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03/11/2022 | FRANCE | N°22/01414

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 novembre 2022, 22/01414


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 03/11/2022





****





N° de MINUTE : 22/403

N° RG 22/01414 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFXU



Ordonnance (N° 21/00082) rendue le 08 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de [Localité 5]







APPELANTE



La Commune de [Localité 5], prise en la personne de M [H] [G],

es qualité de maire de [Localité 5]

Hôtel de Ville


[Localité 5]



Représentée par Me Jean-Noel Lecompte, avocat au barreau de [Localité 5]



INTIMÉ



Monsieur [W] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représenté par Me Zélie Henriot, avoc...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/403

N° RG 22/01414 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFXU

Ordonnance (N° 21/00082) rendue le 08 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de [Localité 5]

APPELANTE

La Commune de [Localité 5], prise en la personne de M [H] [G],

es qualité de maire de [Localité 5]

Hôtel de Ville

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Noel Lecompte, avocat au barreau de [Localité 5]

INTIMÉ

Monsieur [W] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Zélie Henriot, avocat constitué, au barreau de Douai, assisté de Me Michaël Cunin, avocat plaidant, au barreau de Valence

DÉBATS à l'audience publique du 22 septembre 2022 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 septembre 2022

****

Par une ordonnance rendue le 30 juillet 2021 à la requête de la commune de [Localité 5], le président du tribunal judiciaire de [Localité 5] a nommé la société Berna-Plichon, huissier de justice à [Localité 5] qui sera autorisée au besoin accompagnée d'un serrurier et avec le concours de la force publique ainsi que d'une personne représentant la commune de [Localité 5] de se rendre au domicile de M. [W] [Z] situé Grande [Adresse 9] à [Localité 5], parcelles cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 1] avec mission de procéder à toutes constatations utiles et prendre des photographies desdites constatations, décrire les installations, aménagements et agencements présents sur la propriété de M. [Z] et les mesurer, décrire et constater les différents branchements aux réseaux d'eau, d'électricité ou de gaz présents sur le terrain, décrire et constater les différents travaux éventuellement réalisés par M. [Z], relever les immatriculations des véhicules, caravanes ou tout autre engin roulant, relever l'identité des différentes personnes présentes sur le terrain appartenant à M. [Z] et solliciter la raison de leur présence, dresser toutes constatations en relation avec la présente ordonnance et dire que l'ensemble ces constatations réalisées seront dressées dans un procès-verbal.

M. [W] [Z] a contesté cette ordonnance sur requête devant le juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 5] qui, par ordonnance du 8 mars 2022, a ordonné sa rétractation et condamné la commune de [Localité 5] à payer à M. [W] [Z] la somme de 450 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration au greffe du 22 mars 2022, la commune de [Localité 5] a interjeté appel de l'ordonnance de référé querellée en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 4 août 2022, la commune de [Localité 5] sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance du juge des référés du 8 mars 2022 et demande de débouter M. [W] [Z] de l'ensemble de ses demandes ainsi que la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle estime que, contrairement à ce qui a été jugé par le juge des référés, elle disposait et justifiait par les pièces produites d'un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, au moment du dépôt de la requête, à solliciter un constat d'huissier. Elle soutient en effet qu'elle a eu connaissance des travaux d'aménagement réalisés par M. [Z] lesquels sont susceptibles de constituer une fraude justifiant le retrait éventuel du permis de construire qui lui avait été accordé par décision du tribunal administratif de Lille. Elle ajoute que les agissements de M. [Z] sont à l'origine de troubles anormaux de voisinage en ce que les photographies produites révèlent la présence de nombreux mobil-homes et de caravanes habités par plusieurs familles. Elle ajoute qu'il importait dans ces conditions de recourir à une procédure non contradictoire afin d'éviter toute dissimulation des travaux et aménagements effectués par M. [Z].

Dans ses conclusions notifiées le 30 mai 2022, M. [W] [Z] demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions, de débouter la commune de [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il conteste la réalité des agissements qui lui sont reprochés par la commune de [Localité 5] qui selon lui n'établit aucune violation des règles d'urbanisme, ni aucune fraude justifiant un éventuel retrait de la décision ayant accordé le permis de construire ajoutant, qu'à supposer établie une telle infraction d'urbanisme, il appartenait à celle-ci de mettre en 'uvre les dispositions des articles L. 480-1 et suivant du Code de l'urbanisme prévoyant une procédure contradictoire. Il conclut que, dans ces circonstances, il ne pouvait être dérogé au principe du contradictoire. Il affirme que la commune de [Localité 5] ne démontre pas davantage la réalité de troubles anormaux du voisinage.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 septembre 2022.

MOTIFS

L'article 145 du Code de procédure civile prévoit que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

S'il résulte de ses dispositions que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité de ses suppositions, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l'établir, il n'en demeure pas moins qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles ses allégations.

Le motif légitime existe dès lors que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et ne porte pas atteinte aux intérêts légitime du défendeur.

Par ailleurs, selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Compte tenu de cette dérogation au principe de la contradiction, il appartient au demandeur de préciser les circonstances qui justifient qu'il soit procédé de façon non contradictoire.

Il résulte des articles 496 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel saisie de l'appel d'une ordonnance de référé rendue par le juge de la rétractation est investie des attributions de ce dernier.

Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, contradictoirement, par le requérant initial et son adversaire et contrôler que la requête ou l'ordonnance énonce expressément les circonstances susceptibles d'autoriser une dérogation au principe de la contradiction.

Il résulte des énonciations de la requête déposée par la commune de [Localité 5] devant le président du tribunal judiciaire de [Localité 5] que, par un jugement du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du maire de [Localité 5] ainsi que la décision de rejet du recours gracieux exercé par M. [Z] et a enjoint à la commune de [Localité 5] de délivrer à M. [Z] le permis de construire sollicité en vue de la construction d'une maison d'habitation ; que ce permis a ainsi été délivré le 21 octobre 2020 ; que la commune de [Localité 5] aurait été alertée par des plaintes du voisinage des travaux réalisés par M. [Z] sur sa propriété sans déclaration préalable ni autorisation et alors en outre qu'ils ne sont conformes ni au permis de construire ni au plan local d'urbanisme ; que ces agissements sont susceptibles de caractériser une fraude justifiant un retrait éventuel de la décision ayant accordé le permis de construire et causent des troubles anormaux du voisinage résultant de la présence de nombreux mobil-homes et caravanes habités par plusieurs familles.

Pour solliciter une mesure de constat en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, la commune de [Localité 5] a produit au soutien de sa requête le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 août 2020, le permis de construire délivré le 21 octobre 2020 à M. [Z], des photographies, un croquis et une demande préalable indemnitaire de M. [Z] du 9 juin 2021 en vue d'indemnisation du préjudice résultant du refus de délivrance du permis de construire.

Pour justifier le recours à une procédure non contradictoire, la commune de [Localité 5] invoque le risque de déperdition de preuves portant sur les travaux et installations prétendument réalisés par M. [Z] en violation des règles d'urbanisme et au mépris du permis du construire.

Toutefois, ces assertions ne reposent sur aucun des éléments de contexte tels que décrits par la commune de [Localité 5] alors qu'il lui était loisible de faire constater les infractions aux règles de l'urbanisme alléguées conformément aux dispositions des articles L. 480-1 et suivants et R. 610-1 du code de l'urbanisme.

La nécessité de déroger au principe du contradictoire n'est donc nullement caractérisée.

Par ailleurs, la commune de [Localité 5] soutient que le motif légitime invoqué pour solliciter la mesure probatoire est caractérisé par l'existence d'infractions aux règles de l'urbanisme et les troubles anormaux de voisinage.

En cause d'appel, la commune de [Localité 5] produit un courrier de doléances daté du 26 octobre 2016 de M. et Mme [B], voisins de M. [Z].

Toutefois, aucune des pièces susvisées n'est de nature à établir la probabilité de la commission des faits imputés à M. [Z] et caractérisant un non-respect des règles d'urbanisme et un usage non conforme du permis de construire.

Les photographies produites en noir et blanc et sans indication de leur date ne permettent pas de vérifier si elles correspondent à la propriété de M. [Z]. En outre, l'origine et l'auteur des croquis de la parcelle [Cadastre 8] (M. [Z]) et des parcelles voisines [Cadastre 6] et [Cadastre 2] (Levieux//Chamarin) et [Cadastre 7] et [Cadastre 3] ([B]) ne sont aucunement précisés. Enfin, force est de constater que le courrier de doléances de M. et Mme [B] a été réceptionné par le maire de [Localité 5] le 28 octobre 2016 soit 5 ans avant la date de la requête aux fins de constat et qu'il visait la construction d'un parking grande [Adresse 9] à [Localité 5].

En revanche, aux termes de son procès-verbal de constat dressé le 2 septembre 2021, l'huissier de justice mandaté par M. [Z] conclut à l'absence de construction édifiée sur le terrain à l'exception du portail d'accès dont les pilastres de soutènement sont scellés au sol et fait notamment état du stationnement sur ledit terrain de caravanes, d'un mobil-home et de remorques constituant des attractions foraines dans l'attente, selon les déclarations de M. [Z], de la réalisation de la vente de terrains qu'il a acquis, étant précisé que le jugement du tribunal administratif de Lille a rappelé que de ce dernier exerçait l'activité professionnelle de forain.

Dès lors qu'il n'est justifié ni des circonstances permettant de déroger au principe de la contradiction ni d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire sollicitée, il y a lieu de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 30 juillet 2021 et pour ces motifs de confirmer l'ordonnance du juge des référés.

La commune de [Localité 5], partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de condamner la commune de [Localité 5] à payer à M. [Z] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme dans son intégralité l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 5] du 8 mars 2022 ;

Condamne la commune de [Localité 5] à payer à M. [W] [Z] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la commune de [Localité 5] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier

Fabienne DUFOSSÉ

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01414
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.01414 ?
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