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10/11/2022 | FRANCE | N°21/02037

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 10 novembre 2022, 21/02037


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 10/11/2022





****





N° de MINUTE : 22/424

N° RG 21/02037 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRVM



Jugement (N° 18/02383) rendu le 03 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [C] [A] domicilié en son lieu d'exercice

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 17]

de nationalité française
>Polyclinique du Bois

[Adresse 8]

[Localité 9]



Représenté par Me Virginie Levasseur, au barreau de Douai, avocat constitué, assistée par Me Georges Lacoeuilhe, plaidant, au barreau de Paris, avocat plaidant, subs...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 10/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/424

N° RG 21/02037 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRVM

Jugement (N° 18/02383) rendu le 03 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [C] [A] domicilié en son lieu d'exercice

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 17]

de nationalité française

Polyclinique du Bois

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me Virginie Levasseur, au barreau de Douai, avocat constitué, assistée par Me Georges Lacoeuilhe, plaidant, au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Maud Hubert, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES

Madame [J] [X] représentée par sa tutrice Madame [L] [R] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 14]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Madame [L] [R] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 20]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentées par Me Aurore Bonduel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Hugo De Smedt, avocat au barreau de Lille

SA Polyclinique du Bois prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Loïc Le Roy, au barreau de Douai, avocat constitué, assistée par Me Vincent Boizard, au barreau de Paris, avocat plaidant,

Etablissement Public Oniams Medicaux représenté par son Directeur en exercice

[Adresse 19]

[Localité 12]

Représenté par Me Nicolas Delegove, au barreau de Lille, avocat constitué, assisté de Me Sylvie Welsch, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Judith Le Floch, avocat au barreau de Paris

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 14] [Localité 13] agissant par ses représentants légaux dont son Directeur

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

SA Aviva Assurances

[Adresse 5]

[Localité 11]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 9 juillet 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 30 juin 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022, après prorogation du délibéré en date du 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [J] [X], née le [Date naissance 1] 1968, souffre d'une épilepsie et d'un retard psychomoteur modéré, ayant contracté une méningo-encéphalite à l'âge de trois ans.

Mme [L] [X], épouse [R] (la tutrice), exerce une mesure de tutelle à son profit depuis 1999.

Le 6 janvier 2004, Mme [J] [X] a subi une hystérectomie totale par voie haute au sein de la polyclinique du Bois (la clinique), l'intervention gynécologique ayant été réalisée pour traiter deux volumineux fibromes.

Manifestant de la fièvre et de l'agitation, Mme [X] a été à nouveau opérée le 15 janvier 2004, l'anesthésie ayant été réalisée par M. [C] [A].

Le 16 janvier 2004, M. [A] lui a notamment prescrit l'administration d'Haldol. Ce traitement a toutefois été interrompu le 18 janvier 2004.

M. [A] est assuré auprès de la société Aviva Assurances (Aviva).

À compter du 20 janvier 2004, l'état de la patiente s'est dégradé. Au cours de sa prise en charge, elle a notamment contracté un staphylocoque epidermis dans le service de réanimation où elle avait été admise le 29 janvier 2004 à l'hôpital de [Localité 16].

Elle a fait l'objet de plusieurs crises épileptiques.

Enfin, elle a subi une rétractation articulaire des quatre membres et une perte d'autonomie.

Par ordonnance du 25 octobre 2005, le juge des référés a désigné l'expert [I], gynécologue obstétricien. Cet expert s'est adjoint le concours du docteur [G], neurologue. Le rapport d'expertise a été déposé le 16 mars 2007, au contradictoire de M. [A] et du chirurgien gynécologue.

Par actes des 14 et 20 mars 2018, Mme [X], représentée par sa tutrice, a assigné M. [A], Aviva, et la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14] [Localité 13] devant le tribunal de grande instance de Lille.

Par actes des 18 et 26 septembre 2018, M. [A] a assigné l'Oniam et la clinique en intervention forcée.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 3 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

1- déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes présentées par Mme [L] [R] née [X] en son nom personnel et celles présentées par la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14]-[Localité 13] ;

2- dit que M. [A] a commis une faute de prescription à l'égard de Mme [J] [X] ;

3- sursis à statuer sur la liquidation des préjudices de Mme [J] [X] ;

4- ordonné avant dire droit une expertise médicale portant sur le lien de causalité entre un surdosage d'Haldol et l'état séquellaire de Mme [J] [X], sur l'existence d'autres fautes ayant pu causer un tel état, et sur l'éventualité d'un accident médical non fautif ;

5- ordonné une expertise ergonomique portant sur l'adaptation du logement ;

6- réservé les depens et les frais irrépétibles ;

7- ordonné l'exécution provisoire de son jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 9 avril 2021, M. [A] a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 2 à 5, et 7 ci-dessus. Plus spécifiquement, il critique le jugement en ce qu'il fixe le contenu et les limites de la mission de l'expert en ces termes : «'en cas d'autre faute que celle retenue du docteur [A], déterminer le niveau de contribution de chacun des praticiens concernés à la réalisation du dommage ; exprimer cette contribution par l'imputation à chacun des praticiens concernés d'une fraction du taux de 100 %'».

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable la demande de la caisse primaire d'assurance-maladie aux fins de condamnation de M. [A] à lui payer une pénalité de 50 % prévue par l'article L. 375-4 du code de la sécurité sociale.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 avril 2022, M.

[A] demande à la cour de :

=$gt; in limine litis : confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables puisque prescrites les demandes personnelles formées par Madame [L] [R] ;

- déclaré irrecevables les demandes formées par la caisse primaire d'assurance-maladie puisque prescrites ;

=$gt; à titre principal : infirmer le jugement en ce qu'il :

- a retenu une faute de prescription de M. [A] ;

- l'a débouté de sa demande de contre-expertise ;

- a ordonné une expertise limitée aux conséquences de la faute de prescription qui lui est reprochée;

- a ordonné une expertise portant sur le logement de Mme [X] et sur ses besoins en adaptation,

-a ordonné l'exécution provisoire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur les demandes indemnitaires de Mme [J] [X],

- débouter la caisse primaire d'assurance-maladie de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre ,

- débouter la clinique de ses demandes à son encontre,

- débouter l'Oniam de ses demandes à son encontre,

par conséquent, statuant de nouveau :

-débouter Mme [L] [R] de ses demandes formulées à son encontre au nom de Mme [J] [X] ;

- ordonner une expertise confiée à un expert médecin anesthésiste et/ou interniste notamment avec mission de : [...]

* dire si les actes et traitements médicaux étaient pleinement justifiés,

* dire si ces actes et soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science,

* dire s'il résulte des éléments du dossier médical la preuve d'un surdosage d'Haldol et, dans l'affirmative, dire qui en est responsable,

* dire si l'état de santé de Mme [J] [X] résulte d'un surdosage d'Haldol,

* détailler les différentes pathologies pouvant expliquer l'état de santé de Mme [J] [X], [...]

=$gt; à titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement sur sa responsabilité :

- surseoir à statuer sur l'indemnisation des préjudices de Mme [X] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- surseoir à statuer sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

=$gt; à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour décidait d'analyser les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie, les rejeter ;

=$gt; à titre encore plus subsidiaire,

- réduire à plus justes proportions le montant de sa créance ;

- rejeter la demande de la caisse primaire d'assurance-maladie formulée au titre des dispositions de l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale ;

- rejeter la demande de la caisse primaire d'assurance-maladie de capitalisation des frais futurs ;

- rejeter la demande de la caisse primaire d'assurance-maladie au titre des intérêts.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

- l'action de la caisse primaire d'assurance-maladie est prescrite, dès lors que (i) elle n'a pas agi dans le délai de 10 ans à compter du 10 décembre 2015, date de consolidation de l'état de la victime, alors que (ii) elle a eu nécessairement connaissance du dommage dès lors qu'elle prend en charge les frais médicaux depuis 2004, incluant des frais d'hospitalisation pour un montant élevé et sur une durée importante qui aurait dû conduire la caisse à s'interroger sur l'origine de tels débours ; (iii) les articles L. 376-1 et L. 376-4 du code de la sécurité sociale sont étrangers à la question de la prescription : d'une part, l'obligation d'informer la caisse repose sur le tiers responsable, de sorte qu'une telle qualification ne s'applique pas à sa situation dès lors que sa responsabilité n'est pas consacrée ; d'autre part, la caisse a été appelée en déclaration de jugement commun devant le tribunal ;

- subsidiairement, la demande de pénalité prévue par l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale est (i) d'une part irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel, étant observé qu'à l'inverse de l'appréciation du conseiller de la mise en état, elle ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes présentées par la caisse aux premiers juges, dès lors qu'elle a une visée punitive ; (ii) d'autre part, ce texte est issu d'une loi du 21 décembre 2011, alors que l'assignation en référé a été délivrée par Mme [X] le 25 octobre 2005, de sorte que ce texte n'est pas applicable à l'instance ; (iii) de troisième part, ce texte n'est pas applicable à l'espèce, dès lors qu'il vise la seule hypothèse où l'assureur et le tiers responsable ont conclu un règlement amiable ; (iv) enfin, la caisse n'a pas respecté la procédure applicable à sa mise en 'uvre et le plafond maximum prévu par l'article R. 376-5 du code de la sécurité sociale ;

- l'existence d'une faute n'est pas démontrée à son encontre : les experts désignés par le juge des référés, dont les spécialités sont la gynécologie et la neuro-psychiatrie, ne sont pas compétents pour statuer sur l'imputabilité du dommage à l'administration d'Haldol ; le rapport conclut en outre de façon hypothétique, alors que la cause des séquelles doit être établie avec certitude ; alors que l'expertise ne visait initialement que le gynécologue ayant opéré Mme [X], elle a été étendue à son égard sans qu'aucun médecin anesthésiste n'ait été adjoint ou consulté comme sapiteur ;

- l'existence d'un lien de causalité entre le mal épileptique et le traitement par Haldol n'est pas démontrée. Le rapport vise plusieurs hypothèses, alors qu'en définitive, seule celle d'un surdosage est retenue. Les troubles d'agitation, exprimant une décompensation de l'épilepsie, étaient d'ailleurs préexistants à l'administration de ce médicament ; postérieurement à une administration d'Haldol réduite à deux jours, Mme [X] a récupéré rapidement et intégralement, avant d'être transférée dans un service spécialisé, de sorte que le surdosage allégué est en tout état de cause transitoire, alors qu'il n'existe aucun élément scientifique indiquant qu'une exposition aussi limitée produise à distance les séquelles observées chez la patiente, étant observé que les premières convulsions sont survenues 20 jours après une telle administration tandis que la durée des effets de ce produit est limitée entre 7 à 8 jours ;

- l 'existence d'un surdosage à l'Haldol qui lui soit personnellement imputable n'est pas démontrée : il n'a procédé qu'à une prescription faible de ce médicament, soit 0,5 mg/ml, alors que la transcription écrite d'une telle prescription orale a été reportée de façon défectueuse par le personnel infirmier ; un témoignage établi par une infirmière surveillante confirme la présence d'un flacon d'Haldol faible au cours des jours ayant suivi les troubles de Mme [X] ; une telle circonstance figurait déjà dans un courrier qu'il avait adressé en 2005 ; la feuille de soins infirmiers ne comporte aucune prescription médicale et ne peut à ce titre constituer une preuve d'une prescription écrite de ce traitement par le médecin ;

- la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie n'est pas prouvée, à défaut de permettre de connaître avec précision la nature des prestations versées, leur montant et leur imputabilité aux faits litigieux ; le cours des intérêts applicables à la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie ne relève pas de l'article 1231-6 du code civil, de sorte que leur point de départ est fixé au jour de la décision de condamnation.

4.2. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 6 octobre 2021, Mme

[J] [X], et Mme [L] [R], agissant tant en sa qualité de tutrice qu'à titre personnel, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

=$gt; in limine litis :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes présentées par Madame [J] [X],

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes présentées par Madame [L] [R], et déclarer recevables comme n'étant pas prescrites, les demandes présentées par Mme [L] [R], victime indirecte ;

=$gt; à titre principal :

- confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions ;

- condamner M. [A] à lui payer 3 000 euros en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel ;

=$gt; à titre subsidiaire, si la cour infirme le jugement dont appel : déclarer la mesure d'expertise médicale à venir commune à toutes les parties en cause, dont l'Oniam et la clinique.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'action exercée à titre personnel par Mme [L] [R] est recevable, dès lors qu'une victime indirecte peut prétendre à réparation lorsqu'une responsabilité est reconnue à l'égard de la victime directe.

- l'expertise réalisée est probante, alors que M. [A] n'a pas contesté au cours de son déroulement la désignation des experts pour un défaut de compétence ; la demande de contre-expertise est sans objet, dès lors que le tribunal judiciaire a ordonné une mesure d'instruction confiée à un médecin interniste pour l'éclairer sur le lien de causalité, sur l'existence d'un éventuel accident non fautif ou sur celle d'autres fautes : le rapport critiqué sera ainsi complété utilement ;

- outre qu'une expertise a été ordonnée sur le lien de causalité en première instance, ce lien résulte par ailleurs de l'apparition rapide des signes de surdosage, de l'absence de crise d'épilepsie sur la période antérieure depuis 1981 et du dépassement exceptionnel de la dose maximale ;

- la faute de prescription commise par M. [A] résulte de la feuille de soins infirmiers. Les avis émis par d'autres experts sont tardifs par rapport à l'expertise judiciaire.

4.3. Aux termes de ses conclusions notifiées le 5 octobre 2021, la clinique,

intimée, demande à la cour de :

- constater que les opérations d'expertise ne lui sont pas opposables ;

- constater que les demandes formulées à son encontre ne reposent que sur le rapport d'expertise,

en conséquence, confirmer le jugement en ce que il a retenu un manquement de M. [A] dans le cadre de la prescription d'Haldol,

- débouter M. [A] et la demanderesse de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont ou seraient à l'avenir dirigées à son encontre ;

Subsidiairement,

- constater en tout état de cause que ni M. [A] ni la demanderesse ne rapportent la preuve de ce que la prescription qu'aurait faite M. [A], aurait été une prescription d'Haldol faible et que les infirmières aient pu faire une quelconque confusion ;

- constater au contraire que dans le dossier médical il est clairement consigné que lors de l'un de ses passages dans le service, M. [A] avait prescrit de l'Haldol à forte concentration ;

- constater que les infirmières n'ont fait que scrupuleusement reprendre les prescriptions de M. [A] ;

- débouter M. [A] et la demanderesse de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Constatant la particularité de cette procédure, où le praticien s'est manifestement abstenu d'appeler le concluant en expertise l'empêchant de se défendre devant les experts peu après la survenue des faits, pour y préférer une mise en cause extrêmement tardive,

- condamner M. [A] à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

L'essentiel des moyens développés au soutien des prétentions de la clinique figure dans le dispositif de ses conclusions précédemment rappelé.

4.4. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 6 octobre 2021, l'Oniam,

intimés et appelants incidents, demande à la cour de :

=$gt; à titre principal : confirmer le jugement et en conséquence de débouter M. [A] de sa demande de contre-expertise et ordonner la mise hors de cause de l'Oniam ;

=$gt; à titre subsidiaire : pour le cas où il serait fait droit à la demande de contre-expertise de M. [A], lui donner acte de ses protestations et réserves

=$gt; en tout état de cause, condamner tout succombant aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, l'Oniam fait valoir que :

- la responsabilité pour faute est seule invoquée par Mme [X] à l'encontre de M. [A] ; à l'inverse, la démonstration d'un accident médical non fautif n'est pas rapportée par ces derniers ; il n'a pas participé contradictoirement à l'expertise judiciaire, de sorte qu'aucune condamnation n'est susceptible d'être prononcée à son encontre sur la base d'un rapport lui étant inopposable ;

- subsidiairement, il ne s'oppose pas à la mesure de contre-expertise sollicitée tout en exprimant ses réserves sur sa mise en cause.

4.3. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2022,

la caisse primaire d'assurance-maladie ,intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable et prescrite,

- la déclarer bien fondée à solliciter le remboursement de ses débours, la prescription n'ayant pu courir à son égard,

- la déclarer recevable et bien fondée en son action en remboursement,

- déclarer M. [A] responsable du préjudice subi par Mme [J] [X] par application de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique,

=$gt; à titre principal : infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à l'égard du médecin et condamner M. [A] à lui payer la somme de 466 819,27 euros au titre de ses débours définitifs, avec intérêts à compter du :

- 28 juin 2018, date de la notification des premières conclusions, sur la somme de 242 679,40 euros,

- 26 septembre 2019, date de la notification des conclusions n°6 sur la somme complémentaire de 224 139,87 euros,

=$gt; à titre subsidiaire : infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à l'égard du médecin et le condamner à lui payer la somme de 377 210,25 euros au titre de ses débours définitifs, avec intérêts à compter du :

* 28 juin 2018, date de la notification des premières conclusions, sur la somme de 242 679,40 euros,

* 26 septembre 2019, date de la notification des conclusions n°6 sur la somme complémentaire de 134 530,75 euros,

- le condamner à lui payer le capital de 89 609,02 euros représentatif des frais futurs, ou à lui rembourser les soins viagers au fur et à mesure de leur service,

en cas d'expertise, étendre la mission de l'expert ou du collège à la détermination d'un point de vue médical, des débours et soins pris en tout état de cause.

=$gt; en tout état de cause,

- le condamner à lui payer la somme de 233 409,63 euros au titre de la pénalité ;

- le condamner à lui payer la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux frais et dépens ;

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts.

A l'appui de ses prétentions, la caisse primaire d'assurance-maladie fait valoir que :

- le délai de prescription n'a pas couru à son encontre, dès lors qu'elle n'était pas partie au référé-expertise et n'a pas été informée d'un accident médical, étant précisé qu'elle indemnise les assurés sociaux en vertu de la loi, quelle que soit la cause des soins et que le secret médical lui est opposable ; ni la victime ni le praticien ne l'ont ainsi informée de la survenue des lésions subies par Mme [X], en violation de l'article L. 376-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale, alors qu'il en résulte une «'imprescriptibilité'» de la créance du tiers payeur ; tant qu'elle n'est pas informée, la caisse peut remettre en cause le jugement rendu au fond dans les deux ans, de sorte qu'elle peut intervenir tant que le jugement au fond n'est pas devenu définitif et tant que le délai de deux ans n'est pas écoulé ; étant placée dans l'impossibilité d'agir par l'ignorance de ses droits, le délai de prescription n'a pas couru à son encontre et seule son assignation devant le tribunal de grande instance marque le point de départ de ce délai ; les diligences de la victime interrompent enfin la prescription à son profit, dès lors qu'elle lui est subrogée ;

- le lien de causalité est établi, alors que les signes d'imprégnation neuroleptique sont apparues rapidement après un surdosage ;

- son préjudice est déterminé par son relevé de débours, qui est établi selon les règles de la comptabilité publique et fait par conséquent foi, alors que l'imputabilité des prestations aux complications subies par la victime résultent de l'expertise judiciaire ;

- la créance de débours est majorée de 50 % lorsqu'elle n'a pas été informée de la survenance de la lésion, par application de l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale, lequel est applicable même s'il résulte d'une législation de 2011 dès lors qu'à l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription n'était pas acquise.

Aviva n'a pas constitué avocat, alors que la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été valablement signifiées.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

Sur la recevabilité de l'action indemnitaire de Mme [L] [R] :

La cour adopte sur ce point la motivation des premiers juges.

Il convient exclusivement de souligner que la suspension du délai de prescription dont bénéficie Mme [J] [X] au titre de son placement sous un régime de tutelle, lui est personnelle et ne profite pas à sa soeur dans l'exercice d'une action indemnitaire que cette dernière exerce à titre personnel en réparation d'un préjudice qui lui est propre, en l'absence de toute relation de subrogation entre celles-ci ; en particulier, la qualité de victime par ricochet n'implique aucune extension du régime de prescription applicable à la victime directe au profit de ce proche.

Le jugement critiqué est confirmé de ce chef.

Sur la recevabilité de l'action subrogatoire de la caisse primaire d'assurance-maladie :

D'une façon générale, en l'absence de dispositions transitoires spécifiques, l'exercice des recours des tiers-payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne s'appliquent aux événements ayant occasionné ce dommage survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cette loi, dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé. (Civ. 2e, 11 sept. 2008, n° 07-14.706)

$gt;$gt; Les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, en application de l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. L'action subrogatoire en remboursement des prestations versées à la victime par un organisme de sécurité sociale est par ailleurs soumise au même régime que l'action indemnitaire du subrogeant.

En l'espèce, alors que le dommage est survenu en 2004, le délai de prescription décennal n'était ainsi pas acquis lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 réformant la prescription. Il en résulte que l'article 2226 du code civil, dans sa rédaction issue de cette loi, était immédiatement applicable à la situation juridique créée par l'accident médical de 2004, dès lors que la présente action au fond n'a pas été introduite avant cette entrée en vigueur (article 26, I. de la loi précitée de 2008), l'assignation datant de mars 2018. Dès lors, la caisse primaire d'assurance-maladie disposait d'un délai de 10 ans à compter de la consolidation de l'état de la victime pour agir.

S'agissant d'un point de départ dérogatoire à l'article 2224 du code civil, le créancier ne dispose en revanche pas de la faculté d'invoquer l'ignorance dans laquelle il se trouvait de ses droits hors de l'hypothèse visée par l'article 2234 du même code.

La consolidation étant intervenue le 10 décembre 2005, le délai dont disposait la caisse pour agir à l'encontre d'un tiers responsable expirait ainsi au 10 décembre 2015.

Pour les motifs déjà exposés, l'article 2234 du code civil est également applicable à la situation litigieuse, contrairement à l'appréciation des premiers juges. En vertu de ce dernier texte, la suspension du délai de prescription peut être invoquée par celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, à charge pour ce créancier d'en rapporter la preuve.

L'article 2234 du code civil n'admet l'impossibilité d'agir qu'à la condition qu'elle résulte d'une force majeure. À cet égard, s'il appartenait à la victime d'appeler en déclaration d'ordonnance commune la caisse dès l'instance de référé et si la personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur étaient tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la circonstance que la caisse n'ait pas elle-même découvert que les débours particulièrement importants qu'elle exposait étaient en relation avec un accident impliquant la responsabilité d'un tiers ne résulte pas d'un fait irrésistible et imprévisible, alors que des sanctions prévues par ce texte démontrent à l'inverse que l'irrespect de telles obligations est au contraire prévu par la loi elle-même. Le caractère accidentel ou non du fait générateur ne constitue en outre pas une information relevant du secret médical.

Il en résulte que la caisse ne justifie pas d'une cause de suspension du délai de prescription.

$gt;$gt; L'article 376-1 alinéa 2, du code de la sécurité sociale dispose certes que l'assureur ayant conclu un règlement amiable sans respecter l'obligation mentionnée au premier alinéa (relatif à l'information de la caisse concernant l'intervention d'un réglement amiable entre l'assuré et le tiers responsable ou son assureur) ne peut opposer à la caisse la prescription de sa créance. Son alinéa 3 précise que cet alinéa 2 est également applicable à l'assureur du tiers responsable lorsqu'il ne respecte pas l'obligation d'information de la caisse prévue au septième alinéa de l'article

L. 376-1.

Il en résulte d'une part que cette interdiction d'opposer à la caisse la prescription de sa créance ne vise que l'assureur du tiers responsable, et non le tiers responsable lui-même, en cas d'absence d'information sur un contentieux impliquant la responsabilité d'un tel tiers. D'autre part, l'article L. 376-1 précité est issu de l'article 120 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui a créé une sanction nouvelle en cas d'irrespect par l'assureur de l'obligation d'information du tiers-payeur. Si cette loi est d'application immédiate aux situations en cours, une telle sanction nouvelle n'a en revanche pas vocation à s'appliquer rétroactivement à un défaut d'information qui s'est déjà réalisé antérieurement à son entrée en vigueur.

$gt;$gt; En revanche, il appartient à la cour de tirer les conséquences légales de ses propres constatations. A cet égard, dès lors que l'action engagée par la victime à l'encontre d'un tiers dont elle recherche la responsabilité a été définitivement déclarée recevable, il s'en déduit que l'action subrogatoire de la caisse primaire d'assurance-maladie est elle-même recevable (Civ. 2e, 7 juillet 2011, n° 09-16.616).

En l'espèce, alors que l'action de Mme [J] [X], représentée par sa tutrice, a été déclarée recevable par les premiers juges et qu'aucun appel n'a été formé sur ce point, la subrogation dont bénéficie la caisse en sa qualité de tiers-payeur à compter du paiement des prestations servies à celle-ci rend également recevable sa propre action en recouvrement des débours qu'elle a exposés pour le compte de la victime.

Le jugement ayant déclaré irrecevable la caisse est par conséquent infirmé de ce chef.

Sur la demande de contre-expertise par M. [A] :

Le recours à une contre-expertise judiciaire est justifiée s'il est démontré que le rapport établi par l'expert initialement commis présente des lacunes, des erreurs manifestes ou des incohérences, étant précisé que le seul désaccord d'une partie avec ses conclusions ne constitue pas une cause suffisante pour y recourir.

En l'espèce, pour étayer sa demande de contre-expertise, M. [A] invoque des avis techniques postérieurs aux opérations d'expertise judiciaire, alors qu'il était assisté d'un médecin-conseil au cours de la mesure d'instruction et qu'il a pu à ce titre présenter des observations préalablement au dépôt du rapport définitif d'expertise, auxquelles il a été apporté une réponse dans les conclusions de l'expert.

D'autre part, alors que la seule désignation d'un gynécologue-obstétricien en qualité d'expert était justifiée par la recherche initiale d'une faute imputable au chirurgien, le recours par l'expert [I] à l'assistance d'un sapiteur neurologue, inscrit sur la liste dressée par la Cour de cassation, a conduit ce dernier à proposer l'extension de la mesure d'instruction à l'égard de l'anesthésiste. Il en résulte que le sapiteur avait précisément une compétence particulière pour détecter l'existence d'une erreur commise par M. [A] à l'examen des pièces du dossier médical. Une telle assistance par un sapiteur neurologue a ainsi conduit l'expert [I] à distinguer dans son rapport une partie spécifiquement consacrée à la «'discussion neurologique'», après qu'elle a elle-même réalité la partie concernant la «'discussion gynécologique'».

Tant l'épilepsie dont souffrait préalablement Mme [X], que le syndrome malin des neuroleptiques et l'analyse de l'état de mal convulsif dont souffre désormais cette dernière entrent dans le champ de compétence d'un tel sapiteur neurologue, dont l'assistance ne s'est ainsi pas limitée à apprécier l'existence et la consistance de différents postes de préjudice. Il en résulte que la critique des compétences techniques des participants à l'expertise judiciaire reposant sur leurs spécialités médicales est infondée.

La réfaction complète de l'expertise réalisée par l'expert [I], qu'implique une telle demande de contre-expertise, n'est ainsi pas fondée. Le jugement ayant rejeté une telle demande est par conséquent confirmé de ce chef.

Sur la faute de M. [A] :

La responsabilité du professionnel de santé n'est, en principe, engagée qu'en cas de faute, sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1 du code de la santé publique, dont la preuve incombe aux demandeurs en réparation.

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

La cour approuve par conséquent la motivation des premiers juges ayant retenu la faute de prescription commise par M. [A] ayant prescrit un surdosage d'Haldol à Mme [J] [X] par rapport à la norme maximale autorisée.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.

Il est d'une part constant que M. [A] n'a procédé à aucune prescription écrite de l'administration d'Haldol à Mme [X] à destination du personnel infirmier. D'autre part, le cahier de transmission infirmier retrace exclusivement les échanges entre les différents intervenants aux soins, sans que ses mentions s'analysent comme une prescription écrite du médecin.

Il convient par conséquent de déterminer les termes d'une prescription verbale qu'a adressée M. [A] au personnel infirmier.

S'agissant d'un fait juridique dont la preuve peut être librement établie par tous moyens licites, Mme [X] invoque valablement les mentions qui figurent dans le cahier de transmission infirmier à l'appui de sa démonstration d'une faute imputable à M. [A]. Il résulte clairement de ce cahier de transmission qu'à l'occasion d'un passage de l'anesthésiste dans le service, l'infirmière a transcrit le 16 janvier 2004 : «'passage docteur [A] : Haldol 20 mg/ml'» et qu'à l'issue d'un appel téléphonique au médecin (spécifié par la mention «'Allo Docteur [A]), ont été ajoutées les mentions «'donner 60 gouttes par jour'» et «'si dosage 60 gouttes ne suffisent pas, le recontacter'».

A nouveau recontacté téléphoniquement à 11 h 30, l'infirmière indique que M. [A] lui indique de «'remettre de l'Haldol 60 gouttes/jour pour l'instant 1/jour'».

Le 17 janvier 2004, figure la mention «'traitement per os donné+ 60 gouttes d'Haldol donné ce matin'».

Le 18 janvier 2004, l'infirmière indique ne pas avoir administré les 60 goutes d'Haldol. Elle mentionne enfin «'Docteur [A] passé : OK ' Haldol'».

L'expertise ayant relevé que la présentation buvable de l'Haldol sous sa forme la plus concentrée a une concentration de 20 mg/ml pour laquelle 1 goutte égale 1 mg d'Haldol, il en résulte que l'administration de 60 gouttes excède en tout état de cause la posologie quotidienne «'maximale utilisable à titre exceptionnelle'» fixée à 40 mg, selon le dictionnaire Vidal, ainsi qu'il résulte du rapport établi par l'expert [I].

Ce même rapport d'expertise indique qu'aucune prescription d'Haldol n'est parvenue au pharmacien et que les infirmières auraient «'emprunté'» le médicament à une clinique voisine.

Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que :

- alors que les autres dosages disponibles de la présentation buvable de l'Haldol ont une concentration respective de 0,05 mg/ml (40 gouttes = 1 mg d'Haldol) pour sa forme «'faible'» et de 2 mg/ml (10 gouttes = 1 mg) pour sa forme intermédiaire, la spécificité du dosage de 20 mg/ml expressément mentionné dans le cahier de transmission ne permet notamment aucune confusion avec la prescription verbale d'un dosage «'faible'» à 0,5 mg/ml qu'allègue M. [A], tant les chiffres correspondant à chaque formule sont différents, et ce d'autant plus que ce dernier estime que l'administration d'un tel traitement n'est pas usuellement réalisée par les infirmières n'ayant pas habituellement accès à ce type de médicament, ainsi «'emprunté'» à un autre établissement.

- la réalité d'un surdosage d'Haldol résulte de la comparaison entre la dose administrée et celle maximale autorisée par sa notice.

- M. [A] est passé physiquement à deux reprises dans le service où était hospitalisée Mme [X], sans avoir jamais contrôlé la transcription par l'infirmière de sa prescription et sans avoir contrôlé la dose de médicaments effectivement reçue par la patiente, ainsi que le souligne l'expert [I].

- M. [A] ne s'est pas soucié de la dispensation du médicament qu'il a prescrit par le pharmacien, alors qu'une telle phase implique pourtant une validation de l'ordonnance du médecin par ce dernier, préalable à l'administration par l'infirmière.

- la vigilance de M. [A] sur les termes de sa prescription était d'autant plus nécessaire que l'usage de ce médicament n'était pas courant dans l'établissement.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [X] établit valablement un manquement professionnel par M. [A] ayant conduit à un surdosage d'Haldol.

M. [A] n'ayant pas pris le soin de se préconstituer par une ordonnance écrite la preuve de la prescription qu'il allègue avoir effectuée, il lui appartient d'apporter la preuve contraire, par application de l'article 1353 alinéa 2 du code civil.

Au soutien de ses prétentions, il produit une attestation émanant de Mme [O] épouse [N], ancienne surveillante du service de chirurgie gynécologique, qui affirme avoir retrouvé «'un flacon d'Haldol faible dans la pharmacie du service quelques jours après que Mme [J] [X] ait présenté des troubles de la vigilance après avoir reçu l'Haldol'», ajoutant que si elle peut être «'aussi affirmative 15 ans après les faits, c'est qu'elle a gardé ce flacon dans l'armoire de son bureau pendant plusieurs années, sachant que ce médicament ne faisait pas partie de la dotation médicamenteuse du service'».

Outre que cette attestation présente un caractère particulièrement tardif, elle n'est d'une part pas corroborée par l'expert [I], contrairement aux dires de M. [A], dès lors que la mention selon laquelle «'la surveillante du service a retrouvé le flacon d'Haldol faible (0,5 mg) dans la pharmacie du service'» figure au sein du rapport d'expertise dans un paragraphe «'déclarations du docteur [A]'» de sorte qu'elle reflète exclusivement les allégations de M. [A].

D'autre part, elle n'est pas davantage corroborée par :

- l'avis technique établi par le docteur [Z], anesthésiste-réanimateur

à [Localité 18], qui ne peut valablement attester de faits qu'il n'a pas directement et personnellement constatés : ainsi, aucune valeur probante ne s'attache à sa description des «'faits de prescriptions'», s'agissant notamment de la découverte d'un flacon d'Haldol à dosage faible, alors qu'une telle indication résulte à nouveau des seules déclarations faites par M. [A] à ce praticien.

- l'avis du professeur [M], chef des services d'anesthésie au centre hospitalier régional universitaire de [Localité 15], dont l'appartenance antérieure à la polyclinique du Bois ou sa connaissance de son organisation et de son fonctionnement au moment des faits litigieux ne sont pas davantage démontrées, qui se limite à nouveau à rapporter les déclarations de M. [A], en avalisant la version d'une prescription à dosage faible d'Haldol sur la seule foi des déclarations de ce dernier, tout en mettant en cause la mention objective que l'infirmière a porté dans le cahier des transmissions. A défaut d'avoir été témoin direct des faits, ses déclarations sur les circonstances de l'accident médical n'ont aucune valeur probatoire. Enfin, l'hypothèse d'une confusion par l'infirmière reposant sur une prescription de 20 gouttes d'Haldol faible ne repose sur aucun élément, alors que la réalité d'une telle quantification n'est elle-même fondée sur aucune pièce et résulte exclusivement des allégations de l'anesthésiste, doublée des spéculations de ce professeur («'il est donc facile d'imaginer qu'une infirmière ait pu confondre 20 gouttes trois fois par jour et 20 mg/ml'»).

Alors que la saisine du juge des référés a donné lieu à une expertise ordonnée dès le 25 octobre 2005, la cour observe qu'à cette date, Mme [O] épouse [N] prétend qu'elle était encore dépositaire du flacon d'Haldol 0,5 mg visée par son attestation, dès lors qu'elle indique dans sa propre attestation l'avoir conservé plusieurs années, étant rappelé que l'administration d'Haldol subie par Mme [X] date de janvier 2004. Pour autant, ce flacon n'a jamais été présenté devant l'expert [I] et le témoignage de Mme [N] n'a pas été produit au cours de la mesure d'instruction, alors qu'il résulte des propres déclarations précitées de M. [A] qu'il invoquait déjà une telle découverte de ce flacon par ce même témoin lors des opérations d'expertise.

Cette attestation n'est ainsi pas de nature à invalider la démonstration par Mme [X] d'une erreur de prescription médicale imputable à M. [A].

Enfin, le courrier adressé le 30 juin 2005 par M. [A] au chirurgien ayant opéré Mme [X] ne comporte à nouveau que la propre version de cet anesthésiste, alors que la seule constance des allégations de M. [A] n'est pas de nature à leur conférer une force probante particulière dès lors qu'elle n'est corroborée par aucun élément, l'attestation établie par Mme [O] étant insuffisante pour constituer une telle confirmation de ses propos. De fait, ce courrier concernant un «'dossier'» qui n'intéressait plus ni le chirurgien, ni l'anesthésiste sur un plan médical (la patiente ayant quitté depuis le 23 janvier 2004 la polyclinique), ne s'explique donc pas par la nécessité de transmettre des informations ou d'assurer la continuité de soins entre deux praticiens, mais s'inscrit dans un contexte temporel proche de l'instance diligentée devant le juge des référés, qui ne mettait à l'époque en cause que le seul destinataire de ce courrier. En réalité, ce courrier reflète la prise de conscience par M. [A] de l'erreur commise, en insistant sur la mention d'un dosage de 20 mg/ml portée sur le cahier de transmission infirmier, alors qu'il y exprime exclusivement sa «'perplexité'» face à une telle mention, et non la certitude qu'il affiche dans le cadre de la présente instance concernant l'erreur qu'il impute exclusivement à l'infirmière.

La faute initiale de prescription par M. [A] dans le dosage d'Haldol, qui n'a pas été corrigée par ses soins au cours de sa durée d'administration, est ainsi valablement établie. Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu une telle faute à son encontre.

Sur le lien de causalité de la faute avec les préjudices subis :

Au regard de la diversité des causes susceptibles d'avoir provoqué, alternativement ou cumulativement, les préjudices subis par Mme [J] [X], les premiers juges ont valablement ordonné, selon une motivation que la cour adopte, un complément d'expertise médicale confié à un expert en médecine interne pour préciser le rapport déposé le 16 mars 2007 par l'expert [I] et éclairer la juridiction tant sur l'existence d'un lien de causalité directe et certaine entre la faute imputable à M. [A] et les préjudices corporels invoqués par Mme [J] [X] que sur celle d'éventuelles autres causes ayant pu générer ces préjudices. De façon exhaustive, la mission confiée par le jugement critiqué à l'expert interniste inclut la recherche d'un accident médical non fautif. En revanche, il n'entre pas dans la mission de l'expert interniste de se prononcer à nouveau sur la faute commise par M. [A], dont l'existence est confirmée par le présent arrêt.

Ce complément d'expertise est nécessaire dès lors que l'expert [I] avait l'obligation de respecter les termes de sa mission : en effet, le juge des référés ne l'avait saisie qu'aux fins de rechercher des fautes imputables au chirurgien, puis sur extension de sa mission, à l'anesthésiste. A défaut de toute autre extension de mission sollicitée par les parties et ordonnée par le juge des référés, l'expertise déposée le 16 mars 2007 n'avait pas vocation à rechercher d'office d'autres causes concurrentes, et notamment l'existence d'un accident médical non fautif, sans excéder les termes de sa mission.

Le jugement critiqué ayant ordonné avant-dire droit un tel complément d'expertise et ayant sursis à statuer sur la liquidation des préjudices de Mme [J] [X] est par conséquent confirmé de ces chefs.

Il n'y a pas lieu de déclarer l'expertise ordonnée par les premiers juges communes à l'Oniam et à la polyclinique, alors qu'elles sont parties à l'instance et que cette mesure d'instruction leur est par conséquent opposable.

En revanche, alors que le lien de causalité entre les débours exposés par la caisse primaire d'assurance-maladie et les séquelles de Mme [J] [X] est contesté par M. [A], il convient d'étendre à cette question la mission de l'expert, dès lors que la mission visée par les premiers juges ne prévoit que la communication des débours de la caisse sans qu'y soit adjointe celle  d'en rechercher l'imputabilité aux conséquences dommageables résultant de sa complication médicale.

Sur l'expertise portant sur le logement de Mme [X]

Les premiers juges n'ont pas motivé leur jugement pour ordonner une expertise portant sur l'adaptation du logement de Mme [X].

En violation de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, M. [A] ne développe toutefois aucun moyen dans le corps de ses conclusions au soutien de sa prétention visant à infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une telle expertise.

Au surplus, l'examen de la mission confiée par le juge des référés à l'expert [I] n'inclut pas la détermination des frais d'adaptation du logement de Mme [X], alors que les séquelles qu'elle présente rendent indispensables de disposer d'une telle analyse et évaluation des travaux absolument nécessaires à son handicap. Quelle que soient les conclusions de l'expertise médicale permettant de statuer sur la ou les responsabilités engagées par l'accident survenu à Mme [X], la réparation intégrale de son préjudice implique que l'intégralité des postes de préjudice subis soit ainsi examinée par un expert exerçant dans la spécialité requise.

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie :

Si M. [A] invoque dans le corps de ses conclusions l'irrecevabilité de la demande formée par la caisse primaire d'assurance-maladie sur le fondement de l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale au motif qu'elle est nouvelle en cause d'appel, il ne formule pas une telle demande dans le dispositif de ses conclusions. Outre qu'une telle demande a d'ores et déjà été tranchée par le conseiller de la mise en état selon une ordonnance définitive, il n'y a pas lieu de statuer sur une telle demande en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Alors que la responsabilité de M. [A] n'est pas en l'état consacrée, il y a lieu de surseoir à statuer au fond sur l'ensemble des demandes formées par la caisse primaire d'assurance-maladie à son encontre.

Sur les demandes de l'Oniam :

Alors que l'expertise médicale ordonnée par les premiers juges inclut la recherche d'un éventuel accident médical non fautif, il convient de surseoir à statuer sur les demandes de l'Oniam, notamment aux fins de sa mise hors de cause.

Sur les demandes accessoires :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a réservé les dépens et frais irrépétibles exposés en première instance et à condamner M. [A] aux dépens d'appel et à payer respectivement à Mme [J] [X], à la polyclinique et à la caisse primaire d'assurance-maladie une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.

Il n'entre pas dans les attributions de la cour de statuer sur l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS':

La cour,

Confirme le jugement rendu le 3 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes présentées par la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14]-[Localité 13] ;

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,

Déclare recevables les demandes formulées par la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14]-[Localité 13] comme n'étant pas prescrites ;

Ajoutant au jugement entrepris :

Complète la mission d'expertise médicale ordonnée par le jugement précité comme suit :

- indiquer si les frais qui sont inclus dans le relevé des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14]-[Localité 13] sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident médical survenu à partir de janvier 2005 à Mme [J] [X] et avec la prise en charge de ses séquelles, telles qu'elles sont établies par le rapport d'expertise déposé le 16 mars 2017 par le docteur [H] [I] ;

Sursoit à statuer sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie à l'encontre de M. [C] [A] et sur les demandes de l'Oniam ;

Dit n'y avoir lieu à déclarer commune à la SA polyclinique du bois et à l'Oniam l'expertise ordonnée par le jugement du 3 mars 2021 précité ;

Condamne M. [C] [A] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [C] [A] à payer respectivement à :

- Mme [J] [X], représentée par son tuteur, Mme [L] [R],

- la SA polyclinique du bois,

- la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 14]-[Localité 13] la somme de

1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés devant la cour d'appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le President

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/02037
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.02037 ?
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