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24/11/2022 | FRANCE | N°20/04213

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 24 novembre 2022, 20/04213


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 24/11/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 20/04213 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THX6



Jugement n° 2020003235 rendu le 12 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Valenciennes

Ordonnance incident rendue le 17 mars 2022 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai





APPELANT



Monsieur [O] [Y]

né le [Da

te naissance 1] 1972 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Myriam Mazé, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué





INTIMÉE



EARL de la P...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 24/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04213 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THX6

Jugement n° 2020003235 rendu le 12 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Valenciennes

Ordonnance incident rendue le 17 mars 2022 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai

APPELANT

Monsieur [O] [Y]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Myriam Mazé, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

INTIMÉE

EARL de la Planchette prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Carine Lorente, avocats au barreau de Laon, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 14 septembre 2022 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er septembre 2022

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 décembre 2010 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de M. [O] [Y], artisan ; un plan de redressement a été arrêté par jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 21 novembre 2011 ; par jugement du 28 novembre 2016 le tribunal a prononcé la résolution du plan, ouvert une procédure de liquidation judiciaire et désigné Me [J] [C] en qualité de liquidateur judiciaire. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 25 mars 2019.

L'EARL de la Planchette, qui avait introduit le 5 septembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Laon une action en responsabilité contractuelle contre M. [Y], ayant donné lieu à un jugement du 19 juillet 2016 ordonnant une expertise, a fait assigner, par acte du 20 mai 2020, M. [Y] et Me [C] ès qualités, devant le tribunal de commerce de Valenciennes aux fins d'être autorisé à reprendre son action individuelle contre M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Laon.

Par jugement réputé contradictoire du 12 octobre 2020, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

- mis hors de cause Me [J] [C], ès qualités d'ancien liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de M. [Y],

- autorisé l'EARL de la Planchette à reprendre ses actions individuelles à l'encontre de M. [Y],

- ordonné la notification du jugement aux parties, dans les conditions spécifiques à leurs qualités,

- condamné M. [Y] aux entiers dépens de l'instance, les frais de greffe étant liquidés à 132 euros, outre le coût du Bodacc, de l'annonce dans un journal d'annonce légale et des frais de signification.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 octobre 2020, M. [Y] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement à l'exception du chef relatif aux notifications ; seule l'EARL de la Planchette a été intimée.

Par ordonnance d'incident du 17 mars 2022, le conseiller de la mise en état, saisi par M. [Y], a déclaré irrecevable pour défaut de pouvoir l'incident relatif à la recevabilité de la demande de l'EARL de la Planchette.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions contestées dans la déclaration d'appel, et, statuant à nouveau, de :

- débouter l'EARL de la Planchette de sa demande d'autorisation de reprise des poursuites individuelles à son encontre,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 juillet 2022 l'EARL de la Planchette demande à la cour de :

- recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions,

- débouter M. [Y] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes le 12 octobre 2020,

- à titre subsidiaire, ordonner la réouverture des débats afin de procéder à la désignation d'un mandataire judiciaire pour intervenir à la procédure d'autorisation de reprendre les poursuites individuelles,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens, recouvrés directement par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 14 septembre suivant.

MOTIFS

Il ressort des pièces versées aux débats que l'EARL de la Planchette, ayant alors la forme d'un GAEC, a fait assigner M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Laon le 5 septembre 2013 aux fins de le voir condamner en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, lui reprochant une faute dans l'exécution d'un contrat d'installation et de fourniture d'une salle de traite mise en route le 21 septembre 2011. Par jugement du 19 juillet 2016 le tribunal a ordonné une expertise et l'expert a dressé un pré-rapport le 21 mars 2017. Par ailleurs, l'EARL de la Planchette n'a pas déclaré sa créance à la procédure collective de M. [Y] dans le délai légal et par jugement du 22 janvier 2018 le tribunal de commerce a confirmé l'ordonnance du juge commissaire déclarant irrecevable comme tardive sa requête en relevé de forclusion du 7 juillet 2017.

- Sur le fondement juridique de l'action de l'EARL de la Planchette

M. [Y] fait valoir que la demande est mal fondée en droit car il est invoqué les dispositions des articles L. 641-11 et R. 643-18 du code de commerce, sans lien avec une demande de reprise des poursuites individuelles.

Le premier juge a relevé que l'EARL de la Planchette visait dans ses dernières conclusions l'article L. 643-11 applicable à une demande de reprise des poursuites individuelles, dernières conclusions dont M. [Y] conteste l'existence et dont il n'est pas justifié. Il n'en reste pas moins que, dans son assignation, l'EARL demandait expressément l'autorisation de reprendre son action individuelle à l'encontre de M. [Y], en motivant cette demande par l'existence d'une fraude du débiteur et en visant l'article R. 643-18, relatif à la procédure applicable à une telle demande, de sorte que le fondement juridique était parfaitement clair, peu important que le texte visé fût erroné.

En tout état de cause, devant la cour, l'EARL invoque désormais les dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce, de sorte que le moyen tiré du mauvais fondement juridique invoqué doit être écarté.

Sur la mise en cause du liquidateur judiciaire

Selon l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.

Dans la mesure où le liquidateur a cessé ses fonctions par l'effet du jugement de clôture de la liquidation judiciaire, sa présence ne peut pas être exigée dans le cadre de la procédure relative à une demande de reprise des poursuites postérieure à la clôture. Il n'y a pas lieu dès lors de rouvrir les débats pour faire intervenir un liquidateur judiciaire désigné en remplacement de Me [C], partie en retraite.

Sur l'autorisation de reprendre les poursuites

M. [Y] soutient que l'EARL de la Planchette n'a pas la qualité de créancier dès lors qu'elle n'a pas déclaré sa créance et, qu'en conséquence, les conditions posées à l'article L. 643-11, V, alinéa 1er, du code de commerce ne sont pas réunies. Cet article dispose que les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

L'appelant omet toutefois les dispositions du deuxième alinéa de ce texte selon lesquelles 'les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun'. Or, il résulte de la combinaison de ce texte et de l'article L. 643-11, IV, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles (Com., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-31.236).

Il importe peu à cet égard que l'action en relevé de forclusion de l'EARL de la Planchette ait été jugée irrecevable comme tardive au motif qu'elle avait eu connaissance de l'existence de sa créance (et non de la procédure collective) avant l'expiration du délai pour agir.

L'EARL de la Planchette fait valoir que M. [Y] a dissimulé intentionnellement sa dette en lui cachant l'existence d'une procédure collective et en cachant au liquidateur judiciaire l'existence de la procédure en cours au tribunal de Laon. Elle estime que le fait que M. [Y] était accompagné du même conseil depuis le début de la procédure, qu'il ne l'avait pas mentionnée sur la liste des créanciers alors qu'il pouvait faire état d'une créance même éventuelle et qu'il avait continué son activité dans une autre société dès le 6 décembre 2016, laissant l'illusion d'une activité toujours en cours, et qui lui permettait d'échapper à ses dettes tout en poursuivant son activité, permettent de caractériser la fraude.

La fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier (Com., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-31.236) mais elle suppose le caractère intentionnel de la dissimulation, l'omission d'un créancier sur la liste établie par le débiteur n'étant pas suffisante à caractériser une volonté de dissimuler la dette.

L'action de l'EARL de la Planchette a été introduite et les opérations d'expertise ont débuté alors que le plan de redressement était en cours ; l'expertise était en cours au moment de l'ouverture de la liquidation judiciaire le 28 novembre 2016.

Il n'est pas contesté que M. [Y] n'a pas informé l'EARL de la Planchette de la procédure collective dont il faisait l'objet et s'il laisse entendre que le mandataire de justice était au courant de la procédure introduite par l'EARL de la Planchette, rien ne vient démontrer qu'il aurait informé le liquidateur de cette procédure comme il en était tenu en application des articles L. 641-1 et L. 621-6 du code de commerce.

Il ne résulte pour autant d'aucun élément qu'il aurait volontairement dissimulé cette dette étant relevé que tant lors de l'introduction de l'instance que lors de la réunion d'expertise à laquelle il a assisté, le 17 novembre 2016 (selon ce qui est indiqué dans le pré-rapport), la liquidation judiciaire n'était pas encore ouverte.

Il ne peut en effet se déduire du fait que M. [Y] était assisté du même conseil dans les procédures devant le tribunal de Laon et devant le tribunal de commerce, qu'il a tu l'existence de la procédure à l'EARL de la Planchette et qu'il a repris l'exercice d'une activité dans le même secteur (le montage, le dépannage, l'entretien, le contrôle et l'installation d'équipement pour l'élevage de bovin) en décembre 2016, comme salarié de la SAS Pro Traite Service, qu'il a constituée avec son épouse et sa fille, qu'il aurait intentionnellement omis de déclarer la procédure en cours l'opposant à l'EARL de la Planchette.

Il n'est donc pas établi la fraude et le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de l'EARL de la Planchette qui sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [Y] aux dépens et de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'EARL de la Planchette.

En équité, il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a autorisé l'EARL de la Planchette à reprendre ses actions individuelles à l'encontre de M. [O] [Y], ayant exercé l'activité de montage d'installations laitières, [Adresse 4] et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance, les frais de greffe étant liquidés à 132 euros, outre le coût du Bodacc, de l'annonce dans un journal d'annonce légale et des frais de signification ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Débouté l'EARL de la Planchette de sa demande tendant à être autorisée à reprendre les poursuites contre M. [O] [Y] ;

Condamne l'EARL de la Planchette aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04213
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.04213 ?
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