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08/12/2022 | FRANCE | N°21/01493

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 08 décembre 2022, 21/01493


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 08/12/2022





****



N° de MINUTE : 22/447

N° RG 21/01493 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQHO

Jugement (N° 19/04542) rendu le 03 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTS



Madame [Z] [P] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de tutrice à la personne de son fils [F] [P] en vertu de jugements rendus les 27 novembre 2019 et 11 février

2022 par le tribunal judiciaire de Lille service de la protection des majeurs

née le [Date naissance 1] 1969 à [Adresse 16]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/12/2022

****

N° de MINUTE : 22/447

N° RG 21/01493 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQHO

Jugement (N° 19/04542) rendu le 03 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Madame [Z] [P] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de tutrice à la personne de son fils [F] [P] en vertu de jugements rendus les 27 novembre 2019 et 11 février 2022 par le tribunal judiciaire de Lille service de la protection des majeurs

née le [Date naissance 1] 1969 à [Adresse 16]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 14]

[Localité 7]

Monsieur [L] [A]

né le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Association Atinord

[Adresse 13]

[Localité 8]

Représentés par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistés de Me Philippe Lebois, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant,

INTIMÉES

SAMCV Macif prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lille Douai prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 10]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 18 mai 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 28 septembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022 après prorogation du délibéré en date du 24 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 septembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 31 août 2005, Mme [Y] [K], salariée en qualité d'éducatrice spécialisée au sein de l'association départementale du Nord pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (ADNSEA), a perdu le contrôle du véhicule qu'elle utilisait pour transporter quatre enfants atteints de lourds handicaps.

L'un d'eux, [F] [P] âgé de 6 ans pour être né le [Date naissance 12] 1999, était grièvement blessé lors de l'accident. Cet enfant présentait des suites de sa naissance un retard psychomoteur associé à une hypotonie ainsi qu'à des troubles de la personnalité et du comportement, ce qui avait justifié sa prise en charge spécialisée. A compter d'avril 2005, ce dernier, qui n'avait pu être scolarisé, avait intégré un institut médico-éducatif (IME) en internat, avec retour à domicile les fins de semaine.

A la suite de l'accident, [F] [P] présentait une fracture de la mandibule associée à un traumatisme facial ainsi qu'un grave traumatisme crânien avec coma prolongé ; les examens d'imagerie mettaient en évidence des hémorragies au niveau du cervelet et du ventricule latéral droit, ainsi que des lésions frontales bilatérales et temporales droites.

Par un arrêt rendu le 26 novembre 2009, la cour d'appel de Douai a jugé que la société Macif (Macif) serait tenue, en sa qualité d'assureur automobile, de garantir l'ADNSEA des conséquences dommageables de l'homicide involontaire et des blessures involontaires survenus le 31 août 2005, dont cette dernière avait été déclarée responsable.

Les parents de [F] [P], Mme [Z] [P] et M.'[L] [A] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont réclamé à la Macif l'indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Lille.

Le 25 juillet 2014, le juge des référés a confié une mesure d'expertise médicale judiciaire à M.'[D], lequel a dressé son rapport le 15 mars 2016 après s'être adjoint le concours de M.'[I] en qualité de sapiteur ergothérapeute.

Selon exploits délivrés le 3 et 8 février 2017, Mme [Z] [P] et M.'[L] [A], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils [F] [P], ont fait assigner la Macif et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices.

La CPAM de Lille-Douai n'a pas constitué avocat et a adressé un courrier au premier juge indiquant qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance.

Par une ordonnance d'incident rendue le 16 novembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle mesure d'expertise confiée à M.'[T].

Par une ordonnance rendue le 1er mars 2018, le juge de la mise en état a ordonné sursis à statuer sur l'action engagée par Mme [Z] [P] et M.'[L] [A] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

M.'[T] a déposé son rapport d'expertise le 30 août 2018.

Par un jugement rendu le 27 novembre 2019, M. [F] [P], devenu majeur le 9 avril 2017, a été placé sous tutelle, et Mme [Z] [P] a été désignée comme tutrice pour exercer la mesure.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 3 mars 2021, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Lille a':

' dit que M.'[F] [P], victime directe, ainsi que Mme [Z]

[P] et M.'[L] [A], victimes indirectes, avaient droit à la réparation intégrale de leurs préjudices nés de l'accident survenu le 31 août 2005';

' condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice,

Mme [Z] [P], les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

2.1 9'800 euros au titre des frais divers ;

2.2 60'394,95 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire ;  

2.3 66'447 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

2.4 50'000 euros au titre des souffrances endurées ;

2.5 2'800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

2.6 20'395,58 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente échue ;

2.7 180'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

2.8 25'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

2.9 5'000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

3. dit que les sommes allouées ci-dessus seraient versées sous déduction des

provisions versées par la Macif, d'un montant de 190'000 euros';

4. condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice,

Mme [Z] [P], une rente annuelle viagère d'un montant de 6'000,75 euros, au titre de la tierce personne permanente, payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour, et ce à compter du jugement ;

5. constaté que le tribunal n'était pas saisi de demande chiffrée relative à la

liquidation des postes de préjudice de M.'[F] [P] concernant les dépenses de santé actuelles et futures, l'adaptation du logement, l'adaptation du véhicule, ainsi que les éléments des frais divers au titre des frais de transport, des frais exposés lors des hospitalisations et des aides techniques ;

6. constaté que la Macif avait versé au titre des dépenses de santé futures de

M.'[F] [P] la somme totale de 7'195,12 euros ;

7. débouté M.'[F] [P], représenté par sa tutrice, Mme [Z]

[P], de ses demandes formées au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice sexuel ;

8. condamné la Macif à payer à Mme [Z] [P] et M.'[L]

[A] la somme de 25'000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection ;

9. dit que la somme allouée à Mme [Z] [P] serait versée sous

déduction de la provision de 5'000 euros d'ores et déjà acquittée par la Macif ;

10. constaté que le tribunal n''était pas saisi de demande chiffrée relative au

préjudice matériel de Mme [Z] [P] et M.'[L] [A] ;

11. débouté les parties de leurs autres demandes ;

12. condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice,

Mme [Z] [P], la somme de 4'000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

13. condamné la Macif aux entiers dépens de l'instance incluant ceux de référé

et les frais d'expertises judiciaires ;

14. autorisé Me Christophe Everaere, avocat au barreau de Lille, à recouvrer

directement les dépens dont il avait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

15. ordonné l'exécution provisoire du jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 11 mars 2021, Mme [Z] [P], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de M.'[F] [P] en vertu d'un jugement rendu le 27 novembre 2019 par la juge des tutelles de Lille, et M.'[L] [A] ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 2, 2.1 à 2.9, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, et 11 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de leurs conclusions de reprise d'instance notifiées le 1er

juin 2022, Mme [Z] [P] agissant en son nom personnel et en qualité de tutrice à la personne de M.'[F] [P], M.'[L] [A], appelants principaux, et l'association Atinord intervenante volontaire en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P], demandent à la cour, au visa des dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, de :

- les recevoir en leur appel et leur intervention volontaire ;

- infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

'dit que M.'[F] [P], victime directe, ainsi que Mme [Z] [P] et M.'[L] [A], victimes indirectes, avaient droit à la réparation intégrale de leurs préjudices nés de l'accident survenu le 31 août 2005';

'condamné la Macif à payer la somme de 4'000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la Macif aux entiers dépens de l'instance incluant ceux de référé et les frais d'expertises judiciaires ;

- débouter la Macif de toutes ses demandes, et notamment de voir déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de prise en charge du coût de l'institutionnalisation de M.'[F] [P] ;

- en conséquence, procéder à l'évaluation définitive du préjudice tant corporel que matériel de M.'[F] [P] sur la base des constatations médicales de l'expert judiciaire ;

- en conséquence, condamner la Macif à verser à l'association Atinord en qualité de tuteur aux biens de M.'[F] [P] la somme de 514'160 euros sauf à parfaire, en deniers ou quittances, en réparation des postes de préjudices patrimoniaux temporaires détaillés comme suit :

réserver les dépenses de santé actuelles ;

9'800 euros au titre des frais divers ;

réserver les frais de transport ;

réserver les frais exposés lors des hospitalisations ;

réserver les aides techniques ;

504'360 euros au titre de l'assistance passée par une tierce personne ;

- condamner la Macif à verser à l'association Atinord en qualité de tuteur aux biens de M.'[F] [P] la somme de 13'095'150,40 euros sauf à parfaire, en deniers ou quittances, en réparation des postes de préjudices patrimoniaux permanents détaillés comme suit :

réserver les dépenses de santé futures ;

réserver les frais médicaux restant à charge ;

réserver les aides techniques ;

réserver les frais d'aménagement du logement ;

réserver les frais d'aménagement du véhicule ;

640'000 euros au titre de l'assistance actuelle par une tierce personne ;

11'559'744 euros au titre de l'assistance future par une tierce personne ;

895'406,40 euros au titre des pertes de gains professionnels ;

- dire, dans l'hypothèse où la cour estimerait nécessaire de convertir sous forme de rente le poste d'assistance tierce personne future, que celle-ci sera rétroactivement servie à compter du 25 janvier 2019, date de la demande, et revalorisée à compter de la décision à intervenir ;

- dire que la rente sera calculée sur les jours de présence de M.'[F] [P] au domicile parental';

- dire, dans l'hypothèse où la victime serait institutionnalisée, qu'il y aura lieu de condamner la Macif à prendre en charge le coût de l'institutionnalisation qui est une conséquence directe de l'accident survenu le 31 août 2005 ;

- débouter la Macif de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable et mal fondée "la demande s'inscrivant dans une situation d'éventuelle aggravation de la compétence du tribunal et la victime étant déjà institutionnalisée du fait de son grave handicap avant l'accident" ;

- réserver les droits de M.'[F] [P] quant à la prise en charge des dépenses de santé futures, des frais médicaux restant à charge et de l'acquisition des aides techniques ;

- réserver les droits de M.'[F] [P] quant à l'acquisition et l'aménagement d'un logement adapté à son handicap ;

- réserver les droits de M.'[F] [P] quant à l'acquisition et l'aménagement d'un véhicule destiné à son transport ;

- condamner la Macif à verser à l'association Atinord en qualité de tuteur aux biens de M.'[F] [P] la somme de 875'840 euros en deniers ou quittances, en réparation des postes de préjudices extra-patrimoniaux temporaires et permanents détaillés comme suit :

120'840 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

50'000 euros au titre des souffrances endurées ;

15'000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

480'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

50'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

80'000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

80'000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- constater que les proches de la victime disposent en application de l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985 d'un droit à indemnisation plein et entier du préjudice tant moral que matériel qu'ils ont subi à la suite de l'accident dont a été victime M.'[F] [P] le 31 août 2005 ;

- en conséquence, condamner la Macif à verser à la mère, Mme [Z] [P], et au père, M.'[L] [A], la somme de 60'000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et affectif ;

- réserver les droits de Mme [Z] [P] et de M. [L] [A] en ce qui concerne la réparation de leur préjudice matériel ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de Lille-Douai ;

- condamner la Macif à payer à l'association Atinord en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P] la somme de 6'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner la Macif en tous les dépens de l'instance qui comprendront notamment les frais d'expertise, et ce dont distraction au profit de Maître Marie-Hélène Laurent, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [Z] [P] en personne et ès qualités, M.'[L] [A], et l'association Atinord ès qualités font valoir que :

- par ordonnance du 3 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré recevable en cause d'appel leur demande relative à la prise en charge par l'assureur du coût de l'institutionnalisation de M.'[F] [P], dans l'hypothèse où ce dernier serait institutionnalisé ;

- par jugement du 11 février 2022, l'association Atinord a été désignée en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P], et Mme [Z] [P] désignée en qualité de tutrice à la personne, de sorte que l'association Atinord ès qualités intervient volontairement afin de reprendre l'instance d'appel ;

- il convient d'apprécier l'état antérieur de la victime qui était atteinte d'une pathologie d'origine non pas génétique mais provenant d'un environnement social et parental en partie déficient ;

- il n'est pas démontré que M.'[F] [P] aurait été institutionnalisé en l'absence de l'accident ;

- l'expert [T] minimise les conséquences de l'aggravation de l'état de santé de M. [F] [P] à la suite de l'accident, en évoquant une diminution des possibilités de marche, de communication, des capacités d'autonomie, alors qu'en réalité, il ne s'agit pas d'une simple diminution mais d'une impossibilité totale de marcher, de communiquer et de contrôler ses sphincters ; M.'[F] [P] est devenu, à la suite de l'accident, totalement dépendant pour tous les gestes de la vie quotidienne ;

- les bilans médicaux et éducatifs de l'enfant montraient qu'il présentait un retard psychomoteur ayant empêché sa scolarisation, parvenait à se tenir assis et à se mettre debout, prononçait quelques syllabes, n'avait pas un bon niveau de compréhension, et ne se repérait ni dans le temps ni dans l'espace ;

- à l'âge de six ans, il s'avérait toutefois impossible de prévoir l'évolution des troubles psychomoteurs dont était atteint [F], alors que ses progrès, constatés par les soignants, dépendaient toutefois de la qualité et de la stabilité de son environnement social et familial ;

- l'état antérieur de l'enfant ne prédisposait pas celui-ci à être placé en institution sa vie durant, ainsi que le démontrent les constatations effectuées par les médecins traitants et les intervenants du centre dans lequel il était pris en charge ;

- ils sollicitent l'application du barème de capitalisation publié le 15 septembre 2020 par la Gazette du palais, fondé sur les tables de mortalité les plus récentes.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 février 2022, la Macif,

intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, de :

Sur le préjudice de M.'[F] [P] :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a tenu compte de l'état antérieur de la victime dans l'appréciation de son préjudice ;

- confirmer le jugement querellé sur les postes suivants :

9'800 euros au titre des frais divers ;

débouté au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

débouté au titre du préjudice sexuel ;

5'000 euro au titre du préjudice d'agrément ;

25'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

ordonné la déduction sur les sommes dues de la provision de 190'000 euros déjà versées par la Macif ;

- prendre acte de son appel incident ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté qu'aucune demande n'avait été formulée au titre des dépenses de santé actuelles et futures, de l'adaptation du logement, de l'adaptation du véhicule, des aides techniques, des frais de transport, et des frais d'hospitalisation ;

- constater qu'aucune demande justifiée de sursis à statuer n'a été formulée pour ces postes, et prononcer le rejet des demandes ;

- infirmer le jugement querellé sur les postes ci-dessous, dire ses offres satisfaisantes, et rejeter les demandes des appelants sur les postes où il est demandé le rejet et le débouté :

débouté au titre des dépenses de santé actuelles ;

30'996 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

débouté au titre des frais restant à charge de la victime ;

débouté au titre des aides techniques ;

débouté au titre des frais de logement adapté ;

débouté au titre des frais de véhicule adapté ;

5'670 euros au titre des arrérages échus de l'assistance permanente par une tierce personne du 9 avril 2017 au 31 décembre 2018 ;

3'240 euros de rente annuelle au titre de l'assistance permanente par une tierce personne à échoir, versée trimestriellement à terme échu, assortie d'une clause de suspension si M.'[F] [P] devait être hospitalisé ou placé dans une structure de soins et d'hébergement pendant une durée supérieure de 30 jours ;

déclarer irrecevable et mal fondée, la demande s'inscrivant dans une situation d'éventuelle aggravation de la compétence du tribunal, la victime étant déjà institutionnalisée du fait de son grave handicap avant l'accident ;

50'953,05 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

30'000 euros au titre des souffrances endurées ;

152'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Sur le préjudice de Mme [Z] [P] :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a alloué à Mme [Z] [P] une somme de 25'000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- l'infirmer sur le préjudice matériel ;

- débouter Mme [Z] [P] de sa demande au titre du préjudice matériel ;

Sur le préjudice de M. [L] [A] :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a alloué à M. [L] [A] une somme de 25'000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- l'infirmer sur le préjudice matériel ;

- débouter M.'[L] [A] de sa demande au titre du préjudice matériel ;

- ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité procédurale ;

- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs autres demandes, fins, et conclusions ;

- prendre acte des provisions réglées à la victime à hauteur de 190'000 euros, outre le financement des aides techniques pour un total de 7'195,12 euros, et de la provision de 5'000 euros versée à Mme [Z] [P] ;

- condamner les appelants aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, la Macif fait valoir que :

- elle a considéré que le rapport d'expertise du docteur [D], expert généraliste, qui contenait de nombreuses erreurs et contradictions, n'était pas exploitable en l'état et ne permettait pas au juge du fond de trancher le litige, et a sollicité une expertise complémentaire, qui a été confiée au docteur [T] neurologue, afin d'apprécier la problématique liée à la situation antérieure de la victime ;

- l'expert [T] indique que M. [F] [P] relève d'une prise en charge en internat en établissement spécialisé adapté pour les personnes présentant un handicap grave, qu'il est dépendant pour tous les actes de soins à sa personne et tous les actes domestiques, qu'il peut retourner chez sa mère deux week-ends par mois ; il ajoute que la situation de la victime était la même avant le fait accidentel, et que les besoins en aide humaine sont pris en charge par le centre, que le besoin supplémentaire en aide humaine active non médicalisée, lorsqu'il se trouve au domicile maternel, s'élève à 3 heures par jour, en plus des aides relevant de l'état antérieur ;

- 17 ans après l'accident, les appelants ne sont toujours pas en mesure de chiffrer certains postes de préjudice pour lesquels ils sollicitent une réserve de droit ;

- seule est recevable sur ces postes une demande de sursis à statuer, tandis que la demande de «'réserves de droit'», dont les raisons ne sont pas spécifiées, est irrecevable et mal fondée ;

- seul le versement d'une rente pour indemniser la tierce personne apparaît de nature à assurer la protection de la victime par un règlement régulier et pérenne, et à éviter tout aléa dans la gestion des fonds alloués ;

- la demande de prise en charge par l'assureur du coût de l'institutionnalisation est mal fondée, car il est acquis que la victime ne pouvait échapper à son institutionnalisation en raison du lourd handicap qui était le sien avant même l'accident ;

- compte tenu de l'importance de son handicap, M.'[F] [P] aurait, même en l'absence d'accident, été dans l'incapacité d'accéder à un emploi, même en secteur protégé ;

- il n'existe aucune perte de gains professionnels actuels ni futurs.

4.3. La CPAM de Lille-Douai, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat

ni conclu devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

La cour constate également que les parties ne contestent pas le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que M.'[F] [P], victime directe, et ses parents, victimes indirectes, avaient droit à la réparation intégrale de leurs préjudices nés de l'accident survenu le 31 août 2005.

I - Sur l'intervention volontaire du tuteur aux biens

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Par jugement du 11 février 2022, le juge des tutelles de Lille a désigné l'association Atinord en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P], et Mme [Z] [P] en qualité de tutrice à la personne de son fils.

En conséquence, l'association Atinord ès qualités sera déclarée recevable en son intervention volontaire en cause d'appel.

II - Sur la recevabilité de la demande nouvelle en appel

Par ordonnance d'incident du 3 février 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable en cause d'appel la demande de Mme [Z] [P], en personne et ès qualités, et de M.'[L] [A] tendant à voir prendre en charge, le cas échéant, par la Macif le coût de l'institutionnalisation de leur fils.

La question de la recevabilité de ladite demande en cause d'appel a été définitivement tranchée par le conseiller de la mise en état dans l'ordonnance précitée.

III - Sur l'indemnisation du préjudice de la victime directe

A - Sur les réserves de droit sollicitées par les appelants

A l'instar du premier juge, la cour retient que les appelants, en lui demandant de réserver certains postes de préjudice, ne la saisissent en réalité d'aucune demande chiffrée tendant à voir condamner l'assureur à les indemniser au titre des dépenses de santé actuelles, des frais de transport, des frais exposés lors des hospitalisations, des dépenses de santé futures, des aides techniques actuelles et futures, des frais médicaux restés à charge, des frais d'aménagement du logement, et des frais d'aménagement du véhicule.

Il n'y a pas lieu pas de surseoir à statuer de ces chefs, ni davantage de débouter les appelants de leurs prétentions, ainsi que le réclame l'assureur.

B - Sur le mode de règlement des préjudices futurs

Le premier juge a opté pour la réparation des préjudices patrimoniaux permanents sous forme de rente.

Les appelants sollicitent le versement en capital des préjudices patrimoniaux futurs.

La Macif propose de procéder à une réparation de l'assistance par une tierce personne à échoir sous forme de rente viagère et d'assurer les versements entre les mains de la tutrice.

Sur ce, il appartient au juge du fond, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de choisir le mode de réparation du dommage, sous forme de rente ou de capital.

La cour considère, compte tenu de l'importante vulnérabilité de la victime et de son incapacité à exprimer sa volonté, que seul le versement d'une rente pour indemniser la tierce personne apparaît de nature à assurer à long terme la protection de ses intérêts, garantir un versement régulier et pérenne de son indemnisation, et éviter tout aléa dans la gestion des fonds alloués.

En conséquence, la cour retiendra le versement de l'indemnisation des postes patrimoniaux permanents futurs sous forme de rente.

C - Sur la valeur probante de l'expertise judiciaire

Il résulte de l'article 9 du code de procédure civile, aux termes duquel «'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'», et de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'un mode de preuve n'est admissible que s'il est licite et s'il n'a pas été obtenu dans des circonstances déloyales.

En tout état de cause, le juge n'est pas lié par les avis des experts, qui demeurent soumis à son appréciation et peuvent être critiqués et discutés par les parties. Celles-ci disposent de la faculté de rapporter la preuve des faits soutenant leur prétention. Dès lors, les parties demeurent libres de contester ou de corroborer au fond les conclusions de chacune des expertises judiciaires.

En l'espèce, tant les appelants que l'assureur demandent à la cour de procéder à l'évaluation définitive du préjudice tant corporel que matériel de M.'[F] [P] sur la base des «'constatations médicales de l'expert judiciaire'».

Il s'observe que seul l'expert [T] a été en mesure de fixer la date de consolidation de la victime au 9 avril 2017, et s'est prononcé de façon claire et argumentée sur les conséquences de l'état antérieur pathologique latent de la victime.

En tout état de cause, la cour pourra librement apprécier l'avis de chacun des experts à la lumière de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis.

D - Sur l'évaluation des préjudices

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1° - Sur les dépenses de santés et les aides techniques actuelles

Le premier juge a constaté qu'il n'était saisi d'aucune demande à ce titre.

Le conseil de M.'[F] [P] n'invoque aucunes dépenses de santé actuelles restées à la charge de ce dernier, mais demande que ce poste et les aides techniques, qu'il qualifie de «'matériel nécessité par le handicap du blessé'», soient réservés.

La CPAM de Lille-Douai n'intervient pas à l'instance. Dans un relevé du 17 décembre 2018 produit au débat par les appelants, la caisse chiffre ses débours définitifs, avant consolidation fixée au 9 avril 2017, à la somme de 412'187,20 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage, et de transport.

La Macif fait observer qu'elle a déjà accepté de financer, en remboursement des aides techniques, un fauteuil «'Panther'» pour 3'447,80 euros, un fauteuil roulant «'Avantage T Otto bock'» pour 2'706,17 euros, et un fauteuil «'Innov actif Otto block'» et un tricycle de rééducation pour 1'041,15 euros, soit une somme de 7'195,12 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Les créances produites par la caisse sont imputables à l'accident corporel.

Il y a lieu de fixer la créance de la CPAM au titre des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable, en ce compris les aides techniques, à la somme de 412'187,20 euros, et de constater que la victime ne forme aucune demande de ce chef.

Le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a constaté que la Macif avait versé au titre des dépenses de santé «'futures'» de M.'[F] [P] la somme totale de 7'195,12 euros, ces fauteuils et tricycle de rééducation ayant en réalité été pris en charge avant consolidation au titre des dépenses de santé actuelles.

2 ° - Sur les frais divers

Les frais divers hors tierce personne temporaire

Le premier juge a accordé à la victime une indemnisation de 9'800 euros en remboursement des honoraires exposés auprès des médecins conseils, MM. [H] et [E].

En cause d'appel, les parties ne contestent plus ce poste.

Il s'observe en outre que M. [F] [P] n'explicite pas devant la cour les réserves qu'il entend formuler au titre des frais de transport et des frais prétendument exposés lors des hospitalisations.

La cour constatera qu'il ne formule aucune demande de ces chefs.

L'assistance tierce personne temporaire

Le premier juge a indemnisé l'assistance tierce personne temporaire par l'allocation d'une somme de 60'394,95 euros sur la base d'un coût horaire de 18 euros, majoré de 10% pour prendre en compte l'indemnisation des jours fériés et congés payés.

Les appelants demandent au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne une somme de 504'360 euros, correspondant à une indemnisation de 15 euros de l'heure sur la base d'une assistance 24 heures sur 24 lors des permissions thérapeutiques au domicile maternel. Ils font valoir que':

- l'expert [D] évoque la nécessité quotidienne d'une tierce personne à raison de huit heures en aide humaine de substitution pour effectuer les gestes élémentaires de la vie quotidienne (se laver, s'habiller, s'alimenter, se déplacer), huit heures en aide humaine passive diurne pour la vigilance et la surveillance du comportement de la victime, et huit heures en aide humaine passive nocturne ;

- il y a lieu de fixer la date de consolidation au 25 septembre 2015, date de l'examen au cabinet de M. [D] ;

- l'institut d'éducation motrice (IEM) [15] atteste que de 2007 à 2015, M.'[F] [P] a séjourné environ 200 jours par an au domicile maternel, ce qui correspond à toutes les fins de semaine et à la quasi-totalité des vacances scolaires.

La Macif offre une indemnisation de 30 996 euros, correspondant à 14 euros de l'heure, au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, en exposant que':

- l'expert [T] tient compte de l'état antérieur de l'enfant qui nécessitait, avant même l'accident une lourde prise en charge par ses parents ; il évalue à 3 heures par jour le besoin en aide active humaine non médicalisée imputable à l'accident, lequel vient en plus des aides rendues nécessaires par l'état antérieur, et ce à compter du 6 mars 2007 pendant les week-ends où l'enfant séjourne chez sa mère ;

- tout enfant âgé de six ans ne peut être considéré comme autonome, et a besoin de l'aide naturelle de ses parents pour réaliser un certain nombre de tâches de la vie courante.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Dans son rapport du 15 mars 2016, l'expert [D] retient qu'avant l'accident, M.'[F] [P] était un enfant de 6 ans «'placé en institution avec la perspective d'un avenir en institution'», atteint d'un handicap psychomoteur constitutionnel, dont l'étiologie n'avait pu être précisée, mais qui associait des troubles moteurs, intellectuels et comportementaux. A la suite de l'accident du 31 août 2005, M.'[F] [P] a présenté un traumatisme crânien grave avec des lésions céphaliques diffuses, un coma prolongé et une hypertonie majeure, ainsi qu'un traumatisme facial avec fracture mandibulaire gauche et plaie jugale persistante. L'enfant présentait un état antérieur pathologique cliniquement latent. L'expert considère que les conséquences de l'accident de la circulation ont contraint à un placement institutionnel de l'enfant, qui était toutefois dans une situation médico-sociale identique, mais les conséquences de l'accident auraient à elles seules justifié un placement en milieu institutionnel. Il retient un besoin permanent en aide humaine sans toutefois être en mesure de fixer la date de consolidation des lésions présentées par la victime.

L'expert [T], dans son rapport du 30 août 2018, expose que M.'[F] [P], enfant handicapé avec un retard psychomoteur sévère et des troubles des acquisitions neurocognitives, a été victime d'un accident de la circulation le 31 août 2005, alors qu'il se trouvait dans un véhicule de transport pour personnes handicapées.

Le bilan initial a mis en évidence une plaie de la joue gauche avec perte de substance, ainsi qu'une plaie de l'oreille gauche, des excoriations diffuses aux quatre membres, une hémorragie méningée et des pétéchies frontales bilatérales avec irruption de sang dans la corne occipitale du ventricule latéral droit.

Si l'état antérieur de M. [F] [P] était responsable d'un handicap très important qui nécessitait sa prise en charge dans une institution spécialisée, l'accident a été responsable d'une aggravation de son état avec notamment :

- un déficit moteur droit avec une dyskinésie importante à droite obligeant au maintien en fauteuil roulant ;

- une perte du peu de langage précédemment acquis, lequel a régressé, la communication se faisant dorénavant essentiellement par gestes ;

- une impossibilité de marcher, alors qu'il pouvait auparavant se déplacer seul ;

- les troubles de la déglutition qui contraignent à une alimentation mixée avec de l'aide humaine, alors qu'il parvenait auparavant à manger seul ;

- une perte du contrôle sphinctérien alors qu'il avait réussi à acquérir la propreté ; - des troubles du comportement avec des altérations brutales de l'humeur, des rires immotivés, de fréquentes baisses de vigilance, l'hétéro-agressivité avec impulsivité ayant augmenté ;

- une épilepsie partielle post-traumatique dûment authentifiée avec généralisation secondaire, justifiant un traitement antiépileptique, et incomplètement équilibrée par le traitement, puisqu'il persiste environ une crise par mois.

L'aggravation de l'état clinique et relationnel de M.'[F] [P] explique selon l'expert [T] que sa dépendance se soit accrue du fait des conséquences de l'accident.

L'expert [T] retient donc que M.'[F] [P] est dépendant pour tous les actes de soins à sa personne, pour tous les actes domestiques, pour l'entretien du linge de son logement, les courses, la préparation des repas. Il peut avoir des comportements inadaptés ou aberrants, et a besoin d'une surveillance constante. L'état clinique séquellaire justifie que l'intéressé soit pris en charge dans un établissement adapté pour personnes handicapées avec un handicap grave. Cette situation était la même avant le fait accidentel. Quand l'intéressé est au centre spécialisé, les besoins en aides humaines sont pris en charge par celui-ci.

Lorsque l'intéressé est au domicile de sa mère, il a besoin d'aide active non médicalisée pour assumer les soins à la personne et la part qui lui revient dans les activités domestiques. Néanmoins son état antérieur nécessitait aussi une assistance. L'accident a eu pour conséquence, notamment en diminuant les possibilités de marche et de communication, outre les capacités d'autonomie, d'aggraver sa dépendance. Lorsqu'il est au domicile de sa mère, son besoin supplémentaire en aide humaine active non médicalisée peut être globalement évalué à 3 heures par jour en plus des aides qui relèvent de l'état antérieur. Ce besoin s'applique aux fins de semaine passées chez sa mère, à compter du 6 mars 2007 à la fin de la période de rééducation, l'expert relevant que l'enfant séjournait plusieurs week-ends par mois chez sa mère du vendredi soir au lundi matin.

Interrogé par les conseils des parties, l'expert [T] considère que M. [F] [P] se trouvait dans une situation de très grande dépendance avant les faits et que, même s'il avait des possibilités de déplacement autonome, cette autonomie n'avait guère d'incidence sur son incapacité à assumer seuls les actes de la vie courante, rappelant que son état antérieur nécessitait déjà son institutionnalisation. Il ajoutait que, si le besoin supplémentaire en aide humaine du fait de l'accident devait être plus important, il ne saurait dépasser 5 heures par jour, et certainement pas atteindre les quantités horaires proposées par le conseil des appelants.

De l'ensemble de ces pièces, rapports, et énonciations, la cour retient que M.'[F] [P] séjourne chez sa mère trois fins de semaine par mois, à raison de 2,25 jours par week-end du vendredi en fin d'après-midi au lundi matin, outre vingt jours supplémentaires par an durant les vacances, ainsi que l'établissent les attestations de retour au foyer, signées par l'IEM [15] de 2007 à 2015.

Le besoin supplémentaire en aide humaine non spécialisée imputable au fait dommageable est fixé à 3 heures par jour, sur une base horaire de 18 euros pour une aide active.

Ce poste de préjudice est donc calculé du 6 mars 2007 au 9 avril 2017, date de consolidation, de la façon suivante :

(121 mois x 3 fins de semaine x 2,25 jours x 3 heures x 18 euros) + (20 jours x 10 ans x 3 heures x 18 euros) = 54'904,50 euros.

Ce poste de préjudice sera majoré de 10% pour tenir compte des congés payés et jours fériés normalement servis en cas de recours à une aide extérieure professionnelle, dans la mesure où il convient d'apprécier l'entier préjudice subi par la victime, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit, et alors qu'elle reste entièrement libre du choix de recourir ou non à une assistance salariée, et qu'elle n'a pas à justifier de frais engagés en cas d'assistance par un proche.

Le préjudice lié à l'assistance temporaire par une tierce personne s'établit par conséquent à la somme de 60'394,95 euros (soit 54'904,50 + 5'490,45) qui sera allouée à M. [F] [P].

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents

1° - Sur les dépenses de santé futures

Le premier juge a constaté qu'il n'était saisi d'aucune demande à ce titre.

Le conseil de M.'[F] [P] demande que les frais médicaux restant mensuellement à la charge de ce dernier et les aides techniques futures, qu'il qualifie de «'matériel nécessité par le handicap du blessé'», soient réservés.

La CPAM de Lille-Douai n'intervient pas à l'instance. Dans un relevé du 17 décembre 2018 produit au débat par les appelants, elle chiffre ses débours définitifs, après consolidation fixée au 9 avril 2017, à la somme de 16'985,44 euros au titre des soins post-consolidation, et à la somme de 408'462,62 euros au titre des frais futurs, soit un montant total de 425'448,06 euros.

Sur ce, les dépenses de santé futures correspondent aux frais médicaux et pharmaceutiques (non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation, mais également les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent en outre les frais liés soit à la réalisation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit la pause d'appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après consolidation.

Il n'est pas contesté que les créances produites par la caisse sont imputables au fait dommageable.

Il y a lieu de fixer la créance de la CPAM au titre des dépenses de santé futures en lien avec le fait dommageable, en ce compris les aides techniques, à la somme de 425'448,06 euros, et de constater que la victime ne forme aucune demande de ce chef.

2° - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a débouté M.'[F] [P] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs.

La Macif sollicite la confirmation du jugement dont appel sur ce point, soulignant qu'il n'est pas démontré que la victime aurait pu exercer une quelconque activité salariée, fût-ce un emploi protégé, avant la survenance du fait accidentel.

Les appelants considèrent que l'institutionnalisation de M. [F] [P] est la conséquence de l'accident, que celui-ci aurait pu occuper dès l'âge de 18 ans un emploi protégé lui permettant de percevoir un salaire au moins égal au SMIC de l'ordre de 1'200 euros par mois, et réclament au titre de la perte de gains professionnels futurs échue et à échoir un capital de 895'406,40 euros, calculé de façon viagère à compter du 9 avril 2017.

Sur ce, les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

Les moyens soutenus par les appelants ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, les appelants échouent à démontrer, même si la prise en charge spécialisée de la victime durant son enfance aurait pu, sans l'accident, l'aider à acquérir une part d'autonomie pour accomplir les actes simples de la vie courante, et lui donner accès à une certaine socialisation, qu'elle aurait été capable d'accéder à un emploi, même en secteur protégé, compte tenu de la gravité de son handicap psychomoteur, intellectuel, sensoriel, et comportemental, lequel induisait, selon les experts [D] et [T], un avenir en institution.

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

3° - Sur les frais d'aménagement du logement

La cour retient que les appelants, en lui demandant de réserver ce poste de préjudice, ne la saisissent en réalité d'aucune demande chiffrée tendant à voir condamner l'assureur à les indemniser au titre des frais d'aménagement du logement, étant ici observé que Mme [Z] [P] bénéficie d'un logement social.

4° - Sur les frais de véhicule adapté

La cour retient que les appelants, en lui demandant de réserver ce poste de préjudice, ne la saisissent en réalité d'aucune demande chiffrée tendant à voir condamner l'assureur à les indemniser au titre des frais de véhicule adapté, étant ici observé que Mme [Z] [P] n'est pas titulaire du permis de conduire.

5° - Sur l'assistance permanente par une tierce personne

Le premier juge a fixé la créance de M. [F] [P] à la somme de 20 395,58 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente échue du 9 avril 2017, date de consolidation, au 3 mars 2021, date du jugement, et lui a accordé à compter du jugement une rente viagère de 6'000,75 euros payable chaque trimestre, à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour.

Les appelants demandent à la cour d'allouer à la victime une indemnisation fondée sur une assistance 24 heures sur 24 à compter du 25 septembre 2015, date de consolidation médico-légale, sur la base d'un taux horaire prestataire de 20 euros, ce qui correspond à une somme de 192'000 euros par an ; ils sollicitent la condamnation de la Macif à payer à la victime une somme de 640'000 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente échue pendant 40 mois du 25 septembre 2015 au 25 janvier 2019, puis un capital 11'559'744 euros au titre de l'assistance par une tierce personne à échoir à compter du 25 janvier 2019, capitalisée en fonction du prix d'un euro de rente viagère suivant le barème publié par la Gazette du palais le 15 septembre 2020.

Ils exposent que :

- M. [F] [P] a besoin d'une assistance par une tierce personne 24 heures sur 24 lorsqu'il se trouve au domicile maternel environ 160 jours par an ;

- Mme [Z] [P] envisage de reprendre son fils à son domicile dès qu'elle en aura les moyens financiers, et qu'il conviendra alors de l'indemniser sous forme de rente.

La Macif offre une indemnisation de 5'670 euros pour l'assistance par une tierce personne permanente échue du 9 avril 2017 au 31 décembre 2018 pendant 21 mois, puis une rente annuelle viagère de 3'240 euros payable chaque trimestre, à terme échu, assortie d'une clause de suspension si la victime devait être hospitalisée ou placée dans une structure de soins pendant une durée supérieure à 30 jours.

Sur ce, le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d'autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

En l'espèce, il est rappelé que l'expert [D] n'a pas déterminé de date de consolidation pour M.'[F] [P], et a noté qu'avant l'accident, ce dernier présentait un retard psychomoteur et des anomalies cérébrales associées à des troubles du caractère et du comportement, et qu'il était «'placé en institution avec la perspective d'un avenir en institution'».

L'expert [T] retient de façon objective que le besoin en aide humaine imputable à l'accident peut être évalué à 3 heures supplémentaires par jour, et que ce besoin sera pérenne pour la même quotité horaire après la consolidation ; il ajoute que l'enfant séjourne au domicile de sa mère à raison de deux week-ends par mois.

Des pièces versées au débat, il apparaît que l'institutionnalisation de M. [F] [P], ainsi que son besoin permanent d'assistance et de surveillance par un tiers, sont rendus nécessaires avant tout par l'encéphalopathie de la petite enfance et son état antérieur. En effet, les bilans psychomoteurs, réalisés en milieu spécialisé cinq mois avant l'accident, ont mis en évidence qu'il avait présenté une hypotonie dans les premiers mois de sa vie, puis un retard global de développement psychomoteur, des conduites auto- et hétéro-agressives, une inaffectivité apparente, des débordements comportementaux manifestés par des troubles du sommeil, de l'agitation, des cris, de la colère, de l'impulsivité, lesquels rendaient difficile sa prise en charge au sein de sa famille ; l'enfant submergé par son instabilité psychomotrice n'était pas scolarisable, présentait des retards de langage, des troubles de l'équilibre, et n'avait pas de repère spatio-temporel.

Depuis les dernières attestations en 2015 de l'IEM [15] relevant que Mme [Z] [P] accueillait très régulièrement son fils à domicile, celle-ci n'apporte aucune pièce récente au soutien de ses allégations selon lesquelles elle souhaiterait organiser son retour définitif à son domicile.

La Macif ne conteste pas que M. [F] [P] est hébergé au domicile de sa mère trois fins de semaine par mois du vendredi en fin d'après-midi au lundi matin, ainsi qu'une vingtaine de jours de vacances par an.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, la cour considère que chaque fin de semaine correspond à 2,25 jours, outre vingt jours supplémentaires de vacances par an.

L'assistance tierce personne échue

Il convient de se placer à la date la plus proche de l'arrêt pour calculer ce poste de préjudice.

S'agissant d'une assistance non spécialisée, dont il importe peu qu'elle ait été assurée par un professionnel ou par les proches, le coût horaire sera fixé à 18 euros, incluant les charges sociales.

Il s'ensuit que l'assistance par une tierce personne permanente échue du 9 avril 2017 au 8 décembre 2022 (68 mois) peut être calculée comme suit :

(68 mois x 3 week-ends x 2,25 jours x 3 heures x 18 euros) + (113,33 jours de congés annuels x 3 heures x 18 euros) = 24'786 euros + 6'119,82 euros = 30'905,82 euros.

La majoration de ce poste de 10% pour tenir compte des congés payés et jours fériés, normalement servis en cas de recours à une aide extérieure professionnelle, permet d'indemniser l'entier préjudice subi par la victime, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit, et alors qu'elle reste entièrement libre du choix de recourir ou non à une assistance salariée, et qu'elle n'a pas à justifier de frais engagés en cas d'assistance par un proche.

En conséquence, ce poste de préjudice sera majoré de 10% pour tenir compte des périodes de congés et des jours fériés, soit une somme de 3'090,58 euros.

Il convient d'évaluer le poste de préjudice assistance tierce personne permanente échue à la somme de 33'996,40 euros (soit 30'905,82 + 3'090,58).

L'assistance tierce personne à échoir

La cour a retenu le principe de versement de l'indemnisation des postes patrimoniaux permanents futurs sous forme de rente, et ce à compter du 8 décembre 2022.

Les besoins annuels de M. [F] [P] en aide humaine s'élèvent à la somme de 5'454 euros (soit 12 mois x 3 week-ends x 2,25 jours x 3 heures x 18 euros) + (20 jours x 3 heures x 18 euros).

Ce poste de préjudice sera majoré de 10% pour tenir compte des périodes de congés et des jours fériés, soit une somme de 545,40 euros.

Afin de préserver les droits de la victime, la rente annuelle viagère de 5'999,40 euros sera payable à compter du 8 décembre 2022 par versements trimestriels, à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a fixé la créance de M.'[F] [P] à la somme de 66'447 euros à ce titre, retenant une indemnisation sur la base de 30 euros par jour compte tenu de l'atteinte majeure portée à la victime dans les joies usuelles de la vie courante.

Les appelants sollicitent une indemnisation de 120'840 euros de ce chef, arguant que si l'expert [D] n'a pas retenu de date de consolidation, il retient toutefois un déficit fonctionnel temporaire total du 31 août 2005 au 25 septembre 2015, date de la 2ème réunion d'expertise ; ils réclament l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total sur la base de 1'000 euros par mois.

La Macif offre une indemnisation de 50'953,05 euros sur la base du rapport d'expertise [T], correspondant à une somme de 23 euros par jour de déficit fonctionnel total.

Sur ce, la cour rappelle que le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, l'expert [D] n'a établi que des conclusions provisoires et n'a pas fixé la date de consolidation de la victime, alors que l'expert [T] a évalué le préjudice en tenant compte de l'état antérieur de la victime et de la consolidation à l'âge de la majorité.

Dans son rapport du 30 août 2018, l'expert [T] a retenu :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 31 août 2005 au 5 mars 2007 pendant 552 jours ;

- un déficit fonctionnel temporaire total du 24 au 27 mars 2013, pendant 4 jours ;

- un déficit fonctionnel temporaire total du 7 au 8 août 2014, pendant 2 jours ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 45% imputable aux séquelles de l'accident du 5 mars 2007 au au 9 avril 2017, pendant 3'688 jours ;

étant ici relevé que les parties ne discutent pas la détermination du nombre de jours par le premier juge suivant les périodes retenues par l'expert.

Sur une base journalière de 30 euros par jour, conforme au principe de réparation intégrale, et ce afin de prendre en compte la gravité de l'atteinte portée aux joies usuelles de la vie courante auxquelles un jeune enfant peut prétendre, il convient d'évaluer ce préjudice comme suit':

' au titre du déficit fonctionnel temporaire total : 30 euros x 558 jours = 16'740 euros';

' au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 45% : 30 euros x 45% x (3'688 jours - 6 jours) = 49'707 euros';

soit un total de 66'447 euros.

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

2° - Sur les souffrances endurées

Le premier juge a alloué à M. [F] [P] une indemnisation de 50'000 euros en réparation des souffrances endurées.

Les appelants sollicitent la confirmation sur ce point.

La Macif offre une indemnisation de 30'000 euros au titre des souffrances endurées.

Sur ce, ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

Les experts [D] et [T] chiffrent à 6 les souffrances endurées sur une échelle de 7, les qualifiant ainsi d'importantes, et prenant en considération la nature des traumatismes subis, les soins infirmiers, les hospitalisations en réanimation, les investigations, les complications, le long séjour en rééducation, l'état grabataire du jeune patient et le retentissement moral.

Le montant du préjudice subi par sur ce poste sera évalué à la somme de 50'000 euros en raison du ratio de 6/7 retenu par les experts judiciaires.

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

3° - Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 2'800 euros.

Les appelants sollicitent une indemnisation de 15'000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, tandis que la Macif ne formule aucune observation sur ce point.

Sur ce, la victime peut subir, pendant la maladie traumatique, et notamment pendant ses hospitalisations, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

L'expert [D] retient un préjudice esthétique temporaire important évalué à 6 sur une échelle de 7, alors que l'expert [T] ne se prononce pas sur le préjudice esthétique avant consolidation.

L'expert [D] décrit la cicatrisation des séquelles cutanées faciales, l'altération de la morphologie faciale inhérente au traumatisme, et la dépendance en fauteuil roulant qui entraîne une présentation altérée de la personne, l'ensemble de ces lésions étant exclusivement imputables à l'accident.

M. [F] [P], du fait de l'importance et de la durée de ses soins, de ses multiples hospitalisations, de sa longue rééducation neurologique en fauteuil roulant, de la localisation de ses lésions visibles chez un jeune enfant au niveau du visage, a nécessairement subi un préjudice esthétique pendant la période de traitement et de convalescence, étant ici rappelé que la période de consolidation s'étend sur douze années.

En réparation de ce poste, il lui sera alloué une indemnisation de 8'000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire.

b - Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a accordé à la victime une indemnisation de 180'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Les appelants sollicitent une somme de 480'000 euros à ce titre, considérant que l'expert [D] avait retenu un déficit fonctionnel permanent de 60% directement et certainement imputable aux conséquences de l'accident du 31 août 2005.

La Macif offre une indemnisation limitée à 152'000 euros sur la base d'un taux de 40% retenu par l'expert [T].

Sur ce, le déficit fonctionnel permanent inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

Il sera statué à partir des conclusions de M.'[T] qui a retenu un déficit fonctionnel permanent imputable au fait dommageable à hauteur de 40%, dès lors qu'il a fixé la date de consolidation de la victime et s'est prononcé en fonction de la pathologie pré-existante. Il a considéré que l'accident avait bien été responsable d'une aggravation de l'état de santé de M. [F] [P] liée à un déficit moteur important à droite nécessitant le maintien en fauteuil roulant, une perte du langage, une impossibilité de marcher, des troubles de la déglutition, une perte du contrôle sphinctérien, une majoration de l'hétéro-agressivité, des crises d'épilepsie.

Au regard du taux fixé par l'expert et de l'âge de la victime à la date de consolidation (18 ans), une indemnisation à hauteur de 4'500 euros du point sera retenue en sorte que le préjudice subi par M.'[F] [P] sur ce poste sera évalué à la somme de 180'000 euros.

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

2° - Sur le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 25'000 euros, dont la Macif propose la confirmation.

Les appelants sollicitent une indemnisation de 50'000 euros en réparation du préjudice esthétique permanent, compte tenu de la déformation du schéma corporel de la victime, et de son état grabataire en fauteuil roulant.

Sur ce, la victime peut subir après consolidation une altération de son apparence physique justifiant une indemnisation.

Si l'expert [D] retient un préjudice esthétique permanent de 6 sur une échelle de 7 pour tenir compte du capital cicatriciel cutané au niveau jugal et de l'état de dépendance en fauteuil roulant, l'expert [T] retient également un préjudice esthétique permanent à 6 sur une échelle de 7 du fait du confinement en fauteuil roulant, dont 3 sur 7 sont néanmoins imputables à l'état antérieur.

Il s'ensuit que le préjudice esthétique définitif imputable au seul accident peut être évalué à 3 sur une échelle de 7, et qualifié par conséquent de modéré.

En considération de ces éléments, l'offre de la Macif à hauteur de 25'000 euros est jugée amplement satisfaisante.

Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

3° - Sur le préjudice d'agrément

Le premier juge a accordé une indemnisation de 5'000 euros réparant le préjudice d'agrément, uniquement en considération de l'offre de l'assureur.

Les appelants réclament une indemnisation de 80'000 euros, arguant que la victime se trouve privée de toute activité ludique, sportive ou de loisirs propre à l'enfance ou à l'adolescence.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives, de bulletin d'adhésion à des associations, ou d'attestations, étant précisé que l'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur.

L'expert [T] expose que l'accident a entraîné une perte de l'autonomie motrice et une limitation à la participation des activités collectives de groupe ; les troubles du comportements se sont aggravés avec plus d'agressivité, et une difficulté accrue à comprendre les consignes et à se faire entendre ; les activités de loisirs déjà limitées avant les faits le sont devenues davantage, voire sont désormais quasi-inexistantes ; l'état antérieur à l'accident ne permettait toutefois pas à M.'[F] [P] de s'adonner à des activités sportives.

Pour autant, celui-ci ne justifie pas l'existence antérieure de sa pratique régulière d'une activité de loisirs, ludique ou sportive.

La limitation ou l'impossibilité de poursuivre les activités de la vie courante est déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Compte tenu de l'âge de la victime, de l'état pathologique antérieur, des doléances exprimées, et de l'offre d'indemnisation formulée par l'assureur, le préjudice subi par M. [F] [P] sur ce poste a été exactement évalué à la somme de 5'000 euros.

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

4° - Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a débouté la victime de ce chef.

Les appelants réclament une indemnisation de 80'000 euros en se fondant sur le rapport de l'expert [D], qui considère qu'il existe un préjudice sexuel en raison de l'accident'; ils font valoir que la victime se trouve dans l'impossibilité d'entretenir des relations sexuelles normales.

La Macif sollicite le débouté au titre du préjudice sexuel allégué.

Sur ce, le préjudice sexuel s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

En l'espèce, l'expert [D] relève que l'état antérieur aurait en tout état de cause imposé un cadre très particulier à l'organisation de la sexualité.

L'expert [T] considère le préjudice sexuel total, mais comme relevant exclusivement de l'état antérieur.

S'il n'est pas démontré chez M.'[F] [P] d'atteinte à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, il demeure qu'au regard de l'importance des séquelles corporelles et cognitives présentées, toute sexualité lui restera inaccessible. Cependant, ce préjudice est entièrement imputable à l'encéphalopathie de la petite enfance, et non à l'accident de la circulation du 31 août 2005.

Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de réparation d'un préjudice sexuel, faute de lien de causalité démontré avec le fait dommageable.

E - Sur la liquidation du préjudice corporel de la victime directe

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à M.'[F] [P] et à la CPAM de Lille-Douai, sauf à déduire les provisions d'un montant total de 190'000 euros déjà versées à la victime, les sommes suivantes':

' 412'187,20 euros au titre des dépenses de santé actuelles, revenant en totalité à la CPAM de Lille-Douai ;

' 9'800 euros au titre des frais divers proprement dits ;

' 60'394,95 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

' 425'448,06 euros au titre des dépenses de santé futures revenant en totalité à la CPAM de Lille-Douai ;

' 33'996,40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente échue ;

' une rente annuelle viagère de 5'999,40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente à échoir, laquelle sera payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions prévus par la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour ;

' 66'447 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partie ;

' 50'000 euros au titre des souffrances endurées ;

' 8'000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

' 180'000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

' 25'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

' 5'000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Les appelants seront pour le surplus déboutés de leurs prétentions au titre des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice sexuel.

La créance de débours définitifs de la CPAM de Lille-Douai sera fixée à la somme de 837'635,26 euros (soit 412'187,20 + 425'448,06).

IV - Sur l'indemnisation du préjudice des victimes indirectes

A - Sur le préjudice moral et d'affection des parents

Le premier juge a accordé à chacun des père et mère en réparation de leur préjudice moral et d'affection une indemnisation de 25'000 euros, dont la Macif sollicite la confirmation.

Mme [Z] [P] et M.'[L] [A] réclament en cause d'appel une somme de 60'000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et d'affection qu'ils qualifient de considérable.

Sur ce, le préjudice d'affection en cas de survie de la victime directe répare le préjudice moral subi par les proches parents à la vue de la douleur, de la déchéance, et de la souffrance d'autrui.

En l'espèce, il n'est pas contestable que les parents de M.'[F] [P], qui s'investissaient dans son éducation, l'accueillaient régulièrement au domicile familial, et montraient un attachement affectif réel à leur jeune enfant atteint de handicap, ont été durement touchés par la souffrance de leur fils et la majoration de son handicap à la suite de l'accident de la circulation dont il a été victime.

Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a alloué à chacun des parents une somme de 25'000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et d'affection, sauf à déduire la provision de 5'000 euros déjà versée par la Macif à Mme [Z] [P].

B - Sur le préjudice matériel des parents

Les père et mère demandent à la cour de réserver leurs droits sur l'indemnisation de leur préjudice matériel.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, le juge du fond n'est en réalité saisi d'aucune demande de la part de Mme [Z] [P] et de M.'[L] [A] aux fins de voir indemniser leur préjudice matériel.

V - Sur les autres demandes

La CPAM de Lille-Douai est partie à l'instance d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui déclarer l'arrêt commun.

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La Macif qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de condamner la Macif à payer à l'association Atinord en qualité de tuteur aux biens de M.'[F] [P] la somme de 2'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Marie-Hélène Laurent, avocate, à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

VI - En conclusion, le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a':

- condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice, Mme [Z] [P], les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

2'800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

20'395,58 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente échue ;

- condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice, Mme [Z] [P], une rente annuelle viagère d'un montant de 6'000,75 euros, au titre de la tierce personne permanente, payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour, et ce à compter du jugement ;

- constaté que la Macif avait versé au titre des dépenses de santé futures de M.'[F] [P] la somme totale de 7'195,12 euros.

Le jugement querellé sera infirmé des seuls chefs ainsi énoncés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de l'association Atinord en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille, sauf en ce qu'il a :

- condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice, Mme [Z] [P], les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

2'800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

20'395,58 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente échue ;

- condamné la Macif à payer à M.'[F] [P], représenté par sa tutrice, Mme [Z] [P], une rente annuelle viagère d'un montant de 6'000,75 euros, au titre de la tierce personne permanente, payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour, et ce à compter du jugement ;

- constaté que la Macif avait versé au titre des dépenses de santé futures de M.'[F] [P] la somme totale de 7'195,12 euros ;

L'infirme de ces seuls chefs ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Macif à payer à l'association Atinord agissant en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

' 8'000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

' 33'996,40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente échue du 9 avril 2017 au 8 décembre 2022 ;

Condamne la société Macif à payer à l'association Atinord agissant en qualité de tutrice aux biens de M.'[F] [P] une rente annuelle viagère d'un montant de 5'999,40 euros au titre de la tierce personne permanente à échoir à compter du 8 décembre 2022, payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement continu en institution à partir du 46ème jour ;

Constate que la société Macif a versé au titre des dépenses de santé actuelles de M. [F] [P] la somme totale de 7'195,012 euros ;

Fixe la créance de débours définitifs de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai en lien avec le fait dommageable à la somme de 837'635,26 euros ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la société Macif aux entiers dépens d'appel ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Marie-Hélène Laurent, avocate, recouvrera directement contre la société Macif les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne en outre la société Macif à payer à l'association Atinord agissant en qualité de tutrice aux biens de M. [F] [P] la somme de 2'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01493
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.01493 ?
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