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03/11/2022 | FRANCE | N°21/03340

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 novembre 2022, 21/03340


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 03/11/2022





****





N° de MINUTE : 22/413

N° RG 21/03340 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWGV



Jugement (N° 20/01799) rendu le 28 mai 2021par le tribunal judiciaire de Valenciennes







APPELANTE



Madame [R] [V]

née le [Date naissance 1] 1965 à Maroc

de nationalité marocaine

[Adresse 4]

[Localité 5]
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Représentée par Me Stephane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 591780022021007720 du 21/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnell...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/413

N° RG 21/03340 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWGV

Jugement (N° 20/01799) rendu le 28 mai 2021par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTE

Madame [R] [V]

née le [Date naissance 1] 1965 à Maroc

de nationalité marocaine

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Stephane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 591780022021007720 du 21/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉ

Monsieur [H] [N]

né le [Date naissance 3] 1949 à Maroc

de nationalité marocaine

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Dominique Harbonnier, avocat au barreau de Valenciennes

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/010207 du 05/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 juillet 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [R] [V] et M. [H] [N] se sont mariés le [Date mariage 2] 2016 à [Localité 5]. Suivant jugement du 11 avril 2018, ils ont divorcé en accord sur le principe de la rupture du lien conjugal sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

Par acte d'huissier délivré le 8 juillet 2020, Mme [V] a fait assigner M.'[N] devant le tribunal judiciaire de Valenciennes afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 5'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et des souffrances endurées à la suite de violences qu'elle lui reproche, outre la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 28 mai 2021, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

1. débouté Mme [V] de sa demande indemnitaire effectuée au titre de la responsabilité délictuelle de M.'[N] ;

2. débouté M.'[N] de sa demande au titre de la procédure abusive ;

3. condamné Mme [V] à payer à M.'[N] une somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

4. condamné Mme [V] aux dépens ;

5. débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

6. rappelé que le jugement était assorti de l'exécution provisoire de plein droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 22 juin 2021, Mme [V] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2021,

Mme [V], appelante principale, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, d'infirmer le jugement querellé et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que M.'[N] a commis des violences sur elle ;

- condamner en conséquence M.'[N] à lui payer la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner M.'[N] à verser à la SCP Trussant Dominguez la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

A l'appui de ses prétentions, Mme [V] fait valoir que :

- le 9 novembre 2016, elle a déposé plainte contre M. [N] pour violences volontaires par conjoint suivies d'incapacité supérieure à huit jours, en l'espèce 30 jours, commises le 5 novembre 2016 ;

- elle produit l'entier dossier pénal et le certificat médical attestant de ses lésions ;

- elle a été insultée, tirée par les cheveux, attrapée au niveau du cou, poussée sur le sol, mordue au doigt, et a reçu des gifles de son mari, des coups de poing au visage et dans le dos, des coups de pied et un coup de chaise dans les jambes ;

- le procureur de la République de Valenciennes a classé sa plainte, considérant l'infraction insuffisamment caractérisée.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 décembre 2021,

M.'[N], intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- déclarer Mme [V] autant irrecevable que mal fondée en son appel ;

- l'en débouter ;

- le recevoir en son appel incident ;

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

- la condamner à lui payer la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner en tous frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, M.'[N] fait valoir que :

- il a rencontré Mme [V] sur un site internet en mars 2016, alors qu'elle était de nationalité marocaine sans documents d'identité en France ;

- marié en septembre 2016, les agissements de son épouse l'ont contraint à déposer une requête en divorce le 21 décembre de la même année ;

- des plaintes réciproques pour violences, déposées par chacun d'eux, ont abouti à des classements sans suite du parquet ;

- le certificat médical établi le 25 novembre 2016 se rapporte étonnamment à des faits qui se seraient déroulés le 5 novembre précédent ;

- Mme [V] ne rapporte pas la preuve de ses allégations ;

- la procédure que Mme [V] a engagée contre lui est parfaitement abusive et dilatoire.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

Il s'observe que l'intimé ne discute pas dans le corps de ses écritures la recevabilité de l'appel de Mme [V].

I - Sur l'action en responsabilité délictuelle

'

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il incombe à la victime qui demande réparation à autrui sur le fondement de la responsabilité délictuelle de rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et du lien de causalité entre la faute et le dommage.

Au soutien de son appel, Mme [V] produit les mêmes pièces que celles qu'elle a soumises à l'appréciation du premier juge, les nouvelles pièces médicales de mars et juin 2021 ne présentant aucun lien de causalité avec les faits de novembre 2016.

Des procès-verbaux d'enquête pénale, il ressort que le 7 novembre 2016, M.'[N] a déposé plainte contre son épouse Mme [V] pour des faits de violences, menaces avec arme et injures, lui reprochant d'avoir craché sur lui, de l'avoir giflé au visage, de lui avoir porté des coups de poing sur le corps, de l'avoir insulté et menacé avec un couteau en ces termes : «'je vais te sortir les tripes, je vais te tuer'».

Il a expliqué qu'il s'était marié avec elle le [Date mariage 2] 2016, et qu'il avait vite compris qu'elle cherchait avant tout à obtenir un titre de séjour en France.

Le 9 novembre 2016, Mme [V] a déposé à son tour une plainte au commissariat de [Localité 5] contre son mari, lui reprochant son comportement violent.

Elle a exposé aux policiers que le 5 novembre 2016, il l'avait insultée sans raison apparente, l'avait attrapée par les cheveux puis l'avait saisie par le cou au point de la griffer, l'avait mordue au doigt à la main droite.

Interrogé, M. [N] a nié tout comportement violent envers son épouse ; il a fait écouter aux enquêteurs un message de menaces de la fille de celle-ci, enregistré dans son téléphone portable en ces termes : «'sur la tête de mes enfants, si tu fermes pas ta gueule, espèce de fils de pute, je vais t'envoyer mes frères ; je vais dire que tu as violé ma fille...'»

Le enquêteurs ont relevé que Mme [V] avait définitivement quitté le domicile conjugal le 15 novembre 2016, retournant vivre chez sa fille au [Localité 7] (93), et qu'une procédure de divorce avait été engagée.

Dans le certificat médical du 25 novembre 2016 établi sur réquisitions des enquêteurs à l'unité médico-judiciaire de [Localité 8] (93), le médecin-légiste a relevé chez Mme [V] des douleurs rapportées à la palpation sans lésion visible au visage, cuir chevelu, poignet gauche, et aux deux cuisses, trois plaies superficielles et croûteuses de petite taille au bras droit, une tache brune à l'avant-bras droit, une tache bleue punctiforme à la main gauche, une cicatrice chéloïde au 4ème doigt gauche, une plaie croûteuse punctiforme à la main gauche.

Le légiste a fixé à trente jours la durée de l'incapacité totale de travail de Mme [V], et s'est alarmé de son état psychique, lui conseillant un examen psychologique compte tenu de ses pleurs, ses troubles du sommeil, ses troubles alimentaires, ses ruminations, et du stress lié à «'toutes les démarches'».

Le 20 janvier 2017, Mme [V] a retiré sa plainte contre M.'[N], et précisé qu'elle voulait retourner à [Localité 5] (59) vivre avec lui.

Entendue, sa fille a indiqué qu'elle refusait de se mêler de cette affaire et n'avait rien à dire.

Le 27 janvier 2017, Mme [V] a réitéré sa plainte au commissariat de police de [Localité 5], décrivant les mêmes faits, mais y apportant des explications confuses.

Lors de la confrontation du 1er mars 2017, chacun des époux a maintenu ses dénégations.

Le 29 mai 2017, le parquet de Valenciennes a classé sans suite les plaintes réciproques, au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, chacune des parties conteste les violences alléguées par l'autre, aucun témoin n'a pu être identifié, et le seul élément objectif que constitue le certificat médical du 25 novembre 2016 n'est pas contemporain des faits, étant établi 20 jours plus tard, et n'apporte aucune indication sur la date d'apparition des lésions constatées ni sur leur origine.

Il convient enfin de relever le comportement ambivalent de l'appelante, dont la position ne cesse de fluctuer et la motivation reste floue, et également de sa fille, qui refuse de témoigner mais n'hésite pas à menacer son beau-père.

Dans ces conditions, Mme [V] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe des violences commises le 5 novembre 2016 et imputées à M.'[N].

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande indemnitaire, faute d'établir que M. [N] avait bien commis une faute envers elle.

II - Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

En l'espèce, M.'[N] soutient que Mme [V] a engagé envers lui son action de façon légère, abusive et dilatoire.

Pour autant, la position de Mme [V] en cause d'appel ne peut être considérée comme résultant d'une attitude fautive, alors même qu'elle est en mesure de produire au moins un certificat médical à l'appui de ses prétentions.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant, ce que ne démontre pas en l'espèce M.'[N] de la part de son ex-épouse.

En conséquence, celui-ci sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

III - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Mme [V] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

L'équité conduit à condamner Mme [V] à payer à M.'[N] la somme de 1'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de Mme [V], laquelle succombe en cause d'appel, sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel de Mme [R] [V] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne Mme [R] [V] aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à M. [H] [N] une indemnité de procédure d'appel de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03340
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.03340 ?
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