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25/11/2022 | FRANCE | N°20/01108

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 25 novembre 2022, 20/01108


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1852/22



N° RG 20/01108 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7EK



MLBR/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

13 Février 2020

(RG 18/00112 -section 5)





































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par M. [X] [M] (Défenseur syndical)





INTIMÉE :



S.A. SOCIETE INDUSTRIELLE DE PRODUITS CHIMIQUES (SIPC)

[...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1852/22

N° RG 20/01108 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7EK

MLBR/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

13 Février 2020

(RG 18/00112 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par M. [X] [M] (Défenseur syndical)

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE INDUSTRIELLE DE PRODUITS CHIMIQUES (SIPC)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Octobre 2022

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Mai 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SA Société Industrielle de Produits Chimiques (la société SIPC) qui compte 36 salariés exerce principalement son activité dans le domaine de la sous-traitance de produits phytosanitaires et de traitements destinés à l'agriculture. Elle est notamment spécialisée dans la formulation et le conditionnement de fongicides et herbicides. Elle applique les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques.

M. [J] a été engagé le 1er décembre 1987 par la société SIPC en qualité d'opérateur de fabrication dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 22 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. L'entretien s'est déroulé le 31 janvier 2018.

Par courrier en date du 8 février 2018, la société SIPC lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, en raison de différents manquements, notamment d'avoir compromis la sécurité des autres salariés en ayant dormi pendant ses heures de travail et laissé pendant ce temps le broyeur en marche et sans surveillance, et de s'être adressé à son supérieur hiérarchique en lui manquant de respect et de manière menaçante en ces termes : « arrête tes conneries [I] je ne dormais pas, arrête tes conneries ! »

Par requête du 31 mai 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Douai afin de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités.

Par jugement contradictoire rendu le 13 février 2020, le conseil de prud'hommes de Douai a :

- dit que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné M. [J] à payer à la société SIPC la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-l du code de procédure civile,

- débouté la société SIPC de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 13 mars 2020, M. [J] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses conclusions déposées le 9 juillet 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [J] demande à la cour de :

- infirmer totalement le jugement entrepris,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société SIPC à lui payer :

* une somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235 du code du travail,

* une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement qui l'a condamné au paiement d'une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive,

- condamner la Société SIPC aux dépens.

Dans ses conclusions déposées le 23 septembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société SIPC demande à la cour de :

à titre principal,

- constater que les conclusions d'appelant de M. [J] sont irrecevables en vertu des articles 908 et 954 du code de procédure civile,

- juger que l'appel de M. [J] est caduc en vertu des articles 908 et 954 du code de procédure civile

- condamner M. [J] à lui payer :

* la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,

* la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- réformer le jugement en ce qu'il :

* l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* a limité la condamnation de M. [J] sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile à 750 euros,

statuant à nouveau :

- débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [J] à lui payer :

* la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil.

* la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

A l'audience, la cour a demandé aux parties de lui faire parvenir par note en délibéré leurs observations sur la question de la recevabilité du moyen de caducité de l'appel soulevé par la société SIPC, au regard des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile qui donne compétence au seul conseiller de la mise en état jusqu'à son dessaisissement de statuer sur la caducité éventuelle de l'appel sur le fondement de l'article 908 du même code.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur le moyen de caducité de l'appel soulevé par la société SIPC :

La société SIPC soulève au visa des articles 908 et 954 du code de procédure civile la caducité de l'appel de M. [J], en faisant valoir que les conclusions de l'intéressé ne sont pas conformes aux exigences de l'article 954 précité en ce qu'elles ne font pas apparaître distinctement les chefs de jugement critiqués de sorte qu'elles n'ont pas utilement interrompu le délai de 3 mois imparti par l'article 908.

En réponse à la question soulevée d'office par la cour, l'intimée s'estime par ailleurs recevable à soulever ce moyen de caducité devant la juridiction de fond, faisant état dans sa note en délibéré d'une décision passée aux termes de laquelle le conseiller de la mise en état a, dans une autre affaire, déclaré irrecevable une demande similaire en retenant que seule la cour a le pouvoir d'apprécier la recevabilité des conclusions de l'appelant et d'en tirer les conséquences sur la caducité éventuelle de son appel.

Elle fait également observer que le conseiller de la mise en état par avis du 1er juin 2021 a demandé aux parties leurs observations sur la recevabilité du moyen de caducité devant la cour, en renvoyant l'affaire à une audience de mise en état fixée au 28 septembre 2021, date à laquelle les parties n'ont finalement pas été convoquées pour faire valoir leurs arguments, de sorte que sauf à porter atteinte à son droit à un procès équitable, la cour doit examiner le moyen de caducité soulevé dans ses conclusions.

Sur ce,

L'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon l'article 910-1 du même code, les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige.

Aux termes de l'article 954 dudit code, les conclusions d'appel doivent notamment 'formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions'.

L'article 914 du même code prévoit également que le conseiller de la mise en état est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, pour examiner les conclusions qui lui sont spécialement adressées aux fins notamment de caducité de l'appel, les parties n'étant plus recevables à invoquer devant la cour d'appel une telle caducité après la clôture de l'instruction de l'affaire à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

Il ressort de l'application de ces différentes dispositions que jusqu'à son dessaisissement, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour examiner les demandes des parties tendant à la caducité de l'appel sur le fondement de l'article 908 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que cette caducité est encourue si aucune conclusion n'a été déposée par l'appelant dans le délai de 3 mois imparti, mais également si les conclusions remises dans ce délai sont sans effet et donc réputées inexistantes, en ce qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige au sens des articles 910-1 et 954 précités.

Il est en l'espèce constant que la société SIPC a soulevé la caducité de l'appel sur le fondement de l'article 908 dans ses conclusions au fond, sans en saisir le conseiller de la mise en état par des conclusions spécialement adressées à ce dernier.

Il s'en déduit qu'elle est irrecevable à soumettre ce moyen de caducité devant la cour conformément à l'article 914 susvisé, sachant qu'aucun nouveau fait n'est intervenu postérieurement à la clôture de l'instruction.

Par ailleurs, en l'absence de saisine, il ne peut être reproché au conseiller de la mise en état de ne pas avoir statué sur ces moyens de procédure.

A travers son avis du 1er juin 2021 aux termes duquel il a demandé aux parties leurs observations sur 'la recevabilité de la demande formée devant la cour tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel au regard des dispositions de l'article 914 précité', le conseiller de la mise en état a simplement exercé le pouvoir qui lui est dévolu par l'article 782 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907 du même code.

Le renvoi de l'affaire à une nouvelle mise en état n'impliquait pas d'y convoquer les parties dès lors qu'il n'était saisi d'aucun incident de procédure et n'avait pas notifié à celles-ci son intention de s'en saisir d'office.

Professionnel du droit, le conseil de la société SIPC n'a pas pu se méprendre sur les termes de cet avis du 1er juin 2021 à la suite duquel il n'a d'ailleurs pas formulé d'observation, ni saisi le conseiller de la mise en état de conclusions d'incident alors qu'il en avait le temps, la date de clôture fixée au 10 mai 2022 lui ayant été notifié par avis du 30 septembre 2021.

Au vu de ces éléments, est donc inopérant le moyen tiré d'une atteinte à son droit à un procès équitable.

Est par ailleurs sans incidence sur la question de la recevabilité soulevée par la cour, l'ordonnance rendue le 31 janvier 2019 dans un affaire distincte par un conseiller de la mise en état qui n'est au demeurant pas intervenu dans la présente procédure.

Il convient en conséquence au regard de l'ensemble de ces éléments de déclarer la société SIPC irrecevable en sa demande tendant à la caducité de l'appel de M. [J].

Au surplus, dans l'hypothèse où la cour serait compétente pour examiner le moyen de caducité, il sera observé que si effectivement, les conclusions de l'appelant ne rappellent pas explicitement les chefs du jugement critiqués comme le prévoit l'article 954 du code de procédure civile, cette omission est sans portée dès lors que l'objet du litige est précisément déterminé par leur dispositif rappelé plus haut aux termes duquel M. [J] sollicite l'infirmation du jugement et présente ses prétentions. Ses conclusions répondant ainsi aux exigences combinées des articles 910-1 et 954 précités, elles ont donc valablement interrompu le délai de 3 mois imparti par l'article 908 du code de procédure civile.

- sur le licenciement de M. [J] :

En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société SIPC dénonce principalement les manquements de M. [J] et de son collègue dans la nuit du mardi 16 janvier 2018, expliquant que M. [V], ingénieur-technico-commercial et encadrant du personnel, a constaté à partir de 2 heures 50, son absence de son poste du travail de la surveillance des broyages, lui et son collègue étant découverts un peu plus tard par leur supérieur 'en train de dormir dans la salle de repos, lumières éteintes' et a pu les observer 'pendant plus de 30 minutes à travers les vitres de la salle' avant de les réveiller vers 4h du matin, une discussion vive et tendue s'en étant suivie, élargie à d'autres manquements signalés par des salariés à la direction.

Aux termes de la lettre de licenciement, il lui a été ainsi reproché :

- 'de dormir au temps et au lieu de travail en laissant les machines arrêtées à l'exception des broyages sans surveillance' et ce pendant une heure, 'alors que le poste de nuit sur un site classé SEVESO est d'une grande responsabilité en termes de sécurité',

- de régulièrement quitter le poste avant la fin du service de nuit fixée à 6h du matin, comme signalé par d'autres salariés, ceux du service du matin arrivés à 5h45 s'étant plaints la semaine précédente de ne pas l'avoir croisé et donc de ne pas avoir pu communiquer sur le travail fait pendant la nuit, grief pour lequel M. [J] aurait répondu à M. [V] qu'il le faisait 'comme tout le monde',

- de s'adresser 'à son supérieur hierarchique en lui manquant de respect et de manière menaçante',

ces agissements répétés étant qualifiés par l'employeur de manquements aux règles de sécurité et d'actes d'insubordination.

M. [J] soutient que son licenciement est en réalité sans cause réelle et sérieuse, l'objectif de son employeur étant de se débarrasser de lui en raison des tension survenues à partir de la fin de l'année 2017 sur différents sujets avec M. [V] qui encadre le personnel mais est également le neveu du dirigeant, M. [B].

L'appelant conteste avoir quitté son poste de travail dans la nuit du 16 janvier 2018 pour aller dormir, redonnant sa version des faits telle que déjà évoquée dans sa lettre de contestation du 15 février 2018, à savoir qu'après son retour à 3h30 de sa pause déjeuner prise au réfectoire à 3h, il a simplement été fumer avec son collègue à 3h40 dans la salle de repos située en face de l'atelier où M. [V] les a rejoints dès 3h50 en leur reprochant de dormir. Selon lui, il n'a donc pas abandonné son poste de surveillance du broyeur pendant plus d'une heure comme reproché.

Il fait en outre observer que son employeur n'a jamais diffusé de directives concernant l'organisation du temps de repos et de pause en poste de nuit, ne respectant pas en cela ses obligations légales et l'article 12 de la convention collective à ce sujet.

Selon lui, les faits reprochés ne sont pas avérés et les rumeurs le concernant auraient pu être éteintes par un entretien d'explications. Il insiste également sur l'absence d'antécédent disciplinaire ou de rappel à l'ordre le concernant pour écarter le reproche tiré du fait que cela durait depuis un certain temps.

Il dénie tout acte de subordination et attitude menaçante.

La société SIPC s'appuie quant à elle sur les témoignages de M. [V] et d'autres salariés pour soutenir en substance que les manquements visés dans la lettre de licenciement sont établis, insistant sur le caractère sensible du site classé SEVESO, et que l'appelant ne peut prétendre ignorer les règles applicables en interne pour les temps de pause compte tenu des panneaux d'affichages existants.

Elle relève aussi que le salarié admet quitter régulièrement son service avant la fin de nuit de travail, sans en expliquer les raisons, et souligne l'attitude particulièrement agressive dont l'appelant a fait preuve à l'égard de M. [V], en mettant en avant des attestations de salariés pour démontrer qu'il s'agit d'une posture fréquente de sa part.

Sur ce,

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1235-1 du même code, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il est reproché à M. [J] de s'être adressé à son supérieur hierarchique 'en lui manquant de respect et de manière menaçante'après que celui-ci a reproché aux 2 salariés de dormir, M. [J] lui ayant dit d'un air menaçant : ' arrête tes conneries [I] je ne dormais pas, arrête tes conneries !'.

Dans son attestation, M. [V] confirme les propos ainsi tenus décrivant M. [J] comme 'particulièrement virulent et intimidant'.

Si M. [J] a pu prendre un ton inapproprié et virulent pour s'expliquer face à M. [V], le contenu des propos ne peut être assimilé à une menace, de sorte que ce grief n'apparaît pas établi et qu'à tout le moins, le doute doit bénéficier à l'appelant, sachant qu'il ne peut être tenu compte des propos tenus lors de la réunion du 15 décembre 2017 ou de l'agressivité de l'intéressé à l'égard d'autres collègues évoqués dans plusieurs attestations dès lors que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne fait référence qu'à l'incident du 16 janvier 2018.

En revanche, outre l'attestation de M. [V] dans laquelle celui-ci relate comment, à la suite de signalement d'autres salariés, il a surpris à 3h40 environ puis observé M. [J] et son collègue en train de dormir dans la salle de pause, lumières éteintes, alors que pendant ce temps, 'aucune production et surveillance des produits n'ont été effectuées', la société SIPC produit aux débats les attestations de M. [P] [R] et de M. [Z] [R], salariés également présents cette nuit-là et à l'origine des signalements, qui certifient que leur supérieur hierarchique a bien surpris M. [J] et son collègue en train de dormir, M. [Z] [R] précisant qu'il les a vus dormir dès 3h15.

Ces 2 salariés affirment d'ailleurs que depuis plusieurs mois, M. [J] et son collègue dorment au minimum une heure par nuit et qu'en outre, ils partent avant l'heure laissant l'usine sans surveillance.

M. [F], autre salarié, confirme aussi dans son attestation que lorsqu'il s'arrêtait dire bonjour à l'équipe de nuit, il surprenait souvent M. [J] et son collègue 'endormis dans la salle café'.

Le fait que M. [V] soit le neveu du dirigeant de la société SIPC ne suffit pas, à défaut d'autre élément, à remettre en cause la véracité de son attestation qui est de surcroît corroborée par celles de 3 salariés.

En outre, l'appelant procède par affirmation lorsqu'il prétend qu'aucune directive n'était donnée concernant l'organisation des temps de pause durant la nuit, la société SIPC produisant en ses pièces 21 et 22 les clichés photographiques des panneaux d'affichage relatifs aux horaires de travail dont l'appelant ne conteste pas l'existence et où il est mentionné que du lundi au vendredi, 'la pause casse-croute' pour les poste de nuit doit avoir lieu entre 2h et 2h30, ce temps de pause étant en outre parfaitement conforme aux exigences de l'article 12 de la convention collective qui prévoit 30 minutes de pause pour une durée de travail ininterrompue supérieure à 6h.

Deux autres salariés, M. [N] [R] et M. [A] attestent par ailleurs avoir constaté que M. [J] et son collègue n'étaient souvent plus à leur poste de travail dès 5h30 ou 5h40.

Il sera relevé que M. [J] a d'ailleurs reconnu ce dernier point dans sa lettre de contestation du 15 février 2018 expliquant qu'il lui arrive de partir avec son collègue vers 5h45 en raison de l'insalubrité des douches, explication au demeurant non reprise dans ses conclusions et surtout non justifiée par les pièces produites aux débats.

A travers les attestations susvisées et les propres dires de M. [J], il est ainsi établi par la société SIPC que d'une part, depuis plusieurs semaines et en tout cas, dans la nuit du 16 janvier 2018, M. [J] a quitté son poste de travail pour aller dormir et ce en dehors des 30 minutes de pause autorisée, laissant de surcroît les machines sans surveillance, et que d'autre part, il a quitté régulièrement son poste avant la fin du travail de nuit fixée à 6h00, sans en aviser sa hierarchie et sans aucune raison avérée.

Dormir en dehors de la durée des temps de pause au lieu d'accomplir son travail et le fait de quitter l'établissement avant la fin de son service sont, au regard de leur caractère répétitif et de la mission de surveillance des machines dévolue à l'appelant, des manquements à ses obligations contractuelles, suffisants à fonder son licenciement pour une cause réelle et sérieuse en dépit de son ancienneté et de l'absence d'antécédent disciplinaire.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes, en ce compris celle tendant à ordonner avant dire droit diverses mesures d'investigations au sein de l'entreprise dès lors que les premiers juges avaient les éléments suffisants en leur possession pour statuer sur le litige.

- sur la demande indemnitaire de la société SIPC pour procédure abusive :

L'appelant fait grief aux premiers juges de l'avoir condamné à payer à la société SIPC une somme de 750 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, estimant qu'il était en droit de contester son licenciement, n'a jamais varié dans sa défense, et n'a nullement agi de manière dilatoire et abusive.

Dans le cadre de son appel incident, la société SIPC sollicite que l'indemnité allouée par les premiers juges soit portée à un montant de 5 000 euros, faisant valoir que l'intéressé a fait le choix de nier l'évidence en dépit des témoins présents, pour des faits qui auraient pu être qualifiés de faute grave voire lourde. Elle lui reproche également son comportement abusif pendant la procédure en sollicitant une mesure d'instruction devant le conseil de prud'hommes et en dénaturant une pièce afin de la décrédibiliser.

Toutefois, le fait de contester son licenciement malgré les pièces adverses ne suffit pas en soi à caractériser un abus du droit d'agir en justice, chacun étant libre des moyens choisis pour défendre ses intérêts dès lors que c'est loyal et non dilatoire.

La société SIPC prétend qu'une de ses pièces aurait été dénaturée par la partie adverse, sans toutefois présenter le document qui aurait été rendu illisible.

En outre, le fait de présenter une demande aux fins d'obtenir une mesure d'instruction n'est pas nécessairement de nature dilatoire même si elle s'avère inutile au vu des pièces en présence.

Ainsi, aucun élément ne permet d'établir la mauvaise foi et le caractère abusif de l'action de M. [J] en justice pour contester son licenciement, de sorte que le jugement sera infirmé en ses dispositions condamnant l'intéressé de ce chef . La société SIPC sera déboutée de sa demande indemnitaire.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, l'appelant devra également supporter les dépens d'appel et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande également de débouter la société SIPC de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

DECLARE la SA Société Industrielle de Produits Chimiques irrecevable en sa demande tendant à la caducité de l'appel de M. [W] [J] ;

CONFIRME le jugement entrepris en date du 13 février 2020 sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité pour procédure abusive ;

statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

DÉBOUTE la SA Société Industrielle de Produits Chimiques de sa demande indemnitaire sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil ;

DÉBOUTE M. [W] [J] du surplus de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;

DIT que M. [W] [J] supportera les dépens d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/01108
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.01108 ?
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