COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/02143 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTP5
N° de Minute : 2156
Ordonnance du mardi 29 novembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [X] [P]
né le 24 Mars 2000 à GAZA - PALESTINE
de nationalité Palestinienne
Actuellement retenu au centre de rétention de lesquin
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Claire GUILLEMINOT, avocat au barreau de DOUAI, avocate commise d'office et de M. [D] [E] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Jean-Luc POULAIN, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 29 novembre 2022 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 29 novembre 2022 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 27 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [X] [P] ;
Vu l'appel interjeté par Maître [G] venant au soutien des intérêts de M. [X] [P] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 28 novembre 2022sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [X] [P] né le 24 Mars 2000 à GAZA (PALESTINE) de nationalité Palestinienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 16 décembre 2021 avec reconduite vers le pays dont il a la nationalité, sans délai de départ volontaire et d'un arrêté de placement en rétention administrative en date du 25/11/2022 à 16h25 tous les deux pris par M. le Préfet du Nord.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 27 novembre 2022 à 15h26,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours.
Vu la déclaration d'appel de M. [X] [P] du 28 novembre 2022 à 13h53 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
- un vice de procédure au motif que la requête du préfet n'est pas horodatée,
- l'irrégularité du contrôle d'identité au motif qu'il a été effectué dans des lieux en dehors du périmètre fixé par les réquisitions du procureur de la république, les [Adresse 3], [Adresse 1] et [Adresse 2] n'étaient pas explicitement mentionnées sur les réquisitions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur le moyen tiré de la fin de non recevoir de la requête en prolongation du Préfet de l'Aisne pour l'absence d'horadatage
Une simple lecture des pièces de la procédure permet de se rendre compte que la dite requête en prolongation a été horodatée par les services du greffe, puisqu'il est mentionné « Arrivé le 26 novembre 2022 JLD TGI LILLE à 14h03 vu le greffier »,l'arrêté de rétention a été pris le 25 novembre 2022 à 16h25, il en résulte que la demande de prolongation a été faite dans les délais légaux. En tout état de cause la dite requête était à disposition avec les pièces justificatives de l'avocat de l'intéressé au greffe du le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille en application de l'article R743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant l'audience. Il ne peut donc être sérieusement soutenu que le conseil de l'intéressé n'y a pas eu accès.
Le moyen est inopérant.
Sur moyen tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité :
Il ressort des dispositions des articles 78-2, 78-2-2 du code de procédure pénale et des articles L.812-1 et L.812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire agissant sous les ordres de ceux ci peuvent procéder à un contrôle d'identité ou de titre dés lors notamment qu'une des conditions alternatives ci dessous mentionnées est caractérisée :
Il existe une des causes visées par l'alinéa 1er du dit article 78-2 du code de procédure pénale
Le contrôle est effectué dans les limites spatiales et temporelles des réquisitions du procureur de la République (78-2 ou 78-2-2 code de procédure pénale)
Il existe un risque caractérisé d'atteinte à l'ordre public, la sécurité des biens et des personnes
Le contrôle s'effectue dans une zone de 20 Km en deçà des frontières des Etats Schengen ou dans un rayon de 10 Km autour des ports et aéroports constituant un point de passage frontalier (78-2 al 8 code de procédure pénale)
Des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature faire apparaître sa qualité d'étranger. (L 812-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile )
Sur la base et dans les limites de ces réquisitions l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale autorise les agents de la force publique à contrôler l'identité de toute personne sans justifier d'un élément visible et objectif à l'origine du contrôle.
Les critères ciblés prescrits dans les réquisitions pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière limités dans le temps et l'espace suffisent à garantir le caractère non systématique des opérations.
La seule présence de l'appelant dans un lieu et dans une période de temps visés par le procureur de la République dans ses réquisitions, suffit pour qu'il soit invité à justifier de son identité par tout moyen.
L'article 78-2-2 du code de procédure pénale n'exige pas que, pour prendre ses réquisitions le procureur de la République démontre l'existence d'indices de commission ou de risque de commission des infractions visées par le dit article ou un risque d'atteinte à l'ordre public.
(Cass civ 2ème 19 février 2004 n° 03-50.025)
La compatibilité de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale avec le principe de liberté d'aller et de venir impose que le juge judiciaire puisse, à la lecture des réquisitions du procureur de la République, déterminer les éléments permettant de faire le lien entre les lieux choisis pour les contrôles d'identité et les infractions visées dans les réquisitions.
Ce lien peut être fait par le juge judiciaire au moyen des réquisitions elles-mêmes ou de tout autre élément objectif de la procédure.
Il résulte du procès verbal de saisine du 23 novembre 2022 à 22 h 15, que les policiers agissant conformément à la réquisition du 4 novembre 2022, se trouvaient dans la [Adresse 3] lorsqu'ils ont aperçu un cycliste circulant vers le boulevard Montebello et décidé de procéder au contrôle. Les policiers indiquent avoir actionné les avertisseurs sonores et lumineux, action qui a été suivie d'une accélération du cycliste tentant de prendre la fuite en empruntant la [Adresse 2] avant de décider de foncer sur les policiers qui avaient mis pied à terre pour le poursuivre à pied plutôt qu'en voiture. C'est donc finalement dans la [Adresse 2] qu'a eu lieu l'interpellation. Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le lieu de l'interpellation, importe peu pour l'appréciation de la validité de la décision de procéder au contrôle dès l'instant ou l'intéressé à tenté de se soustraire au contrôle en fuyant. A cette fin, seul le lieu où la décision a été prise importe et elle a été prise [Adresse 3] qui se trouve dans le périmètre de la zone désignée par le procureur comme l'Hyper centre-ville de Lille dans ses réquisitions du 4 novembre 2022, et dans les circonstances temporelles définies par les réquisions.
Au demeurant, la [Adresse 2] se trouve aussi dans ce périmètre. Etant observé que le procureur a défini la zone de l'hyper centre-ville comme étant comprise entre diverses rues et n'a pas limité les faculté de contrôle à une liste de rues.
Le moyen est rejeté.
Sur la demande de prolongation du placement en rétention administrative
La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention, laquelle est nécessaire en l'attente du laissez-passer consulaire sollicité auprès des autorités consulaires algériennes le 25 novembre 2022.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Jean-Luc POULAIN,
Greffier
Danielle THEBAUD,
conseillère
N° RG 22/02143 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTP5
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 2156 DU 29 Novembre 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 29 novembre 2022 :
- M. [X] [P]
- l'interprète
- l'avocat de M. [X] [P]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [X] [P] le mardi 29 novembre 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Claire GUILLEMINOT le mardi 29 novembre 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 29 novembre 2022
N° RG 22/02143 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTP5