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03/11/2022 | FRANCE | N°21/03257

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 novembre 2022, 21/03257


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 03/11/2022





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N° de MINUTE : 22/412

N° RG 21/03257 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV5N



Jugement (N° 21/103) rendu le 06 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Douai







APPELANTE



Société Maisons et Cites Anciennement dénommée Soginorpa agissant poursuites et diligences de ses dirigeants et représentants légaux, domicilié

s en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Thierry Lorthiois, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Klein, avocat au barreau de Lille




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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE : 22/412

N° RG 21/03257 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV5N

Jugement (N° 21/103) rendu le 06 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Douai

APPELANTE

Société Maisons et Cites Anciennement dénommée Soginorpa agissant poursuites et diligences de ses dirigeants et représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thierry Lorthiois, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Klein, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Société Aig Europe Sa anciennement Aig Europe Limited prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Anne-Sophie Pia, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Maya Hakimi, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 juillet 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

La société d'HLM Maisons et cités (Maisons et cités), anciennement dénommée Soginorpa, a souscrit le 18 février 2013 auprès de la société de droit britannique AIG Europe limited, devenue AIG Europe (AIG), un contrat d'assurance n°'7.917.558 intitulé "Responsabilité des dirigeants - BusinessGuard Premier" à effet au 1er janvier 2013, prévoyant la prise en charge ou le remboursement par l'assureur des frais de défense exposés par l'assurée pour ses dirigeants de droit à raison d'une faute professionnelle.

Par réquisitoire du 3 février 2014, le procureur général près la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) de l'ouverture d'une instruction pour déterminer, au titre d'irrégularités de gestion comptable et de passation de marchés publics pendant la période 2002-2010, les responsabilités encourues par les dirigeants de la Soginorpa, dont à l'époque des faits':

- M.'[R] [W], président de la Soginorpa, et président du conseil d'administration d'Epinorpa, établissement public régional industriel et commercial détenant la totalité du capital social de la Soginorpa ;

- M.'[P] [Z], directeur général ;

- M.'[J] [L], directeur de l'habitat ;

- M.'[D] [U], chef du département maîtrise d''uvre.

Les 26 et 30 mars 2015, ces dirigeants ont été convoqués pour audition devant la CDBF.

M.'[T] [N], président de la Soginorpa depuis 2012, et M.'[P] [I], directeur général depuis cette même année, ont été convoqués pour audition le 20 février 2015 en qualité de témoins.

Le 5 mai 2015, le procureur général près la Cour des comptes a classé cette affaire.

Le 25 février 2015, Maisons et cités, en prévision des convocations des 26 et 30 mars 2015, a transmis une déclaration de sinistre à son assureur AIG.

Le 23 avril 2015, AIG a informé Maisons et cités de la limitation de sa garantie à 50% des frais de défense de M.'[W] en raison de sa mise en cause en qualité de président du conseil d'administration d'Epinorpa et de la nécessité, pour la prise en charge des frais de défense exposés, d' établir des conventions d'honoraires répondant à un certain formalisme avec les avocats choisis.

Par la suite, les échanges sur ces points entre l'assureur et l'assurée se sont révélés infructueux.

Le 26 décembre 2016, Maisons et cités a mis en demeure AIG de lui régler, au titre des frais de défense exposés, la somme de 79'535,14 euros, augmentée le 18 janvier 2017 à la somme de 96'591,62 euros par suite de la prise en compte de factures supplémentaires transmises par les avocats consultés.

Cette dernière mise en demeure étant restée sans effet, Maisons et cités a fait assigner, par acte d'huissier du 29 mars 2017, AIG devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins notamment de voir condamner l'assureur à lui régler cette somme.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 6 mai 2021, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Douai a':

1. condamné AIG à verser à Maisons et cités la somme de 44'280 euros en exécution du contrat d'assurance n°'7.917.558 "Responsabilité des dirigeants - BusinessGuard Premier", avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016 ;

2.dit que les intérêts de la somme due seraient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil ;

3. débouté Maisons et cités de sa demande de réparation pour inexécution contractuelle à l'encontre d'AIG ;

4. débouté AIG de ses demandes formées à l'encontre de Maisons et cités en réparation pour inexécution contractuelle et pour procédure abusive ;

5. condamné AIG à verser à Maisons et cités la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

6. condamné AIG aux dépens ;

7. autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Maître Thierry Lorthiois, membre de l'association Montesquieu avocats, à recouvrer directement contre AIG ceux des dépens dont il avait fait l'avance sans avoir reçu provision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 17 juin 2021, Maisons et cités a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 1 et 3 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 février 2022, la

société Maisons et cités, appelante principale, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, et L.'113-1 et L.'113-5 du codes des assurances, de :

- débouter AIG de son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné AIG à lui verser la somme de 44'280 euros en exécution du contrat d'assurance n°'7.917.558 "Responsabilité des dirigeants - BusinessGuard Premier", avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016 ;

dit que les intérêts de la somme due seraient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil ;

débouté AIG de ses demandes formées à l'encontre de Maisons et cités en réparation pour inexécution contractuelle et pour procédure abusive ;

autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Maître Thierry Lorthiois, membre de l'association Montesquieu avocats, à recouvrer directement contre AIG ceux des dépens dont il avait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

a limité à la somme de 44'280 euros l'indemnité due par AIG en exécution du contrat d'assurance ;

l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'assureur à son devoir de loyauté et à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi ;

statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner AIG à lui payer en supplément des sommes déjà accordées par le tribunal les sommes suivantes :

52'311,62 euros, avec intérêts au taux légal à compter du «'2 décembre'» sur la somme de 27'223,52 euros et du 20 janvier 2017 pour le surplus ;

5'000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'assureur à son devoir de loyauté et à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière en application de l'article 1154 ancien du code civil ;

et ajoutant au jugement entrepris,

- condamner AIG à lui payer une somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner AIG en tous les frais et dépens de l'appel ;

- autoriser Maître Thierry Lorthiois, membre de l'association Montesquieu avocats, à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu de provision, conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Maison et cités fait valoir que :

- suivant acte sous seings privés du 18 février 2013, Soginorpa a souscrit auprès de l'assureur AIG une police «'Responsabilité des dirigeants - BusinessGuard Premier'» référencée 7.917.558 à effet au 1er janvier 2013 avec tacite reconduction annuelle ;

- aux termes de cette police, AIG s'est engagée à prendre en charge ou rembourser les frais de défenses exposés pendant la période d'assurance ou la période subséquente par ou pour le compte de tout assuré personne physique dans le cadre de toute réclamation ;

- les personnes physiques visées étaient définies comme tout dirigeant passé, présent ou futur du souscripteur et/ou de ses filiales ; les réclamations garanties étaient notamment toute instruction, enquête ou poursuite pénale, toute pour suite administrative menée à l'encontre desdites personnes ou de la société souscriptrice, en tant que dirigeant de droit, en raison d'une faute professionnelle ;

- à la suite de sa déclaration de sinistre, AIG n'a pas contesté le principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat, mais a subordonné le remboursement des frais de défense exposés par les assurés à la production d'un certain nombre d'éléments, dont la convention d'honoraires conclue entre la personne physique et son conseil avec des exigences particulières quant au contenu de celle-ci, le détail des prestations réalisées par Maître Berton et le cabinet Earth, et les justificatifs des frais engagés autres que les honoraires ; l'assureur a également entendu limiter à 50% le montant de la prise en charge des frais de défense exposés par M.'[W] ;

- elle considère que les exigences particulières et limitations invoquées par AIG ne sont nullement prévues par la police d'assurance ;

- elle justifie de la réunion des conditions de mise en 'uvre de la garantie «'frais de défense'» accordée par la police d'assurance souscrite auprès d'AIG ; l'assureur doit donc exécuter la prestation déterminée par le contrat en application de l'article L.'113-5 du code des assurances ;

- la notion de frais «'préalablement autorisés par l'assureur'» n'apparaît que dans les dispositions relatives aux modalités d'indemnisation, lesquelles prévoient que si l'autorisation préalable écrite de l'assureur ne peut être matériellement obtenue avant l'engagement de frais de défense raisonnables et nécessaires par l'assuré dans le cadre d'une réclamation, l'assureur consentira rétroactivement au règlement de ces frais conformément au contrat, dans la limite de la somme de 2'000'000 euros';

- les personnes convoquées devant la CDBF ont saisi directement leurs conseils respectifs, de sorte qu'elle n'a pu en sa qualité de souscriptrice du contrat solliciter l'autorisation de l'assureur avant l'engagement de ces frais par ses dirigeants et anciens dirigeants ;

- elle n'avait pas à déclarer le sinistre avant la désignation d'un conseil par les personnes visées par le réquisitoire litigieux, ni à faire agréer par l'assureur les conseils ainsi désignés ;

- le contrat lui imposait uniquement d'informer l'assureur dès que possible par écrit de toute réclamation introduite pendant la période d'assurance ou la période subséquente, ce qu'elle a fait par lettre recommandée du 23 février 2015 avec accusé de réception ;

- les frais de défense dont le remboursement est sollicité ont été nécessaires et efficients, puisqu'ils ont abouti à un abandon pur et simple des poursuites, et se sont avérés raisonnables eu égard au temps passé et à la technicité du dossier qui relevait à la fois du droit pénal, outre de la commande et de la comptabilité publiques ;

- le refus de l'assureur de prendre en charge des frais qui ne seraient ni nécessaires ni raisonnables ne peut être admis s'agissant d'une clause d'exclusion de garantie qui ne présente pas un caractère formel et limité et ne répond donc pas aux exigences de l'article L.'113-1 du codes des assurances ;

- l'obligation d'exposer des frais de défense constitue bien une perte et/ou un dommage pour celui qui les expose, raison pour laquelle il bénéficie d'un contrat d'assurance lui permettant d'être remboursé de cette perte et/ou indemnisé de ce dommage ;

- la clause litigieuse modifie bien les conditions de la garantie dès lors qu'elle déroge aux règles édictées au titre relatif aux «'garanties de l'assuré personne physique'» dans une partie du contrat relative aux modalités d'indemnisation ;

- AIG n'est pas fondée à lui reprocher le caractère non circonstancié des défenses de ses dirigeants, dès lors qu'en vertu du principe de la protection fonctionnelle de ses dirigeants, elle n'a aucun droit de regard sur les modalités de leur défense qu'ils exercent en toute indépendance.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 avril 2022, la société AIG,

intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles L.'113-2, L.'113-5, L.'133-11 du code des assurances, 1240 du code civil, 31 et 32 du code de procédure civile, de':

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il l'a :

'condamnée au paiement de la moitié des factures suivantes :

- facture n°120150122 de 12'000 euros du cabinet Jure du 17 mars 2015 émise au nom de M.'[W],

- facture n°120150123 de 840 euros du cabinet Jure du 17 mars 2015 émise au nom de M.'[W],

- facture n°120150178 de 6'000 euros du cabinet Jure du 15 avril 2015 émise au nom de M.'[W] ;

' déboutée de sa demande à l'encontre de Maisons et cités au titre de son inexécution contractuelle et du caractère abusif de la procédure ;

'condamnée au paiement d'une somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- le confirmer pour le surplus ;

et statuant à nouveau,

- limiter le montant des condamnations mises à sa charge aux factures suivantes':

- facture n°7281 de 23'940 euros du cabinet Holleaux du 31 mars 2015 émise au nom de M. [L]';

- facture n°7282 de 10'920 euros du cabinet Holleaux du 31 mars 2015 émise au nom de M.[C];

- débouter Maisons et cités de ses demandes au titre des factures suivantes':

- facture n°20150025 de 20'975,14 euros du cabinet Earth du 30 janvier 2015 émise au nom de Soginorpa (Maisons et cités),

- facture n°20150066 de 8'056,48 euros du cabinet Earth du 27 février 2015 émise au nom de Soginorpa (Maisons et cités),

- facture n°20150095 de 9'000 euros du cabinet Earth du 31 mars 2015 émise au nom de Soginorpa (Maisons et cités),

- facture n°647016 de 4'860 euros du cabinet Adekwa du 7 avril 2015 émise au nom de M.'[Z],

- facture n°120150122 de 12'000 euros du cabinet Jure du 17 mars 2015 émise au nom de M.'[W] ;

- facture n°120150123 de 840 euros du cabinet Jure du 17 mars 2015 émise au nom de M.'[W],

- facture n°120150178 de 6'000 euros du cabinet Jure du 15 avri12015 émise au nom de M.'[W] ;

- débouter Maisons et cités du surplus de ses demandes ;

- condamner Maisons et cités au paiement d'une somme de 5'000 euros au titre de son inexécution contractuelle à son obligation de bonne foi ;

- condamner Maisons et cités au paiement d'une somme de 5'000 euros au titre de la procédure abusive ;

- prononcer la compensation des condamnations, le cas échéant ;

- condamner Maisons et cités au paiement d'une somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, AIG fait valoir que :

- conformément aux dispositions contractuelles, les frais de défense doivent être autorisés par l'assureur après l'établissement d'une convention avec le souscripteur du contrat ;

- les frais de défenses engagés avant toute autorisation écrite de l'assureur peuvent faire l'objet d'une prise en charge rétroactive dès lors qu'ils sont raisonnables et nécessaires, cette clause ne s'analysant pas en une exclusion de garantie ;

- la preuve de la réunion des conditions de garantie incombe au souscripteur ;

- l'assuré est une personne physique, dirigeant, mis en cause au titre d'une faute professionnelle commise au sein de la société souscriptrice ;

- le réquisitoire introductif d'instance ayant été régularisé le 3 février 2014 à la suite d'une enquête ayant débuté en 2012, aucun élément matériel n'empêchait Maisons et cités de solliciter l'autorisation préalable de son assureur sur les frais de dépense engagés ;

- la clause n°2 en page 14 du contrat détermine l'objet de la garantie, en ce qu'elle définit le risque couvert et les modalités de la prise en charge des frais de défense, et ne constitue pas une clause d'exclusion de garantie, comme l'invoque l'assurée de façon erronée ;

- l'article L. 113-1 du code des assurances n'a pas vocation à s'appliquer à l'étendue de l'objet des garanties, puisque ladite clause ne prive pas de tout objet la garantie responsabilité civile des dirigeants ;

- il appartient à Maisons et cités qui réclame le bénéfice de l'assurance de rapporter la preuve de la réunion des conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie ;

- s'il n'est pas contesté que les assurés avaient le libre choix de leur avocat, il reste que les modalités de prise en charge des frais de défense devaient être préalablement autorisées par l'assureur, qui était en droit d'obtenir le détail des diligences facturées.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

I - Sur la garantie de l'assureur et le règlement de l'indemnité d'assurance

Suivant acte sous seings privés du 18 février 2013, la société d'HLM Soginorpa, devenue Maisons et cités, a souscrit auprès de l'assureur AIG une police «'Responsabilité des dirigeants - BusinessGuard Premier'» référencée 7.917.558 à effet au 1er janvier 2013 avec tacite reconduction annuelle.

Aux termes de la police en page 6 des conditions générales, AIG s'engage à prendre en charge ou rembourser les frais de défenses exposés pendant la période d'assurance ou la période subséquente par ou pour le compte de tout assuré personne physique dans le cadre de toute réclamation. Ces frais de défense sont avancés par l'assureur dans les conditions définies ci-après au paragraphe «'modalités de la prise en charge des frais de défense'».

Les personnes physiques assurées sont définies en page 22 des conditions générales comme tout dirigeant passé, présent ou futur du souscripteur et/ou de ses filiales.

Les réclamations garanties sont notamment toute instruction, enquête ou poursuite pénale, toute poursuite administrative menée à l'encontre desdites personnes ou de la société souscriptrice, en tant que dirigeant de droit, en raison d'une faute professionnelle.

Le chapitre relatif aux modalités d'indemnisation prévoit en page 14 des conditions générales que «'l'assureur avance avant l'issue définitive de la réclamation et dans la limite du montant des garanties disponible, les frais de défense selon les modalités d'une convention préalable établie entre l'assureur et la société souscriptrice ou les assurés.

Seuls les frais de défense préalablement autorisés par l'assureur feront l'objet d'un règlement; l'assureur ne pourra refuser ce règlement sans motif valable.

Toutefois, lorsque l'autorisation préalable écrite de l'assureur ne peut matériellement être obtenue avant l'engagement de frais de défense raisonnables et nécessaires par l'assuré dans le cadre d'une réclamation, l'assureur consentira rétroactivement au règlement de ces frais conformément au présent contrat [...]'».

En l'espèce, Maisons et cités a régularisé une déclaration de sinistre le 25 février 2015, puis transmis à l'assureur neuf factures d'honoraires établies entre le 30 janvier et 15 avril 2015, sans jamais soumettre à celui-ci de convention préalable afin de déterminer les frais de défense qu'elle acceptait de prendre en charge.

Dans un courriel du 18 mai 2015, la directrice des affaires juridiques de Maisons et cités a indiqué à cet égard : «'il n'y a pas eu de convention d'honoraires avec les avocats ; ces derniers ont été saisis directement par les intéressés, car il nous fallait éviter l'ABS'» (abus de bien social).

En conséquence, en l'absence d'autorisation préalable écrite de l'assureur, le contrat imposait à la société souscriptrice de démontrer que les frais de défense exposés par ses dirigeants étaient bien nécessaires et raisonnables pour qu'AIG accepte rétroactivement de les rembourser.

Maisons et cités soutient que cette clause s'analyse en une clause d'exclusion de garantie, qui ne présente pas un caractère formel et limité et ne répond donc pas aux exigences de l'article L.'113-1 du codes des assurances, lequel dispose à l'alinéa 1er que les pertes et dommages occasionnés par cas fortuit ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Si l'obligation d'exposer des frais de défense constitue bien une perte ou un dommage pour celui qui les expose, il reste pour autant que la clause litigieuse, outre qu'elle figure au chapitre intitulé «'Modalités de d'indemnisation'» et non au chapitre «'Les exclusions'», définit l'objet de la garantie en ce qu'elle détermine l'étendue du risque couvert et les modalités de prise en charge des frais de défense. Par conséquent, elle ne constitue pas une clause d'exclusion au sens de l'article L.'113-1 précité, et ce quand bien même l'octroi de la garantie est conditionnée à la réunion de certaines hypothèses tenant au caractère nécessaire et raisonnable des frais engagés.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, cette clause ne modifie pas les conditions de la garantie, mais permet seulement à l'assureur de vérifier que les frais engagés s'inscrivent bien dans le champ contractuel lorsqu'ils ont été engagés en dehors de toute convention préalable régularisée avec le souscripteur ou les assurés.

Il appartient à Maisons et cités qui réclame le bénéfice de l'assurance de rapporter la preuve de la réunion des conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie. S'il n'est pas contesté que les assurés avaient le libre choix de leur avocat, il reste que les modalités de prise en charge des frais de défense contractuellement définies imposent à l'appelante de justifier du détail des diligences facturées pour permettre à l'assureur d'apprécier le caractère raisonnable et nécessaire des frais de défense dont la prise en charge est sollicitée.

A - Sur les factures émises par le cabinet Earth

Le premier juge a écarté la prise en charge des factures n°20150025 du 30 janvier 2015, n°2115006 du 27 février 2015, et n°20150095 du 31 mars 2015.

Maisons et cités considère que :

- les prestations facturées sont bien afférentes aux faits poursuivis devant la CDBF à l'encontre des seuls dirigeants ou anciens dirigeants de Soginorpa, qui n'a pas personnellement été mise en cause et n'avait pas à assurer sa défense dans le cadre l'enquête ;

- la mise en cause de MM.'[W], [Z], [L] et [U] portait sur la question de la soumission ou non de Soginorpa à l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et nécessitait l'élaboration d'une stratégie de réponse présentant des intérêts communs à tous les dirigeants ;

- les prestations facturées par le cabinet Earth ne font pas double emploi avec les factures émises au titre des prestations réalisées par les conseils respectifs des personnes physiques auditionnées par la CDBF ;

- AIG a été informée que le cabinet Earth intervenait au soutien des intérêts de MM. [I] et [N], nommés respectivement directeur général et président de Soginorpa.

AIG refuse de prendre en charge ces trois factures dans la mesure où elles correspondent à des consultations établies dans l'intérêt de Soginorpa, et non à des frais d'avocats engagés pour le compte de ses dirigeants, et où elles n'entrent donc pas dans le champ de la garantie souscrite.

Sur ce, il s'observe que les trois factures, dont l'une est directement intitulée «'conseil et assistance de la Soginorpa'», concernent avant tout l'assistance et la défense de la personne morale avec l'analyse de ses statuts, l'analyse du risque de conflit d'intérêts, outre des échanges directs avec ses conseillers juridiques ; de tels frais de défense n'entrent pas dans le champ contractuel de la police «'responsabilité des dirigeants'».

Les factures de 20'975,14 euros, 8'056,48 euros et 9'000 euros, ne mentionnent pas de prestations individualisées pour chaque dirigeant, et concernent les frais de défense de Soginorpa devenue Maisons et cités, et non pas directement ceux de ses dirigeants.

L'appelante échoue à démontrer que le cabinet Earth a effectué des prestations relevant de l'intérêt commun de l'ensemble des personnes physiques mises en cause, alors que chacune d'elles a choisi son propre conseil pour être accompagnée et conseillée durant la procédure administrative, et ce dans le souci d'éviter tout conflit d'intérêts.

La demande de prise en charge des factures du cabinet Earth doit être rejetée.

B - Sur les factures émises par le cabinet Jure avocats

Le premier juge a limité à la somme de 9'420 euros correspondant à 50% du montant des factures la prise en charge des frais de défenses exposés pour M.'[W] aux motifs qu'il était visé par le réquisitoire du procureur général près la Cour des comptes tout à la fois en sa qualité de président du conseil d'administration d'Epinorpa, et de président de Soginorpa, et qu'Epinorpa ne pouvait être considérée comme filiale de Soginorpa au sens du contrat d'assurance.

Maisons et cités objecte que :

- les faits visés par l'instruction ne concernaient que la gestion de la dette, des placements et de la commande publique de Soginorpa, et non d'Epinorpa, M.'[W] ayant été convoqué pour s'expliquer sur les fautes de gestion qu'il avait pu commettre en sa qualité de dirigeant de Soginorpa ;

- le contrat d'assurance litigieux ne prévoit aucune prise en charge limitée des frais de défense si une personne physique est entendue en plusieurs qualités pour des faits identiques ;

- il convient de condamner AIG à rembourser la somme totale de 18'840 euros correspondant aux factures n°120150122 et 120150123 du 17 mars 2015, et n°120150178 du 15 avril 2015.

AIG soutient que les frais de défense que M.'[W] a exposés en tant que dirigeant d'Epinorpa n'entrent pas dans l'objet des garanties contractuelles, et que le réquisitoire du procureur général près la Cour des comptes distingue bien les fautes qui lui sont reprochées en sa qualité de représentant de chaque entité qui présente des intérêts bien distincts.

AIG ajoute qu'elle n'a accepté à un moment de prendre en charge les factures du cabinet Jure avocats qu'à titre exceptionnel et commercial, sans pour autant que cela ne constitue un engagement de sa part de rembourser des factures injustifiées et non détaillées ; elle s'oppose en appel à toute prise en charge des trois factures du cabinet Jure avocats en l'absence de description des diligences effectuées dans l'intérêt de M.'[W].

Sur ce, il s'observe que les factures n°120150122, 120150123, 120150178 de 12'000, 840, et 6'000 euros, émises le 17 mars et 15 avril 2015 par le cabinet Jure avocats au nom de M.'[W], détaillent ainsi la nature des prestations exécutées :

- rendez-vous client ; analyse de la procédure ; assistance lors de l'audition par le rapporteur de la CDBF ;

- frais d'ouverture de dossier ; frais de secrétariat ; téléphone ;

- analyse et rédaction d'observations au rapporteur de la CDBF.

Selon le réquisitoire introductif du 3 février 2014 du procureur général près la Cour des comptes, au visa de l'article L.'313-4 du code des juridictions financières, M. [W] était mis en cause :

- en sa qualité de président de la Soginorpa au moment des faits notamment au titre d'un manquement dans la préservation «'des intérêts financiers de la société dont [il avait] la charge en souscrivant ou en laissant souscrire des contrats spéculatifs en matière d'emprunts et acquérir des placements risqués'» (en page 7 du réquisitoire) ;

- en sa qualité de président du conseil d'administration d'Epinorpa, il ne devait pas, étant représentant de l'associé unique, «'donner son approbation à des actes de gestion contraires aux intérêts de l'établissement public qu'il représentait et de la société au nom de laquelle il devait agir dans la limite de son objet social'» (en page 8 du réquisitoire).

Il s'ensuit que M. [W] était bien mis en cause, d'une part, en sa qualité de président de Soginorpa et, d'autre part, de président du conseil d'administration d'Epinorpa, laquelle n'était pas une filiale de Soginorpa.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, il s'agit donc de deux violations indépendantes l'une et de l'autre, de nature à entraîner des poursuites différentes, des conseils distincts, et des garanties distinctes pour chacune des entités.

Par courrier du 19 décembre 2016 adressé à la souscriptrice, AIG a accepté à titre exceptionnel de prendre en charge à hauteur de 50% les factures n°120150122 et 120150123 «'malgré le peu de détail en [sa] possession'», considérant que les diligences effectuées par Maître Berton étaient assez similaires à celles effectuées par le cabinet Holleaux.

C'est à tort qu'AIG soutient désormais que les factures litigieuses ne décrivent pas les prestations juridiques réalisées pour le compte de M.'[W], alors que leur simple lecture suffit à établir l'énumération succincte des travaux facturés.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que les frais de défense de l'assuré étaient seulement engagés pour partie pour le compte d'une personne physique ayant la qualité d'assuré, et a condamné AIG à prendre en charge à hauteur de 50%, soit pour un montant limité à 9'420 euros, les frais de défense exposés par M.'[W].

C - Sur la facture émise par le cabinet Adekwa

Le premier juge a écarté la prise en charge de la facture n°647016 du 7 avril 2015 du conseil de M.'[Z], considérant qu'aucune stipulation du contrat d'assurance ne prévoyait qu'une simple demande de transmission d'un relevé d'identité bancaire (RIB) en vue d'un remboursement constitue une acceptation de prise en charge des frais de défense, et que M.'[Z] ne faisait pas l'objet d'une réclamation au sens du contrat.

Maisons et cités fait valoir que, dans deux correspondances du 21 mai 2015 et 19 décembre 2016, la gestionnaire de l'assureur a réclamé un RIB pour procéder au règlement effectif de la facture litigieuse et se proposait même d'en régler directement le montant à l'avocat.

AIG expose que la facture communiquée ne permet pas de déterminer la mission et les diligences accomplies ; que sa demande de communication d'un RIB n'était qu'un préalable à la constitution d'un dossier en vue d'un éventuel remboursement, sans que cela ne constitue toutefois un engagement formel de sa part.

Sur ce, Maisons et cités verse au débat la facture d'honoraires n°647016 du 7 avril 2015 d'un montant de 4'860 euros, émise par le cabinet Adekwa au nom de M.'[P] [Z].

Si cette facture ne comporte aucune description des services professionnels rendus par l'avocat, elle mentionne tout de même ses références portant sur le litige opposant M.'[Z] à la CDBF, ce dernier étant nommément visé dans le réquisitoire du 3 février 2014.

En outre, dans un courriel du 21 mai 2015, la gestionnaire d'AIG réclame à Soginorpa un RIB pour procéder au paiement de la facture Adekwa dès réception de cette pièce manquante, puis réitère sa demande dans une lettre du 19 décembre 2016 sans émettre aucune réserve sur l'authenticité et la nature de cette facture.

Maisons et cités justifie avoir réglé la facture de 4 860 euros du cabinet Adekwa par chèque émis le 2 juin 2015, lequel a été tiré sur son compte bancaire le 8 juin suivant.

Par conséquent, il est suffisamment démontré que la facture litigieuse se rapporte bien à des frais nécessaires et raisonnables exposés par M.'[Z] pour assurer sa défense devant la CDBF, et il convient de condamner AIG à en garantir le paiement en exécution du contrat d'assurance pour un montant TTC de 4'860 euros.

D - Sur les factures du cabinet Holleaux

Les parties ne contestent pas le jugement querellé en qu'il a mis à la charge d'AIG le remboursement des deux factures de frais de défense du cabinet Holleaux n°7281 et 7282 pour des montants respectifs de 23'940 et 10'920 euros.

II - Sur la responsabilité de l'assureur pour manquement allégué à ses obligations contractuelles

Maisons et cités fait valoir qu'AIG n'a pas procédé au moindre au règlement avant sa condamnation à paiement, et ce malgré l'envoi de deux lettres recommandées avec avis de réception, et qu'elle a par la suite renié ses engagements envers elle, rappelant que les intérêts moratoires ne visent qu'à compenser le retard pris dans l'indemnisation, et estimant qu'elle a été privée entre 2015 et 2021 d'une trésorerie non négligeable en raison du manquement de l'assureur à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.

AIG expose que le retard pris dans l'indemnisation du sinistre ne lui est pas imputable, et qu'elle a instruit ce dossier dans les meilleurs délais.

Sur ce, aux termes des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. ['] Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'examen des pièces montre que Maisons et cités a déclaré le sinistre le 23 février 2015, puis que l'assureur en a accusé réception dès le 25 février 2015, et a précisé ses modalités de prise en charge dans un courriel du 23 avril 2015.

Par la suite, Maisons et cités a tardé à envoyer à l'assureur l'ensemble des documents sollicités, notamment les notes d'honoraires, établies au nom des assurés et comportant le détail des diligences accomplies avec description des prestations et du temps passé, les justificatifs de paiement effectif des honoraires, et les RIB des assurés.

Maisons et cités ne justifie ni de la faute contractuelle qu'elle impute à AIG, ni de l'existence d'un préjudice résultant directement de cette faute contractuelle.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

III - Sur les demandes de dommages et intérêts formées par l'assureur

A - Sur le manquement allégué de la souscriptrice à son obligation de bonne foi

AIG considère que Maisons et cités a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi en s'abstenant de lui communiquer des informations essentielles lui permettant d'appréhender le sinistre et les demandes pécuniaires y afférentes ; elle reproche à celle-ci de ne pas avoir déclaré le sinistre avant de saisir un conseil, de ne pas avoir produit de conventions d'honoraires, ni à tout le moins de lettres de mission, et pas davantage de relevés de prestations journalières.

Maisons et cités répond qu'elle n'avait pas à déclarer le sinistre avant la désignation d'un conseil par les personnes visées par le réquisitoire litigieux, ni à faire agréer par l'assureur les conseils ainsi désignés. Elle ajoute que la rédaction d'une convention d'honoraires n'était pas légalement obligatoire à la date d'émission des factures, et que l'obtention de l'accord de l'assureur préalablement à l'engagement des frais de défense ne constituait pas une condition de la garantie.

Sur ce, la cour rappelle que la production d'une convention préalable entre l'assureur et la souscriptrice était facultative pour celle-ci, que les assurés avaient le libre choix de leur conseil, que la conclusion d'une convention d'honoraires entre les assurés et leurs avocats était facultative au moment des faits. En outre, la plupart des factures produites par l'appelante sont en réalité suffisamment détaillées sur la nature des prestations exécutées.

La cour considère que l'assureur ne caractérise pas les manquements contractuels allégués de la part de l'appelante à son obligation de loyauté et de bonne foi, et ne justifie pas davantage d'un quelconque préjudice qui en résulterait, et ce d'autant moins que le règlement d'une indemnité d'assurance en exécution du contrat ne saurait être constitutif d'un préjudice pour l'assureur.

Il convient de débouter AIG de sa demande de dommages et intérêts.

B - Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

La position de Maisons et cités en cause d'appel ne peut être considérée comme résultant d'une attitude fautive, alors même que ses demandes sont partiellement fondées, tant en première instance qu'en appel.

En conséquence, AIG sera déboutée de sa demande de réparation pour procédure abusive ; le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

IV - Sur les autres demandes

A - Sur les intérêts contractuels

En application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Il s'ensuit que les sommes allouées par le présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure réceptionnée le 2 décembre 2016 en application de l'article 1231-6 précité, s'agissant d'une dette de l'assureur de responsabilité.

B - Sur la capitalisation des sommes dues

Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

La cour d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, doit, pour fixer le point de départ de la capitalisation des intérêts, tenir compte de la demande formulée en première instance, étant rappelé que les intérêts échus des capitaux, à défaut de convention spéciale, ne peuvent produire intérêts que moyennant une demande en justice et à compter de cette seule demande.

La capitalisation annuelle des intérêts étant de droit lorsqu'elle est judiciairement sollicitée, il y a lieu de l'ordonner à compter du 29 mars 2017, date d'assignation d'AIG devant la juridiction de première instance, dès lors qu'à défaut de convention spéciale, les intérêts échus des capitaux produisent eux-mêmes des intérêts à compter de la date de la demande en justice, et non de celle d'une mise en demeure, en application de l'article 1343-2 du code civil.

C - Sur la demande de compensation entre les sommes réciproquement dues

Cette demande est sans objet, dès lors que la cour a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par l'assureur.

D - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

AIG qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de condamner AIG à payer à Maisons et cités une somme de 1'500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Thierry Lorthiois, membre de l'association Montesquieu avocats, à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Douai,

Y ajoutant,

Condamne la société de droit britannique AIG Europe à payer à la société d'HLM Maisons et cités la somme supplémentaire de 4'860 euros en exécution de la police d'assurance n°7.917.558 de responsabilité des dirigeants ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, étant précisé que la première demande de capitalisation a été formée le 29 mars 2017 ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la société de droit britannique AIG Europe aux dépens d'appel ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Thierry Lorthiois, membre de l'association Montesquieu avocats, recouvrera directement contre la société de droit britannique AIG Europe les dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne la société de droit britannique AIG Europe à payer à la société d'HLM Maisons et cités la somme de 1'500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la débitrice de cette somme étant elle-même déboutée de sa demande indemnitaire à cette fin.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le President

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03257
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.03257 ?
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