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15/12/2022 | FRANCE | N°20/03096

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 15 décembre 2022, 20/03096


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 15/12/2022





N° de MINUTE :22/1083

N° RG 20/03096 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TENP

Jugement (N° 16/01068) rendu le 28 Mai 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Douai



APPELANTE



Madame [I] [X] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 11] - de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représentée par Me Rodolphe Piret,

avocat au barreau de Douai, avocat constitué substitué par Me Anne-Laure Perrez, avocat au barreau de Douai

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/0856...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 15/12/2022

N° de MINUTE :22/1083

N° RG 20/03096 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TENP

Jugement (N° 16/01068) rendu le 28 Mai 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Douai

APPELANTE

Madame [I] [X] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 11] - de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, avocat constitué substitué par Me Anne-Laure Perrez, avocat au barreau de Douai

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/08566 du 06/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [S] [N]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 11] - de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte remis à étude le 22 octobre 2020

Sa Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Sa Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille

Sa Compagnie Européenne de Garanties et Cautions société anonyme au capital de 160.995.996,00 € régie par le Code des assurances, immatriculée RCS de Nanterre sous le numéro 382 506 079

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me François-Xavier Wibault, avocat au barreau d'Arras

DÉBATS à l'audience publique du 12 octobre 2022 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 6 octobre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre acceptée le 1er mars 2012, la Caisse d'épargne Nord France Europe ci-après 'la Caisse d'épargne' a consenti à M. [S] [N] et Mme [I] [X] épouse [N], en qualité d'emprunteur solidaire, pour financer l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation :

- un prêt Primo numéro 8136557 d'un montant de 115'426,83 euros d'une durée de 300 mois, au taux d'intérêt fixe de 4,56 % et au taux effectif global (TEG) de 5,43 %,

- un prêt Habitat numéro 813 6556 d'un montant de 60'000 euros d'une durée de 300 mois, au taux d'intérêt mensuel fixe de 4,56 % et au TEG de 5,84 %.

La Caisse d'épargne a notifié la déchéance du terme des contrats de crédit par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 avril 2015 et mis en demeure M. [N] et Mme [X] de régler l'intégralité des sommes restant dues soit :

- 117'776,87 euros au titre du prêt Primo,

- 66'686,91 euros au titre du prêt Habitat.

Suivant quittance subrogative en date du 21 juillet 2015, la Compagnie européenne de garanties et cautions a réglé à la Caisse d'épargne :

- la somme de 109'785,50 euros au titre du prêt Primo,

- la somme de 58'916,28 euros au titre du prêt Habitat.

La Compagnie européenne de garanties et cautions a adressé à M. [N] et Mme [X] une mise en demeure de régler ces sommes par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2015.

Par acte d'huissier délivré le 31 mars 2016, la Compagnie européenne de garanties et cautions a fait assigner en justice M. [N] et Mme [X] aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de :

- la somme de 117'484,27 euros au titre du prêt Primo, assortie des intérêts au taux contractuel de 4,56 % par an à compter du 4 août 2015 et jusqu'à parfait paiement,

- la somme de 63'047,81 euros au titre du prêt Habitat assortie des intérêts au taux contractuel de 4,56 % par an, à compter du 22 juillet 2015 et jusqu'à parfait paiement, outre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 et les dépens.

Par acte d'huissier délivré le 14 juin 2017, Mme [X] a assigné en garantie la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, aux fins de la voir condamner à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à la requête de la Compagnie européenne de garanties et cautions, outre la condamnation de la banque au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Par jugement réputé contradictoire en date du 28 mai 2020 le tribunal judiciaire de Douai a :

- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 109'785,50 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt primo numéro 8136557, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 58'916,28 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt relais habitat numéro 8136555, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des hauts de France,

- rejeté les demandes formées par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des hauts de France,

- rejeté la demande anatocisme,

- condamné solidairement (...) aux dépens de l'instance,

- rejeté les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 6 août 2020, signifiée à M. [N] par acte d'huissier délivré à étude le 22 octobre 2020, Mme [X] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

'- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 109'785,50 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt Primo numéro 8136557, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 58'916,28 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt relais Habitat numéro 8136555, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- rejeté les demandes formées par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des hauts de France,

- condamné solidairement (...) aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2020, signifiées à M. [N] par acte d'huissier délivré le 24 novembre 2020 à personne, Mme [X] demande à la cour de :

vu les articles 1147 et 2313 et suivants du Code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des hauts de France,

- rejeté la demande d'anatocisme,'

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

'- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 109'785,50 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt Primo numéro 8136557, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- condamné solidairement M. [N] et Mme [X] à verser à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 58'916,28 euros au titre de son recours subrogatoire relatif au prêt relais Habitat numéro 8136555, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2015,

- rejeté les demandes formées par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des hauts de France,

- condamné solidairement (...) aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.'

statuant à nouveau,

- constater que les manquements de la Caisse d'épargne à son obligation de conseil,

- en conséquence, condamner la Compagnie européenne de garanties et cautions, subrogée dans les droits de la Caisse d'épargne, au paiement de la somme de 180'000 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouter la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes fondées sur l'indemnité contractuelle réclamée d'un montant de 7 695,99 euros et 4 124,14 euros,

- ordonner la compensation entre les sommes dues,

- reporter à un an, le délai de règlement des sommes dues en application de l'article 1343-5 du code civil,

- dire et juger que durant cette période de report, les sommes dues porteront intérêts au taux légal,

- débouter la Compagnie européenne de garanties et cautions et la Caisse d'épargne de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

- condamner la Caisse d'épargne à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à la requête de la Compagnie européenne de garanties et cautions,

- condamner in solidum la Caisse d'épargne et la Compagnie européenne de garanties et cautions aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2021, et signifiées à M. [N] par acte d'huissier délivré à domicile le 19 février 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions demande à la cour de :

vu notamment les articles 1343-5, 2288, 2305 et suivants du code civil, les articles L.110-3, L.210-1, L.225-1et suivants du code de commerce,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai en date du 28 mai 2020,

- condamner Mme [X] au paiement de la somme de 3 000 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] au paiement des entiers frais et dépens engagés en cause d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2021, la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France demande à la cour de :

- recevoir la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, venant désormais aux droits de la Caisse d'épargne Nord France Europe, en son appel incident, la déclarer bien fondée,

en conséquence,

- déclarer bien fondées et recevables ses demandes,

- débouter M. [N] et Mme [X] de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai en date du 28 mai 2020 en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes,

statuant à nouveau,

- déclarer Mme [X] irrecevable en sa prétention tendant à obtenir la garantie quant à son éventuelle condamnation des sommes réclamées à son encontre par la Compagnie européenne de garanties et cautions, pour cause de prescription son action,

- en tout état de cause,

- constater la carence probatoire de Mme [X],

- constater dire et juger qu'elle a scrupuleusement respecté ses obligations lui incombant au titre du devoir de mise en garde,

- constater dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'octroi du crédit litigieux,

- par conséquent, débouter Mme [X] de l'intégralité ses demandes et confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai en date 28 mai 2020 en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes,

- condamner Mme [X] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [N] n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur les demandes de la Compagnie européenne de garanties et cautions à l'encontre de Mme [X]

Pour voir débouter la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes en paiement à son encontre, Mme [X], au visa de l'article 2313 du code civil, fait valoir qu'elle est bien fondée à opposer à la caution les exceptions qu'elle aurait pu opposer au créancier principal. Elle soutient que la banque a manqué à son obligation de mise en garde et conseil ce qui lui cause un préjudice, et sollicite en conséquence la condamnation de la Compagnie européenne de garanties et cautions , subrogée dans les droits de la Caisse d'épargne, au paiement de la somme de 180 000 euros au titre de son préjudice.

A titre liminaire, ainsi que la relevé le premier juge, même si l'engagement de caution de la Compagnie européenne de garanties et cautions n'est pas produit en l'espèce, il est acquis aux débats et non contesté par Mme [X], que la Compagnie européenne de garanties et cautions s'est bien portée caution des engagements de Mme [X] à l'égard de la Caisse d'épargne au titre des contrats de crédits du 1er mars 2012.

La caution qui a payé dispose à l'encontre du débiteur principal, outre le recours subrogatoire prévu par l'article 2306 du code civil, d'un recours personnel prévu par l'article 2305 du code civil lequel dispose :

'La caution qui a payé à son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais ; néanmoins, la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s'il y a lieu '.

La caution peut engager son action sur le fondement des deux recours, qui ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, et changer le fondement de son recours en cours d'instance. En outre, l'établissement d'une quittance subrogative à seule fin d'établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel, en application de l'article 2305 du Code civil.

En l'espèce, la Compagnie européenne de garanties et cautions précise expressément, aux termes de ses dernières conclusions, qu'elle entend exercer son recours personnel fondé sur l'article 2305 du code civil et sollicite la condamnation de Mme [X] au paiement du principal qu'elle a réglé.

Il est rappelé que le recours personnel est un droit propre reconnu à la caution, indépendant du droit du créancier contre le débiteur et qui trouve sa cause dans le seul fait du paiement générateur d'une obligation nouvelle, distincte de celle éteinte par ledit paiement. Dans le cadre de ce recours, à la différence du recours subrogatoire, le débiteur principal ne peut opposer à la caution, qui à payé, les exceptions et moyens dont elle aurait pu disposer à l'encontre du créancier originaire tirés de ses rapports avec celui-ci. La caution qui a réglé ne peut obtenir du débiteur que le strict remboursement de la somme payée, à l'exclusion de tout intérêts conventionnels, et ne peut donc seulement prétendre qu'aux intérêts au taux légal produit par la dette par elle acquittée, lesquels courent de plein droit à compter du paiement. Elle peut aussi réclamer les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Ainsi, et compte tenu de ce que la Compagnie européenne de garanties et cautions exerce son recours personnel sur le fondement de l'article 2305 du code civil, Mme [X] n'est pas fondée à lui opposer les exceptions, contestations et réclamations inhérentes à la dette principale tirées de ses rapport avec la Caisse d'épargne, créancière principale, ni par conséquent, à invoquer à l'encontre de la caution les manquements contractuels de la banque à son égard.

Mme [X] n'est pas davantage fondée à opposer à la Compagnie européenne de garanties et cautions un prétendu manquement de la banque à son obligation de mise en garde et de conseil lors de la souscription du contrat de crédit en application de l'article 2313 du code civil qui dispose : 'la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérente à la dette; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur' .

En effet, Mme [X] est débiteur principal et non caution, or, seule la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette que le débiteur principal aurait pu opposer au créancier, en application des dispositions de l'article 2313 du code civil.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de la Compagnie européenne de garanties et cautions à lui payer la somme de

180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements contractuels de la Caisse d'épargne.

Sur le quantum de la créance de La Compagnie européenne de garanties et cautions

La Compagnie européenne de garanties et cautions produit la quittance subrogative en date du 21 juillet 2015, suivant laquelle elle justifie avoir réglé à la Caisse d'épargne en exécution de son engagement de caution :

- la somme de 109'785,50 euros au titre du prêt Primo,

- la somme de 58'916,28 euros au titre du prêt Habitat.

Dès lors, elle justifie à l'égard de Mme [X], débiteur principal, de son droit aux remboursement des sommes qu'elle a payées à la banque.

Confirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de condamner Mme [X] à payer à les sommes de 109'785,50 euros et de 58'916,28 euros, augmentées des intérêts légaux à compter du 21 juillet 2015, date de la quittance subrogative.

La Compagnie européenne de garanties et cautions n'ayant pas formé appel incident du chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande d'anatoscisme, il y a lieu de le confirmer en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande en garantie de Mme [X] à l'égard de la Caisse d'épargne

Mme [X] fait valoir que la banque a engagé sa responsabilité en manquant à son devoir de mise en garde à son égard et demande en conséquence à être garantie par la Caisse d'épargne des sommes auxquelles elle pourrait être condamnée à l'égard de la Compagnie européenne de garanties et cautions.

La banque soulève la prescription de l'action de l'appelante au motif qu'elle a été engagée plus de cinq ans après la conclusion des contrats de crédit et qu'au regard des revenus et charges des époux [N], les emprunts n'étaient pas manifestement excessifs.

Sur la prescription

Selon l'article 2224 du code civil 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Le dommage résultant du manquement d'une banque au devoir de mise en garde consiste en la perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, le risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles, de sorte que le point de départ de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir non à la date de conclusion du contrat, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face. ( Civ 1er juillet 2020 18 24.339)

En l'espèce, les contrats de prêt litigieux ont été conclus le 1er mars 2012, et la déchéance du terme a été prononcée par la banque par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2015, cette date constituant le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité à l'encontre de la banque.

Dès lors, l'action engagée par Mme [X] à l'encontre de la Caisse d'épargne par exploit d'huissier du 14 juin 2017 n'est pas prescrite, étant observé au surplus, qu'en application de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, la demande d'aide juridictionnelle en date du 10 mai 2016 formée par Mme [X] a interrompu le délai de prescription, un nouveau délai de cinq ans ayant commencé à courir à compter de cette date.

Sur le fond

Il résulte des dispositions de l'article 1147 du code civil que l'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt ; ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l'emprunteur et, le cas échéant, à l'alerter sur les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; il implique l'obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l'emprunteur pour l'alerter, si nécessaire, sur un risque d'endettement.

Il incombe à l'emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde de la banque à son égard de démontrer que les prêts n'étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient un risque d'endettement contre lequel il devait être mis en garde.

Mme [X] allègue que la situation du couple aurait du conduire la banque à refuser le prêt. Elle rappelle que lors de sa conclusion, elle ne travaillait pas et avait cinq enfants à charge, pour lesquels le couple percevait des allocations familiales à hauteur de 546 euros par mois, ainsi que des pensions alimentaires à hauteur de 321 euros par mois ; que le seul examen de l'âge des enfants ( 17, 16, 9 et 4 ans) permettait de constater que les allocations familiales allaient être rapidement supprimées, ainsi que les pensions alimentaires, du fait de la majorité ou du départ de deux enfants, ce qui a également eu une incidence sur le montant des allocations logement.

La Caisse d'épargne fait notamment valoir que les allocations ou pensions alimentaires, source de revenus, ont nécessairement vocation à couvrir les dépenses afférentes aux enfants, mais que leur suppression n'a pas d'incidence dès lors que les enfants pour lequel elles sont versées ne sont plus à la charge du foyer.

Il n'est pas discuté que M. [N] et Mme [X] étaient des emprunteurs profanes.

Aux termes du document 'récapitulatif habitat', les ressources mensuelles des emprunteurs sont les suivantes (pièce n°1 de la communication de pièces de Mme [X]):

- revenus du travail : 2 483 euros,

- allocations familiales : 546 euros,

- allocations logement : 301 euros,

- pensions alimentaires reçues : 321 euros

- revenus du travail : 10 euros,

Total : 3 661 euros

Au titre des charges qui ne sont pas détaillées, il est mentionné 1 057,82 euros, soit un solde créditeur de 2 603,18 euros par mois.

Il est également mentionné une épargne de 3 462 euros, et l'absence d'endettement et de crédits en cours.

D'une part, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que la diminution des allocations familiales et des pensions alimentaires correspond à la majorité des enfants, certains ayant quitté le foyer familial sans qu'il soit démontré ou même allégué qu'ils soient demeurés à la charge du foyer, de sorte que cette baisse de revenus s'accompagne également d'une diminution des charges, se qui ne remet en cause l'équilibre du budget de la famille.

D'autre part, au regard du montant des échéances de 1 057,82 euros, le taux d'endettement est certes relativement important. Toutefois, force est de constater que M. [N] et Mme [X] ont remboursé l'emprunt sans difficulté pendant trois années, jusqu'au mois de février 2015 (la première mise en demeure pour impayés datant du 9 mars 2015) ce qui tend à démontrer que l'emprunt n'était pas manifestement excessif, même après suppression des allocations familiales ou pensions alimentaires pour deux enfants.

Il s'observe que les premiers incidents de paiement coïncident en réalité avec le départ de M. [N] du domicile conjugal, ce dernier ayant cessé d'honorer les échéances.

Dès lors, Mme [X] ne démontre pas l'existence d'un risque d'endettement lors de la conclusion du contrat de crédit contre lequel elle devait être mise en garde.

Confirmant le jugement déféré, il y a lieu de la débouter de sa demande de garantie à l'encontre de la Caisse d'Epargne.

Sur la demande de délai

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme [X] demande le report du paiement de la dette à an, afin de lui laisser le temps de vendre l'immeuble objet du crédit, ce qui permettrait d'apurer la dette. Elle produit un mandat de vente de l'immeuble pour un montant de 160 000 euros à la société Watremez Immobilier en date du 13 mai 2016.

Cependant, compte tenu de l'ancienneté de plus de six ans de ce mandat et du défaut de justificatif récent sur sa situation financière et patrimoniale, Mme [X] sera déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugements sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction pour ceux de la Caisse d'épargne, au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, en en application des dispositions l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute Mme [X] de sa demande de report de la dette ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Condamne Mme [X] aux dépens d'appel, dont distraction pour ceux de la Caisse d'épargne des Hauts de France, au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, en en application des dispositions l'article 696 du code de procédure civile.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03096
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.03096 ?
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