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03/11/2022 | FRANCE | N°22/02619

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 novembre 2022, 22/02619


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 03/11/2022





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N° de MINUTE : 22/395

N° RG 22/02619 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJW5



Ordonnance (N° 21/4601) rendue le 12 mai 2022 par la 3 ème chambre civile de la cour d'appel de Douai







DEMANDEUR AU DEFERE



Caisse d Epargne et de Prevoyances Hauts de France - la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France, venant

aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe, venant aux droits de la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut, prise en la personne de son représentant légal es qualité domi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/395

N° RG 22/02619 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJW5

Ordonnance (N° 21/4601) rendue le 12 mai 2022 par la 3 ème chambre civile de la cour d'appel de Douai

DEMANDEUR AU DEFERE

Caisse d Epargne et de Prevoyances Hauts de France - la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe, venant aux droits de la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut, prise en la personne de son représentant légal es qualité domicilié audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Farid Belkebir, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DEFENDEUR AU DEFERE

Monsieur [I] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie Hélène Laurent, avocate au barreau de Douai, avocate constituée, assisté de Me Maryse Pipart, avocate au barreau de Cambrai, avocate plaidante

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrate chargée d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIERE LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Claire Bertin, conseillère

Yasmina Belkaid, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente et Fabienne Dufossé, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Par acte du 3 Juin 2020, M.'[I] [D] a fait assigner la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France (la Caisse d'épargne) devant le tribunal judiciaire de Lille notamment aux fins de voir constater que celle-ci ne pouvait lui représenter la somme de 15'244,90 euros versée sur son livret A, et de la condamner à lui payer cette somme, outre les intérêts contractuels à compter du 27 Novembre 1999.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance d'incident du 15 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a':

1. déclaré M.'[D] irrecevable à agir à l'encontre de la Caisse d'épargne ;

2. condamné M.'[D] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 1'500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par cette dernière ;

3. condamné M.'[D] aux entiers dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 août 2021, M.'[D] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

4. La procédure de déféré :

Par ordonnance du 12 mai 2022, le président de la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai a':

- débouté la Caisse d'épargne de sa demande aux fins d'annuler «'l'acte de signification de l'avis de fixation à bref délai que le conseil de M.'[D] a notifié au conseil de la Caisse d'épargne le 8 décembre 2021'»';

- débouté la Caisse d'épargne de sa demande aux fins de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée le 24 août 2021 par M.'[D] contre l'ordonnance rendue le 15 juillet 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille';

- déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 5 janvier 2022 par la Caisse d'épargne';

- dit n'y avoir lieu à déclarer recevable la pièce n°1 communiquée par la Caisse d'épargne devant la cour';

- condamné la Caisse d'épargne aux dépens de l'incident, et à payer à M.'[D] de la somme de 400 euros d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse d'épargne a déféré cette ordonnance à la cour par requête du 26 mai 2022.

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2022,

la Caisse d'épargne demande à la cour, au visa des articles 905 et suivants, 916, 954 du code de procédure civile, 8 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, et 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de':

- infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

statuant de nouveau,

- dire et juger nul et de nul effet l'acte de notification de l'avis de fixation à bref délai que le conseil de M.'[D] avait notifié le 8 décembre 2021 à son propre conseil ;

- dire et juger caduque la déclaration d'appel de M.'[D] ;

- subsidiairement, dire et juger n'y avoir à prononcer l'irrecevabilité de ses conclusions d'intimée et de ses pièces';

- plus subsidiairement, dire et juger n'y avoir lieu à prononcer l'irrecevabilité de sa pièce n°1';

en conséquence et en toutes hypothèses,

- prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M.'[D]';

- dire et juger M.'[D] irrecevable en sa demande d'évocation du fond du litige en cause d'appel';

- débouter M.'[D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions';

- condamner M.'[D] aux entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la Caisse d'épargne fait valoir que :

- l'application de l'article 905 précité que M.'[D] propose à la cour apparait des plus inégalitaires et déséquilibrées dans la mesure où, d'une part, il a bénéficié d'un délai de deux mois et trois semaines pour notifier ses conclusions d'appelant et, d'autre part, la tardiveté de l'avis de fixation à bref délai a eu pour effet de rallonger ce délai d'un mois supplémentaire ;

- de ce fait, l'appelant a bénéficié d'un délai total de quatre mois et quatorze jours pour notifier ses conclusions d'appelant, alors qu'elle-même n'a bénéficié que d'un délai d'un seul mois, lequel était limité à neuf jours au jour de la notification de l'avis de fixation à bref délai, pour notifier ses conclusions d'intimée ;

- les pièces notifiées par l'appelant le 8 décembre 2021 ne permettent pas de satisfaire à l'obligation de l'article 905-1 d'avoir à signifier la déclaration d'appel, puisque ce message RPVA n'émane pas du greffe ;

- M.'[D] ne lui a pas notifié sa déclaration d'appel dans le délai de dix jours courant à compter de la réception de l'avis de fixation à bref délai ;

- le document joint à la notification de la déclaration d'appel n'est pas celui requis par l'article 905-1 précité';

- le conseil de M.'[D] n'a pas rappelé dans la notification de la déclaration d'appel la mention prévue à l'alinéa 2 de l'article 905-1 ;

- le principe du droit d'accès au juge et celui de l'égalité des armes, consacrés par l'article 6 § 1 de la convention des droits de l'Homme, justifient que la sanction de l'irrecevabilité de ses conclusions soit écartée en l'espèce ;

- la solution selon laquelle la procédure à bref délai s'applique de plein droit indépendamment de l'avis de fixation à bref délai a été posée le 12 avril 2018 par la Cour de cassation, alors que le délai d'un mois prévu à l'article 905-2 n'existait pas ;

- cette position ne tient pas compte des inégalités de procédure résultant du retard d'émission de l'avis de passage à la procédure à bref délai dont la conséquence est de prolonger le point de départ dans lequel l'appelant doit notifier ses conclusions, alors que l'intimé ne bénéficie pas d'un tel avantage ;

- en l'espèce, M. [D] a interjeté appel le 24 août 2021, et notifié ses conclusions d'appelant le 17 novembre 2021 sans jamais lui notifier sa déclaration d'appel, et sans lui notifier les mentions prévues par l'article 905-1 à peine de nullité ;

- son conseil s'est heurté à une situation de force majeure liée à l'hospitalisation de son enfant, ce qui justifie, en application de l'article 910-3 du code de procédure civile, d'écarter la sanction de l'irrecevabilité des conclusions d'intimé ;

- il n'y a pas lieu d'écarter des débats sa pièce n°1 jointe à ses conclusions d'intimée, dès lors que le juge de la mise en état se l'était appropriée dans la motivation de l'ordonnance du 15 juillet 2021 ;

- en l'absence de jugement ayant tranché le fond du litige, la cour ne peut elle-même être saisie du fond de l'affaire ;

- aux termes de l'article 789 alinéa 6 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est jusqu'à son dessaisissement seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir ;

- les pouvoirs du conseiller de la mise en état étant exercés par le président de chambre en matière de procédure à bref délai, la cour statuant sur déféré est parfaitement compétente pour statuer sur la recevabilité de la demande d'évocation ;

- le président de chambre a omis de statuer dans l'ordonnance déférée sur la question de la recevabilité de la demande d'évocation de l'affaire au fond.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 11 août 2022, M.'[D]

demande à la cour, au visa des articles 905 et suivants du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

y ajoutant,

- déclarer irrecevables les conclusions de la Caisse d'épargne, tant celles signifiées le 5 janvier 2022 que celles signifiées le 6 janvier 2022 ;

- débouter la Caisse d'épargne de toutes ses demandes ;

- condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens du déféré.

A l'appui de ses prétentions, M.'[D] fait valoir que :

- en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, la Caisse d'épargne disposait d'un délai d'un mois pour conclure, lequel expirait le 17 décembre 2021, et ce à peine d'irrecevabilité de ses écritures ;

- la Caisse d'épargne a déposé tardivement ses premières conclusions d'intimée le 5 puis 6 janvier 2022 ;

- en application de l'article 905-1 alinéa 1 du code de procédure civile, l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel ;

- la Caisse d'épargne a constitué avocat le 7 septembre 2021, bien avant que la cour n'émette le 7 décembre 2021 son avis de fixation de la procédure à bref délai ;

- la notification de la déclaration d'appel à l'avocat de l'intimée par message du 8 décembre 2021 sur le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) est tout à fait régulière, dans la mesure où y était joint l'avis de déclaration d'appel émis par le greffe, lequel récapitulait le numéro de rôle et de déclaration d'appel, les adresses des parties, et les chefs de la décision expressément critiqués ;

- il convient de distinguer la signification de la déclaration d'appel faite par acte d'huissier à la partie elle-même lorsque celle-ci n'a pas encore constitué avocat, et la notification de cette même déclaration d'appel à l'avocat constitué de l'intimée ; - les mentions de l'alinéa 2 de l'article 905-1 n'ont vocation à s'appliquer qu'à la signification faite par acte d'huissier à l'intimé défaillant ;

- l'article 905-1 précité n'impose pas que la notification de la déclaration d'appel entre avocats contiennent d'autres informations, sachant par ailleurs que l'avis de fixation à bref délai est transmis par le greffe à l'avocat de l'intimé, dès qu'il est constitué, conformément aux articles 904-1 et 970 du code de procédure civile ;

- lorsque l'appel est relatif à une décision visée à l'article 905 du code de procédure civile, la procédure à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation, et la notification des conclusions de l'appelant fait courir de plein droit le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure, et ce même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens ;

- lorsqu'il est relevé appel d'une ordonnance du juge de la mise en état énumérée aux 1° à 4° de l'article 795, le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, même si celle-ci intervient avant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai ;

- l'appelant peut conclure avant l'avis de fixation à bref délai et n'a pas à notifier à nouveau ses conclusions au conseil de l'intimé après l'avis de fixation ; le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure court de plein droit à compter de la notification des conclusions de l'appelant ;

- la Caisse d'épargne est représentée par un professionnel du droit maîtrisant les règles de la procédure d'appel ;

- en application de l'article 906 du code précité, les pièces communiquées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-même irrecevables ;

- il convient d'écarter la force majeure soulevée par le conseil de l'intimée en application de l'article 910-3 du code de procédure civile, dès lors que l'hospitalisation de courte durée de son fils était prévue ;

- la question de l'évocation de l'affaire relève de la compétence de la cour statuant au fond, et non de la cour statuant sur déféré.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

Sur la nullité de l'acte de notification de la déclaration d'appel

Il ressort de l'article 905 du code de procédure civile que le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai au jour indiqué, notamment lorsque l'appel est relatif à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 795.

Il ressort également de l'article 905-1 du code précité que lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l'article'905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.

En l'espèce, dès lors que l'ordonnance du 15 juillet 2021 statue sur une fin de non-recevoir, l'appel relève de plein droit d'une instruction à bref délai régie par les articles 905 et suivants.

Comme l'a exactement apprécié le président de chambre, les dispositions de l'article 905-1 ont pour finalité de remédier au défaut de constitution de l'intimé, en lui faisant connaître non seulement l'existence de l'appel mais également les chefs expressément critiqués par la déclaration d'appel, et ainsi de lui permettre de constituer avocat et de préparer ses propres conclusions dans des conditions assurant le respect du principe de la contradiction.

En l'espèce, le 24 août 2021, M. [D] a régularisé appel de l'ordonnance d'incident rendue le 15 juillet 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille ; puis la Caisse d'épargne a constitué avocat dès le 7 septembre 2021.

Le 7 décembre 2021, le greffe a adressé à l'appelant l'avis de fixation intitulé «'art 905 et suivants du code de procédure civile'», et contenant le calendrier de procédure fixé conformément aux articles 905-1 et 905-2.

Conformément à l'article 905-1, l'appelant devait signifier à l'intimé ou notifier à l'avocat constitué sa déclaration d'appel.

Dès lors que la Caisse d'épargne avait régulièrement constitué avocat avant l'avis de fixation, la signification de la déclaration d'appel par acte d'huissier n'était pas requise ; la seule obligation faite à l'appelant aux termes des articles 905-1 et 905-2 était une notification à l'avocat adverse'; il ne saurait être fait grief à l'appelant de ne pas avoir fait signifier directement à l'intimée l'avis de fixation et la déclaration d'appel, ni rappelé les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 905-1.

En application de cet article, l'appelant a adressé le 8 décembre 2021, à l'avocat constitué pour l'intimée, un message RPVA par lequel il lui notifiait sa déclaration d'appel ainsi que le calendrier de fixation, et lui transférait en pièces jointes l'avis de fixation à bref délai émis par le greffe le 7 décembre 2021, la déclaration d'appel n°311245, et l'avis de déclaration d'appel émis par le greffe et daté du 25 août 2021'; cet avis récapitulait le numéro de rôle et de déclaration d'appel, l'identité et les adresses des parties, et l'objet de la déclaration d'appel en énumérant les chefs de la décision expressément critiqués.

Contrairement à ce que prétend la Caisse d'épargne, la notification de la déclaration d'appel à son avocat par message RPVA du 8 décembre 2021 est régulière, dans la mesure où y était notamment joint l'avis complet de déclaration d'appel émis par le greffe.

Aucune nullité ne s'attache à l'acte de notification de la déclaration d'appel, dès lors qu'aucune obligation n'est faite à l'avocat de l'appelant de rappeler à l'avocat de l'intimée, constitué en appel, que le délai d'un mois pour notifier ses conclusions d'intimée court à compter de la date de notification des conclusions de l'appelant, et non de la date de la notification de la déclaration d'appel.

Sur la caducité de la déclaration d'appel

En application de l'article 905-1 alinéa 1, l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel.

Ce moyen est rejeté.

Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée

Aux termes de l'article 905-2 alinéa 2, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué.

Étant rappelé que le droit d'accès aux tribunaux n'est pas absolu et peut donner lieu à des limitations admises par la Cour européenne des droits de l'Homme à condition toutefois de poursuivre un but légitime et proportionné, le délai d'un mois pour conclure à compter de la notification des conclusions de l'appelant, prévu à l'alinéa 2 de l'article 905-2, est destiné à permettre de juger certaines affaires à bref délai. Il garantit, dans les limites de cette exigence de célérité liée à la nature de l'affaire, de s'assurer que l'intimé, qui a déjà constitué avocat, est mis en mesure d'assurer sa défense. Ce délai n'apparaît ni imprévisible ni insuffisant.

Les dispositions des articles 905-1 et 905-2 ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; elles poursuivent le but légitime d'une bonne administration de la justice dans les procédures présentant un caractère d'urgence, et s'avèrent proportionnelles au but recherché.

Il est ici rappelé que l'intimé doit par l'intermédiaire de son conseil se montrer vigilant quant à l'accomplissement des actes de procédure qui lui incombent, et qu'il doit respecter l'obligation mise à sa charge de conclure dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, nonobstant l'envoi tardif par le greffe de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai.

Aucune violation du principe du droit d'accès au juge et du principe de l'égalité des armes, prévus par l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme, ne s'attache au respect du délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant imparti à l'intimé pour conclure.

C'est donc à juste titre que l'ordonnance déférée retient qu'en sa qualité d'avocat, il appartenait au conseil de l'intimée, professionnel du droit, de consulter le RPVA pour prendre connaissance des actes notifiés, des pièces communiquées et des conclusions notifiées, et de maîtriser la procédure d'appel, notamment s'agissant de la nécessité de conclure dans le délai de l'article 905-2, de sorte que l'appelant n'avait pas l'obligation de lui rappeler une telle règle.

En l'espèce, s'agissant de l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir, l'appel relevait de plein droit d'une instruction à bref délai même en l'absence d'avis de fixation, ce que nous pouvait ignorer l'avocat constitué.

Dans le cadre de la procédure à bref délai, il résulte de l'article 905-2 que le délai imparti à l'intimé pour conclure court de plein droit à compter de la notification des conclusions de l'appelant.

En l'espèce, l'appelant a notifié le 17 novembre 2021 par message RPVA ses conclusions à l'avocat de l'intimée qui était constitué depuis le 7 septembre 2021 ; l'intimée disposait donc d'un délai expirant au 17 décembre 2021, pour conclure, peu important que l'avis de fixation lui ait été notifié tardivement le 7 décembre 2021 ; en conséquence, les conclusions de la Caisse d'épargne déposées le 5 janvier 2022 puis le 6 janvier 2022 sont irrecevables comme déposées tardivement.

Sur le cas de force majeure

Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.

Constitue, au sens de ces dispositions, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

En outre, la partie qui se prévaut de la force majeure doit en droit processuel démontrer que les effets de l'irrecevabilité de ses conclusions ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.

Si le conseil de l'intimée justifie bien de l'hospitalisation de son fils le 14 décembre 2021, il n'est pas démontré que cet événement purement personnel présente le caractère insurmontable d'un cas de force majeure, lequel apparaît seul de nature à pouvoir atténuer le caractère automatique de conséquences procédurales attachées à la méconnaissance des délais impartis à l'intimée pour conclure.

L'empêchement familial ponctuel de l'avocat ne constitue pas ici un cas de force majeure justifiant le défaut de remise des conclusions d'intimé dans le délai d'un moi qui lui était imparti à partir de la notification des conclusions de l'appelant.

En conséquence, il convient de rejeter l'exception de force majeure soulevée.

Sur la recevabilité de la pièce n°1

Aux termes de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.

Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

Aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du code précité, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Dans la procédure d'appel en matière contentieuse avec représentation obligatoire, les pièces sont écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées, sont déclarées irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité de ces conclusions.

Il en résulte que la pièce n°1 de la Caisse d'épargne doit être déclarée irrecevable, dès lors que ses conclusions du 5 et 6 janvier 2022, au soutien desquelles elle est communiquée, sont elles-mêmes déclarées irrecevables, peu important que le juge de la mise en état se soit approprié cette pièce déjà produite en première instance dans la motivation de l'ordonnance du 15 juillet 2021.

En application de l'article 906 ensemble l'article 954, l'irrecevabilité des conclusions entraînant l'irrecevabilité des pièces communiquées, la Caisse d'épargne ne saurait être autorisée à communiquer sa pièce n°1, ce qui priverait les dispositions de l'article 906 de tout effet, quand bien même elle est réputée solliciter la confirmation du jugement par application de l'article 954.

En conséquence, le déféré sera rejeté sur tous les chefs soulevés.

Sur la demande d'évocation au fond

Aux termes de l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés, si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 554, 555, et 563 à 567.

En application de ces dispositions, la question de l'évocation de l'affaire relève de la compétence de la cour saisie au fond, et non de la compétence de la cour statuant sur le déféré d'une ordonnance rendue par le président de chambre dans le cadre de la procédure à bref délai.

A ce stade, la cour n'est saisie par l'appelant d'aucune demande d'évocation du fond du litige.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La Caisse d'épargne qui succombe sera condamnée aux dépens du déféré, ainsi qu'au paiement d'une somme de 500 euros à M.'[D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la requête en déféré présentée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France ;

Constate que la cour n'est saisie par M.'[I] [D] d'aucune demande d'évocation du litige au fond ;

Rejette les plus amples prétentions des parties ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France aux dépens du déféré ;

La condamne en outre à payer à M.'[I] [D] une somme de 500 euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière

Fabienne Dufossé

La Presidente

[H] [R]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02619
Date de la décision : 03/11/2022
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.02619 ?
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