MAIF fait référence devraient recevoir application,

- déclarer et juger la MAIF irrecevable et par là même mal-fondée en toute action à l'encontre la société Entreprise Coudert aujourd'hui radiée du RCS après dissolution le 21 septembre 2018 ;

- juger et déclarer dans les mêmes termes et conditions la MAIF irrecevable et mal fondée à agir [contre elle], assureur responsabilité civile de la société Entreprise Coudert, cette dernière ne répondant pas à la définition des « tiers » telle que visée dans le contrat invoqué par la MAIF ;

- débouter par voie de conséquence la MAIF de l'intégralité de ses demandes et actions dirigées [contre elle], l'assureur ne pouvant exercer un recours subrogatoire à l'encontre de son propre assuré ;

- infirmer et réformer le jugement rendu ;

Vu 1'infirmation du jugement critiqué, en toutes ses dispositions,

- condamner la MAIF à [lui] payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner en outre la MAIF aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction pour ceux [la] concernant au profit de Maître Marie-Hélène Laurent, qui en opérera le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la demande d'infirmation du jugement critiqué, alors elle voudra bien, en tout état de cause et à défaut,

- juger qu'[elle] ne peut être tenue que dans les limites contractuelles définies par sa police (franchise et plafond), confirmant sur ce point le jugement entrepris ;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'[il l'a] déclarée bien fondée à opposer ses limites contractuelles et en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts à compter de l'assignation de la MAIF ;

et, y ajoutant et précisant,

- juger qu'au regard des garanties souscrites auprès [d'elle], et [vu les] plafonds et franchises opposables, elle ne sera pas tenue au-delà de ses limites contractuelles fixées à :

- 1 830 000 euros au titre des dommages matériels,

- sous déduction de la franchise d'un montant de 924 euros,

- l'exclusion de toute autre garantie ;

- rejeter en conséquence toutes demandes plus amples ou contraires de la

MAIF ;

Enfin,

- confirmer alors le jugement rendu en ce qu'il a rejeté les demandes plus amples et contraires aux termes de ce jugement telles que présentées par la MAIF ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie-Hélène Laurent conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

A l'appui de ses prétentions, la SMABTP fait valoir que :

- la MAIF, qui se prétend subrogée dans les droits de l'ADHP au titre d'une garantie tous risques chantier, a diligenté une action contre la société Entreprise Coudert à l'origine de l'incendie à la suite de travaux au chalumeau dans le local technique ;

- les seuls documents contractuels établissant la rencontre de volontés entre les parties sont constitués par l'offre du 25 novembre 2010 émanant de la MAIF et l'accord d'ADHP du 7 janvier 2011 ;

- le document non signé, intitulé « conditions particulières du contrat », n'a fait l'objet d'aucun agrément du souscripteur de la police, ne fait aucune référence aux conditions générales, et ne précise ni les plafonds de garantie ni le montant des franchises ;

- la MAIF, par la production de ce seul document non contractuel, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ses qualités et droits à agir ;

- la société Entreprise Coudert intervenant sur le chantier avait la qualité d'assurée en vertu de l'article A-1-2 des conditions générales ;

- la MAIF a réglé des indemnités sans supports contractuels financiers opposables puisque non définis par son propre contrat en dehors de la seule garantie des dommages aux existants ;

- la MAIF se trouve dans l'impossibilité de justifier avoir réglé l'ensemble des indemnités par application d'un contrat valablement constitué et signé entre les parties, de sorte que l'indemnité de 2 028 025,50 euros ne peut bénéficier ni de la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances, ni de la subrogation conventionnelle prévue aux articles 1250 et suivants du code civil ; - il n'est pas possible pour un assureur de dommages d'exercer un recours en responsabilité contre celui pour lequel sa garantie dommage a été mobilisée, et donc de rechercher la responsabilité de son propre assuré ;

- en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société Entreprise Coudert, elle n'est pas au sens de l'article 34 des conditions générales, un tiers qui a, par son fait, causé le dommage ayant donné lieu au paiement par la MAIF.

5.2 Aux termes de dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2022, la MAIF, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles L. 112-1, L. 112-4, L. 121-12, L. 124-3 du code des assurances, 1251 3° du code civil, de confirmer le jugement critiqué, sauf en ce qu'il a dit que la condamnation de la SMABTP interviendrait dans les limites de ses garanties contractuelles, le réformer sur ce point et, statuant à nouveau de ce chef, de :

« Vu l'absence de justificatif du plafond de garantie revalorisé au jour du sinistre et ainsi des limites des garanties contractuelles de la SMABTP,

- fixer le montant des indemnités servies à la somme de 2 028 025,50 euros ;

en conséquence,

- condamner la SMABTP à lui payer la somme de 2 028 025,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2014, faute pour elle de justifier du plafond de garantie revalorisé au jour du sinistre ;

- subsidiairement, limiter le montant de la franchise revalorisée à la somme de 924 euros et condamner la SMABTP à lui payer la somme de 2 027 101,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2014, faute pour elle de justifier du plafond de garantie revalorisé au jour du sinistre ;

en toute hypothèse,

- débouter la SMABTP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SMABTP à lui payer la somme de 18 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SMABTP aux entiers dépens de l'instance, et autoriser Maître [C] [F] à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu de provision, conformément aux dispositions de l'article 696 et 699 du code de procédure civile. »

A l'appui de prétentions, la MAIF fait valoir que :

- la garantie « tous risques chantier » souscrite par l'ADHP auprès d'elle avait pour objet de couvrir tous les dommages de caractère accidentel, tels les catastrophes naturelles, effondrement, incendie, vol, dégâts des eaux, tempête, grêle, vandalisme, affectant l'ouvrage, ainsi que les matériaux et équipements se trouvant sur le chantier et destinés à être incorporés à l'ouvrage durant les travaux ;

- les dispositions d'ordre public de l'article L. 112-2 du code des assurances, en vertu desquelles l'assureur doit avant la conclusion du contrat fournir à l'assuré une fiche d'information sur le prix et les garanties et un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, imposent un formalisme purement informatif et ne sont pas exigées pour la validité du contrat d'assurance, qui est un contrat consensuel qui devient parfait dès la rencontre des volontés entre l'assureur et son assuré ;

- les tiers ne peuvent invoquer un manquement à ces dispositions qui tendent à protéger l'assuré pour échapper à leurs obligations pécuniaires dans le cadre d'un recours exercé par l'assureur ayant versé l'indemnité d'assurance ;

- à l'époque de la souscription du contrat en janvier 2011, l'opposabilité à l'assuré des conditions générales et particulières d'une police d'assurance était conditionnée non à leur ratification, mais à la justification de ce que l'assureur avait porté à la connaissance de son assuré lesdits documents avant la survenance du sinistre ;

- elle justifie du contenu de la police « tous risques chantier » souscrite par l'ADHP dans le cadre de l'opération de réhabilitation et d'extension de son foyer de vie, ledit contenu étant défini par les conditions particulières n°4695.10 à effet au 17 janvier 2011, et les conditions générales établies en juillet 2009 en vigueur à la date de prise d'effet du contrat ;

- elle justifie avoir procédé au règlement des indemnités auxquelles elle était contractuellement tenue, à savoir :

- 1 244 290,62 euros à la Caisse d'épargne, prêteur de deniers dans le cadre du financement de l'opération ;

- 723 509,46 euros au Crédit foncier, également prêteur de deniers dans le même cadre ;

- 3 412,19 euros à la société CNPP entreprise, expert ayant réalisé des investigations techniques ;

- 1 506,96 euros à la société Arcade, qui a assuré la mise en sécurité et le bâchage du site à la suite de l'incendie ;

- 16 269,19 euros à la société Tridon en remboursement de ses matériaux détruits dans l'incendie ;

- 9 575 euros à la société Menuiserie du moulin en remboursement de ses matériaux détruits dans l'incendie ;

- elle a également réglé à l'ADHP la somme de 29 462,08 euros correspondant au coût du sinistre, déduction faite des sommes réglées directement entre les mains des délégataires précités, des sociétés Tridon et Menuiserie du moulin, et de la franchise contractuelle de 3 100 euros ;

- les quittances subrogatives qu'elle verse au débat manifestent expressément la volonté des créanciers des indemnités d'assurance de la subroger dans leurs droits contre tous tiers tenus à réparation ;

- compte tenu de la nature des garanties souscrites, la société Entreprise Coudert n'était susceptible de revendiquer la qualité d'assurée qu'au seul titre des dommages qui auraient pu être causés aux matériaux et équipements dont elle était propriétaire, se trouvant sur le chantier, et destinés à être incorporés à l'ouvrage et endommagés par l'incendie ;

- l'assurance « tous risques chantier » est une assurance de choses et non une assurance de responsabilité ;

- la société Entreprise Coudert n'a la qualité d'assurée que dans la limite des garanties qui ont été souscrites pour son compte par le maître de l'ouvrage ;

- le contrat « tous risques chantier » comportant à l'article 34 des conditions générales une clause de recours subrogatoire contre l'intervenant responsable, elle est fondée à exercer son recours subrogatoire contre la société Entreprise Coudert et son assureur de responsabilité civile professionnelle ;

- l'article 1.2 de ses conditions générales prévoit que les assurés ont la qualité de tiers entre eux ;

- elle n'a jamais garanti la société Entreprise Coudert au titre des dommages occasionnés du fait des travaux qu'elle exécutait sur le chantier ;

- elle n'a jamais renoncé à recourir contre les tiers responsables et leurs assureurs en responsabilité civile, mais a au contraire prévu expressément cette faculté de recours à l'article 34 de ses conditions générales, en ce compris contre les intervenants à l'acte de construire ;

- les dommages ont été fixés suivant rapport d'expertise définitif établi le 23 avril 2012, non au titre des existants qui ont seulement été altérés par les fumées, mais au titre de la destruction complète de l'extension en construction.

5.3 La société Entreprise Coudert, intimée, représentée par Maître [Z] [G] en sa qualité de mandataire ad hoc, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les « dire et juger », « déclarer » et « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

 

I - Sur la recevabilité de l'action subrogatoire de l'assureur MAIF

La SMABTP soutient que la MAIF ne justifie pas que les indemnités versées à son assurée entraient dans le champ d'application de ses garanties et par conséquent, qu'elle n'avait pas qualité pour exercer une quelconque action subrogatoire contre elle.

Sur l'existence et le contenu du contrat d'assurance

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le contrat d'assurance étant un contrat consensuel, parfait dès la rencontre des volontés de l'assureur et de l'assuré, il incombe à la MAIF d'établir la réalité de la rencontre des volontés avec l'ADHP.

En l'espèce, le 22 novembre 2010, l'ADHP a adressé à la MAIF un courriel par lequel elle sollicitait un devis concernant une assurance "tous risques chantier" pour sa construction.

La MAIF lui a communiqué, le 25 novembre 2010, une proposition de tarification référencée 4695.10 - 3545349 J intitulée "Extension - Réhabilitation foyer de vie à [Localité 5]", et libellée comme suit :

Tous risques chantier avec volet « dommages aux existants »

taux HT 0.16% (TTC 0.179776%) - cotisation TTC 4 999,56 euros

franchise 3 100 euros

garantie « dommages aux existants » plafonnée à 150 000 euros TTC épuisables

Le courriel précisait en outre que le taux proposé s'appliquait au coût prévisionnel TTC de l'opération, soit 2 780 994,88 euros, honoraires des intervenants techniques inclus, et comportait en pièce jointe une notice d'information sur la garantie "tous risques chantier", laquelle stipulait que la garantie de base comprenait l'assurance de dommages matériels à l'ouvrage en cours de construction ou de rénovation, et que cette garantie couvrait tous les dommages de caractère accidentel (catastrophes naturelles, effondrement, incendie, vol, dégâts des eaux, tempête, grêle, vandalisme...), affectant l'ouvrage ainsi que les matériaux et équipements se trouvant sur le chantier et destinés à être incorporés à l'ouvrage.

Par lettre du 7 janvier 2011, l'ADHP a écrit à la MAIF qu'elle lui retournait le "bon pour accord" dûment signé et joignait à son envoi un chèque émis le 6 janvier 2011 d'un montant de 4 999,56 euros, correspondant au montant de la cotisation pour régler sa demande d'assurance « tous risques chantier ».

Par lettre du 20 janvier 2011, la MAIF a confirmé à l'ADHP l'enregistrement du contrat "tous risques chantier - maintenance-visite" concernant les travaux d'extension et de réaménagement du foyer de vie et déclaré lui adresser, outre la facture du 20 janvier 2011 correspondant au règlement de la cotisation, les conditions particulières et les conditions générales de la police.

Si elles n'ont pas été signées par les cocontractants, les conditions particulières du contrat n°4695.10 « tous risques chantier maintenance visite des collectivités » souscrit avec effet au 17 janvier 2011 prévoyaient pour autant d'assurer l'extension et le réaménagement du foyer de vie l'Etincelle ADHP à [Localité 5] exactement dans les mêmes termes et aux mêmes conditions que la proposition d'assurance initiale faite le 25 novembre 2010, l'assurée ayant d'ailleurs manifesté son acceptation pleine et entière en réglant sa cotisation, dès lors qu'elles retenaient une date d'ouverture du chantier le 1er avril 2010 et une date prévisionnelle de fin de chantier en août 2011, un coût total TTC de l'opération de construction de 2 780 994,88 euros, une franchise de 3 100 euros TTC par sinistre, et incluaient une garantie « dommages aux existants »plafonnée à 150 000 euros TTC épuisables,

L'article 11 des conditions générales précise que les garanties s'exercent à concurrence des montants et sous déduction des franchises fixées aux conditions particulières.

Les cocontractantes ont ainsi suffisamment défini l'objet, le périmètre, les modalités d'application et les plafonds contractuels de garanties tant de la garantie de base « tous risques chantier » que de la garantie optionnelle « dommages aux existants », que l'ADHP souhaitait souscrire et que la MAIF acceptait de mettre en 'uvre.

En effet, la garantie de base « dommages matériels à l'ouvrage », définie à l'article 16 des conditions générales, couvre les pertes ou dommages matériels de caractère accidentel atteignant les biens suivants se trouvant sur les lieux du chantier et appartenant à l'assuré ou dont il a la garde : l'ouvrage objet du marché spécifié aux conditions particulières ; l'ouvrage provisoire prévu à ce marché ou nécessaire à son exécution ; les matériaux, matériels et équipements destinés à être incorporés à l'ouvrage et à devenir immeuble par destination.

Si les conditions particulières ont été souscrites sans mention expresse d'un plafond contractuel pour la garantie de base, il reste pour autant, s'agissant d'une assurance de dommages souscrite en fonction de la valeur indemnitaire des biens assurés, qu'elles font précisément référence au coût total TTC de l'ouvrage neuf à hauteur de 2 780 944,88 euros, lequel constitue le plafond contractuel de la garantie de base souscrite, et ce sans qu'il soit besoin d'interpréter les clauses du contrat.

En conséquence, il se déduit suffisamment de l'échange des courriels et de l'envoi des documents contractuels la commune intention de l'ADHP et de la MAIF, et l'accord parfait intervenu entre elles sur l'existence et le contenu du contrat d'assurance, peu important que celles-ci n'en aient pas signé les conditions générales et particulières.

Dès lors, la MAIF est parfaitement recevable à agir en justice au titre du contrat d'assurance dont elle se prévaut.

Sur la validité de la subrogation

Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Ce recours subrogatoire légal spécial est institué au profit de l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance et s'exerce quel que ce soit le fondement de l'action en responsabilité à caractère indemnitaire.

Pour bénéficier de la subrogation légale à hauteur de l'indemnité versée à son assuré, l'assureur doit établir :

- d'une part qu'il a payé préalablement l'indemnité, la preuve d'un tel paiement étant libre ; à cet égard, l'exigence formelle d'une quittance signée par l'assuré n'est pas requise pour établir un tel fait ;

- et d'autre part que l'indemnité a été payée en vertu du contrat d'assurance.

La production de la police d'assurance et des justificatifs de paiement effectif suffit à démontrer l'indemnisation par l'assureur de son assuré et la subrogation légale dans les droits de celui-ci.

L'article L. 121-12 précité n'exige pas toutefois que le paiement ait été effectué entre les mains de l'assuré, mais il peut avoir été effectué entre les mains d'un tiers qui a réparé le dommage.

En l'espèce, l'article 34 en page 15 des conditions générales prévoit que conformément aux dispositions légales en vigueur, la mutuelle qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogée jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers, y compris les intervenants à l'acte de construire qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu au paiement.

Il a été précédemment démontré que l'indemnisation versée par la MAIF est, d'une part, intervenue en exécution du contrat d'assurance souscrit par l'ADHP.

Il s'observe, d'autre part, que la MAIF justifie des paiements qu'elle a effectués entre les mains de tiers, de délégataires, outre de son assurée, à la suite du sinistre incendie survenu le 11 mai 2011, en produisant les quittances subrogatives matérialisant ces règlements, lesquelles seront analysées plus avant par la cour.

En définitive, contrairement à ce que soutient la SMABTP, la MAIF établit que les conditions de sa subrogation légale dans les droits et actions de son assurée sont suffisamment réunies, pour justifier de sa qualité à exercer une action subrogatoire contre l'assureur du responsable du sinistre, sans qu'il soit nécessaire au surplus d'examiner les conditions d'une subrogation conventionnelle.

La SMABTP sera déboutée de sa fin de non-recevoir tendant à voir déclarer la MAIF irrecevable en son recours subrogatoire faute de qualité à agir.

II - Sur le bien fondé de l'action subrogatoire de la MAIF

En l'espèce, la société Entreprise Coudert n'a jamais contesté être à l'origine de l'incendie qui s'est déclaré dans le local technique du bâtiment en chantier, alors que son salarié effectuait des travaux de soudure sur canalisation acier, et avoir ainsi causé le dommage subi par l'ADHP dans le cadre de l'exécution du lot « chauffage et plomberie » qui lui avait été confié. Elle ne conteste pas davantage l'existence ni le contenu de la police en exécution de laquelle la MAIF a versé au maître d'ouvrage une indemnité d'assurance de 2 028 025,50 euros à la suite de ce sinistre, dont elle a été tenue entièrement responsable.

En outre, la SMABTP admet être l'assureur responsabilité civile de la société de travaux, responsable du dommage.

Il appartient à l'assureur MAIF qui a réglé l'indemnité d'assurance de justifier que les règlements qu'il a effectués correspondent bien aux obligations contractuelles qu'il a stipulées à l'égard du souscripteur de la police et de toute personne ayant la qualité d'assuré.

Sur le plafond des garanties souscrites auprès de la MAIF

Comme la cour l'a précédemment rappelé, le plafond contractuel de la garantie de base souscrite correspondait à la valeur indemnitaire du bien assuré, lequel s'élevait au coût prévisionnel TTC de l'ouvrage neuf, soit 2 780 994,88 euros, honoraires des intervenants techniques inclus.

Seul le plafond de la garantie « dommages aux existants » était contractuellement limité à la somme de 150 000 euros TTC épuisables. Suivant la page 11 des conditions générales, il s'agissait d'une garantie optionnelle destinée à garantir tous dommages de caractère accidentel subis par les biens immobiliers situés sur ou à proximité immédiate du chantier, appartenant au maître d'ouvrage, et ne faisant pas l'objet du marché, pendant et du fait de l'exécution des travaux neufs et résultant de maladresse, négligence ou malveillance de toute personne agissant pour le compte des entreprises, à l'exception des propres défauts des ouvrages existants.

La MAIF a procédé au règlement des indemnités auxquelles elle était contractuellement tenue en exécution et dans les limites de la police « tous risques chantier » et de la garantie optionnelle « dommages aux existants », souscrites par l'ADHP.

Sur la qualité d'assurée de la société Entreprise Coudert au titre de la garantie « tous risques chantier »

Aux termes des article 1.2 et 1.3 des conditions générales, l'assuré est défini comme le sociétaire, le maître d'ouvrage, le maître d''uvre ou toute entreprise, y compris les sous-traitants participants à la réalisation de l'ouvrage sur le

chantier ; les assurés ont la qualité de tiers entre eux.

Le tiers est toute personne autre que l'assuré.

Seules les sociétés Tridon et Menuiseries du moulin ont sollicité la mise en jeu de la garantie de base couvrant les dommages subis par leurs matériaux sur le chantier.

La société Entreprise Coudert en sa qualité d'assurée n'était susceptible de revendiquer que l'indemnisation des dommages qui auraient pu être causés aux matériaux et équipements, dont elle était propriétaire, et qui se trouvaient sur le chantier, destinés à être incorporés à l'ouvrage et endommagés par le sinistre. Or, il est constant qu'elle n'a fait aucune demande d'indemnisation à ce titre, et n'a jamais mis en 'uvre les garanties souscrites pour son compte par le maître d'ouvrage.

Si l'assureur ne peut en principe exercer de recours subrogatoire contre son propre assuré en application de l'article L. 121-12 précité, le contrat d'assurance de choses « tous risques chantier » souscrit par l'ADHP stipule expressément que les assurés désignés à l'article 1.2 des conditions générales ont la qualité de tiers entre eux, de sorte que l'assureur peut parfaitement exercer, en application de l'article 34 de ses conditions générales, son recours subrogatoire dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers, en ce compris les intervenants à l'acte de construire, dès lors que ceux-ci engagent leur responsabilité civile professionnelle en causant, par leur fait, le dommage ayant conduit à l'indemnisation. En effet, la MAIF n'a jamais été l'assureur responsabilité civile de la société Entreprise Coudert, et celle-ci n'a pas cherché à mobiliser pour elle-même la garantie « dommages » de la MAIF du chef de ses matériaux destinés à être incorporés à l'ouvrage.

Sur le montant de l'indemnité d'assurance réglée par la MAIF

La subrogation légale instituée par ce texte a lieu dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.

Au soutien de ses prétentions, la MAIF verse au débat les pièces suivantes :

- une quittance subrogatoire régularisée le 10 juillet 2012 par la Caisse d'épargne de Picardie, qui reconnaît avoir reçu de la MAIF la somme de 1 244 290,62 euros représentant l'indemnité due au titre du contrat « tous risques chantier » souscrit par le foyer l'Etincelle ADHP, à la suite du sinistre du 11 mai 2011, et ce conformément à la délégation consentie le 11 juin 2012 par l'ADHP, et déclare la MAIF libre, le cas échéant, d'agir par subrogation contre tout tiers tenu à réparation ;

- la quittance subrogatoire régularisée le 16 juillet 2012 par le Crédit foncier de France, qui reconnaît avoir reçu de la MAIF la somme de 723 509,46 euros représentant l'indemnité due au titre du contrat « tous risques chantier » souscrit par l'association l'Etincelle ADHP, à la suite du sinistre survenu le 11 mai 2011, et ce conformément à la délégation des indemnités d'assurance dûment signée le 10 août 2011 en sa faveur par celle-ci, en sa qualité de prêteur dans le cadre du financement de l'opération objet du sinistre ; le Crédit foncier de France déclare la MAIF libre, le cas échéant, d'agir par subrogation contre tout tiers tenu à réparation ;

- la facture, acquittée le 3 mars 2012, émise par la société CNPP entreprise pour un montant de 3 412,19 euros en règlement de frais d'expertise ;

- une délégation de paiement valant cession de créance émise le 10 juin 2011 par l'Etincelle ADHP, qui autorise la MAIF à payer à la société Arcade pour la mise en sécurité et le bâchage du site la somme de 1 506,96 euros à prélever sur l'indemnité due à la suite du sinistre incendie du 11 mai 2011 ;

- une quittance subrogatoire régularisée le 26 août 2012 par la société Tridon, qui déclare avoir reçu le jour même de la MAIF la somme de 16 269,19 euros représentant l'indemnisation des matériaux détruits en cours de chantier lors de l'incendie du 11 mai 2011, et déclare la MAIF libre, le cas échéant, d'agir par subrogation contre tout tiers tenu à réparation ;

- une quittance subrogatoire régularisée le 3 juillet 2012 par la société Menuiserie du moulin, qui reconnaît avoir reçu de la MAIF une somme de 9 360,14 euros représentant l'indemnisation des matériaux détruits en cours de chantier lors de l'incendie du 11 mai 2011 au titre du contrat « tous risques chantier » souscrit par l'association l'Etincelle, et déclare la MAIF libre, le cas échéant, d'agir par subrogation contre tout tiers tenu à réparation ;

- le règlement par chèque le 28 septembre 2012 d'un complément d'indemnisation de 214,86 euros à la société Menuiserie du moulin, l'expert ayant finalement validé les factures de celle-ci pour un montant total de 9 575 euros (soit 9 360,14 + 214,86) ;

- et enfin, une quittance subrogatoire régularisée le 31 août 2012 par le foyer l'Etincelle ADHP qui reconnaît avoir reçu ce jour de la MAIF la somme de 29 462,08 euros représentant l'indemnité due au titre du contrat « tous risques chantier », franchise de 3 100 euros déduite, à la suite du sinistre incendie du 11 mai 2011, et déclare la MAIF libre, le cas échéant, d'agir par subrogation contre tout tiers tenu à réparation.

A l'examen de l'ensemble de ces pièces et éléments, la MAIF établit qu'elle a payé l'indemnité d'assurance à l'assurée, à ses délégataires, et à des tiers qui ont réparé le dommage, et ce en exécution des garanties souscrites par l'ADHP.

En conséquence, la MAIF justifie être valablement subrogée dans les droits et actions de l'ADHP contre la société Entreprise Coudert qui, par son fait, a causé le dommage ayant donné lieu à sa responsabilité jusqu'à concurrence de la somme de 2 028 025,50 euros (soit 1 244 290,62 + 723 509,46 + 3 412,19 + 1 506,96 + 16 269,19 + 9 360,14 + 214,86 + 29 462,08).

Sur les limites contractuelles de garantie opposables à l'assureur exerçant son recours subrogatoire

Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

En application de ces dispositions, la SMABTP est fondée à opposer à l'assureur subrogé les limites contractuelles de sa police, à savoir le montant de son plafond et celui de sa franchise.

L'article 4.2.2 des conditions particulières de la police de la SMABTP régularisée le 14 février 2003 prévoyait un plafond de garantie de 1 830 000 euros au titre des dommages matériels et de 915 000 euros au titre des dommages immatériels, outre une franchise opposable de 924 euros.

Cependant, l'article 15.2 des conditions générales de la police Cap 2000, versées au débat par la SMABTP, stipule que « les montants des garanties et des franchises par sinistre sont fixés chaque année par l'assemblée générale de la SMABTP. Pour l'année de souscription de votre contrat, ces montants sont indiqués aux conditions particulières. Sont applicables à chaque sinistre ceux en vigueur à la date de déclaration du sinistre. »

Faute pour la SMABTP de justifier tant de la revalorisation de la franchise que de celle de ses plafonds de garantie à la date de la déclaration de sinistre le 12 mai 2011, il convient de condamner la SMABTP à payer à la MAIF la somme de 2 027 101,50 euros au titre du recours subrogatoire de cette dernière, cette somme correspondant au montant total des indemnités de 2 028 025,50 euros, pour lesquelles elle se trouve subrogée dans les droits et actions de l'ADHP, déduction faite de la franchise contractuelle de 924 euros.

En application de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la créance de l'assureur dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime n'est pas indemnitaire, et se borne au paiement d'une somme d'argent ; il en résulte que les intérêts moratoires sont dus à l'assureur subrogé à compter de la mise en demeure, en l'espèce à compter de la date de l'assignation le 14 novembre 2014.

III - Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

En application de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

La position de la MAIF en première instance et en cause d'appel ne peut être considérée comme résultant d'une attitude fautive, alors même que ses demandes sont fondées.

Une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue, au moins partiellement, par les juridictions de premier et de second degré.

En conséquence, la SMABTP sera purement et simplement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La société Entreprise Coudert et la SMABTP qui succombent seront condamnées aux entiers dépens d'appel.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Catherine Camus-Demailly, avocate, à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'équité commande de condamner la SMABTP à payer à la MAIF une indemnité de procédure d'appel de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Senlis, sauf en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société Entreprise Coudert et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à payer à la société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) la somme de 2 028 025,50 euros, portant intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2014 ;

- dit que la condamnation de la SMABTP interviendrait dans les limites de ses garanties contractuelles ;

L'infirme de ces deux chefs ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Entreprise Coudert, représentée par son mandataire ad hoc, Maître [Z] [G], à payer à la société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) au titre du recours subrogatoire de celle-ci la somme de 2 028 025,50 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 14 novembre

2014 ;

Condamne la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à garantir son assurée, la société Entreprise Coudert représentée par son mandataire ad hoc, Maître [Z] [G], du paiement de cette somme à concurrence de 2 027 101,50 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2014 ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la société Entreprise Coudert, représentée par son mandataire ad hoc, Maître [Z] [G], et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) aux entiers dépens d'appel ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Catherine Camus-Demailly, avocate, recouvrera directement contre la société Entreprise Coudert, représentée par son mandataire ad hoc, Maître [Z] [G], et contre la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne en outre la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à payer à la société mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF) la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

[O] [T]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/00632
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;22.00632 ?
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