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03/11/2022 | FRANCE | N°21/03396

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 novembre 2022, 21/03396


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 03/11/2022





****





N° de MINUTE : 22/404

N° RG 21/03396 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWMP



Jugement (N° 20/00522) rendu le 20 mai 2021par le tribunal judiciaire de Douai







APPELANTE



Madame [X] [A]

née le 27 octobre 1968 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué



INTIMÉES



SA CIC Nord Ouest représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Repré...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/404

N° RG 21/03396 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWMP

Jugement (N° 20/00522) rendu le 20 mai 2021par le tribunal judiciaire de Douai

APPELANTE

Madame [X] [A]

née le 27 octobre 1968 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

SA CIC Nord Ouest représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, constitué aux lieu et place de Me Ghislain Hanicotte, avocat au barreau de Lille

SA les Assurances du Credit Mutuel Vie agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Karine Hoste, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 juillet 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

Par acte du 15 octobre 2004, M. [D] [E] et Mme [X] [A] ont acquis un immeuble. A la suite de leur divorce, Mme [A] est devenue seule propriétaire de cet immeuble et a souscrit un prêt d'un montant de 74'826,58 euros auprès de la SA CIC nord ouest (CIC) afin de régler la soulte due à M. [E]. Ce prêt était remboursable en 240 mensualités de 501,54 euros.

En garantie de ce prêt, une hypothèque conventionnelle a été inscrite sur l'immeuble au bénéfice du CIC.

Mme [A] a également souscrit une assurance emprunteur auprès du CIC, en qualité d'intermédiaire de la SA Assurances du crédit mutuel vie (les ACM). Ce contrat garantit le décès, la perte totale d'autonomie et l'incapacité de travail supérieure à 90 jours.

Mme [A] a rencontré des problèmes de santé et a été placée en arrêt de travail à compter du 16 septembre 2015.

Le 3 juin 2016, elle a déclaré son incapacité de travail aux ACM et ces dernières lui ont notifié un refus de prise en charge par courrier du 15 juin 2016 aux motifs que Mme [A] avait repris une activité professionnelle en mi-temps thérapeutique avant la fin du délai de franchise.

Mme [A] ayant accumulé un retard dans le remboursement de ses mensualités d'emprunt, le CIC l'a mise en demeure de régulariser cette situation le 16 mars 2017 et l'avertissant qu'à défaut, il prononcerait, le 31 mars 2017, la déchéance du terme du prêt qui deviendrait intégralement et immédiatement exigible.

Mme [A] n'ayant pas régularisé cette situation, par courrier recommandé du 18 mars 2017, le CIC l'a informée qu'il prononçait la déchéance du terme du prêt.

Le CIC lui a ensuite délivré un commandement de payer la somme de 65'217,13 euros valant saisie immobilière le 1er mars 2018.

Par courrier du 3 mai 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (CPAM) a informé Mme [A] que son médecin conseil avait estimé qu'elle présentait un état d'invalidité et que le point de départ de sa pension était fixé au 1er mars 2018.

Par actes du 27 et 28 février 2020, Mme [A] a fait assigner le CIC et les ACM devant le tribunal judiciaire de Douai afin de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 60'422,73 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Douai a :

- déclaré irrecevable l'exception de procédure soulevée par les ACM relative à la nullité de forme de l'assignation ;

- débouté Mme [A] de sa demande de condamnation solidaire du CIC et des ACM à lui payer la somme de 60'422,73 euros ;

- condamné Mme [A] à payer aux ACM et au CIC la somme de 1 000'euros chacun en réparation de son préjudice pour procédure abusive ;

- condamné Mme [A] à payer aux ACM et au CIC la somme de 1'500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [A] aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 26 juin 2021, Mme [A] a formé appel de ce jugement en qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation solidaire des ACM et du CIC et l'a condamnée à leur verser la somme de 1'000 euros chacun pour procédure abusive, la somme de 1'500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens.

Par conclusions d'incident notifiées le 27 octobre 2021, le CIC a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [A] et, en conséquence, de constater le caractère définitif du jugement.

Par conclusions d'incident du 7 décembre 2021, les ACM ont également saisi le conseiller de la mise en état afin de voir prononcer, à titre principal, la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme [A] et, à titre subsidiaire, de voir prononcer l'irrecevabilité de l'action en responsabilité engagée par Mme [A] à raison de la prescription.

Par ordonnance du 20 janvier 2022, la première présidente de chambre de la cour d'appel de Douai chargée de la mise en état a :

- débouté les ACM et le CIC de leur demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel formé le 26 juin 2021 par Mme [A] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Douai en date du 20 mai 2021 ;

- déclaré irrecevable pour cause de prescription les demandes de Mme [A] à l'encontre des ACM fondées sur l'absence de prise en charge des échéances du prêt immobilier qui lui avait été consenti le 30 janvier 2013 par le CIC, malgré son arrêt de travail en date du 16 septembre 2015 ;

- débouté les ACM de leur demande d'irrecevabilité des autres demandes formées par Mme [A] pour cause de prescription ;

- déclaré irrecevable la demande formée par les ACM en nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée le 28 février 2020 ;

- condamné les ACM et le CIC aux dépens de l'incident ;

- condamné les ACM et le CIC à payer à Mme [A] la somme de 2'000 euros d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les ACM et le CIC de l'ensemble de leurs autres demandes formées formées dans le cadre de cette instance d'incident.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 juin 2022, Mme

[A] demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

=$gt; réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Douai du 20 mai 2021 ;

- condamner solidairement le CIC et les ACM à lui verser la somme de 60'422,73 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

subsidiairement,

- condamner le CIC au paiement de la somme de 65'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu de la faute professionnelle commise ;

- condamner le CIC et les ACM à lui payer la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- les débouter purement et simplement de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

A l'appui de ses prétentions, Mme [A] fait valoir que :

- le tribunal semble n'avoir examiné que la notice d'information signée et en a conclu que le délai de franchise était de 180 jours puis que la période d'arrêt de travail était inférieure à cette durée et que la garantie ne pouvait ainsi lui être accordée ;

- le tribunal a également fait une mauvaise appréciation des stipulations contractuelles en relevant que la déchéance du terme était intervenue depuis le 18 mai 2017 et que, quand bien même elle avait été placée en invalidité de 2ème catégorie le 18 mars 2018, les ACM ne pouvaient plus la garantir à cette date puisque la déchéance du terme avait été prononcée par l'emprunteur';

- le tribunal aurait dû prendre en considération non pas la fiche standardisée d'information qui précise d'ailleurs que ce document n'a pas de valeur contractuelle mais bien l'offre de prêt qui lui était proposée ;

- il résulte surtout de l'acte authentique dressé par Maître [F] [Z], notaire, que le prêt consenti par le CIC reprenait les mêmes caractéristiques que celle de l'offre ;

- ainsi, il n'a jamais été question pour elle d'accepter une franchise de 180 jours';

- seuls l'offre de prêt et l'acte authentique font loi entre les parties ;

- elle a été placée en arrêt maladie le 18 septembre 2015, puis en mi-temps thérapeutique le 27 février 2016, et enfin a été reconnue en invalidité le 18 mars 2017 ;

- dès son arrêt maladie, elle a contacté son agence bancaire du CIC pour que le remboursement de son prêt soit garanti par les ACM ;

- la correspondance du 15 juin 2016 des ACM qui lui indiquait que l'assureur intervenait après expiration d'une période de franchise de 180 jours consécutifs d'arrêt de travail démontre qu'elle avait sollicité la prise en charge de son prêt au titre de la garantie incapacité de travail ;

- la même correspondance du 15 juin 2016 démontre par ailleurs qu'il n'est pas contesté que l'arrêt de travail datait du 16 septembre 2015 et que la reprise du travail en mi-temps thérapeutique était le 27 février 2016 ;

- seule une franchise de 90 jours devait s'appliquer ;

- la garantie devait donc intervenir à compter du 17 décembre 2015, soit bien avant qu'elle ne reprenne une activité professionnelle en mi-temps thérapeutique ;

- ce faisant, le CIC ne pouvait prononcer la déchéance du terme de ce prêt le 18 mai 2017 ni faire délivrer le 1er mars 2018 un commandement de payer valant saisie-immobilière ;

- si le CIC et les ACM avaient respecté leurs obligations contractuelles, le prêt souscrit aurait été remboursé et le déchéance du terme n'aurait pu être prononcée ;

- la motivation de l'ordonnance prononcée le 20 janvier 2022 permet de déduire que le CIC et les ACM devaient au titre de l'invalidité et de la garantie souscrite pour le risque perte totale et irréversible d'autonomie prendre en charge les échéances du prêt accordé à compter du 18 mars 2018 ;

- elle a agi dans le délai de 2 ans prévu à l'article L.'114-1 du codes des assurances ;

- subsidiairement, si la cour estime ne pouvoir faire application des stipulations contractuelles compte tenu du prononcé abusif de la déchéance du terme, elle est fondée à solliciter la condamnation solidaire du CIC et des ACM à lui verser la somme de 65'000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- en invoquant un délai de franchise de 180 jours alors que les stipulations contractuelles prévoyaient un délai de franchise de 90 jours, le CIC a engagé sa responsabilité professionnelle en faisant une lecture erronée des documents qu'il avait lui-même établis et proposés à sa signature ;

- les ACM reconnaissent elles-mêmes aux termes de leurs écritures qu'elle aurait pu prétendre au versement d'une indemnité journalière à hauteur de 50% et que la prise en charge du prêt n'aurait pas été totale et ne lui aurait pas permis d'éviter de rencontrer les difficultés financières auxquelles elle a dû faire face ;

- or un tel argument est inopérant puisque ses difficultés financières ne résultent que de la volonté des ACM de lui imposer une franchise de 180 jours et donc une absence totale de prise en charge des mensualités.

4.2. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 28 juin 2022, les ACM,

intimées, demandent à la cour, au visa des dispositions des articles 908, 911, 961, 323, 324, 552, 553, 122, 32-1, 56 et 700 du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1193 et 1240 du code civil, L.'312-9 du code de la consommation et L.'114-1 du code des assurances, de :

=$gt; confirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Douai en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- déclarer irrecevables car prescrites l'ensemble des demandes de Mme [A] concernant l'absence de prise en charge des échéances du prêt immobilier en raison de son arrêt de travail du 16 septembre 2015 et du refus de prise en charge du 15 juin 2016 ;

- condamner Mme [A] à leur payer la somme de 3'000 euros en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- la débouter de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

A l'appui de leurs prétentions, les ACM font valoir que :

- le magistrat chargé de la mise en état a relevé que Mme [A] s'était vu refuser la prise en charge des échéances du prêt à la suite de son arrêt de travail du 16 septembre 2015 par courrier du 15 juin 2016 et qu'elle ne les avait assignées ainsi que le CIC qu'en 2020 de sorte que la prescription était acquise ;

- en effet, le terme de la prescription est intervenu le 15 juin 2018 ;

pour la parfaite information de la cour, un délai de franchise de 180 jours a bien été souscrit puisque les stipulations contractuelles prévoient un délai de franchise de 90 jours avec doublement à 180 jours en fonction de certaines pathologies ;

- conformément au code des assurances et à la jurisprudence de la Cour de cassation, en signant la notice d'information, Mme [A] a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales et les stipulations contractuelles lui sont par conséquent parfaitement opposables ;

- or, en l'espèce, la pathologie de Mme [A] entrait justement dans le cas d'un doublement de franchise et c'est donc à juste titre qu'ils n'ont pas pu intervenir en garantie ;

- néanmoins, en raison du secret médical, elles ne peuvent verser aux débats la déclaration d'incapacité de travail de Mme [A] ni faire état de sa pathologie ;

- elles versent néanmoins un courrier de leur médecin conseil attestant que leur assurée présente bien une pathologie relevant des cas de doublement de la franchise ;

- si Mme [A] a été invitée à communiquer sa déclaration, elle ne l'a jamais fait et prive ainsi la cour de la possibilité de statuer en toute connaissance de cause ;

- sa mauvaise foi est patente et il convient d'en tirer toutes les conséquences ;

- Mme [A] ne contestant pas avoir repris son activité professionnelle en mi-temps thérapeutique le 27 février 2016 et son arrêt de travail n'étant ni total, ni continu ni supérieur à la période de franchise comme l'exige le contrat, le refus de garantie était justifié ;

- concernant l'acte authentique dont elle se prévaut au sujet du délai de la franchise, non seulement le notaire a fait une authentification erronée sur ce point en se contentant de relever un délai de franchise de 90 jours, mais surtout, cet acte authentique ne les lie pas puisqu'elles n'en sont pas signataires ;

- cet acte authentique, auquel elles ne sont pas parties, ne prévaut en aucune façon sur les conditions du contrat d'assurance accepté et régularisé par leur assurée ;

- contrairement à ce que développe Mme [A] au sujet de l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état, en aucun cas cette ordonnance ne s'est prononcée sur la prise en charge ;

- l'absence de prise en charge au titre de la garantie invalidité est justifiée par le fait que la déchéance du terme est intervenue le 18 mai 2017, soit avant que la CPAM ne reconnaisse, de manière rétroactive et de façon assez surprenante, que Mme [A] était en invalidité à compter du 1er mars 2018, date du commandement de payer valant saisie immobilière ;

- or, conformément aux stipulations contractuelles et notamment l'article 17.1 de la notice, il appartenait à Mme [A], en cas d'invalidité, de communiquer la notification de mise en invalidité émanant de l'organisme social ainsi que le formulaire de déclaration d'invalidité, faute de quoi aucun dossier ne pouvait être constitué ;

- quand bien même elle l'aurait fait, elles auraient dû opposer un refus de garantie au motif que l'article 5.2 de la notice d'information stipulait que les «'garanties cessent à la date de déchéance du terme prononcée par l'organisme créancier du prêt garanti qui est bénéficiaire des indemnités d'assurance'» ;

- les garanties ayant ainsi déjà cessé le 1er mars 2018 puisque la déchéance du terme a été prononcée par le CIC le 18 mai 2017, Mme [A] n'était plus assurée ;

- de plus, la reconnaissance d'invalidité par la CPAM n'implique pas automatiquement la mise en 'uvre des garanties puisque l'invalidité de 2ème catégorie telle que déterminée par la sécurité sociale ne dépend pas des mêmes critères que l'invalidité permanente au sens du contrat ;

- en tout état de cause, Mme [A] ne démontre pas qu'elles auraient commis la moindre faute dans l'exécution du contrat et qui serait la cause directe et exclusive de la déchéance du terme de son prêt ;

- l'article 6 de la notice d'information prévoit expressément qu'il n'y a «'aucune subrogation de l'assureur dans le paiement des échéances du prêt dû par l'emprunteur à l'organisme créancier du prêt garanti. L'emprunteur est tenu de respecter ses engagements envers l'organisme créancier et reste tenu en vertu du contrat de prêt envers son prêteur'» ;

- elles ne sauraient donc être tenues de pallier la carence dont a fait preuve leur assurée envers la banque ;

- il convient de la débouter de sa demande subsidiaire, Mme [A] ne démontrant pas qu'elles aient commis la moindre faute qui soit la cause directe et certaine du préjudice qu'elle invoque ;

- la procédure qu'elle a initiée présente un caractère abusif ;

- en effet, Mme [A] n'a pas contesté avoir repris une activité professionnelle avant l'expiration du délai de franchise, n'a adressé aucune contestation et a engagé plus de trois ans plus tard, et sans aucune procédure amiable, une action judiciaire et son acte introductif était dépourvu d'argumentation en droit et ne faisait référence à aucun texte légal ou réglementaire ;

- une telle action, dénuée de moyens en fait et en droit, et motivée tout au plus par une volonté de multiplier les procédures, leur a causé grief ;

- il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée pour procédure abusive.

4.3. Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 juin 2022, le CIC, intimé,

demande à la cour de :

=$gt; confirmer purement et simplement le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Douai le 20 mai 2021 ;

- débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- la condamner au paiement d'une somme de 2'000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner au paiement d'une somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, le CIC fait valoir que :

- Mme [A] a été défaillante dans l'exécution de ses obligations contractuelles, ce qui l'a amené à prononcer la déchéance du terme ;

- elle n'a jamais contesté la déchéance du terme ;

- elle n'indique pas les raisons pour lesquelles il aurait une quelconque responsabilité dans le refus de prise en charge de son assureur ;

- en l'absence de fondement juridique à ses prétentions, les demandes qu'elle formule à son encontre son irrecevables ;

- pour le surplus, il s'en remet aux conclusions des ACM s'agissant des raisons ayant conduit ces dernières à refuser la prise en charge au titre de la garantie incapacité de travail et de la garantie invalidité ;

- la condamnation pour procédure abusive est bien fondée puisque Mme [A] n'apporte aucun élément pouvant justifier du bien-fondé de l'action qu'elle a diligentée à son encontre.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie incapacité temporaire totale de travail :

En application de l'article L.'114-1 du code des assurances, toutes les actions découlant du contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale.

L'article L.'114-2 du code des assurances dispose': 'La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité".

Seule une lettre recommandée comportant une demande de règlement de l'indemnité ou de mobilisation de la garantie est interruptive du délai de prescription. À l'inverse, une lettre visant exclusivement une information sur l'évolution du litige ou sur l'apparition de nouveaux désordres ne produit aucun effet interruptif.

Comme l'a déjà jugé à bon droit le conseiller chargé de la mise en état dans son ordonnance du 20 janvier 2022, les demandes relatives à l'absence de prise en charge des échéances du prêt immobilier malgré l'arrêt de travail du 16 septembre 2015 sont irrecevables.

En effet, le refus de garantie opposé à Mme [A] le 15 juin 2016 devait faire l'objet d'une contestation et d'une interruption de prescription dans un délai de deux ans, soit avant le 15 juin 2018. Tel n'ayant pas été le cas, les demandes de Mme [A] relative à la garantie incapacité temporaire totale de travail sont irrecevables pour cause de prescription de l'action.

Sur la garantie invalidité permanente :

Aux termes de l'ancien article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1353, alinéa 1, du code civil, dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. De plus, il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il appartient à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au soutien de ses prétentions. Il appartient par conséquent à l'assuré d'établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. A défaut de rapporter une telle preuve, la garantie n'est pas acquise.

L'article 8.3.2 des conditions générales du contrat d'assurance souscrites et signées par l'assurée stipulent que «'On entend par Invalidité Permanente de l'emprunteur, la perte définitive d'une part significative ou totale de la capacité d'exercer toute activité rémunérée suite à une atteinte corporelle, par maladie ou par accident survenant avant le 31 décembre de l'année 65ème anniversaire ou avant liquidation de la retraite.'».

L'article 5.2 des conditions générales de la police d'assurance stipulent que «'les garanties cessent également (') à la date de déchéance du terme prononcé par l'organisme créancier du prêt garanti qui est bénéficiaire des indemnités d'assurance'».

En l'espèce, Mme [A] soutient qu'à compter du 1er mars 2018, elle aurait pu bénéficier de la garantie invalidité qu'elle a souscrite. Elle se fonde sur la décision de la CPAM ayant reconnu son état d'invalidité à compter de cette date. La cour observe que Mme [A] ne prétend pas qu'elle se trouvait en invalidité au sens de la police d'assurance avant cette date et ne produit aucune pièce médicale permettant d'établir qu'elle se trouvait en état d'invalidité à une autre date.

Il est également justifié du fait que le CIC l'a informée par courrier recommandé du 18 mars 2017 qu'il prononçait la déchéance du terme du prêt en raison des mensualités de remboursement du prêt impayées et au motif que Mme [A] n'avait toujours pas régularisé sa situation bien qu'elle eût été mise en demeure.

Il s'ensuit qu'à compter du 18 mars 2017, du fait de la déchéance du terme du prêt, la garantie invalidité souscrite par Mme [A] a cessé conformément à l'article 5.2 des conditions générales.

Par conséquent, le refus de garantie était bien fondé.

Sur la responsabilité de la banque et de l'assureur :

Le principe du « non-cumul » des régimes de responsabilité interdit exclusivement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle. Ce principe qui vise à préserver le particularisme de l'action en responsabilité contractuelle n'a par conséquent pas vocation à empêcher à l'inverse une substitution d'une responsabilité contractuelle à une responsabilité délictuelle, notamment au titre de l'office du juge dans la détermination de la règle de droit applicable à l'espèce.

Il n'autorise pas le demandeur à agir concurremment sur le terrain de la responsabilité contractuelle et délictuelle. Par ailleurs, dès lors qu'un dommage est causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle, l'action en réparation exercée par le créancier de cette obligation est nécessairement fondée sur le droit de la responsabilité contractuelle.

Lorsqu'une victime assigne en responsabilité son cocontractant sur un double fondement contractuel et délictuel, le juge ne peut fonder l'irrecevabilité de la demande sur le principe de non-cumul et doit déterminer le régime de responsabilité applicable à l'espèce et statuer en conséquence.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour constate que si Mme [A] développe des moyens au soutien desquels elle demande la condamnation solidaire des ACM et du CIC à lui verser la somme de 65'000 euros à titre de dommage et intérêt sur le fondement de l'article 1240 du code civil, elle ne demande à titre subsidiaire dans son dispositif que de condamner exclusivement le CIC à lui payer la somme de 65'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la faute professionnelle qu'elle lui reproche.

Dès lors qu'elle se trouve dans une relation contractuelle avec le CIC et les ACM, son action en responsabilité délictuelle à leur égard est en tout état de cause mal fondée.

Au surplus, à l'égard des ACM, dès lors que toute action au titre de la garantie incapacité est irrecevable comme prescrite, et que la cour a reconnu que les ACM étaient fondées à opposer un refus de garantie s'agissant de la garantie invalidité, Mme [A] ne démontre pas que son assureur ait commis une faute engageant sa responsabilité.

La cour constate également que l'article 6 des conditions générales de la police stipule que ce contrat «'n'entraîne aucune subrogation de l'assureur dans le paiement des échéances du prêt dû par l'emprunteur à l'organisme créancier du prêt garanti. L'emprunteur est tenu de respecter ses engagements vis-à-vis de l'organisme créancier et reste tenu en vertu du contrat de prêt envers son prêteur.'».

Ainsi, Mme [A] était tenue d'honorer le remboursement des mensualités du prêt qu'elle a contracté auprès du CIC, quand bien même son assureur lui aurait opposé un refus de garantie mal-fondé.

Mme [A] reconnaissant elle-même avoir cessé de rembourser son prêt, elle ne démontre pas en quoi le prononcé de la déchéance du terme du prêt par sa banque était constitutif d'une faute contractuelle.

Compte tenu de ce qui précède, ni les ACM ni le CIC n'ont commis une faute engageant leur responsabilité contractuelle et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [A] de sa demande de condamnation solidaire des ACM et du CIC à lui payer la somme de 60'422,73 euros et elle sera déboutée de sa demande de condamnation du CIC au paiement de la somme de 65'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la faute professionnelle alléguée.

Sur le caractère abusif de la procédure :

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

En dépit de la faiblesse de l'argumentaire développé par Mme [A], la preuve du caractère abusif de son action n'est pas rapportée dès lors que sa malveillance n'est pas suffisamment démontrée.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer aux ACM et au CIC la somme de 1'000 euros chacun pour procédure abusive.

Les ACM et le CIC seront déboutés de leur demande de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner Mme [A], outre aux entiers dépens d'appel, à payer aux ACM et au CIC la somme de 2'000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Douai sauf en ce qu'il a condamné Mme [X] [A] à payer à la SA Assurances du crédit mutuel vie et à la SA CIC nord ouest la somme de 1'000 euros chacune en réparation de son préjudice pour procédure abusive,

L'infirme de ce seul chef,

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SA Assurances du crédit mutuel vie et la SA CIC nord ouest de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne Mme [X] [A] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [X] [A] à payer à la SA Assurances du crédit mutuel vie et à la SA CIC nord ouest la somme de 2'000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le President

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03396
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.03396 ?
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