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25/11/2022 | FRANCE | N°18/00126

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 25 novembre 2022, 18/00126


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1869/22



N° RG 18/00126 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RISJ



VCL/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Décembre 2017

(RG 16/00801 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [E] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-laurence DELOBEL BRICHE, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale ...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1869/22

N° RG 18/00126 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RISJ

VCL/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Décembre 2017

(RG 16/00801 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [E] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-laurence DELOBEL BRICHE, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800218/00751 du 29/01/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

SARL OCEAN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas DRANCOURT, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Septembre 2022

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La SARL OCEAN a engagé M. [E] [S] par contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2012 pour une durée de 35 heures par semaine, en qualité d'agent de propreté.

Puis par contrat prenant effet au 1er février 2013, l'intéressé a été engagée à durée indéterminée, en qualité d'agent de services coefficient AS 1A de la convention collective nationale des entreprises de propreté.

M. [E] [S] s'est vu notifier par la SARL OCEAN 4 avertissements :

- le 9 avril 2015 pour absence injustifiée,

- le 27 avril 2015 pour une prestation de mauvaise qualité,

- le 9 juin 2015 pour non remise de clés, - le 9 novembre 2015 pour défaut d'accomplissement de l'ensemble de sa prestation et non- respect du planning.

Par lettre datée du 18 novembre 2015, M. [S] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

Suivant courrier recommandé du 7 décembre 2015, M. [E] [S] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, en lien avec des faits de harcèlement moral commis à l'encontre de son binôme, une tentative de fraude à la CPAM et un défaut de remise de clés du lieu de prestations.

Contestant la légitimité de son licenciement pour faute grave ainsi que des avertissements antérieurs et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [E] [S] a saisi le 8 décembre 2016 le conseil de prud'hommes de Lannoy qui, par jugement du 21 décembre 2017, a rendu la décision suivante :

- Dit et juge que les avertissements notifiés par la SARL OCEAN à M. [E] [S] les 9 avril, 27 avril, 9 juin et 9 novembre 2015 sont justifiés,

- dit et juge que le licenciement pour faute grave de M. [E] [S] est justifié,

- En conséquence, déboute M. [E] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- déboute la SARL OCEAN de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [E] [S] aux éventuels dépens de la présente instance.

M. [E] [S] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 5 janvier 2018. Une nouvelle déclaration d'appel a été enregistrée le 18 janvier 2018 et a été déclarée caduque par ordonnance du 18 avril 2018.

Par ordonnance du 18 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 5 janvier 2018.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 septembre 2022 au terme desquelles M. [E] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

-Déclarer recevable l'appel de Monsieur [S],

- Infirmer la décision déférée, et statuant à nouveau,

- Constater, dire et juger que le licenciement de Monsieur [S] et les avertissements sont infondés et le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la SARL OCEAN à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes :

- Rappels de salaires sur 39 h : 10.074,77 € bruts

- Congés payés aff érents 1.007, 47€ brut

- Indemnité de licenciement : 1.031,71€ bruts

- Indemnité compensatrice de préavis : 3.264, 96€ bruts

- Congés payés sur préavis : 326,49 € bruts

- Rappel de salaire pour mise à pied conservatoire du 1 er au 7 décembre : 368, 62 €bruts

- Congés payés afférents : 36,86 € bruts

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.450 €

- Article 700 du CPC : 2.000 €

- Débouter la SARL OCEAN de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

A l'appui de ses prétentions, M. [E] [S] soutient que :

- Concernant la péremption d'instance soulevée par la SARL OCEAN, M. [S] a attendu de recevoir une convocation de la cour suite à l'ordonnance du 18 octobre 2018.

- Or, l'absence de convocation a résulté d'une erreur de la cour qui a intitulé et considéré l'ordonnance de non-caducité de la déclaration d'appel comme une ordonnance de caducité et avait classé le dossier.

- Cette erreur ne saurait préjudicier au salarié et conduire à la péremption de l'instance.

- Sur le fond, il a été payé pour 35 heures de travail alors qu'il accomplissait, en réalité , 39 heures par semaine, de sorte qu'un rappel de salaire lui est dû pour la période du 1er février 2013 au 7 décembre 2015, outre les congés payés y afférents.

- Concernant le licenciement pour faute grave, les faits de harcèlement imputés au salarié ne sont pas établis, ce d'autant qu'il ne travaillait plus avec la « plaignante » depuis avril 2015 et qu'en tout état de cause, les faits ne peuvent qu'être prescrits, étant antérieurs de plus de deux mois à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

- Il n'a pas non plus incité l'employeur à effectuer une fausse déclaration d'accident du travail le 2 novembre 2015, ni déposé les clés de l'agence de LMH MOTTE auprès de l'agence LMH Nations Unies, les avertissements notifiés étant, en outre, infondés.

- Le licenciement pour faute grave est donc sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences financières relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité légale de licenciement, le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée, outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 janvier 2022, dans lesquelles la SARL OCEAN, intimée, demande à la cour de :

- juger périmée l'instance, juger l'instance éteinte,

Subsidiairement,

- confirmer la décision entreprise dans l'ensemble de ses dispositions,

En toutes hypothèses,

- condamner M. [S] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 1200 euros.

A l'appui de ses prétentions, la SARL OCEAN soutient que :

- L'instance est périmée, compte tenu de l'absence de diligences des parties entre l'ordonnance du 18 octobre 2018 et la signification des conclusions récapitulatives de M. [S] en date du 23 novembre 2021.

- Concernant la faute grave, M. [S] dont plusieurs fautes sont démontrées, s'est notamment livré à du harcèlement sur une autre salariée, lorsqu'elle était sa binôme mais également après qu'ils ont été séparés.

- En vertu de son obligation de sécurité, l'employeur a donc dû protéger la salariée victime en licenciant le salarié harceleur.

- Les faits ne sont pas atteints par la prescription, compte tenu de la chronologie de la procédure de licenciement.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la péremption de l'instance :

Conformément aux dispositions de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, notamment pour 1°) statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance. Les parties ne sont, dès lors, plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge. (') 6° Statuer sur les fins de non-recevoir.(...) ».

Il résulte, en outre, de l'article 55 du décret du 11 décembre 2019 que « I. ' Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2020. Il est applicable aux instances en cours à cette date.
II. ' Par dérogation au I, les dispositions des articles 3 s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020. Les dispositions des articles 5 à 11, ainsi que les dispositions des articles 750 à 759 du code de procédure civile, du 6° de son article 789 et de ses articles 818 et 839, dans leur rédaction résultant du présent décret, sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
III. ' Par dérogation au II, jusqu'au 1er septembre 2020, dans les procédures soumises, au 31 décembre 2019, à la procédure écrite ordinaire, la saisine par assignation de la juridiction et la distribution de l'affaire demeurent soumises aux dispositions des articles 56, 752, 757, et 758 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au présent décret (...) ».

Les incidents mettant fin à l'instance visés par le 1°) de l'article 789 précité sont ceux mentionnés aux articles 384 et 385 du code de procédure civile comprenant notamment la péremption de l'instance et n'incluent pas les fins de non-recevoir lesquelles concernent exclusivement en application de l'article 122 du code de procédure civile le défaut de droit d'agir c'est à dire le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

Par conséquent, les dispositions précitées de l'article 789 du code de procédure civile issues du décret du 11 décembre 2019 concernant la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour statuer sur un incident mettant fin à l'instance tel que la péremption sont applicables à l'instance en cours mise en oeuvre le 18 janvier 2018.

La SARL OCEAN est donc irrecevable en sa demande formée devant la cour et tendant à voir constater la péremption de l'instance

Sur le rappel de salaire :

Conformément aux dispositions de l'article L3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L'article L3121-28 du code du travail prévoit, en outre, que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire est une heure supplémentaire.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [E] [S] prétend avoir travaillé à hauteur de 39 heures hebdomadaires et n'avoir été rémunéré que pour 35 heures de travail par semaine.

A l'appui de ses prétentions, le salarié produit la page 1 et la page 5 de son contrat de travail à durée indéterminée, et notamment l'article 4 tronqué dudit contrat lequel mentionne « la durée de travail du salarié est fixée à 39 heures par (blanc)

Le salarié devra se conformer aux horaires déterminés ci-dessous qui pourront être modifiés en fonction des besoins de l'entreprise ».

La partie du contrat reprenant les horaires de travail de M. [S] n'est, cependant, pas produite alors même que l'article 4 est manifestement incomplet, que le CDI (avec reprise d'ancienneté) fait suite à deux CDD précédents conclus pour une durée de 35 heures hebdomadaires et que les bulletins de salaire font référence à une durée de travail de 35 heures (151,67 heures mensuelles), parfois complétée par quelques heures supplémentaires expressément mentionnées.

Surtout, M. [E] [S] ne présente pas, à l'appui de sa demande, d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Il ne communique, en effet, aucun décompte même mensuel, reprenant ses horaires de travail.

Par conséquent, le salarié est débouté de sa demande de rappel de salaire et des congés payés y afférents, étant précisé que la juridiction de première instance n'a pas statué sur cette demande.

Sur les avertissements :

Il résulte des dispositions de l'article L1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l'article L1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, M. [E] [S] conteste les quatre avertissements qui lui ont été notifiés les 9 avril 2015 (départ anticipé sans autorisation de l'employeur), 27 avril 2015 (prestation de mauvaise qualité), 9 juin 2015 (non restitution de clés) et 9 novembre 2015 (non respect du planning et refus de terminer la prestation de travail).

La SARL OCEAN ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier du bien-fondé des sanctions (hors licenciement) notifiées à M. [E] [S].

La cour constate, ainsi, que les griefs retenus par l'employeur dans le cadre des quatre avertissements contestés ne sont pas établis, ce qui doit conduire à l'annulation des avertissements des 9 avril 2015, 27 avril 2015, 9 juin 2015 et 9 novembre 2015.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave :

Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir pour fonder la lettre de licenciement si le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 7 décembre 2015 se trouvait fondée sur le fait pour M. [S] de s'être rendu le 16 novembre 2015 sur le chantier de son ancienne binôme, [P] [X], et d'avoir continué à la harceler et à l'agresser verbalement, alors que des faits de harcèlement avaient été dénoncés 15 jours auparavant par cette dernière, conduisant l'employeur à séparer l'équipe. La rupture du contrat de travail se trouvait également motivée par le fait pour le salarié d'avoir tenté d'obtenir de l'employeur une « fausse » déclaration d'accident du travail pour mal de dos le 2 novembre 2015 et, enfin, d'avoir le 13 novembre 2015 déposé les clefs du lieu de prestation dans une agence erronée, sans indiquer à son supérieur le lieu du dépôt.

Il résulte des quatre attestations versées aux débats que Mme [P] [X] a dénoncé le 6 novembre 2015 auprès de son chef d'équipe, Mme [I] [B], laquelle l'a répercuté immédiatement à l'employeur, être victime de faits réitérés de harcèlement, d'agressivité et d'insultes de la part de son binôme, M. [E] [S].

Les faits de harcèlement et d'agressivité dénoncés résultent, non seulement du témoignage de la victime elle-même , mais également de deux autres salariés qui font état de ce que l'appelant insultait Mme [P] [X] « de tous les noms » et lui parlait « malhonnêtement » (attestation de Mme [O] [L]) ou encore qu'il la rabaissait et l'insultait, indiquant ne pas avoir à recevoir d'ordre d'une femme (attestation de M. [R] [G]).

Plusieurs salariés de l'entreprise relatent également que ce comportement de M. [S] envers Mme [X] la faisait pleurer chaque jour, la terrorisait et l'avait conduite à venir présenter sa démission à sa chef d'équipe.

Cette dernière, prise en la personne de Mme [I] [B], atteste d'ailleurs avoir entendu elle-même le ton méprisant et les « méchancetés » qu'il lui disait et surtout que malgré la séparation du binôme, M. [E] [S] a continué à s'en prendre à Mme [P] [X], comme à d'autres femmes de l'équipe.

Ces agissements constituent une violation grave des obligations découlant du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis.

Les pièces produites démontrent, en outre, que les premiers faits de harcèlement ont été portés à la connaissance de l'employeur le 6 novembre 2015 et se sont, en tout état de cause, poursuivis jusqu'au 16 novembre 2015.

Les poursuites disciplinaires ne se trouvaient, dès lors, nullement prescrites, l'engagement de la procédure de licenciement ayant été initié dès le 18 novembre suivant

La faute grave est, par suite, établie, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs allégués dans la lettre de rupture et le licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire est justifié.

M. [E] [S] est, par suite, débouté de ses demandes financières relatives au rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, à l'indemnité de préavis et aux congés payés y afférents, à l'indemnité de licenciement et aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est, par conséquent, confirmé.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux frais irrépétibles de première instance sont confirmées.

Chaque partie supportera la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ainsi que de ses frais irrépétibles.

Les demandes respectives d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DIT que la SARL OCEAN est irrecevable en sa demande tendant à voir constater la péremption de l'instance ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lannoy le 21 décembre 2017, sauf en ce qu'il a dit justifiés les avertissements notifiées à M. [E] [S] les 9 avril, 27 avril, 9 juin et 9 novembre 2015 et en ce qu'il a mis à la charge de M. [E] [S] les dépens de première instance ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

ANNULE les avertissements notifiés par la SARL OCEAN à M. [E] [S] les 9 avril, 27 avril, 9 juin et 9 novembre 2015 ;

DEBOUTE M. [E] [S] de sa demande de rappels de salaire au titre de la durée du travail et des congés payés y afférents ;

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

REJETTE les demandes respectives d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 18/00126
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;18.00126 ?
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