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16/12/2022 | FRANCE | N°20/02139

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 16 décembre 2022, 20/02139


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2076/22



N° RG 20/02139 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TH3D



MLBR/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

25 Septembre 2020

(RG F19/00131 -section )


































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GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :

M. [C] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2076/22

N° RG 20/02139 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TH3D

MLBR/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

25 Septembre 2020

(RG F19/00131 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [C] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉS :

l'EURL ETS BRANCOURT

en liquidation judiciaire

Me [W] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL ETS BRANCOURT

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Dominique HENNEUSE, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Gaëlle KERRAR, avocat au barreau de [Localité 4]

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Novembre 2022

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07 Novembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [C] [L] exerçait la profession de charcutier traiteur au service de l'EURL Etablissements Brancourt et se prévaut d'un début de la relation de travail à la date du 1er juillet 1983.

Il a été placé en arrêt maladie le 31 mai 2016 suite au déclenchement d'une sciatique, maladie ayant été déclarée d'origine professionnelle suivant décision de la CPAM en date du 12 avril 2017. II a été déclaré consolidé à la date du 15 février 2018.

L'employeur a organisé une visite de reprise qui a eu lieu le 4 juillet 2018.

Suivant avis de la médecine du travail en date du 13 juillet 2018, M. [L] a été déclaré inapte au poste avec certaines restrictions et une capacité restante pour un 'travail assis avec peu d'efforts physiques' et une préconisation de reclassement dans un poste administratif.

Par courrier recommandé du 18 juillet 2018, la société Etablissements Brancourt a formulé une proposition de reclassement interne à M. [L] dans un poste d'employé administratif à temps partiel (50%) qu'il a refusé par l'intermédiaire de son conseil le 3 août 2018 aux motifs que 'le poste proposé dépasse ses compétences et ce qui est proposé comme adaptation et formation insuffisant pour ces tâches qui va demander de surcroît de la concentration et postures prolongées incapables avec mon état de santé'.

Par courrier du 18 août 2018, la société Etablissements Brancourt a notifié à M. [L] son licenciement pour inaptitude, après avoir dénoncé le caractère abusif de son refus de la proposition de reclassement interne et constaté l'impossibilité de tout reclassement externe.

La société Etablissements Brancourt ayant été placée en liquidation judiciaire le 3 septembre 2018, M. [L] s'est rapproché de Maître [K] en sa qualité de liquidateur judiciaire, pour obtenir le paiement des indemnités de licenciement dans le cadre de la procédure collective ainsi que la remise des documents de fin de contrat.

Le liquidateur judiciaire a remis à M. [L] l'attestation pôle emploi et le certificat de travail mais s'est opposé à une prise en charge intégrale des sommes réclamées.

Par requête du 26 juillet 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de d'Avesnes Sur Helpe afin de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 25 Septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Avesnes Sur Helpe a débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 20 octobre 2020, M. [L] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 26 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité partielle de la déclaration d'appel de M. [L] à l'égard du CGEA de [Localité 4].

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau:

-juger son inaptitude consécutive à un manquement de la société Etablissement Brancourt à son obligation de sécurité ;

-juger la société Etablissements Brancourt défaillante à son obligation de reclassement ;

En conséquence

-juger son licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-fixer ses créances au passif de la société Etablissements Brancourt comme suit:

o 40 874,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement;

o 3 546,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 354,60 euros au titre des congés payés y afférents ;

o 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

o 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonner à Maître [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements Brancourt de transmettre des documents de sortie rectifiés, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

Dans ses dernières conclusions déposées le 20 avril 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Maître [W] [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour de :

- vu l'absence de communication de pièces par l'appelant et l'impossibilité d'être en mesure en temps utile d'examiner lesdites pièces, de les discuter et d'y répondre, de les écarter des débats ;

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

subsidiairement, constatant la caducité partielle à l'égard du CGEA de [Localité 4] AGS,

- dire l'arrêt à intervenir inopposable au CGEA à défaut de sa mise en cause en appel ;

- en conséquence, constatant l'absence de garantie du CGEA de [Localité 4] AGS, dire n'y avoir lieu à fixer au passif de la liquidation judiciaire une créance quelconque au profit de l'appelant dont la garantie par le CGEA est exclue par principe du fait de l'inopposabilité de l'arrêt ;

- en conséquence, débouter de toutes ses demandes fins et conclusions M. [L] ;

plus subsidiairement encore, dire et juger que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse, et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

-dire n'y avoir lieu au versement de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis en raison du caractère abusif du refus du poste de reclassement ;

-débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de ses demandes en fixation au passif de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, préjudice moral et de toutes autre sommes accessoires ;

-condamner M. [L] à payer et porter à la liquidation judiciaire la somme de 2500 euros et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur la mise à l'écart des pièces de M. [L] :

Au visa des articles 15,16, 132 et 906 du code de procédure civile, Maître [K] demande à ce que l'ensemble des pièces produites par M. [L] soient écartées des débats aux motifs que ses pièces 1 à 31 ne lui ont pas été communiquées concomitamment à ses conclusions et qu'il n'a donc pas été en mesure de les examiner et d'y répondre en temps utile.

Toutefois, à travers les messages envoyés au conseil de Maître [K] par le RPVA, M. [L] justifie de l'envoi le 12 avril 2022 de ses pièces 1 à 31, et le 16 mai 2022 de ses pièces 32 et 33, ainsi que des accusés réception desdits messages par l'avocat de l'intimé.

Rappel étant fait que la clôture de la procédure n'est intervenue le 7 novembre 2022, soit 6 mois plus tard, il y a lieu de constater que Maître [K] a d'une part bien reçu l'ensemble des pièces de l'appelant et a d'autre part eu le temps nécessaire pour les examiner et y répondre, de sorte que le principe du contradictoire ayant été respecté, la seule absence de simultanéité de leur envoi avec la notification des conclusions de l'appelant exigée par l'article 906 précité ne peut justifier qu'elles soient écartées des débats, sachant par ailleurs que l'intimée n'a saisi ni le conseiller de la mise en état, ni la cour d'une quelconque difficulté quant à la réception des messages RPVA contenant les pièces.

Il convient en conséquence de débouter Maître [K] de sa demande de ce chef.

- sur l'incidence de la caducité partielle de l'appel à l'égard de l'AGS :

Maître [K] soutient qu'en raison de la caducité de l'appel de M. [L] à l'égard de l'AGS, l'arrêt à intervenir sera nécessairement inopposable à celle-ci, de sorte que les éventuelles créances fixées au passif de la procédure collective ne pourront bénéficier de sa garantie et prise en charge.

Il en déduit qu'aucune créance de M. [L] ne devra donc être fixée au passif de la liquidation judiciaire dès lors que la garantie de l'AGS est exclue par la faute du salarié qui n'a pas accompli les diligences procédurales.

Toutefois, s'il est vrai que le présent arrêt ne sera pas opposable à l'AGS en raison de la caducité de l'appel la concernant, il sera rappelé que l'intervention de l'AGS est conditionnée à l'absence de fonds disponibles de l'entreprise pour régler au salarié sa créance.

Aussi, étant par ailleurs rappelé qu'il n'existe aucune indivisibilité entre l'action du salarié à l'égard du liquidateur judiciaire représentant son employeur et celle dirigée contre l'AGS, l'inopposabilité du présent arrêt à l'égard de celle-ci n'a donc aucune incidence sur l'appréciation du bien fondé de la créance de M. [L] à l'égard de Maître [K], ès qualités, dont la reconnaissance éventuelle impliquera nécessairement sa fixation au passif de la procédure collective afin d'être réglée dans la mesure du possible en fonction des fonds disponibles de l'entreprise et du rang des autres créanciers tel que prévu par le code de commerce.

- sur le licenciement de M. [L] :

M. [L] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en dénonçant d'une part le non-respect par la société Etablissement Brancourt de son obligation de sécurité, et d'autre part un manquement à son obligation de reclassement.

En s'appuyant principalement sur l'enquête administrative 'Maladie Professionnelle' réalisée entre octobre et décembre 2016, il prétend que son inaptitude, qui est d'origine professionnelle, fait nécessairement suite à un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, en insistant sur le fait que le gérant de la société Etablissement Brancourt n'a à l'époque pas fait état de mesure de prévention des risques professionnels, ni de l'existence d'équipement adapté pour l'exercice de son emploi, alors qu'il est ressorti de l'enquête qu'il était en station debout pendant des périodes de presque 10 heures par jour, qu'il assumait des ports répétitifs de charges pour des poids de 10 à 40/50 kg, ainsi que la manipulation de quartier de boeuf sur crochet de 130 kg.

Il conteste par ailleurs la pertinence du poste de reclassement qui lui a été proposé, cet emploi administratif ne correspondant ni à sa formation, ni à son expérience professionnelle, et dépassant largement ses compétences.

En réponse, pour soutenir que le licenciement pour inaptitude de M. [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, Maître [K], ès qualités, qui reconnaît l'origine professionnelle de la maladie de l'intéressé, met exclusivement en avant le caractère selon lui abusif du refus par M. [L] du poste de reclassement proposé qui répondait aux préconisations du médecin du travail, les autres moyens avancés visant à uniquement critiquer le principe ou montant des sommes réclamées par le salarié.

Sur ce,

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude trouve sa cause véritable dans un manquement de l'employeur.

Il sera également rappelé que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

A ce titre, selon les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il doit notamment mener des actions de prévention des risques professionnels et mettre en place une organisation et des moyens adaptés, et plus précisément 'adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé'.

Il est en l'espèce acquis aux débats que l'inaptitude de M. [L] est d'origine professionnelle, ce qui est en outre corroboré par lespièces médicales produites, l'avis motivé du CRRMP et la décision de la CPAM, l'intéressé souffrant d'une maladie sciatique par hernie discale L4-L5 relevant dans le tableau des maladies professionnelles 'des affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes'.

Il ressort par ailleurs de l'enquête administrative 'Maladie Professionnelle' diligentée entre octobre et le 2 décembre 2016 par la CPAM à la suite de la demande de M. [L] aux fins de reconnaissance de sa maladie professionnelle, que celui-ci a été amené pendant de longues années à manipuler et à 'pousser' des morceaux de viande de 130 kg, puis lorsqu'il a été en cuisine entre 1997 et 2012 de porter des marmites de 10 à 30 kg, voir 50 kg, et enfin en service au magasin, de subir des positions contraignantes en se penchant sans cesse et attraper des bacs de pâtés de plusieurs kilos. L'employeur a également indiqué à l'enquêteur que M. [L] s'était beaucoup plaint du dos à l'époque, même s'il contestait alors l'origine professionnelle de ces maux.

L'appelant produit par ailleurs les attestations de M. [P] et M. [M], qui corroborent ces constatations, et décrivent précisément la lourdeur des tâches en insistant sur l'inadaptation des équipements mis à leur disposition, 'la seule aide que nous pouvions avoir été au bon vouloir des collègues', ainsi que sur les longues journées de travail.

Or, force est de constater que Maître [K] qui demeure taisant sur le manquement allégué, n'oppose aucun moyen, ni pièce à ces éléments pour tenter de démontrer que la société Etablissement Brancourt avait mis à la disposition de ses salariés des équipements adaptés à la nature des tâches afin de protéger leur santé physique.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [L] rapporte la preuve suffisante du manquement de la société Etablissement Brancourt à son obligation de sécurité, manquement qui, ayant persisté pendant plusieurs années, est à l'évidence la cause de la maladie professionnelle rappelée plus haut dont souffre M. [L] et à l'origine de son inaptitude, celle-ci s'expliquant selon l'avis du CRRMP par le port habituel de lourdes charges ainsi que l'exposition répétée du salarié à des postures contraignantes.

Il s'en déduit que le licenciement pour inaptitude de M. [L] trouve sa cause véritable dans le manquement de la société Etablissement Brancourt à son obligation de sécurité pendant de longues années, de sorte qu'il sera considéré pour ce seul motif comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'employeur a par ailleurs manqué à son obligation de reclassement.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes financières subséquentes de M. [L] :

Arguant d'une ancienneté de plus de 35 ans en ce qu'il a commencé à travailler pour la société Etablissement Brancourt à compter du 1er juillet 1983, du fait qu'il n'a jamais pu retrouver un emploi compte tenu de son état de santé alors qu'il était âgé de 52 ans au jour de son licenciement ainsi que de la limitation de ses revenus à une simple pension d'invalidité, M. [L] sollicite sur la base d'une rémunération brute de référence de 1 872,10 euros, les sommes suivantes :

- 3 546,04 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 354,60 euros de congés payés y afférents,

- 40 874,16 euros d'indemnité speciale de licenciement,

- 37 442 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il soutient également que les circonstances de son éviction sont vexatoires car en totale inadéquation avec la fidélité de la force de travail qu'il a consacré à son emploi, et demande réparation du préjudice moral distinct à hauteur d'une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts.

Sur ce,

Il sera d'abord relevé que contrairement à ce que soutient Maître [K], l'appelant rapporte la preuve suffisante que la relation de travail a commencé le 1 er juillet 1983, cette date figurant sur l'ensemble de ses bulletins de salaire produits et sur le certificat de travail établi par la société Etablissement Brancourt auxquels Maître [K] n'oppose aucune pièce.

Il convient aussi de noter que l'intimé ne discute pas le salaire de référence retenu par M. [L] pour fonder ses demandes financières.

Selon L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du même code. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Pour s'opposer aux demandes du salarié à ce titre, Maître [K] soutient que le refus par M. [L] de l'emploi administratif qui lui a été proposé dans le cadre de son reclassement est abusif dans la mesure où il respectait les préconisations du médecin du travail et où il lui était proposé un accompagnement interne pour favoriser son adaptation.

Toutefois, même s'il était conforme aux préconisations de la médecine du travail, le poste 'd'employé administratif à temps partiel(50%)', au regard des tâches administratives qu'il comprenait, décrites dans la lettre de proposition de reclassement du 18 juillet 2018, notamment la mise à jour du site internet, la réception des mails, la prospection téléphonique, les activités du Pôle Carte ou encore le calcul des matières premières sous Excel et la réalisation des factures, n'est en rien comparable au sens de

l'article L. 1226-10 du code du travail à celui précédemment occupé de 'charcutier traiteur', sachant que seul un accompagnement de 15 jours à un mois était proposé alors que ce nouvel emploi impliquait une maîtrise d'outils informatiques.

Aussi, le refus par M. [L] de cette offre de reclassement ne peut être considéré comme abusif et le salarié est donc en droit de se prévaloir des dispositions susvisées.

L'indemnité compensatrice sollicitée au titre du préavis étant inférieure aux 2 mois de salaire prévus par l'article L. 1234-5 du code du travail à raison de son ancienneté, il convient de faire droit à la demande de M. [L] à ce titre.

En revanche, comme le fait observer Maître [K], cette indemnité n'étant pas de même nature que l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun, elle n'ouvre pas droit à congés payés, de sorte que M. [L] sera débouté de sa demande à hauteur de 354,60 euros.

Il convient également de fixer au montant de 40 874,16 euros l'indemnité spéciale de licenciement, dès lors que la méthode de calcul est conforme aux dispositions de l'article R. 1234-1 du code du travail et non discutée par Maître [K], étant relevé que celui-ci ne prétend pas, ni ne justifie que l'indemnité légale de licenciement figurant sur l'attestation Pôle emploi ait été réglée au salarié.

Compte tenu de sa très longue ancienneté au sein de la société Etablissement Brancourt, 35 ans, de son âge, 52 ans, au jour de son licenciement, et de ses problèmes de santé qui ont rendu difficile la recherche d'un nouvel emploi, mais également du fait que M. [L] ne présente aucun élément actualisé sur sa situation financière et personnelle postérieure à son licenciement en dehors de son inscription au Pôle emploi en février 2019, il convient de fixerle montant de son indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse destinée à réparer le préjudice subi par la perte injustifiée de son emploi, à la somme de 24 337,30 euros.

La société Etablissement Brancourt ayant respecté la procédure de licenciement pour inaptitude, il n'est pas établi que la rupture de la relation de travail serait intervenue dans des circonstances vexatoires, les éléments avancés antérieurs au licenciement étant sur ce point sans incidence. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice moral distinct.

L'ensemble des sommes allouées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Etablissement Brancourt.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, Maître [K], ès qualités, devra remettre à M. [L] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt. Il n'est pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte, aucun élément n'étant de nature à considérer que l'intimé ne s'y soumettra pas.

Partie perdante, Maître [K], ès qualités, devra supporter les dépens de première instance sur lesquelles les premiers juges ont omis de statuer, ainsi que les dépens d'appel. Il sera également débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il est enfin inéquitable de laisser à M. [L] la charge des frais irrépétibles exposés en appel. Il convient à ce titre de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Etablissement Brancourt à hauteur d'une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

REJETTE la demande de Maître [K], ès qualités, tendant à écarter les pièces produites par M. [L] ;

INFIRME le jugement entrepris en date du 25 septembre 2020 sauf en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande indemnitaire en réparation d'un préjudice moral distinct,

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

FIXE les créance de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société Etablissement Brancourt à hauteur des sommes suivantes :

- 3 546,04 euros d'indemnité compensatrice,

- 40 874,16 euros d'indemnité spéciale de licenciement,

- 24 337,30 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Maître [K], ès qualités, à remettre à M. [L] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que Maître [K], ès qualités, supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRÉSIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/02139
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.02139 ?
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