COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/02266 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUPO
N° de Minute : 2279
Ordonnance du dimanche 18 décembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [N] [E]
né le 21 Avril 1989 à [Localité 2]
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au CRA de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Louis YARROUDH-FEURION, avocat au barreau de DOUAI, désigné sur le siège et de M. [D] [O] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS-DE-CALAIS
dûment avisé, représenté par Me Joyce JACQUARD, avocat au barreau de Créteil, cabinet actis
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Maria BIMBA AMARAL, Conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Harmony POYTEAU, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du dimanche 18 décembre 2022 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 18 décembre 2022 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 décembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [N] [E] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [N] [E] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 17 décembre 2022 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
FAITS et PROCÉDURE
M. [N] [E], né le 31 avril 1989 à [Localité 2], de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 19 avril 2022. Il a été assigné à domicile depuis le 16 septembre 2022.
Par décision administrative en date du 15 décembre 2022, il a été placé en rétention administrative.
Par requêtes des 16 décembre 2022, l'autorité administrative a saisi le juge d'une demande de prolongation de la rétention tandis que M. [E] le saisissait en annulation du placement en rétention.
Par ordonnance du 17 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Boulogne sur Mer a rejeté la requête en annulation de M. [E] et a fait droit à la demande de prolongation de la rétention.
M. [E] soulève comme en première instance les deux moyens suivants :
- le caractère déloyal de la convocation à l'origine de sa rétention ;
- l'absence de nécessité de placement en rétention
et soulève un nouveau moyen à savoir la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
MOTIVATION
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Sur le caractère déloyal de la procédure
Lorsque l'étranger en situation irrégulière a été convoqué pour un motif sans rapport avec sa situation administrative au regard de son titre de séjour son placement en retenue puis en rétention dans le cadre de cette convocation doit être considérée comme irrégulier au regard de l'article 5 de la CEDH (Cour de cassation 11 mars 2009).
En l'espèce, il est démontré que M. [E] s'est présenté au commissariat dans le cadre de son obligation de pointage associée à son assignation à résidence et a été placée en rétention, sans convocation en vue d'un tel placement et alors que le dernier renouvellement de l'assignation à domicile était en date du 8 décembre 2022 pour une durée de 45 jours, et quand bien même lors de son audition du 13 décembre 2022, il a été interrogé dans le cadre de sa plainte pour violences, sur sa situation administrative au regard de l'OQTF ou quand bine même lors de son placement en rétention il a été demandé ses observations sur celui -ci. .
En conséquence, l'interpellation de M. [E] doit être considérée comme déloyale et annulée de sorte que l'ensemble des actes subséquents, en ce compris l'arrêté de rétention seront annulés.
Sur la notification de la décision à M. [N] [E]
En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.
Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
En l'absence de M. [N] [E] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d'un interprète.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise ;
CONSTATE que les conditions de l'interpellation de M. [N] [E] sont irrégulières ;
ANNULE les actes subséquents à l'interpellation de M. [N] [E] et notamment l'arrêté de placement en rétention du 15 décembre 2022 ;
ORDONNE la levée de la rétention de M. [N] [E] ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [N] [E] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Harmony POYTEAU, Greffière
Maria BIMBA AMARAL, Conseillère
A l'attention du centre de rétention, le dimanche 18 décembre 2022
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [D] [O]
Le greffier
N° RG 22/02266 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUPO
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 18 Décembre 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 3]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [N] [E]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [N] [E] le dimanche 18 décembre 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS-DE-CALAIS et à Maître [B] [T] le dimanche 18 décembre 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le dimanche 18 décembre 2022
N° RG 22/02266 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUPO