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01/12/2022 | FRANCE | N°20/04891

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 01 décembre 2022, 20/04891


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 01/12/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/04891 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TJ3A



Jugement n° 19/04896 rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole





APPELANTS



Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 7] (Grèce), de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

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SARL Naza prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]



représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 01/12/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04891 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TJ3A

Jugement n° 19/04896 rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTS

Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 7] (Grèce), de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

SARL Naza prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me Mathieu Masse, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 8] de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Benjamin Chevalier, avocat plaidant, substitué par Me Hélène Mairesse, avocats au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 19 octobre 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 septembre 2022

****

M.[P], salarié de premier plan de la société On a marché sur la lune (OMSL) et de la société Inside Evénement (Inside) est entré, à hauteur de 50 000 euros au capital de la SAS Galactica, par laquelle M.[L], en septembre 2017, a pris le contrôle de ces deux sociétés. Par acte sous seings privés du 7 septembre 2017, M. [L], la SARL Naza détenue par celui-ci et gérante de la société Galactica, ainsi que M. [P], ont formé un pacte d'associés prévoyant notamment le rachat des actions de ce salarié, pour le cas où il quitterait les sociétés détenues par la société Galactica. M. [P] a été licencié de la société OMSL à effet du 30 juin 2018. M. [P] exigé le rachat de ses actions au prix de 175 000 euros. M.[L] estime qu'elles n'ont plus de valeur. En application du pacte d'associés, M.[P] a obtenu du juge des référés la désignation d'un conciliateur. Celui-ci n'a pas pu rapprocher les parties. M.[P] a alors saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole en cession forcée de ses actions, par assignation du 29 mars 2019 délivrée à M. [L] et à la société Naza.  

C'est dans ces conditions que par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit recevables et bien fondées toutes les prétentions de M. [P] ;

- constaté la cession par M. [P] des 5 000 titres qu'il détient dans le capital de la société Galactica à « la société Naza et/ou M. [L] en application du pacte d'associé conclu le 8 septembre 2017 » ;

- dit que les exercices comptables clos le 31 décembre 2017 des sociétés OMSL, Inside événement et Galactica doivent être pris en considération pour évaluer la valeur des titres cédés, et ordonné solidairement à M. [L] et à la société Naza de signer les ordres de mouvement constatant ladite cession de titres de la société Galactica pour 1 euro dans le délai de 15 jours à compter de la signification de ce jugement, ce à peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de ce même jugement ;

- dit se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamné solidairement la société Naza et M. [L] à payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [P] en réparation du préjudice subi et 175 euros au titre des droits d'enregistrements de la cession des actions ;

- débouté les parties de leurs demandes d'expertise ;

- condamnésolidairement la SARL Naza et M. [L] à payer à M. [P] 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

 

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 novembre 2020, M. [L] et la SARL Naza ont interjeté appel de ce jugement, déférant expressément à sa critique les chefs par lesquels il a été :

- dit recevables et bien fondées toutes les prétentions de M. [P] ;

- condamné solidairement la société Naza et M. [L] à payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [P] en réparation du préjudice subi et 175 euros au titre des droits d'enregistrements de la cession des actions ;

- débouté les parties de leurs demandes d'expertise ;

- statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 27 septembre 2022, M. [L] et la société Naza demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris pour ce qui concerne les mêmes chefs de celui-ci que ceux figurant dans la déclaration d'appel ;

statuant à nouveau :

- débouter M. [P] de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 1 euro la valeur des parts détenues par M. [P] dans la société Galactica ;

subsidiairement, au cas d'expertise judiciaire, dire que le technicien devra examiner les comptes 2016 et 2017 des sociétés Galactica, Inside événement et OMSL, dire si ces comptes sont conformes aux informations obtenues dans le cadre de la mesure d'instruction, évaluer le prix de cession des titres de la société Galactica au vu des comptes de l'exercice 2017 et selon la méthode fixée par le pacte d'associés et mettre à la charge de M. [P] la charge de faire l'avance des frais d'expertise ;

- condamner M. [P] à payer à chacun des concluants 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens de première instance et d'appel en sus.

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 27 septembre 2022, M. [P] demande à la cour de :

vu les articles 1103 et 1589 du code civil ;

- dire l'appel mal fondé ;

- débouter M. [L] et la société Naza de toutes leurs demandes ;

- dire l'appel incident du concluant recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. dit que les exercices comptables clos le 31 décembre 2017 des sociétés OMSL, Inside événement et Galactica doivent être pris en considération pour évaluer la valeur des titres cédés, et ordonne solidairement à M. [L] et à la société Naza de signer les ordres de mouvement constatant ladite cession de titres de la société Galactica pour 1 euro dans le délai de 15 jours à compter de la signification de ce jugement, ce à peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de ce même jugement et ce jusqu'au jour de la parfaite exécution de cette obligation,

. débouté les parties de leur demande d'expertise  ;

et statuant à nouveau :

- constater la cession par le concluant des 5 000 titres qu'il détient dans le capital de la société Galactica à « la société Naza et/ou M. [L] au prix de 175 000 euros en application du pacte d'associés conclu le 8 septembre 2017 et en excluant l'exercice 2017 de la formule de calcul du prix, seul l'exercice 2016 devant être pris en compte pour valoriser les parts » ;

en conséquence

- condamner solidairement la société Naza et M. [L] à lui payer :

. 175 000 euros correspondant au prix de cession des 5 000 titres,

. 175 euros au titre des droits d'enregistrement de la cession d'actions,

- ordonner solidairement à M. [L] et à la société Naza de signer les ordres de mouvement constatant ladite cession de titres de la société Galactica pour 1 euros dans le délai de 15 jours du prononcé du présent arrêt ce à peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu'au jour de la parfaite exécution de cette obligation ;

à titre subsidiaire :

- ordonner une expertise aux fins de statuer sur le prix de cession résultant de l'application de la méthode stipulée à l'annexe 3 du pacte d'associés du 7 septembre 2017, sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2016, et demander à l'expert d'évaluer le prix de cession le prix de cession au vu des comptes clos au 31 décembre 2016 et dans tous les cas au vu des informations existantes au jour du licenciement de M. [P] (élément déclencheur de la promesse de cession) ;

- dire que la société Naza qui conteste la réalité du calcul, fera l'avance des frais d'expertise ;

- dire qu'à défaut de consignation à valoir sur les frais d'expertise la cession sera parfaite au prix de 175 000 euros ;

- confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

- condamner solidairement la société Naza et M. [L] à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus ;

- débouter M. [L] et la société Naza de toutes leurs demandes.

L'ordonnance de clôture est du 28 septembre 2022.

 

SUR CE

LA COUR

 

Les premiers juges ne peuvent être approuvés d'avoir dit au dispositif du jugement entrepris que l'ensemble des demandes de M. [P] étaient recevables et bien fondées, alors que loin de faire droit à toutes ses prétentions, ils ne lui ont au contraire accordé ni le prix de cession qu'il sollicitait, ni l'expertise qu'il avait demandée à titre subsidiaire pour l'évaluation de ce prix de cession.

Le jugement entrepris sera donc nécessairement réformé de ce chef.

En outre, il est constant que les parties sont liées par le pacte d'associés, notamment par le paragraphe 5.4 intitulé : « Cessation des fonctions salariées de M. [X] [P] », qui se lit ainsi :

« Dans le cas où M. [X] [P] viendrait à cesser toute fonction au sein de la société [Galactica] ou des filiales [toute société actuelle ou future dont plus de la moitié du capital est détenu directement ou indirectement par la société Galactica ou ses filiales, soit au jour du pacte les sociétés OMSL et Inside évenement] (pour quelque cause que ce soit : licenciement, démission, invalidité [']), celui-ci s'engage à céder, et l'associé majoritaire [la SARL Naza et, solidairement avec elle, M. [L]] à acquérir ou faire acquérir, l'intégralité de sa participation dans la société [Galactica].

Le transfert des titres devra être réalisé au plus tard dans les trente jours qui suivront la cessation effective des fonctions, et au prix obtenu sur la base d'une méthode de valorisation identique à celle utilisée à l'entrée de l'investisseur financier [la SAS Finorpa SCR] et annexée au pacte (Annexe 3), ou à défaut d'accord à dire d'expert désigné de commun accord par les parties ou dans les conditions de l'article 1592 du code civil ».

L'annexe 3 du pacte d'associés intitulé Méthode de valorisation consiste en une formule ci-après reproduite :

« EBE consolidé (Galactica + OMSL + Inside + **) x 4,7 ' dette nette consolidée                                                           (Galactica + OMSL + Inside+**)

**Toute nouvelle société ajoutée par la suite dans le périmètre de Galactica devra être ajoutée dans la formule ci-dessus. »

Ces stipulations constituent l'accord des parties sur les modalités de détermination du prix de cession dans le cas de la mise en oeuvre d'une clause envisageant la cession des droits sociaux de l'actionnaire salarié, dont il est également constant qu'elle s'applique de plein droit à M. [P], à cause de la cessation de ses fonctions résultant de son licenciement de la société OMSL notifié par lettre recommandée le 27 juin 2018. Le certificat de travail produit démontre que cette cessation de fonction a été effective au 30 juin 2018.

Les parties sont encore liées par l'article 29 du pacte d'associés, qui prévoit d'une manière générale et pour tout litige qu'elles devront négocier de bonne foi en vue de parvenir à une transaction et qu'elles conviennent à l'avance pour ce faire de désigner un conciliateur de justice choisi d'un commun accord soit à défaut d'accord dans la huitaine de la proposition formulée par lettre recommandée avec accusé de réception par la partie la plus diligente, par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole saisi comme en matière de référé et statuant en dernier ressort et sans recours, étant précisé que le conciliateur mènera ses opérations par tous moyens qu'il estimera les plus appropriés, le coût de ses interventions étant à charge de la société.

Il est encore établi que par lettres des 11 et 13 juillet 2018, parvenues à leur destinataire le 17 juillet 2018, M. [P], par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure M. [L] et la société Naza d'acquérir les titres litigieux au prix de 175 000 euros, somme correspondant à une application de la formule déjà mentionnée réalisée par l'expert-comptable de M. [P], sur la base des derniers comptes disponibles clos au 31 décembre 2016 et ne portant que sur les sociétés OMSL et Inside, à l'exception de ceux de la société Galactica qui n'étaient pas disponibles, selon l'attestation, au 30 novembre 2018, date d'établissement de celle-ci.

Par lettre du 27 juillet 2018, M. [L] et la société Naza se bornaient à répondre qu'ils contestaient cette demande tant sur le fond que sur la forme, sans donner d'explication. Par lettre recommandée adressée le 2 novembre 2018 à la société Naza et à M. [L] qui l'a reçue le 5 novembre 2018, M. [P] a proposé de saisir directement les conciliateurs du tribunal de commerce de Lille Métropole et de laisser choisir le président de cette juridiction, tout en avisant de ce que faute de réponse des destinataires dans le délai de 8 jours, le tribunal de commerce serait saisi pour désignation d'un conciliateur.

Faute de réponse et en vertu de l'article 29 du pacte d'associés, M. [P] a agi en référé devant le tribunal de commerce, par acte extrajudiciaire du 13 décembre 2018 délivré à M. [L] et la société Naza, en désignation d'un « expert » pour « tenter de concilier les parties quant à la cession par M. [P] ['] à la société Naza et/ou M. [L] » des titres litigieux. Faisant droit à cette assignation, le juge des référés a désigné M. [R] [V], pour « tenter de concilier les parties ». Le conciliateur, après avoir échangé par téléphone et courriels avec les parties, les a convoquées le 25 février 2019 à une réunion prévue pour le 15 mars 2019. Le 14 mars 2019, le conseil de M. [L] a avisé le conciliateur qu'il avait saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'un conflit d'intérêts susceptible d'être retenu au sujet du conseil de M. [P] et qu'il ne paraissait pas opportun de maintenir la réunion sauf à ce que cet avocat « se retire de la procédure ». L'avocat de M. [P] a contesté le prétendu conflit d'intérêts, ne s'est nullement retiré et figure d'ailleurs dans le présent appel, tandis que le 15 mars 2019, le conciliateur désigné a établi un constat de non-conciliation.

S'agissant de la possibilité même d'ordonner en l'espèce la cession forcée des actions litigieuses, qui n'est pas contestée en tant que telle par les parties mais dont la cour doit néanmoins vérifier la légalité, il convient de rappeler que l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction applicable compte tenu de la date du litige, dispose que :

« I. ' Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. »

Il sera encore rappelé que l'article L.227-18 du code de commerce précise que si les statuts de la société par actions simplifiée ne précisent pas les modalités du prix de cession des actions lorsque la société met en 'uvre une clause de ces statuts introduite, notamment, en application de l'article L.227-16 du même code - qui indique que les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu'ils déterminent -, ce prix est fixé par accord entre les parties ou à défaut déterminé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.

En l'espèce, si les productions ne contiennent ni l'extrait Kbis de la société Galactica, ni les statuts de celle-ci et s'il est constant qu'elle revêt la forme d'une société par actions simplifiées, rien ne démontre que ses statuts contiennent quelque clause que ce soit intéressant le présent litige et prévoyant, notamment, qu'un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu'ils déterminent. En outre, il est seulement demandé dans le cadre de la présente instance la mise en 'uvre du pacte d'associés par un associé contre les autres, sans que la société dont les titres sont en cause, bien qu'elle figure au pacte, ne soit partie à la cession litigieuse. Elle ne figure d'ailleurs pas à la présente procédure.

Par conséquent, le litige ne peut être réglé au titre de l'application de l'article 1843-4 du code civil, mais seulement au titre des dispositions du pacte d'associés et de l'article 1592 du code civil auquel celui-ci renvoie expressément. 

M. [P] demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la cession forcée des titres pour 1 euro. Il précise dans ses conclusions (P.23/31) « la cour infirmera le jugement entrepris, en ce qu'il a pris en compte les comptes de l'exercice 2017 et a fixé la valeur des titres de la société Galactica 1 € symbolique ». Il demande de constater ladite cession au prix de 175 000 euros, tandis que les appelants demandent de réformer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de la demande d'expertise puis, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 1 euro la valeur des « parts » (en réalité des actions) et, subsidiairement, de désigner un expert pour évaluer les titres au vu des comptes de l'exercice 2017.

S'agissant de constater la cession au prix de 1 euro tel que cela a été retenu par le jugement entrepris dont les appelants demandent la confirmation sur ce point, il résulte toutefois des termes de la promesse synallagmatique de cession librement consentie qu'une telle solution du litige n'entre pas dans les prévisions contractuelles des parties qui, dans le silence des statuts, ne sont pas susceptibles de se prévaloir d'une disposition législative supplétive de leur volonté permettant de constater la cession tout en confiant la détermination du prix à un tiers désigné par une juridiction.

En effet, l'article 1592 du code civil dispose que, par exception à la règle selon laquelle le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties, ce prix peut néanmoins être laissé à l'estimation d'un tiers. Cependant, ce texte énonce expressément que si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente, sauf estimation par un autre tiers. Cependant, les parties au pacte d'associés n'ont rien stipulé en vue de la désignation du tiers chargé de l'estimation du prix pour le cas d'absence d'accord entre elles empêchant la désignation de ce tiers. En particulier, elles n'ont nullement prévu qu'à défaut d'accord sur le tiers chargé de l'évaluation, le juge pourrait en désigner un dont l'avis, conjugué le cas échéant à l'interprétation du contrat relevant de la juridiction, pourrait parfaire la vente et permettre la cession forcée des actions.

Par conséquent, la loi du contrat impose en l'espèce aux parties, en présence de leur désaccord sur l'évaluation du prix de cession, de se mettre d'accord sur un tiers évaluateur. Or, dans le cadre de la présente instance, la cour est saisie de deux demandes de cession forcée, celle des appelants d'une part et celle de l'intimé d'autre part, chacun tenant pour son mode d'évaluation pourtant exclusif de l'autre.

Par conséquent, les premiers juges ne peuvent être approuvés d'avoir fixé le prix de cession alors que les conditions permettant de la constater n'étaient pas réunies, à défaut d'accord des parties et en l'absence de désignation d'un tiers chargé par les parties de déterminer ce prix pour leur compte.

Il sera rappelé qu'il n'appartient en aucun cas au juge de se substituer aux parties à la cession pour déterminer le prix de cession.

Par conséquent, la cession forcée d'actions au prix d'1 euro ne peut être constatée.

Pour les mêmes raisons, la cession forcée d'actions au prix de 175 000 euros ne peut pas l'être davantage.

En réalité, comme le prévoit l'article 1592 du code civil qui fait la loi des parties par l'effet de leur volonté expresse, en ce cas il n'y a point de vente et, par conséquent, point de cession.

Par conséquent, M. [P] ne soutient pas valablement que la clause de l'article 5.4 du pacte d'associés constitue une promesse synallagmatique de vente valant vente en vertu de l'article 1589 du code civil, faute d'accord sur le prix.

Dès lors que le juge ne peut pas fixer le prix, l'expertise sollicitée est inutile et ne peut être ordonnée. Sur ce point, le jugement entrepris qui a rejeté la demande d'expertise, sera confirmé.

 

S'agissant de la demande en dommages-intérêts de M.[P], celui-ci expose que la résistance de la société Naza et de M. [L] à lui racheter sa participation au prix fixé par avance lui cause un préjudice dont il demande réparation.

Toutefois, l'indétermination du prix de cession, qui cause l'échec de la mise en 'uvre de la clause de cession, résulte de stipulations voulues par M. [P], lequel est par conséquent mal fondé à demander des dommages-intérêts à ses cocontractants sur le fondement contractuel qui est le seul invoqué.

Le jugement entrepris, qui a alloué 20 000 euros de dommages-intérêts à M. [P], sera donc également réformé sur ce point.

Il résulte de ce qui précède que M. [P] sera débouté du surplus de ses demandes et qu'il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. En outre, en équité, il versera à M. [L] une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

M. [L] et la société Naza seront déboutés du surplus de leurs prétentions.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté les parties de leur demande d'expertise ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise ;

Statuant de nouveau sur les chefs réformés,

Déboute M. [P] de ses autres demandes ;

Condamne M. [P] à payer 2 000,00 euros à M. [L] et la société Naza, ensemble ;

Condamne M. [P] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute M. [L] et la société Nasa de leurs autres demandes.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04891
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;20.04891 ?
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