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17/11/2022 | FRANCE | N°21/05478

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 17 novembre 2022, 21/05478


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 17/11/2022





****





N° de MINUTE : 22/430

N° RG 21/05478 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5QA



Jugement (N° 21/00394) rendu le 11 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTE



SAMCV Mutuelle Assurance des Commercants et Industriels de France et des Cadres et Salaries de L'industrie et du Commerce, prise en la pers

onne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Olivier Leclere, avocat au barreau de P...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 17/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/430

N° RG 21/05478 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5QA

Jugement (N° 21/00394) rendu le 11 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

SAMCV Mutuelle Assurance des Commercants et Industriels de France et des Cadres et Salaries de L'industrie et du Commerce, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Olivier Leclere, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Sophie Djololian, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

Madame [X] [W]

née le 10 Janvier 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Daniel Thienpoent, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 06 octobre 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 septembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [X] [W] exploite à titre individuel un fonds de commerce de café-brasserie.

Elle a souscrit auprès de la Macif un contrat multi garantie activités professionnels.

Son établissement a été fermé administrativement du 16 mars au 2 juin 2020 dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19.

Par jugement rendu le 11 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- condamné la Macif à payer à Mme [W] la somme de 20 147,59 euros au titre de la garantie perte d'exploitation pour la période du 16 mars au 2 juin 2020 ;

- débouté Mme [W] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la Macif à payer à Mme [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par déclaration du 26 octobre 2021, la Macif a formé appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [W] la somme de 20 147,59 euros, ainsi qu'aux dépens et à payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 août 2022, la Macif demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et, statuant à nouveau,

=$gt; à titre principal :

- dire que le contrat d'assurance souscrit par Mme [W] ne couvre que les pertes et frais qui « ' sont la conséquence de l'interruption temporaire » des activités de l'entreprise « provoquée par des dommages subis par les bâtiments assurés, les biens professionnels, les modèles, les archives et les documents professionnels garantis et résultant de l'un des évènements » garantis tels que stipulés au Chapitre I des Conditions Générales du Contrat «évènements garantis».

- rejeter en conséquence sa demande tendant à la reconstitution intégrale du chiffre d'affaires perdu du fait de la fermeture administrative de son commerce liée à la crise sanitaire et la débouter de toutes ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction, pour ces derniers, au profit de Lexavoué Amiens Douai (Maître Loïc Le Roy) ;

=$gt; à titre subsidiaire :

- constatant que le contrat a vocation à indemniser une « ' perte réelle de marge brute (telle que définie à l'article 18 des Conditions Générales) avec un coefficient maximum de 050% sans pouvoir dépasser 47 305 euros ».

- constatant également qu'il stipule que les frais garantis sont ceux qui ont été exposés « ' en accord avec les experts, en vue d'éviter ou de limiter pendant la période d'indemnisation la réduction du chiffre d'affaires imputable au sinistre » (Chapitre 3 ' Protection financière).

- vu les comptes produits par Mme [W] et vérifiés par la société Elex France,

- compte tenu du taux de marge brute et de l'incidence de la franchise, fixer l'indemnité due par la Macif à la somme maximale de 5 939,39 euros et dire Mme [W] mal fondée pour le surplus.

- débouter faute de preuves Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- statuer ce que de droit sur les dépens et ramener la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 1 juillet 2022, Mme [W], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

=$gt; confirmer le jugement critiqué en qu'il a condamné la Macif à lui payer la somme de 20 147,59 euros et une somme au titre de ses frais irrépétibles ;

=$gt; le réformer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

condamner la Macif à lui payer 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

condamner la Macif à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

condamner la Macif aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie :

Mme [W] expose qu'il résulte des conditions générales et particulières du contrat que :

- la garantie des pertes d'exploitation est autonome et ne renvoie pas aux différents risques garantis ;

- aucune clause d'exclusion ne vise l'hypothèse d'une fermeture administrative due à l'état d'urgence sanitaire ; seules les catastrophes naturelles étant visées par une telle clause d'exclusion.

Sur ce,

Si, conformément à l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 alinéa 1 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d'abord à l'assuré d'établir l'existence du sinistre, objet du contrat, donc de prouver que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c'est à l'assureur, qui entend ensuite s'exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l'alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d'une clause d'exclusion de risque ou d'une clause de déchéance du droit à indemnisation.

En l'espèce, les conditions particulières du contrat P001 souscrit par Mme [W] visent une garantie «'pertes d'exploitation'», dont l'indemnisation est notamment limitée à la perte réelle de marge brute, telle qu'elle est définie par l'article 18 des conditions générales. Cette garantie couvre les biens assurés suivants : le local et les biens professionnels, incluant le matériel / mobilier et le stock de marchandises.

L'article 18 des conditions générales du contrat stipule, dans une partie «'protection financière'», une garantie optionnelle des pertes d'exploitation, qui a ainsi été souscrite par Mme [W]. Cette garantie s'applique «'lorsque cette perte ou ces frais sont la conséquence de l'interruption temporaire de la réduction de vos activités professionnelles provoquée par des dommages subis par les bâtiments assurés, les biens professionnels, les modèles, les archives et les documents professionnels garantis et résultant de l'un des évènements énumérés au Chapitre 1 à l'exception :

' des bris de glace et des enseignes (article 7) ;

' du vol et des actes de vandalisme (article 9), même si cette garantie est souscrite'».

Les événements garantis, auxquels renvoie l'article 18 précité, sont respectivement :

' « incendie, explosion, chute de foudre fumées (article 1)

' action de l'électricité (article 2)

' choc de véhicule terrestre à moteur (article 3)

' évènements climatiques (article 4)

' les catastrophes naturelles (article 5)

' le dégât des eaux (article 6)

' le bris des glaces ou des enseignes (article 7)

' actes de terrorisme et d'attentats (article 8)

' le vol et les actes de vandalisme (article 9)

' les frais complémentaires (article 10)

' l'assistance locaux professionnels (article 11)'».

Au titre d'une extension de la garantie visée par l'article 18, les conditions générales stipulent enfin une prise en charge des pertes d'exploitation lorsque le bâtiment dans lequel est exploité le fonds de commerce est «'endommagé par un événement autre qu'une catastrophe naturelle'». L'indemnisation ne concerne que les conséquences financières d'une entrave à l'accès aux locaux assurés résultant des travaux de remise en état des bâtiment ou d'une interdiction administrative pour raisons de sécurité.

La Macif oppose valablement que Mme [W] ne démontre pas que la fermeture administrative pour cause de crise sanitaire de son établissement corresponde aux conditions de la garantie «'perte d'exploitation'» ou de son extension, telles qu'elles sont définies ci-dessus.

A l'inverse, alors que la garantie n'a vocation à s'appliquer que si l'un des évènements précités (sous réserve des évènements visés aux articles 7 et 9) a causé une telle perte d'exploitation, une fermeture administrative sanitaire, dès lors qu'elle est étrangère à des questions de sécurité résultant de dommages subis par le bâtiment dans lequel est exploité le fonds de commerce, ne figure pas parmi les évènements garantis. Elle n'est dès lors pas indemnisable en exécution du contrat souscrit par Mme [W].

Le jugement ayant indemnisé Mme [W] au titre de ses pertes d'exploitation est par conséquent infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la résistance abusive :

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

Alors que la demande d'exécution du contrat d'assurance n'est pas fondée, la Macif n'a commis aucune faute en refusant d'indemniser Mme [W] du sinistre qu'elle invoque.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [W] au titre d'une résistance abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner Mme [W], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à la Macif la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Me Loïc Le Roy à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens les dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 11 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque, sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [W] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la Macif au titre d'une résistance abusive ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que les conditions de la garantie «'pertes d'exploitation'» et de son extension ne sont pas remplies pour indemniser Mme [X] [W] des conséquences financières de la fermeture administrative de son fonds de commerce sur la période du 16 mars 2020 au 2 juin 2020 ;

Déboute par conséquent Mme [X] [W] de sa demande formée de ce chef à l'encontre de la Macif ;

Condamne Mme [X] [W] aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise Me Loïc Le Roy à recouvrer directement contre Mme [X] [W] les dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision';

Condamne Mme [X] [W] à payer à la Macif la somme de 3'000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

[V] [U]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05478
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.05478 ?
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