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03/11/2022 | FRANCE | N°21/05614

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 2, 03 novembre 2022, 21/05614


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 03/11/2022





N° de MINUTE : 22/902

N° RG 21/05614 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6AF

Jugement (N° 11-21-0126) rendu le 14 Octobre 2021 par le Tribunal de proximité de Hazebrouck



APPELANTE



Madame [L] [N]

née le 06 Juin 1989 à [Localité 4] - de nationalité Française

[Adresse 1]



Représentée par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai

(bénéficie

d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/011872 du 17/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



INTIMÉS



Monsieur [S] [Z]

né le 04 Janvi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 03/11/2022

N° de MINUTE : 22/902

N° RG 21/05614 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6AF

Jugement (N° 11-21-0126) rendu le 14 Octobre 2021 par le Tribunal de proximité de Hazebrouck

APPELANTE

Madame [L] [N]

née le 06 Juin 1989 à [Localité 4] - de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/011872 du 17/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [S] [Z]

né le 04 Janvier 1946 à [Localité 3]

[Adresse 2]

Madame [X] [I] épouse [Z]

née le 16 Juillet 1947 à [Localité 4] - de nationalité Française

[Adresse 2]

Non comparants, ni représentés

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience

DÉBATS à l'audience publique du 28 Septembre 2022 tenue par Catherine Convain magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 805 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement réputé contradictoire prononcé par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck, statuant en matière de surendettement des particuliers, le 14 octobre 2021 ;

Vu l'appel interjeté le 5 novembre 2021 ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 28 septembre 2022 ;

***

Suivant déclaration déposée le 9 juin 2020, Mme [L] [N] a saisi la commission de surendettement du Nord d'une demande de bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, ne parvenant pas à s'acquitter de ses dettes en raison de l'absence de ressources mensuelles suffisantes et des dépenses nécessaires pour satisfaire aux besoins de la vie courante avec deux enfants à charge.

Le 24 juin 2020, la commission de surendettement des particuliers du Nord, après avoir constaté la situation de surendettement de Mme [N], a déclaré sa demande recevable.

Le 9 septembre 2020, après examen de la situation de Mme [N] dont les dettes ont été évaluées à 2085,46 euros, les ressources mensuelles à 2054 euros et les charges mensuelles à 1894 euros (avec trois enfants à charge), la commission qui a déterminé un minimum légal à laisser à la disposition de la débitrice de 1660,92 euros, une capacité de remboursement de 160 euros et un maximum légal de remboursement de 393,08 euros, a retenu une mensualité de remboursement de 160 euros et a imposé le rééchelonnement de tout ou partie des créances sur une durée maximum de 15 mois, au taux d'intérêt de 0 %.

Ces mesures imposées ont été contestées par Mme [N].

À l'audience du 9 septembre 2021, Mme [N], représentée par avocat, a soutenu que sa situation était des plus précaires en ce qu'elle avait trois jeunes enfants et qu'elle ne pouvait exercer d'emploi, n'étant pas en capacité de travailler et percevant une allocation aux adultes handicapés. Elle a demandé que soit prononcé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

M. [S] [Z] et Mme [X] [Z] née [I] qui ont comparu en personne, ont rappelé que leur créance était fondée sur des dégradations locatives commises par la débitrice, leur ancienne locataire, et ont fait observer qu'un jugement avait été rendu en leur faveur le 29 juin 2017, condamnant cette dernière à leur payer la somme de 1635,46 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 450 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont fait remarquer que l'intéressée se réfugiait derrière les procédures de traitement du surendettement pour éviter de régler cette dette.

Par jugement en date du 14 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck, statuant en matière de surendettement des particuliers, a notamment dit Mme [N] recevable en sa contestation, mais mal fondée, a adopté des mesures identiques à celles imposées par la commission et les a annexées au jugement.

Mme [N] a relevé appel le 5 novembre 2021 de ce jugement qui lui a été notifié le 26 octobre 2021.

À l'audience de la cour du 28 septembre 2022, Mme [N], représentée par avocat qui s'en est rapporté à ses écritures qu'il a déposées à l'audience, a demandé à la cour de réformer le jugement du tribunal de proximité d'Hazebrouck du 14 octobre 2021, d'imposer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de statuer ce que de droit quant aux dépens. Elle a fait valoir qu'elle avait trois enfants à charge (nés respectivement le 13 octobre 2012, le 24 août 2016 et le 15 novembre 2020), que ses ressources se résumaient à l'allocation aux adultes handicapés pour elle-même pour un montant de 919 euros par mois, outre les allocations familiales pour ses trois enfants et l'aide personnalisée au logement d'un montant de 317 euros ; qu'elle versait notamment chaque mois un loyer à hauteur de 342,15 euros, en partie pris en charge au titre de l'allocation logement directement versée au propriétaire et qu'outre les charges afférentes à la vie courante, elle avait des factures de restauration scolaire pour l'aîné de ses enfants à hauteur de 27 ou 44 euros par mois. Elle a donc demandé en fonction de ces éléments, le bénéfice d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Les intimés, régulièrement convoqués par le greffe par lettre recommandée avec avis de réception, n'ont pas comparu ni personne pour les représenter.

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article L 733-13 du code de la consommation, 'le juge saisi de la contestation prévue à l'article L 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L 733-1, L 733-4 et L 733-7. Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l'article L 731-2. Elle est mentionnée dans la décision. Lorsqu'il statue en application de l'article L 733-10, le juge peut en outre prononcer un redressement personnel sans liquidation judiciaire.' ;

Attendu qu'en application de l'article L 733-1 du code de la consommation, le juge des contentieux de la protection saisi d'une contestation des mesures imposées par la commission peut :

"1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui reste à courir avant la déchéance ;

2° Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;

3°Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal ;

4° Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal." ;

Attendu que lorsqu'un débiteur se trouve dans l'impossibilité d'apurer sa situation de surendettement par la mise en oeuvre des mesures de traitement prévues aux articles L 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7, il est dans une situation irrémédiablement compromise au sens de l'article L 724-1 du code de la consommation et est fondé, s'il ne dispose d'aucun bien de valeur au sens de l'article L 724-1 du code de la consommation, à bénéficier d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

Que la situation irrémédiablement compromise au sens de l'article L.724-1 alinéa 2 du code de la consommation, permettant de bénéficier d'une procédure de rétablissement personnel, est une situation d'insolvabilité irréversible, caractérisée par l'impossibilité manifeste de remédier au surendettement du débiteur par les mesures ordinaires comme extraordinaires spécifiées aux articles 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7 du code de la consommation ;

Attendu qu'il résulte des articles L. 731-1 et R. 731-1 du code de la consommation que le montant des remboursements à la charge du débiteur, dans le cadre des mesures imposées, doit être fixé par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du débiteur, égale au moins au montant forfaitaire du revenu de solidarité active dont il disposerait, lui soit réservée par priorité et à ce qu'il n'excède pas la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant du revenu de solidarité active ;

Qu'en vertu de l'article L. 731-2 du code de la consommation, la part des ressources qui doit être laissée au débiteur « intègre le montant des dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé. » ;

Que le juge apprécie la situation du débiteur au regard des éléments dont il dispose au jour où il statue ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites que les ressources mensuelles de Mme [N] s'élèvent en moyenne à la somme de 2073,29 euros au titre des prestations versées par la caisse d'allocations familiales (selon l'attestation de paiement de la CAF du 22 août 2022) ;

Que les revenus mensuels de la débitrice s'élevant en moyenne à 2073,29 euros, la part saisissable déterminée par les articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail s'établit à 387,68 euros par mois ;

Que le montant du revenu de solidarité active pour une personne seule avec trois enfants à charge s'élève à la somme mensuelle de 1316,79 euros ;

Que le montant des dépenses courantes de la débitrice doit être évalué, au vu des pièces produites et des éléments du dossier, à la somme mensuelle moyenne de 1963,37 euros ;

Qu'au regard du montant des ressources (2073,29 euros) et des charges (1963,37 euros) mensuelles de Mme [N], il apparaît que cette dernière, si elle se trouve actuellement dans une situation d'insolvabilité dans la mesure où elle ne dispose pas de biens ou de ressources suffisantes pour faire face à ses dettes, ne se trouve cependant pas dans une situation irrémédiablement compromise au sens de l'article L 724-1 du code de la consommation puisqu'elle dispose d'une capacité de remboursement qui permet la mise en 'uvre des mesures de traitement du surendettement prévues aux articles L 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7 du code de la consommation ;

Que la demande de Mme [N] de bénéfice d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire doit donc être rejetée, la procédure de rétablissement personnel étant une procédure subsidiaire par rapport aux mesures classiques de redressement, qui n'a vocation à intervenir que dans l'hypothèse où la situation du débiteur est irrémédiablement compromise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de fixer à la somme mensuelle de 109,92 euros la capacité de remboursement de Mme [N], le montant de cette contribution mensuelle à l'apurement de son passif laissant à sa disposition une somme de 1963,37 euros qui est supérieure au revenu de solidarité active dont elle pourrait disposer (1316 79 euros), n'excédant pas la différence entre ses ressources mensuelles et ce revenu de solidarité active, soit 756,50 euros (2073,29 € -

1316,79 € = 756,50 €) ni le montant de la quotité saisissable de ses ressources (387,68 euros), et lui permettant de faire face aux dépenses de la vie courante (1963,37 euros) ;

***

Attendu qu'en vertu des articles L 732-3 et L 733-3 du code de la consommation, la durée totale du plan, y compris lorsqu'il fait l'objet d'une révision ou d'un renouvellement et/ou lorsqu'il met en oeuvre les mesures mentionnées à l'article L.733-1 du code de la consommation, ne peut excéder sept années ;

Attendu que le passif de Mme [N] s'élève, au vu du montant non contesté des créances retenues par le premier juge, à la somme de 2085,46 euros (sous réserve d'éventuels règlements intervenus en cours de procédure) ;

Que la capacité mensuelle de remboursement de Mme [N] (109,92 euros) lui permet d'apurer son passif sur une durée de 19 mois ;

Attendu que dès lors, en considération de l'ensemble de ces éléments, le paiement des dettes de la débitrice sera rééchelonné en 19 mensualités, selon l'échéancier figurant dans le dispositif du présent arrêt (étant précisé que les versements effectués au profit des créanciers depuis la fixation de l'état des créances par la commission de surendettement et/ou le prononcé du jugement entrepris s'imputeront sur les dernières échéances dues aux créanciers bénéficiaires de ces règlements) ;

Qu'afin de favoriser le redressement de la situation financière de la débitrice, le taux des intérêts des créances sera réduit à 0 % pendant la durée du plan d'apurement du passif ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé et les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor public compte tenu de la nature du litige ;

Par ces motifs,

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [L] [N] devra rembourser ses dettes selon les modalités fixées dans l'échéancier suivant :

Créanciers

Solde des créances

Du 1er au 19ème mois inclus : 19 mensualités

M. et Mme [Z] [S]

Art 700

450,00 €

23,68 €

M. et Mme [Z] [S]

jugement 29/06/17

1 635,46 €

86,08 €

Totaux

2 085,46 €

109,76 €

Dit que les versements effectués au profit des créanciers depuis la fixation de l'état des créances par la commission de surendettement et/ou le prononcé du jugement entrepris s'imputeront sur les dernières échéances dues aux créanciers bénéficiaires de ces règlements ;

Réduit à 0 % le taux des intérêts dus sur les créances figurant dans cet échéancier pendant la durée du plan ;

Dit que sauf meilleur accord des parties, les paiements devront être effectués le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la notification du présent arrêt ;

Dit qu'à défaut de paiement d'une seule des mensualités du plan à son terme, l'ensemble du plan est de plein droit caduc quinze jours après une mise en demeure adressée à Mme [L] [N] par lettre recommandée avec avis de réception d'avoir à exécuter ses obligations, et restée infructueuse ;

Rappelle qu'aucune voie d'exécution ne pourra être poursuivie par les créanciers figurant dans le plan, pendant toute la durée d'exécution des mesures sauf à constater la caducité de ces dernières ;

Dit qu'il appartiendra à Mme [L] [N], en cas de changement significatif de ses conditions de ressources ou de ses charges, à la hausse comme à la baisse, de ressaisir la commission de surendettement d'une nouvelle demande de traitement de sa situation de surendettement ;

Rejette toute autre demande ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du trésor public.

LE GREFFIER

Gaëlle PRZEDLACKI

LE PRESIDENT

Véronique DELLELIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 2
Numéro d'arrêt : 21/05614
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.05614 ?
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