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25/11/2022 | FRANCE | N°20/02208

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 25 novembre 2022, 20/02208


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1859/22



N° RG 20/02208 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TITE



PS / GD





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

08 Octobre 2020

(RG 18/00471 -section )



































GROSSE :



Aux

avocats



le 25 Novembre 2022



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [G] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Judith OZUCH, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[Adresse 3]

[L...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1859/22

N° RG 20/02208 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TITE

PS / GD

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

08 Octobre 2020

(RG 18/00471 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [G] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Judith OZUCH, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier IDZIEJCZAK, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Gaëlle LEMAITRE

DÉBATS : à l'audience publique du 27 Septembre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 06 septembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat régi par la Convention collective de l'hospitalisation privée Mme [S] a été recrutée en juillet 1998 par la société Polyclinique de [5] en qualité d'employée de service hospitalier. L'employeur ayant cessé ses activités de nettoyage en régie le contrat de travail a été transféré à la société ELIOR SERVICES PROPRETÉ SANTÉ (ESPS) à compter du 2 novembre 2015. S'estimant non remplie de ses droits conventionnels après cette date Mme [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes de diverses réclamations salariales et indemnitaires.

Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance de la procédure les premiers juges ont':

-condamné la société ESPS à lui payer des rappels de prime annuelle, prime de salissure, indemnités de congés payés afférentes, remboursement de salaires indûment retenus, proratisation de salaires et frais de procédure

-débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination, congés d'ancienneté, prime d'activité (13 eme mois) et prime d'expérience.

Mme [S] a relevé appel de ce jugement.

Vu ses conclusions du 27/7/2021 tendant à':

-la confirmation du jugement sur les sommes allouées à titre de retenues de salaire indues et d'indemnité pour frais non compris dans les dépens

-son infirmation quant aux sommes allouées à titre de prime annuelle et prime de salissure et en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes

-à la condamnation de la société ESPS, avec capitalisation des intérêts, au paiement des sommes suivantes:

prime d'activité': 5911,72 euros

prime d'expérience du 2/11/2015 à février 2017: 680,02 euros

prime annuelle': 646,03 euros

prime de salissure': 68 euros

co-ngés supplémentaires pour ancienneté': 474,89 euros

les indemnités de congés payés afférentes

complément de salaires': 981,24 euros outre 27,68 euros (sic) d'indemnité de congés payés

dommages-intérêts': 2000 euros

frais non compris dans les dépens: 1500 euros

Elle demande en outre qu'il soit ordonné à l'employeur de remplir ses obligations à l'avenir et fait valoir en substance que:

-la société ESPS ne lui a pas appliqué la Convention collective de la propreté ainsi qu'un accord collectif ELIOR en vigueur depuis son transfert en novembre 2015

-elle lui a également indûment refusé le maintien d'avantages prévus par l'ancienne Convention collective

-des salaires lui ont indûment été retirés au titre d'un prétendu prêt

-elle n'a pas perçu un complément de salaires auquel s'était engagé l'employeur suite à un mouvement de grève

-elle a été victime d'agissements déloyaux et de discrimination justifiant l'indemnisation de son préjudice.

Vu les conclusions d'appel incident par lesquelles la société ESPS demande le rejet de toutes les demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs que':

-jusqu'au 31/1/2017 elle a dûment appliqué la Convention collective de l'hospitalisation privée conformément à l'article L 2261-14 du code du travail

-après cette date elle a valablement fait application de la Convention collective de la propreté

-à titre de garantie de rémunération elle a versé à Mme [S] une rémunération totale égale à celle précédemment versée, ce qui l'a remplie de tous ses droits.

Vu l'article 455 du code de procédure civile et l'ordonnance de clôture

MOTIFS

L'article L 2261-14 du code du travail régissant le présent litige prévoit que:

« lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L 2261-9 sauf clause prévoyant une durée supérieure. Lorsque la convention ou l'accord qui a été mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans le délai fixé au premier alinéa du présent article, les salariés des entreprises concernées bénéficient d'une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l'accord mis en cause, lors des douze derniers mois... Cette garantie de rémunération peut être assurée par le versement d'une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était dû au salarié en vertu de la convention ou de l'accord mis en cause et de son contrat de travail et le montant de la rémunération du salarié résultant de la nouvelle convention ou du nouvel accord, s'il existe, et de son contrat de travail... Une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise concernée, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations...

L'ancien statut collectif au sein de la polyclinique n'ayant pas été dénoncé par le nouvel employeur il s'en déduit en l'espèce que les dispositions de la Convention collective de l'hospitalisation privée ont continué à s'appliquer et que la convention collective de la propreté dont il relève s'est immédiatement appliquée, sous réserve que le salarié ne pourra bénéficier d'un cumul d'avantages ayant le même objet.

Sur ce,

la demande au titre de la prime d'activité

Mme [S] réclame au titre des années 2015 à 2020 le versement de la prime de 13 eme mois prévue par un accord collectif en vigueur chez son ancien employeur. La société ELIOR soutient en substance qu'elle pourrait y prétendre pendant la période de 15 mois dite de survie de l'ancienne Convention collective mais pas au-delà puisque une indemnité différentielle a maintenu sa rémunération au niveau de celle perçue avant le transfert.

L'accord collectif [5] n'ayant été ni dénoncé ni renégocié par la société ELIOR la salariée avait droit, pendant les 15 premiers mois, à la prime annuelle de 13 eme mois prévue par ledit accord. Il ressort du bulletin de paie d'octobre 2015 que la Polyclinique [5] a payé la prime 2015 au prorata du temps de présence de la salariée. La société ELIOR ne justifie pas, quant à elle, du paiement de cette prime entre le transfert du contrat de travail et le terme de la période de survie de l'accord collectif le 1er février 2017. Elle sera donc condamnée à lui payer les sommes dues à ce titre.

Pour la période postérieure et au titre de la garantie de rémunération instaurée par le texte précité la société ELIOR devait à compter du 2 février 2017 maintenir à la salariée une rémunération au moins égale à celle dont elle bénéficiait. Décomptes et bulletins de paie à l'appui l'employeur soutient que tel a été le cas même en y incluant la prime de 13 eme mois. La salariée ne conteste pas ses assertions corroborées par les décomptes et bulletins de paie versés aux débats. Il en résulte qu'après la période de survie de l'ancienne Convention collective la prime d'activité a été intégrée dans la nouvelle rémunération et que la salariée ne détient aucune créance.

Il lui sera au final alloué la somme mentionnée au dispositif du présent arrêt et elle sera déboutée du surplus de sa réclamation.

La demande au titre de la prime annuelle

En application de l'accord de branche du 3 mars 2015 complétant la Convention collective de la propreté entrée en application dès le transfert du contrat de travail et non postérieurement les salariés transférés avaient droit à une prime annuelle s'ils remplissaient la condition d'ancienneté.

En premier lieu, Mme [S] n'est pas fondée en sa demande de prime annuelle 2015 eu égard à son transfert chez le nouvel employeur en fin d'année et à l'absence de disposition prévoyant une proratisation.

La société ELIOR SPS conteste toute dette les années suivantes aux motifs qu'en application de la Convention collective de l'hospitalisation privée la salariée bénéficiait de primes d'activité et d'ajustement ayant le même objet.

Primo le dossier ne contient pas trace d'une prime d'ajustement. Secundo, dans l'accord de branche les partenaires sociaux n'ont pas donné d'explication à la raison d'être de la prime et il ne peut être présumé qu'elle a le même objet que la prime d'activité [5] alors, surabondamment, que celle-ci lui est 10 fois supérieure. Surtout, l'employeur n'indique pas en quoi la prime d'activité avait le même objet que la prime annuelle et il n'est pas établi que tel est le cas. Force est de constater qu'entre 2016 et 2020 la société ELIOR, qui devait appliquer les dispositions de la Convention collective de la propreté, ne justifie pas du paiement de la prime annuelle mise en place par l'accord du 3 mars 2015. Vu l'ancienneté de la salariée elle lui paiera la somme de 580,65 euros outre l'indemnité de congés payés afférente.

La demande au titre de la prime d'expérience

Au titre de la période entre le 1er novembre 2015 et février 2017 Mme [S] réclame la prime d'expérience mensuelle prévue par la Convention collective de la propreté.

L'employeur fait valoir que cette prime a le même objet que la prime d'activité prévue par l'accord collectif [5] mais dans la mesure où la prime d'expérience prévue par la Convention collective de la propreté a pour objet de fidéliser les salariés et de valoriser l'expérience dans la branche professionnelle alors que celle prévue par l'accord collectif [5] avait pour objet d'assurer à la salariée un 13 eme mois pour compléter ses revenus sans égard à son expérience leur cumul est possible. Il sera donc alloué à l'appelante la somme réclamée exactement chiffrée.

La demande de prime de salissure

Le droit de la salariée s'évince d'un engagement souscrit auprès des partenaires sociaux par la société ELIOR SPS avec effet le 1er mars 2018. Celle-ci ne justifie pas de raisons objectives expliquant pour quelle raison l'appelante ne l'a pas perçue alors qu'elle en remplissait les conditions. Elle sera donc condamnée à lui régler la somme réclamée dont le chiffrage n'est pas discuté.

La demande au titre des congés d'ancienneté

Il résulte d'accords d'entreprise des 25/4/2013 et 17/12/2015 que les salariés d'ELIOR ayant au moins 18 ans d'ancienneté peuvent bénéficier d'un ou deux de congés d'ancienneté supplémentaires selon leur date d'embauche. La société ELIOR SPS ne prouve pas avoir mis Mme [S] en mesure de prendre les congés supplémentaires auxquels elle avait droit. Celle-ci ne justifie d'aucun préjudice pécuniaire mais son préjudice moral et de fatigue sera réparé en lui allouant 400 euros de dommages-intérêts.

La demande au titre de la retenue de salaire

Il résulte des débats qu'en 2018 la société ESPS a retenu sur le salaire normalement dû à Mme [S] une somme de 54,24 euros. En cause d'appel la société ESPS indique que cette retenue avait pour cause un versement indu suite à une erreur comptable mais sa thèse particulièrement imprécise n'est étayée d'aucun justificatif propre à la fonder. De surcroît, la retenue était basée sur un prétendu prêt dont l'existence n'est pas établie. Le jugement sera donc confirmé.

La demande de dommages-intérêts

Il ressort de ce qui précède que la société ESPS, disposant de services juridiques à la mesure de ses nombreux effectifs, n'a pas exécuté loyalement un grand nombre de ses obligations légales et conventionnelles.Sa mauvaise foi est caractérisée d'autant qu'elle a résisté sans fondement aux demandes de régularisation formées par la salariée et plusieurs de ses collègues avant la saisine de la juridiction prud'homale. De ce fait, Mme [S] a subi un préjudice moral et économique.

Il appert en outre qu'à la différence de sa collègue [P], ancienne salariée de la polyclinique [5] dont les bulletins de paie sont produits aux débats, Mme [S] n'a pas perçu de prime d'activité alors qu'elle était placée dans une situation identique à sa collègue. La société ELIOR se borne à expliquer que Mme [P] a perçu cette prime sans y avoir droit mais la différence de traitement, dont l'appelante a longtemps été victime, est consommée. En réparation du son préjudice causé par les manquements de l'employeur il lui sera alloué 1500 euros de dommages-intérêts.

La demande au titre de la proratisation

Aucune des parties ne réclame la confirmation ou l'infirmation du jugement lui ayant à ce titre alloué une somme de 276,76 euros outre l'indemnité de congés payés afférente. Faute de contestation la cour ne peut que confirmer le jugement. Additionnellement et pour la période se terminant en janvier 2021 la salariée réclame la somme de 981,24 ' 276,76 soit 704,48 euros au titre de l'absence de paiement intégral de diverses primes après l'augmentation de son temps de travail en septembre 2017. L'employeur admet que l'intéressée n'a pas été remplie de ses droits et il ne prouve pas le paiement des sommes dues. Il sera donc fait droit à la demande. S'y ajoutera le montant réclamé au titre de l'indemnité de congés payés.

Les autres demandes

l'appel a engendré des dépenses qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la salariée. La société ELIOR devra donc lui payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. S'agissant de l'indemnité allouée à ce titre le jugement sera confirmé.

Le litige n'étant pas né il n'y a pas lieu d'ordonner pour l'avenir à l'employeur de régler telle ou telle prime. Les demandes afférentes seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement sauf sur les sommes allouées à titre de retenue de salaire indue, de complément de primes et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

CONDAMNE la société ELIOR SPS à payer à Mme [S] les sommes suivantes:

- salaires 13 eme mois (prime d'activité) du 2/11/2015 à février 2017': 1031,33 euros outre 103,13 euros d'indemnité de congés payés

- prime d'expérience du 1/11/2015 à février 2017': 680,02 euros outre 68 euros d'indemnité de congés payés

- prime annuelle de 2016 à 2020: 580,65 euros outre 58,06 euros d'indemnité de congés payés

- prime de salissure de mars 2018 à décembre 2020': 68 euros outre 6,80 euros de congés payés

- rappel de primes proratisées entre le 1/9/2018 et le 31/1/2021: 704,48 euros

- indemnité de congés payés: 27,68 euros

- dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit à congés': 400 euros

- dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail: 1500 euros

- indemnité de procédure en appel: 1500 euros

AUTORISE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de la demande pour les créances salariales et du prononcé du présent arrêt pour celles de nature indemnitaire

DEBOUTE Mme [S] du surplus de ses demandes

CONDAMNE la société ELIOR SPS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/02208
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.02208 ?
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