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16/12/2022 | FRANCE | N°20/00938

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 16 décembre 2022, 20/00938


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2083/22



N° RG 20/00938 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4VF



MLB/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

23 Janvier 2020

(RG 19/00014 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE:



Mme [Z] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

representé par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

assistée de Me Anthony BRICE, avocat au barr...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2083/22

N° RG 20/00938 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4VF

MLB/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

23 Janvier 2020

(RG 19/00014 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE:

Mme [Z] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

representé par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

assistée de Me Anthony BRICE, avocat au barreau de LILLE,

INTIMÉE :

S.A.S. CAMPUS PRO

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Paul HENRY, avocat au barreau de LILLE

substitué par Me CARPENTIER

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 25 novembre 2022 au 16 décembre 2022

pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14/09/2022

EXPOSE DES FAITS

Mme [Z] [F], née le 9 juillet 1975, a été embauchée par contrat à durée déterminée du 28 septembre 2005 au 27 septembre 2007 en qualité de secrétaire par l'association Acti Form. Cet emploi est repris dans le certificat de travail établi le 4 juillet 2014 par la société Campus Pro.

Elle a ensuite été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 septembre 2007 en qualité de chargée de recrutement, statut technicienne qualifiée niveau D2 coefficient 220, par la société Agro Form, devenue la société Campus Pro, qui emploie de façon habituelle au moins onze salariés et applique la convention collective des organismes de formation.

Elle a été placée en congé maternité puis en congé parental du 11 juillet 2011 au 22 août 2012 et a repris son activité à 80 %.

Un avenant à son contrat de travail a été conclu le 2 octobre 2012 à effet du 23 août 2012 mentionnant que Mme [F] a été engagée en qualité de chargée de recrutement le 28 septembre 2007, promue chargée de public adulte et chargée de communication par décision du 20 février 2008 et que, compte tenu de la réduction de son volume horaire, elle n'assumera plus les fonctions de chargée de communication et sera chargée de relations public adultes, sans modification de sa rémunération.

Son salaire mensuel brut s'élevait en dernier lieu à 1 512,30 euros.

La salariée a été placée en arrêt maladie sans discontinuer à compter du 20 novembre 2012. Elle a adressé un courrier à son employeur le 24 juillet 2013 pour dénoncer une discrimination et des conditions de travail dégradées depuis son retour de congé parental.

Mme [F] et le président de la société Campus Pro se sont rencontrés le 4 octobre 2013 et ont échangé sur les conditions de travail de la salariée et sa demande d'augmentation salariale.

A l'issue de la visite de reprise du 13 mai 2014, le médecin du travail a déclaré Mme [F] inapte à son poste en un seul examen en visant le danger immédiat.

Le 27 mai 2014, la société Campus Pro a proposé à Mme [F] son reclassement sur un poste de formateur consultant QSE. Le médecin du travail a indiqué le 13 juin 2014 que l'état de santé de Mme [F] n'était pas compatible avec le poste de reclassement et la salariée l'a refusé.

Mme [F] a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juin 2014 à un entretien le 27 juin 2014 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 juillet 2014.

Par requête reçue le 22 janvier 2016, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille pour obtenir des rappels de salaire au titre de la classification G ou F et pour heures supplémentaires, des indemnités pour travail dissimulé et discrimination, faire constater l'origine au moins partiellement professionnelle de son inaptitude et la nullité ou l'illégitimité de son licenciement.

Par jugement en date du 23 janvier 2020 le conseil de prud'hommes a dit que Mme [F] a été remplie de ses droits au titre de sa classification et de ses salaires et que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Campus Pro la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 février 2020, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 14 septembre 2022.

Selon ses conclusions reçues le 23 juin 2020, Mme [F] sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement et, statuant à nouveau, qu'elle lui reconnaisse le niveau de classification G, subsidiairement F, très subsidiairement E depuis le mois de novembre 2007, dise qu'elle a été victime d'une discrimination en raison de son état de grossesse et que son licenciement est nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société aux sommes de :

- 52 619,02 euros, subsidiairement 38 450,35 euros, très subsidiairement 10 396,23 euros de rappel de salaire au titre de sa classification et 5 261,90 euros, subsidiairement 3 845,03 euros, très subsidiairement 1 039,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 065,33 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires en cas d'absence de repositionnement, 1 453,31 euros en cas de repositionnement au niveau E, 1 877,20 euros en cas de repositionnement au niveau F et 2 119,42 euros en cas de repositionnement au niveau G et les congés payés afférents pour 106,53 euros, 145,33 euros, 187,72 euros ou 211,94 euros,

- 9 073,80 euros au titre de l'article L.8223-1 du code du travail en cas d'absence de repositionnement, 12 373,92 euros en cas de repositionnement au niveau E, 15 982,98 euros en cas de repositionnement au niveau F et 18 045,30 euros en cas de repositionnement au niveau G,

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour discrimination en raison de son état de grossesse,

- 18 147,60 euros à titre d'indemnité au visa des articles L.1266-10 et L.1226-15 du code du travail en cas d'absence de repositionnement, 24 747,84 euros en cas de repositionnement au niveau E, 31 965,96 euros en cas de repositionnement au niveau F et 36 090,60 euros en cas de repositionnement au niveau G,

- 2 702,06 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement en cas d'absence de repositionnement, 3 402,40 euros en cas de repositionnement au niveau E, 5 182,87 euros en cas de repositionnement au niveau F et 6 200,28 euros en cas de repositionnement au niveau G,

- 3 024,60 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis en cas d'absence de repositionnement, 4 124,64 euros en cas de repositionnement au niveau E et 4 536,90 euros en cas de repositionnement au niveau F ou G,

- 11 342,25 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse en cas d'absence de repositionnement, 15 467,40 euros en cas de repositionnement au niveau E, 19 978,72 euros en cas de repositionnement au niveau F et 22 556,62 euros en cas de repositionnement au niveau G,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions reçues le 5 août 2020, la société Campus Pro sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, en conséquence à titre liminaire qu'elle dise que la demande de requalification de la classification est prescrite pour la période antérieure au 25 avril 2014, que la demande de rappel de salaire consécutive à la requalification de la classification est prescrite pour la période antérieure au 25 avril 2014, que les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d'indemnité de travail dissimulé sont prescrites, à titre principal de constater que Mme [F] relève bien du statut technicien, niveau D2, qu'elle a été remplie de ses droits salariaux, qu'elle n'apporte aucun élément justifiant une discrimination à son encontre, qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discrimination, qu'elle ne justifie pas de l'accomplissement d'heures supplémentaires, qu'elle ne démontre pas l'intention de travail dissimulé, que son licenciement est régulier et justifié, que la société n'a commis aucun manquement, qu'elle déboute en conséquence Mme [F] de l'intégralité de ses demandes et en tout état de cause et ajoutant qu'elle la condamne à lui verser la somme de 3 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est référé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de rappel de salaire fondée sur la classification

Selon le décompte qu'elle produit, la demande de rappel de salaire de Mme [F] porte sur la période de novembre 2007 à juillet 2014.

En application de l'article L.3245-1 du code du travail, la prescription de l'action en paiement de salaire fondée sur la revendication d'une classification autre que celle appliquée par l'employeur a couru du jour où Mme [F] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en paiement.

Le contrat de travail signé par Mme [F] le 28 septembre 2007, de même que ses bulletins de salaire, mentionnent la classification appliquée par l'employeur (technicien niveau D2 coefficient 220) ainsi que la convention collective applicable (convention collective des organismes de formation).

Mme [F] ne saurait se prévaloir de la difficulté à déterminer aisément et avec certitude le niveau de classification qu'il convient de lui reconnaître au regard de la teneur de la convention collective. La prétendue difficulté à apprécier ses droits ne saurait avoir pour effet le report du point de départ de la prescription au delà de la date des faits lui permettant l'exercice de son action, à savoir la date d'exigibilité du paiement des salaires, soit en l'espèce le dernier jour de chaque mois, date habituelle du paiement des salaires par virement, selon les mentions des bulletins de salaire.

La société Campus Pro ne se prévaut pas utilement de la prescription de deux ans prévue par l'article L.1471-1 du code du travail, qui ne s'applique pas aux actions en paiement de salaire, non plus que de la décision du 22 avril 2016 par laquelle le conseil de prud'hommes a déclaré caduque la requête de Mme [F] du 22 janvier 2016 puisqu'il ressort du jugement entrepris qu'en application de l'article 407 du code de procédure civile, l'affaire a été réinscrite sur relevé de caducité.

Les salaires exigibles de novembre 2007 à décembre 2010 étant soumis à la prescription quinquennale en application des articles 2277 du code civil et L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action en paiement engagée le 22 janvier 2016 est prescrite.

Avant que la prescription quinquennale ne soit acquise concernant les salaires exigibles de janvier 2011 à mai 2013, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a réduit à trois ans l'action en paiement des salaires. Toutefois, s elon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions nouvelles 'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, a couru un délai de prescription de trois ans dans la limite de la prescription quinquennale ancienne, de que l'action en paiement engagée par Mme [F] le 22 janvier 2016 est recevable en ce qu'elle porte sur les salaires à compter de janvier 2011.

Au fond, il résulte des pièces produites que Mme [F] assumait les fonctions de chargée de communication et chargée de relation public adulte jusqu'à l'avenant du 2 octobre 2012 à effet du 23 août 2012. A partir de cette date, elle a été déchargée de ses fonctions de chargée de communication et a conservé son rôle de chargée de relations public adultes.

Le salarié de niveau G, revendiqué à titre principal par Mme [F], exerce des « responsabilités scientifiques, techniques, administratives, financières, commerciales, pédagogiques ou de gestion assumées et exigeant une autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre des attributions fixées. » Sont cités au titre des exemples d'emplois correspondant à ce niveau le chef de service, de département ou de projet, responsable d'un centre géographique régional (relation avec les entreprises, les stagiaires, les institutions publiques et parapubliques), responsable, dans des domaines déterminés, de l'actualisation des connaissances des formateurs relevant de l'organisme.

Mme [F] a été conviée à la réunion des chefs de services des 22 janvier et 20 mai 2008.

L'organigramme des sites en décembre 2007 la fait apparaître comme responsable communication sous la hiérarchie du président et l'organigramme Agro Form comme responsable de la communication et chargée d'actions publiques sous la même hiérarchie.

Selon ses fiches de poste, Mme [F] avait mission en qualité de chargée de communication de recueillir, vérifier et sélectionner les informations actualisées relatives à la vie de l'entreprise, pour les diffusions à l'intérieur ou à l'extérieur, proposer les moyens et choisir les supports de communication, concevoir les contenus des messages, avec un langage et un style adaptés, mettre en 'uvre les actions de communication les plus efficaces, assurer les contacts avec les interlocuteurs de l'entreprise (internes et externes, négocier avec les prestataires et les fournisseurs et suivre les productions de documents, organiser er gérer les activités matérielles, les dossiers administratifs (fichier de relations...) et budgétaires des actions de communication, sans modification de sa rémunération.

Ses modalités d'action étaient définies comme suit :

- Action de communication : préparer les contenus de la communication (recueil, évaluation, sélection, rédaction...), conseiller et apporter un appui technique aux services internes dans leurs actions de communication, développer un réseau de partenaires et suivre les informations sectorielles, réglementaires, techniques et celles des médias.

- Diffusion de l'information : mettre en 'uvre les actions de relation publique, de diffusion et de promotion de l'information et vérifier la conformité et la qualité de l'information diffusée.

- Réalisation des outils/supports de communication : réaliser les produits et supports de communication écrits, visuel et audiovisuels, planifier la réalisation matérielle et logistique des actions, produits et supports de communication (diffusion, exposition, distribution...), réaliser des supports de communication écrits (bilan annuel, rapports d'activité, catalogues, plaquettes, affichage, communiqués de presse, discours, journal interne, notes internes), concevoir ou réaliser des supports de communication (multimédias, visuels), administrer le contenu d'un site Web.

- Politique de communication et plan de communication : définir la politique de communication de la structure, établir le budget et les dépenses des actions de communication, mettre à jour les données d'activité (tableaux de bord, statistiques...) et réaliser le bilan des actions de communication.

En qualité de chargée de relation public adulte, elle devait assurer la sélection, le positionnement et le recrutement des candidats adultes à l'alternance.

Les fiches de postes ont pour destinataire, outre la salariée, M. [B], président de la société Campus Pro, et M. [D], supérieur hiérarchique de Mme [F], dont la fiche de poste de chargée de communication précise qu'il est responsable administratif et financier.

Le compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation et d'appréciation de la salariée du 16 mars 2011 avec M. [D] fait référence à un objectif en terme de chiffre d'affaires à réaliser, au développement de son autonomie sur le poste, aux actions à mettre en 'uvre et à son travail d'ingénierie pour la recherche de nouveaux financements.

La société Campus Pro conteste inutilement l'absence de responsabilités commerciales de Mme [F] en indiquant que ce document, non signé, est dépourvu de valeur contractuelle. En effet, d'une part le compte rendu d'entretien du 21 avril 2009, signé par M. [B], confirme l'existence d'objectifs en terme de chiffre d'affaires pour le volet relations publics adultes, d'autre part l'objectif n° 5 de développement des financements individuels en direction d'un public adulte (passer de 100 000 euros de CA annuel à 150 000 euros), à la charge de « VM », pour Mme [F], est repris dans le document de février 2011 listant les objectifs annuels, lequel mentionne au titre des moyens à mettre en 'uvre le recensement des sources de financements, des mesures associées et des partenariats à construire: rencontre avec Opcalia sur le champ CTP/CRP pour plan d'action et intervention auprès des agents Pôle Emploi, repérage de bénéficiaires potentiels du CIF CDD et DIF (Pôle Emploi, RH de grands groupes...). L'absence d'impact salarial de cet objectif commercial et financier, relevé par la société Campus Pro, est sans conséquence sur son existence.

La qualification dépendant des fonctions effectivement exercées, la société Campus Pro oppose inutilement à Mme [F] le fait qu'aucun chargé de relations public adulte n'a jamais eu le statut cadre au sein de la société, étant ajouté qu'avant le 23 août 2012 les fonctions de Mme [F] ne se limitaient pas à celles de chargée de relations public adultes.

L'intimée ne conteste pas utilement l'autonomie de jugement et d'initiative de la salariée. En effet, la fiche de poste de chargée de communication, fonction que Mme [F] exerçait avant le 23 août 2012, lui donnait notamment pour mission de définir la politique de communication de la structure et d'établir le budget et les dépenses des actions de communication. La circonstance que Mme [F] avait un responsable ne fait pas obstacle à l'attribution du coefficient sollicité, qui n'est pas le plus haut niveau de la classification des emplois.

Il résulte des documents ci-dessus que les fonctions exercées par Mme [F] en qualité de chargée de communication relevaient du niveau G. Mme [F] n'a pas expressément renoncé à ce niveau de classification lorsqu'elle a été déchargée des fonctions de chargée de communication pour ne plus conserver que le rôle de chargée de relations public adultes.

Le rappel de salaire auquel elle a droit pour la période non prescrite de janvier 2011 à juillet 2014 s'élève à la somme de 11 487,93 euros. S'y ajoutent les congés payés afférents pour 1 148,79 euros.

Sur les demandes au titres des heures supplémentaires et du travail dissimulé

Selon le décompte qu'elle produit, la demande de rappel de salaire de Mme [F] porte sur des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées entre le 22 octobre 2007 et le 4 avril 2011.

En application de l'article L.3245-1 du code du travail, la prescription de l'action en paiement a couru du jour où Mme [F] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en paiement. L'absence de suivi et de contrôle de sa durée de travail ne saurait avoir pour effet le report du point de départ de la prescription au delà de la date d'exigibilité du paiement des salaires, soit en l'espèce le dernier jour de chaque mois, date habituelle du paiement des salaires.

En application de l'article L.3245-1 du code du travail dans ses versions successivement applicables et des dispositions transitoires, l'action en paiement engagée le 22 janvier 2016 est prescrite pour les heures supplémentaires revendiquées pour la période du 22 octobre 2007 au 16 novembre 2010. Elle est au contraire recevable pour les heures supplémentaires réclamées pour la période du 7 janvier 2011 au 4 avril 2011, étant rappelé que la décision du 22 avril 2016 par laquelle le conseil de prud'hommes a déclaré caduque la requête de Mme [F] a été rapportée.

Au fond, il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

 

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

 

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires Mme [F] produit un décompte mentionnant pour chaque journée concernée par sa demande le nombre d'heures supplémentaires effectuées selon elle et le motif de la réalisation de telles heures, soit, pour les six journées concernées de la période non prescrite, quatre déjeuners professionnels avec l'association R'Libre, Pôle Emploi et la Maison de l'Emploi de [Localité 7], le débordement de la réunion de service du 7 janvier 2011 et une réunion de site le 27 janvier 2011. Ces explications sont confortées par les données de son agenda.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Campus Pro se borne à répondre que Mme [F] ne fournit pas de justificatif. Ce faisant, elle n'apporte pas d'éléments susceptibles de contredire utilement ceux de la salariée.

Par conséquent, en tenant compte de la prescription et de la classification accordée à la salariée, le rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires s'élève à la somme de 223,02 euros et les congés payés afférents à 22,30 euros.

Selon l'article L.8223-1 du code du travail, le droit du salarié au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé nait à la rupture du contrat de travail. Mme [F] ayant saisi le conseil de prud'hommes moins de deux années après la rupture de son contrat de travail est recevable en sa demande, en application de l'article L.1471-1 du code du travail. Au fond, en application de l'article L.8221-5 du code du travail, le non paiement d'heures supplémentaires, même réalisées dans les locaux de la société, ne suffit pas à établir que l'employeur a intentionnellement dissimulé sur les bulletins de salaire le nombre des heures de travail effectuées. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur les demandes au titre de la discrimination et de la nullité du licenciement

En application des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, Mme [F] invoque au titre des mesures discriminatoires liée à sa grossesse :

- la majoration de 50 % de ses objectifs en 2011, confirmée malgré sa demande de tenir compte de son état de grossesse,

- le changement de comportement à son égard au retour de son congé parental pris à la suite de son congé maternité, qui s'est manifesté par le fait qu'elle n'a pas retrouvé son ordinateur portable et a été écartée de réunions auxquelles elle participait auparavant, notamment celle du 28 août 2012 au cours de laquelle il s'agissait de négocier des tarifs pour le public adulte, le refus de M. [D] de lui confier comme à ses collègues une clef de son bureau, le mépris avec lequel M. [D] a accueilli sa démarche visant à l'alerter sur l'isolement qu'elle subissait, le fait que nonobstant sa fonction les dossiers publics adultes en cours sont restés entre les mains de l'assistante du service, que lui ont en revanche été confiées des missions ne lui incombant plus, comme se rendre sur les forums, que sa charge était devenue particulièrement faible.

Pour caractériser la majoration de ses objectifs, Mme [F] produit le compte rendu d'entretien individuel du 16 mars 2011 qui indique au titre des objectifs poursuivis : « Au regard des objectifs définis sur le service en février, objectif d'augmentation de 50 % soit 150 000 euros sur 2011 », reprenant en cela l'objectif n° 5 du document « objectifs qualitatifs annuels » daté de février 2011. Le compte rendu d'entretien annuel fait allusion au congé maternité à venir de la salariée. Cette dernière a indiqué qu'elle était particulièrement motivée par l'« augmentation du chiffre d'affaires en vue de contribuer au CA global permettant de faire bénéficier les collègues de l'intéressement. »

Le fait que M. [D] aurait refusé de reconsidérer les objectifs au regard de son départ en congé maternité ne résulte que de la requête introductive d'instance rédigée par la salariée. Au demeurant, l'affirmation par Mme [F] que M. [D] lui aurait fixé des objectifs en augmentation de 50 % sur une période plus courte de 50 % ne ressort d'aucun des documents produits. Il n'a pas été demandé à Mme [F] de réaliser l'objectif de 150 000 euros avant son départ en congé maternité en juillet 2011, s'agissant d'un objectif annuel sur 2011, et non d'un objectif semestriel.

Pour le surplus, Mme [F] ne fournit pas d'éléments justifiant autrement que par ses propres déclarations le comportement qu'elle dénonce, ses pièces 3 et 21 consistant en un courrier du 24 juillet 2013 et un mail du 5 novembre 2013 qu'elle a adressés à M. [B]. L'extrait de son agenda (pièce 18) ne confirme pas l'existence d'une réunion de laquelle elle aurait été écartée ni que M. [D] aurait refusé de lui confier comme à ses collègues une clef de son bureau. L'extrait de son agenda (pièce 19) mentionne sur deux journées le salon de la rentrée à [Localité 6] Grand Palais, sur une journée un forum à [Localité 5] et sur une journée un forum emploi à [Localité 4]. Ainsi que le relève la société Campus Pro, la présence de la salariée sur un forum entrait dans ses fonctions de chargée de relation public adulte. La participation à des forums de recrutement figure en effet sur sa fiche de poste.

En définitive, Mme [F] ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer dans leur ensemble l'existence d'une discrimination liée à sa grossesse.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande indemnitaire de ce chef, ainsi que de sa demande de nullité du licenciement puisque ce dernier n'est pas la conséquence d'une discrimination.

Sur l'origine de l'inaptitude et la rupture du contrat de travail

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie, et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

La salariée a été placée en arrêt maladie sans discontinuer à compter du 20 novembre 2012. Il résulte du certificat établi par son médecin traitant en mai 2017, faisant état du traitement antidépresseur et anxiolytique prescrit à Mme [F] de décembre 2012 à décembre 2014, du courrier du Docteur [U], neuro-psychiatre, en date du 23 décembre 2013, et du dossier médical de la salariée tenu par le médecin du travail, que la salariée a souffert après le retour de son congé parental d'une dépression réactionnelle rapportée à un vécu de « mise au placard » et d'absence de reconnaissance, avec des cauchemars, une perte de confiance et d'estime de soi, des crises de tétanie. Le caractère professionnel de la maladie est ainsi établi.

Dans son courrier du 7 janvier 2014 à la caisse primaire d'assurance maladie, le médecin du travail a précisé que l'état de santé de Mme [F] et sa problématique au travail rendaient sa reprise de travail inenvisageable et son inaptitude probable. Lors de la visite de reprise du 13 mai 2014, le médecin du travail a déclarée Mme [F] inapte en un seul examen en visant le danger immédiat.

Le compte rendu de la DUP du 21 décembre 2012 fait état de multiples cas de souffrance dans l'entreprise et évoque deux personnes en arrêt maladie de longue durée, une salariée en arrêt maladie ayant entamé une démarche de licenciement pour inaptitude et une quatrième en arrêt depuis plus d'un mois, pouvant correspondre à Mme [F], en arrêt de travail depuis le 20 novembre 2012. Les déléguées du personnel ont indiqué qu'ils estimaient que les causes de ces arrêts de travail étaient essentiellement professionnelles, ce que M. [B] a contesté. Des outils ont été proposés pour remédier à ces difficultés (baromètre d'ambiance, audit, formation manager et séances de sophrologie).

Mme [F] a fait part à son employeur de sa souffrance au travail en lien avec son arrêt de travail par son courrier du 24 juillet 2013.

Il résulte de ces éléments que l'inaptitude de Mme [F] a bien, au moins partiellement, pour origine sa maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En application de l'article L.1226-10 du code du travail, l'omission de la consultation des délégués du personnel rend le licenciement illicite. En application des articles L.1226-14 et L.1226-15 du code du travail, Mme [F], qui ne demande pas sa réintégration, peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale.

Compte tenu de la classification conventionnelle à laquelle Mme [F] avait droit, la société Campus Pro sera condamnée à lui verser la somme de 36 090,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite, celle de 6 200,28 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement et celle de 4 536,90 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis.

Un salarié ne pouvant obtenir deux fois réparation d'un même préjudice, Mme [F] ne peut cumuler l'indemnité pour licenciement illicite avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [F] à verser à la société Campus Pro une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la société Campus Pro sera condamnée à verser à l'appelante la somme de 2 500 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Z] [F] de ses demandes d'indemnités pour travail dissimulé, discrimination et licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Déclare prescrites les demandes de rappels de salaires au titre de la classification conventionnelle et des heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de janvier 2011.

Dit que Mme [Z] [F] relevait de la classification conventionnelle G.

Condamne la société Campus Pro à verser à Mme [Z] [F] :

11 487,93 euros à titre de rappel de salaire au titre de la classification

conventionnelle G

1 148,79 euros au titre des congés payés y afférents

223,02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires

22,30 euros au titre des congés payés y afférents

36 090,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite

6 200,28 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement

4 536,90 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis.

Déboute la société Campus Pro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Campus Pro à verser à Mme [Z] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Campus Pro aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 20/00938
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.00938 ?
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