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21/10/2022 | FRANCE | N°21/00391

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 21 octobre 2022, 21/00391


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1699/22



N° RG 21/00391 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP5C



MLBR/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

17 Février 2021

(RG -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [L] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Patrick LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI





INTIMÉE :



Association ASSOCIATION D'ENTRAIDE UNIVERSITAIRE

[Adr...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1699/22

N° RG 21/00391 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP5C

MLBR/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

17 Février 2021

(RG -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [L] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Patrick LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI

INTIMÉE :

Association ASSOCIATION D'ENTRAIDE UNIVERSITAIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Yves SION, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 13 Septembre 2022

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 Août 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [L] [K] a été embauché par l'Association d'Entraide Universitaire (l'AEU) le 3 janvier 1984 en qualité de cuisinier.

Le 11 juin 2014, il a été victime d'un accident du travail et a été arrêté.

Le 7 octobre 2014, pendant son arrêt, il a fait l'objet d'une rechute qui sera également prise en charge par la CPAM au titre des risques professionnels jusqu'au 29 mai 2017, date à laquelle son état de santé sera considéré comme consolidé.

Son arrêt de travail s'est cependant poursuivi jusqu'au 23 octobre 2017, M. [K] ayant par la suite repris son activité sous la forme d'un temps partiel thérapeutique avant d'être à nouveau arrêté le 11 novembre 2017.

Le 21 novembre 2017, le médecin du travail, a rendu un avis d'inaptitude en un seul examen rédigé comme suit : « Confirmation de l'inaptitude au poste de cuisinier, pas de port de charges et pas de travail répétitif des 2 épaules, pas de travail bras surélevés au dessus de 10 degrés, capacités restantes : poste à temps partiel assis debout, possibilité de poste encaissement tickets avec adaptation du siège en hauteur pour avoir les coudes le long du corps le plus possible. »

Le 12 décembre 2017, l'employeur a proposé à M. [K] son reclassement dans un poste de caisse, le midi et/ou le soir, de 2 à 5 heures par jour, proposition que l'intéressé a refusée pour des motifs pratiques et financiers, après avoir également relevé des contradictions avec les préconisations de la médecine du travail.

Le 22 décembre 2017, l'AEU a convoqué M. [K] pour un entretien préalable fixé au 9 janvier 2018 et lui a notifié le 1er février 2018 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement compte tenu de son refus du poste proposé.

Par requête du 4 Avril 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités.

Par jugement contradictoire rendu le 17 février 2021, le conseil de prud'hommes de Lille a :

- dit que le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de M. [K] n'était pas d'origine professionnelle,

- débouté en conséquence M. [K] de sa demande au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement,

- dit que l'AEU a respecté son obligation de reclassement et que le licenciement pour inaptitude physique de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté en conséquence M. [K] de sa demande de dommages et intérêts y afférente,

- débouté M. [K] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [K] à verser a l'AEU la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de sa demande y afférente ;

- laissé à chaque partie la charge de leurs entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 11 mars 2021, M. [L] [K] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [K] demande à la cour de :

- le juger fondé en son appel,

- y faire droit,

- réformer la décision entreprise en sa totalité,

- juger que le régime applicable à son licenciement est le régime applicable aux victimes de maladies professionnelles ou accidents du travail tel que fixé aux articles L. 1226-7 et suivants du code du travail,

- juger que son licenciement a été prononcé en violation de l'obligation de reclassement,

- condamner l'AEU à lui verser les sommes suivantes :

' solde d'indemnité spéciale de licenciement : 23 420 euros,

' dommages et intérêts pour licenciement en violation de l'obligation de reclassement : 66 210 euros,

à titre subsidiaire :

- constater le non-respect par l'AEU de l'obligation de notifier l'impossibilité de reclassement,

- en tirer toutes conséquences de droit en condamnant l'AEU au paiement de la somme de 66 210 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre infiniment subsidiaire,

- si par impossible, la Cour n'appliquait pas le régime protecteur des victimes de maladies professionnelles ou d'accidents du travail, juger que son licenciement a été prononcé en violation de l'obligation de reclassement tel que fixé aux articles

L. 1226-1 et suivants du code du travail,

- condamner, par voie de conséquence, l'AEU à lui la somme de 66 210 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement en violation de l'obligation de reclassement,

à titre subsidiaire :

- constater le non-respect par l'AEU de l'obligation de notifier l'impossibilité de reclassement,

- condamner l'AEU au paiement de la somme de 66 210 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice en découlant,

en tout état de cause :

- condamner l'AEU à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'AEU aux entiers frais et dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 juillet 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'AEU demande à la cour de :

- juger M. [K] mal fondé en son appel,

- confirmer la décision entreprise en sa totalité,

- en conséquence, débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

Vu les articles L.1226-10 et suivants du code du travail,

- juger qu'elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement,

- juger que le refus du poste de reclassement de M. [K] est abusif,

- débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause et statuant à nouveau,

- condamner M. [K] à lui verser la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner enfin aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. [K] :

En l'espèce, M. [K] s'appuie sur différentes pièces médicales et l'avis d'inaptitude du médecin du travail pour soutenir que son inaptitude est au moins en partie liée aux séquelles à l'épaule droite de son accident du travail du 11 juin 2014, peu importe selon lui que son dernier arrêt de travail concernait une pathologie à l'épaule gauche.

Si l'AEU reconnaît en page 10 de ses conclusions que l'accident du travail de juin 2014 a effectivement eu des répercussions sur l'épaule droite de M. [K], elle rappelle en revanche que :

- l'état de santé de celui-ci a été considéré comme consolidé le 29 mai 2017,

- les arrêts qui se sont ultérieurement succédés étaient des arrêts maladie de droit commun,

- l'intéressé a d'ailleurs repris son activité en temps partiel thérapeutique à partir du 23 octobre 2017, ce qui démontre selon elle qu'il était apte à reprendre son emploi,

- il a été à nouveau arrêté du 10 au 21 novembre 2017 sans que la cause de ce nouvel arrêt ne soit connue et en lien avec l'accident de travail initial.

Elle fait enfin observer que l'avis d'inaptitude préconisait d'éviter un travail répétitif sur les 2 épaules et non exclusivement sur l'épaule droite, déduisant de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas établi que l'inaptitude de M. [K] serait d'origine professionnelle.

Sur ce,

Il appartient au juge de rechercher l'existence du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié, le régime protecteur des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle trouvant à s'appliquer dès lors que l'inaptitude, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, et ce peu importe la décision de la CPAM.

Il est en l'espèce acquis aux débats qu'à la suite de son accident du travail du 11 juin 2014, M. [K] a souffert d'une tendinite aïgue à l'épaule droite et a dû subir en février 2015 une opération au niveau de la coiffe des rotateurs.

Comme le fait observer l'intimée, la date de consolidation de l'état clinique de l'intéressé a été fixé au 29 mai 2017 notamment par un rapport d'expertise amiable réalisé le 30 août 2017, le médecin expert a cependant relevé qu'au jour de l'examen, M. [K] se plaignait toujours de cette épaule dont 'la limitation des amplitudes est majorée par une contraction 'réflexe'.

En outre, le rapport médical d'évaluation de son taux d'incapacité permanente établi le 7 novembre 2017, soit à une période contemporaine de l'avis d'inaptitude, a constaté la persistance 'd'une limitation importante et douloureuse de l'épaule droite' et fixé le taux d'incapacité permanente à 20%.

Si M. [K] a effectivement repris son travail le 23 octobre 2017 dans le cadre d'un poste aménagé, le docteur [J], médecin du travail, avait à cette fin émis dans la fiche de suivi médical du même jour des préconisations, notamment 'pas de port de charge du bras droit et pas de mouvement possible de l'épaule droite'.

Il se déduit de ces premiers éléments l'existence de séquelles permanentes au niveau de l'épaule droite de M. [K], ce qui est nullement incompatible avec la consolidation de l'état clinique qui atteste d'une stabilisation mais pas nécessairement d'une guérison.

Dans son avis d'inaptitude du 21 novembre 2017, le docteur [J] a par ailleurs contre indiqué dans le cadre d'un éventuel reclassement, le port de charge et 'le travail répétitif des deux épaules' ainsi que le 'travail bras surélevés au dessus de 10°', les parties s'accordant sur le fait que ces contre indications visent bien les 2 épaules.

Il résulte de ces préconisation que l'inaptitude de M. [K] est ainsi au moins en partie liée à l'impotence fonctionnelle de son épaule droite.

D'ailleurs, en parallèle à l'avis d'inaptitude, le docteur [J] a certifié dans le cadre de la demande d'indemnité temporaire d'inaptitude du 21 novembre 2017 que celle-ci est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail du 11 juin 2014, confirmant ainsi qu'elle intéresse aussi l'épaule droite.

Aussi, peu importe que le dernier arrêt de travail de M. [K] entre le 11 et le 21 novembre 2017 ait cette fois-ci pour cause une pathologie à l'épaule gauche, l'ensemble des éléments médicaux ci-dessus exposés suffisent à démontrer que son inaptitude à l'emploi de cuisinier est au moins en partie liée aux séquelles à l'épaule droite de son accident de travail de juin 2014.

L'AEU ne pouvait par ailleurs l'ignorer dès lors que la fiche de suivi médical du 23 octobre 2017 aux fins d'aménagement du poste de travail l'alertait déjà sur l'absence de mouvement possible de l'épaule droite, préconisant un poste aménagé à raison de 3 heures par jour et avec le bras gauche, et que dans l'étude de poste réalisée le 16 novembre 2017 versée aux débats (sa pièce 4), il est bien pris acte d'une recommandation de travailler sans extension du bras droit.

L'AEU avait ainsi parfaitement connaissance de la persistance des séquelles de l'accident du travail de juin 2014 et de leur prise en compte dans l'avis d'inaptitude qui vise explicitement les 2 épaules.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu que l'inaptitude de M. [K] n'est pas d'origine professionnelle.

- sur le licenciement de M. [K]:

L'appelant reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier du régime protecteur des salariés victimes d'un accident du travail dans le cadre de son licenciement, en ne lui versant pas l'indemnité spéciale de licenciement qu'il chiffre à 23 420 euros et en ne respectant pas son obligation de reclassement qu'il qualifie 'd'obligation de quasi résultat'.

Il dénonce également l'absence de consultation effective des délégués du personnel sur son éventuel reclassement et le fait que l'AEU ne lui a pas notifié l'impossibilité de le reclasser avant d'initier la procédure de licenciement.

L'AEU estime au contraire justifier des démarches accomplies dans le cadre de la procédure de reclassement et dénonce le caractère abusif du refus de ce dernier d'accepter sa proposition de reclassement dans un poste de caisse, ce qui selon elle suffit à débouter l'intéressé de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur ce,

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social (des délégués du personnel jusqu'au 1er janvier 2018), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l'article L. 1226-12 qui suit, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

L'article L. 1226-14 du même code dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre notamment droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. Toutefois, cette indemnité n'est pas due par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Pour justifier du respect de son obligation de reclassement, l'AEU produit aux débats:

- le courriel qu'elle a adressé le 21 novembre 2017 à différents services, aux termes duquel elle a d'une part précisé que son salarié était inapte au poste de cuisinier, d'autre part, rappelé les préconisations du médecin du travail et enfin indiqué que l'intervention d'un organisme extérieur pour étudier les aménagements éventuels était possible,

- les réponses négatives de 5 d'entre eux,

- la seule réponse positive du service restauration reçue le 21 novembre 2017 pour un poste de caisse susceptible d'aménagements, sur la base duquel elle a élaboré sa proposition de reclassement,

- la convocation et l'avis unanime des délégués du personnel composant la délégation unique du personnel (pièce 16 et 20 de l'intimée) approuvant ce poste de reclassement en sa réunion du 30 novembre 2017, après que la responsable des ressources humaines a évoqué les démarches accomplies en vain auprès des autres services,

- le courrier adressé le 12 décembre 2018 à M. [K] pour lui proposer ce poste de caisse avec la répartition des heures de travail,

- le courrier de refus de ce dernier,

- un échange de courriel le 8 janvier 2018 avec le médecin du travail par rapport au poste proposé, le praticien confirmant qu'avec un aménagement ergonomique, il serait en adéquation avec ses préconisations.

Il sera d'abord relevé que l'AEU a régulièrement consulté les délégués du personnel ainsi que l'exigeait à l'époque l'article 1226-10 précité, l'intimée justifiant de l'existence en son sein d'une délégation unique des représentants du personnel convoquée à une réunion pour notamment recueillir l'avis des délégués du personnel sur le reclassement de M. [K]. La procédure n'est donc entâchée d'aucune irrégularité à ce titre.

Il résulte par ailleurs de l'ensemble des pièces susvisées que les démarches accomplies par l'AEU pour rechercher un poste de reclassement étaient suffisamment individualisées, celle-ci ayant rappelé le poste occupé jusqu'alors par M. [K] ainsi que les recommandations du médecin du travail, et qu'à la suite de la seule réponse favorable du service de restauration, l'AEU a pris attache avec le médecin du travail pour s'assurer de l'adéquation du poste de caisse avec ses préconisations et contre indications.

L'AEU justifie également des contacts pris avec l'organisme de prévoyance pour pallier au moins en partie la perte de salaire qu'aurait subi M. [K] du fait de ce nouveau poste.

Dès lors que le poste de caisse était le seul disponible, il ne peut être reproché à l'AEU de l'avoir proposé à M. [K] en dépit des modifications du contrat de travail qu'il entraînait, ni de ne pas avoir poursuivi ses recherches après le refus de l'intéressé, sachant que l'appelant prétend que sa polyvalence devait permettre d'envisager son reclassement sur différents postes sans toutefois préciser lesquels, ni apporter de pièces pour étayer ses dires.

Enfin, l'AEU produit en sa pièce 18/2 l'attestation manuscrite du 13 mai 2019 de Mme [M] qui a assisté M. [K] lors de l'entretien préalable, aux termes de laquelle elle atteste que celui-ci, interrogé par l'employeur sur d'éventuels souhaits de formation ou d'autres idées d'aménagement de poste, a répondu qu'il ne voulait pas de formation, ni d'autres poste et après réflexion, est venu lui confirmer qu'il avait refusé l'offre de l'AEU.

Au vu de l'ensemble des démarches ainsi accomplies et des dernières déclarations de M. [K], il est établi que l'intimée a fait preuve de loyauté et de sérieux dans la recherche effective d'un poste de reclassement pour celui-ci avant de le licencier en raison de son inaptitude et de l'impossibilité de le reclasser compte tenu de son refus du seul poste disponible.

Enfin, c'est à raison que l'AEU fait valoir qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en ne notifiant pas à M. [K] l'impossibilité de procéder à son reclassement avant d'initier la procédure de licenciement dès lors qu'elle en était dispensée au vu de la proposition de poste faite dans le respect des exigences légales.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [K] est licite et a débouté celui-ci de sa demande indemnitaire fondée sur une supposée violation de l'obligation de reclassement et sur le non-respect de l'obligation de lui notifier l'impossibilité de reclassement.

En revanche, contrairement à ce que soutient l'AEU, le refus de M. [K] d'accepter le poste de caisse ne peut être qualifié d'abusif dans la mesure où ce poste entraînait des modifications substantielles de son contrat de travail, avec notamment une réduction significative du temps de travail (2 à 5 heures par jour au lieu d'un temps plein), une nouvelle répartition des heures et surtout une perte de rémunération dont l'intimée avait elle-même parfaitement conscience puisqu'elle explique avoir d'initiative fait la démarche auprès de l'organisme de prévoyance pour tenter d'y pallier, sachant que c'est un des motifs du refus de M. [K] qui évaluait la perte financière à 34% du salaire jusqu'alors perçu.

M. [K] est donc en droit de percevoir l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail. Ayant déjà perçu l'indemnité légale de licenciement, il convient de lui accorder à titre de solde de l'indemnité spéciale, un montant équivalent, soit 23 420 euros. Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

M. [K] étant accueilli en partie en ses prétentions, l'AEU devra supporter les dépens de première instance et d'appel. Elle sera déboutée de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est en outre inéquitable de laisser à M. [K] la charge des frais irrépétibles exposés pendant l'ensemble de la procédure. L'AEU est condamnée à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 17 février 2021 sauf en ce qu'il a dit le licenciement de M. [L] [K] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande indemnitaire liée à l'obligation de reclassement ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que l'inaptitude de M. [L] [K] est d'origine professionnelle ;

CONDAMNE en conséquence l'Association d'Entraide Universitaire à payer à M. [L] [K] la somme de 23 420 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;

CONDAMNE l'Association d'Entraide Universitaire à payer à M. [L] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que l'Association d'Entraide Universitaire supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00391
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;21.00391 ?
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