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01/12/2022 | FRANCE | N°21/04512

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 01 décembre 2022, 21/04512


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 01/12/2022





****





N° de MINUTE : 22/446

N° RG 21/04512 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZYE



Jugement (N° 20/02407) rendu le 29 Juin 2021par le tribunal judiciaire de Béthune







APPELANTES



SNC Lidl France

[Adresse 2]

[Adresse 2]



SAS Envergure Conseil (DIOT EST) prise en la personne de son représentant

légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentées par Me Anne-Laure Perrez, avocat au barreau de Douai avocat constitué, assistées de Me Brigitte Beaumont, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 01/12/2022

****

N° de MINUTE : 22/446

N° RG 21/04512 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZYE

Jugement (N° 20/02407) rendu le 29 Juin 2021par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTES

SNC Lidl France

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SAS Envergure Conseil (DIOT EST) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentées par Me Anne-Laure Perrez, avocat au barreau de Douai avocat constitué, assistées de Me Brigitte Beaumont, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substituée par Me Aziza Benali, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS

Monsieur [K] [J]

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Cindy Denisselle-Gnilka, avocat au barreau de Bethune, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/010002 du 28/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Caisse Primaire de l'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 11 octobre 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 12 octobre 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 octobre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

M. [K] [J] a été blessé lors d'une chute intervenue le 7 janvier 2019 à l'entrée d'un établissement exploité par la SNC Lidl France, dont il a recherché la responsabilité délictuelle en qualité de gardienne du sol sur lequel il indique avoir glissé.

Par jugement rendu le 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a :

1- déclaré irrecevable la demande de mise hors de cause de la SAS Envergure conseil ;

2- déclaré la société Lidl responsable du dommage subi par M. [J] des suites de la chute survenue le 7 janvier 2019 ;

3- ordonné avant dire droit une expertise médicale ;

4- sursis à statuer sur la liquidation du préjdice de M. [J] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

5- condamné la société Lidl à payer à M. [J] une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

6- déclaré son jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie ;

7- réservé la demande formulée par M. [J] au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

8- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

9- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de son jugement ;

10- ordonné le retrait de l'affaire du rôle et dit qu'elle sera réinscrite à la demande de la partie la plus diligente sur production du rapport d'expertise.

Par déclaration du 17 août 2021, la société Lidl et la SAS Envergure conseil ont formé appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement..

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2022, la société Lidl et la société Envergure conseil, appelantes, demandent à la cour de réformer le jugement en ses dispositions numérotées 2, 4 et 5 ci-dessus, et statuant à nouveau de :

- déclarer M. [J] mal fondé en ses demandes à l'encontre de la société Lidl ;

- l'en débouter et le condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

- rejeter la demande de M. [J] aux fins de condamnation de la société Lidl aux dépens.

A l'appui de leurs prétentions, elles font valoir que :

- si la mise hors de cause de la société Envergure conseil a été déclarée irrecevable à défaut d'avoir été présentée devant le juge de la mise en état, aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de cette dernière, qui n'était pas l'assureur de la société Lidl ;

- sa responsabilité ne peut être retenue sur la base de deux témoignages non probants ; à l'inverse, en dépit de l'importante pluviosité habituelle de la région, deux salariés attestent que l'entrée du magasin n'est ni en pente ni anormalement glissant par temps de pluie, circonstance corroborée par des clichés photographiques ; malgré une fréquentation annuelle de 1 200 clients, aucun autre incident n'est survenu à cet endroit à la date de la chute de M. [J], alors que l'allégation par l'un des témoins de plusieurs chutes survenues sur les lieux n'est pas établie ; le sol carrelé de l'entrée du magasin n'est pas anormalent glissant, alors que son matériau répond à des normes garantissant le caractère antidéparrant de ce carrelage ; aucune fraude n'est envisageable, alors que l'ouverture au public de l'établissement implique un contrôle de conformité aux normes d'accessibilité du magasin et de ses abords aux personnes handicapées ; le rapport établi par Veritas confirme une telle conformité ;

- M. [J] savait qu'il avait plu, alors que le caractère anormal des précipitations n'est pas démontré.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 janvier 2022, M. [K] [J], intimé, demande à la cour de confirmer le jugement critiqué en son intégralité et de rejeter les demandes des sociétés Lidl et Envergure conseil, de juger l'arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie et de condamner la société Lidl aux dépens d'instance et d'appel, en ce compris les frais d'huissier de justice et d'expertise.

A l'appui de ses prétentions, M. [J] fait valoir que :

- le caractère anormal du sol résulte de son caractère glissant, ainsi qu'il résulte des témoignages qu'il produit.

- il s'est déplacé prudemment sur ce revêtement, alors qu'il était équipé de béquilles après avoir été opéré de la cheville quelques mois plus tôt.

La caisse primaire d'assurance-maladie à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions des appelantes ont été valablement signifiées n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du gardien de la chose :

Aux termes de l'article 1242 alinéa 1er du code civil, on est responsable des choses que l'on a sous sa garde.

Pour engager la responsabilité civile du gardien d'une chose inerte, il incombe à la victime d'établir à la fois l'anormalité de la chose et le lien de causalité entre cette anormalité et le dommage qu'elle a subi.

En l'espèce, il appartient par conséquent à M. [J] de démontrer l'anormalité ou la dangerosité du sol sur lequel il indique avoir chuté. S'agissant d'un fait juridique, l'administration de sa preuve est libre.

À cet égard, les services du SDIS sont intervenus pour porter secours à M. [J] le 7 janvier 2016, à l'entrée du magasin Lidl.

A l'appui de ses prétentions, M. [J] produit deux attestations :

- le témoignage de Mme [F] [Z] :

Aux termes de l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.

Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Ces dispositions n'étant pas prescrites à peine de nullité, il appartient à la cour d'apprécier souverainement si l'attestation, bien que non conforme, présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

En l'espèce, il est constant que l'attestation, rédigée le 11 janvier 2019 de la main de Mme [Z] ne répond pas à toutes les exigences posées par l'article 202 précité, dès lors qu'elle ne mentionne ni sa profession, ni son lien de parenté ou de subordination avec les parties et qu'elle n'indique pas avoir connaissance qu'une fausse attestation l'expose à des sanctions pénales. En revanche, un document d'identité y est joint.

Si elle ne répond pas aux conditions de forme et de régularité posées par l'article 202 précité, cette pièce vaut à tout le moins comme simple lettre missive, et a été soumise à la libre discussion et à la critique des parties. Il n'y a pas lieu de la rejeter s'agissant d'un élément de preuve parmi d'autres, dont il est contradictoirement débattu.

Il ressort de cette pièce, dont les pages ne sont pas numérotées et à laquelle fait défaut au moins une page ainsi que le premier juge l'a déjà relevé, que :

* à la date du 7 janvier 2019, à 9 h 37, le sol était très glissant, le carrelage légèrement pentu et très lisse ;

* il y avait de l'eau sur la surface, celle-ci n'étant pas raclée ;

* aucun panneau avertissant du caractère glissant de cette surface n'était installé.

Cette attestation renvoie à des clichés photographiques non datés, qui font apparaître un revêtement humide en carrelage imitant le bois à l'entrée d'un magasin, situé dans le prolongement d'un parking.

La société Lidl ne conteste pas que ces clichés représentent l'entrée du magasin où la chute de M. [J] est intervenue, alors qu'elle produit elle-même un autre angle photographique des lieux permettant de constater qu'il s'agit d'une partie située à l'extérieur du magasin, devant l'entrée équipée d'une porte à ouverture automatique.

- le témoignage de Mme [L] [C] :

Il résulte de son attestation établie le 17 janvier 2010 qu'elle a «'constaté que le sol carrelé à l'entrée du magasin Lidl ['] n'était pas antidérapant, mais également qu'aucun panneau indiquant un sol glissant n'était installé. En jour de pluie, le sol ressemble à une patinoire'».

Contrairement à celle établie par Mme [Z], qui indique avoir assisté à la chute et avoir prévenu les secours, cette attestation ne porte pas sur la constatation directe d'une situation datée du 7 janvier 2019, alors qu'elle a été établie plus d'un an après les faits litigieux par une «'connaissance'» de M. [J].

Sa force probante est par conséquent limitée à la seule structure alléguée du sol de ce magasin et à sa glissance d'une façon générale par temps de pluie, telles qu'un client de ce magasin est susceptible de les constater personnellement.

Alors que l'affirmation de Mme [Z] sur l'existence d'une pente affectant l'entrée du magasin n'est confirmée ni par Mme [C], ni par l'examen des clichés photographiques des lieux fournis par M. [J], notamment à défaut de tout procès-verbal d'huissier de justice établissant de façon certaine une telle circonstance, il résulte à l'inverse en premier lieu du témoignage de deux salariés de la société Lidl que le sol n'est ni en pente, ni anormalement glissant tant par temps sec que par temps pluvieux. En deuxième lieu, les clichés photographiques que produit la société Lidl confirment la planéité du revêtement litigieux à l'entrée du magasin. En troisième lieu, le rapport établi le 30 avril 2018 par le bureau Veritas relève que :

- d'une part, le cheminement extérieur jusqu'à l'entrée du bâtiment présente une pente inférieure à 4 % et l'accès au bâtiment ouvert au public est accessible en continuité avec ce cheminement extérieur. Dans ces conditions, la preuve d'une pente affectant de façon anormale le sol à l'endroit où est survenue la chute de M. [J] n'est pas établie, les seules allégations de Mme [Z] étant ainsi invalidées.

- d'autre part, les sols extérieurs sont «'non meubles, non glissants, non réfléchissants et sans obstacle à la roue'».

En quatrième et dernier lieu, la société Lidl produit la fiche technique du carrelage extérieur qui équipe son établissement recevant du public. Alors que M. [J] ne démontre pas que cette fiche ne s'appliquerait pas au sol litigieux, il résulte de cette pièce que le révêtement litigieux présente des propriétés antidérapantes jusqu'à une inclinaison de 19° à 27°, de sorte que sa glissance est ainsi garantie pour une pente inférieure à 4 %.

M. [J] ne démontre enfin l'existence d'aucune autre chute survenue à cet emplacement par temps de pluie, tant le jour des faits litigieux qu'à une autre période.

Dans ces conditions, M. [J] n'établit pas l'anormalité du sol litigieux, même par temps de pluie, étant à cet égard observé que les prévisions météorologiques qu'il a lui-même fournies font ressortir une faible pluviosité au cours de la matinée du 7 janvier 2019.

Le jugement critiqué est par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu une telle anormalité.

Alors que M. [J] n'agit pas au visa d'une faute commise par la société Lidl et vise exclusivement la responsabilité du gardien du fait de sa chose, la circonstance qu'aucun panneau alertant du caractère glissant du sol est d'une part indifférente pour apprécier l'anormalité de la chose, et procède d'autre part d'une appréciation de la glissance de ce revêtement par les attestations produites par M. [J] qui est invalidée par les éléments objectifs fournis par la société Lidl.

La responsabilité de la société Lidl n'étant pas engagée, il convient de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner M. [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, étant observé que la société Lidl et la société Envergure Conseil n'ont formulé aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance-maladie étant partie à l'instance d'appel, il n'y a pas lieu de lui déclarer opposable le présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Et statuant à nouveau sur les chefs réformés :

Dit que la responsabilité de la SNC Lidl France n'est pas engagée en qualité de gardienne du revêtement du sol de son établissement situé à [Localité 7] ;

Déboute par conséquent M. [K] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant':

Condamne M. [K] [J] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04512
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.04512 ?
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