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21/10/2022 | FRANCE | N°18/03454

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 21 octobre 2022, 18/03454


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1703/22



N° RG 18/03454 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R646



VCL/AA















AJ

















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

11 Octobre 2018

(RG 16/00234 -section 5)




































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GROSSE :



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le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [F] [B]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barr...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1703/22

N° RG 18/03454 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R646

VCL/AA

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

11 Octobre 2018

(RG 16/00234 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [F] [B]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/02/21/013085 du 23/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

M. [S] [G] Es qualités de Liquidateur Judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Vincent SPEDER de la SCP SCP SPEDER DUSART FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES substituée par Me Dorothee FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 01 Septembre 2022

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

[N] [C]

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17/12/2020

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La SARL PROTUBE INDUSTRIE, spécialisée dans l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie, a engagé M. [F] [B] par contrat de travail à durée de chantier à compter du 21 avril 2011 en qualité de soudeur « Montage et fabrication de tuyauterie Sprinkler ».

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de la métallurgie du Valenciennois et du Cambraisis.

Par lettre datée du 11 mai 2016, M. [F] [B] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave lequel se trouvait motivé de la façon suivante :«Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 15 avril 2016. En effet, le 22 mars dernier pendant la pause déjeuner, vous avez agressé verbalement votre collègue de travail, Monsieur [W].

Vous êtes ensuite venu me trouver dans mon bureau et vous avez proféré des menaces à l'encontre de monsieur [W] ainsi qu'envers moi-même. Vous m'avez ensuite bousculé pour quitter mon bureau puis vous êtes rentré à votre domicile. Nous avons par la suite réceptionné un avis d'arrêt de travail prenant fin le 28 mars 2016.

Compte tenu de la gravité de votre comportement, nous vous avons fait part verbalement de notre décision de vous mettre à pied à titre conservatoire le temps d'engager une procédure disciplinaire.

Vous avez cependant passé outre cette décision de vous éloigner de l'entreprise et vous vous êtes présenté sur votre poste de travail le 29 mars 2016.

Vos collègues vous ont alors rappelé que vous étiez mis à pied et vous ont refusé l'accès de l'entreprise. Au lieu de rentrer à votre domicile, vous avez de nouveau proféré des menaces à

l'encontre de Monsieur [W] ainsi que des insultes à mon encontre en indiquant

que jetais un voleur et un escroc. Vous avez également indiqué à vos collègues de travail qui étaient présents qu'il ne fallait pas rester dans notre société et se sauver.

Loin de vous être calmé, vous avez continué à vous présenter au siège de l'entreprise les 30 et 31 mars dernier dans le but de faire pression sur la Direction et d'impressionner vos collègues de travail.

Votre comportement agressif ne saurait être toléré au sein de l'entreprise ce d'autant plus que nous sommes tenus à une obligations de sécurité de résultat envers nos salariés. Nous ne pouvons également tolérer que vous vous permettiez de proférer des menaces à l'encontre de vos collègues de travail ainsi qu' envers votre supérieur hiérarchique.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 15 avril dernier ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet; nous vous informons que nous avons en conséquence, décidé de vous licencier pour fautes graves.

Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de première présentation de la présente, sans indemnités de préavis ni de licenciement. La période non travaillée du 29 mars 2016 jusqu'à la date de présentation de cette lettre, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée. »

Contestant la légitimité de son licenciement pour faute grave et réclamant diverses indemnités et rappels de salaire consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [F] [B] a saisi le 19 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Valenciennes.

Par jugement du 17 octobre 2016, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE.

Suivant jugement du 11 octobre 2018, la juridiction prud'homale a rendu la décision suivante :

-dit et juge le licenciement de M. [F] [B] pour faute grave et, en conséquence,

-fixe la créance de M. [F] [B] dans la liquidation de la SARL PROTUBE INDUSTRIE à la somme de 1853,20 euros au titre du rappel de saisie arrêt sur salaire,

- déboute M. [F] [B] du surplus de ses demandes,

-dit le jugement opposable au CGEA AGS de [Localité 6] dans la limite des dispositions légales et règlementaires,

-déboute les parties défenderesses de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens seront pris dans les frais de la liquidation judiciaire.

M. [F] [B] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 15 novembre 2018.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 juillet 2022 au terme desquelles M. [F] [B] demande à la cour de :

-INFIRMER le Jugement du Conseil de Prud'hommes de VALENCIENNES en

ce qu'il :

-DIT ET JUGE le licenciement de Monsieur [F] [B] pour faute grave et en conséquence,

- FIXE la créance de Monsieur [F] [B] dans la liquidation de la SARL PROTUBE dans la liquidation judiciaire de la SARL PROTUBE INDSTRE à la somme de 1853.20 € titre de rappel de saisie arrêt sur salaire

- DEBOUTE Monsieur [B] du surplus de ses demandes;

- DEBOUTE Monsieur [B] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Et statuant à nouveau sur les points infirmés:

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail,

-FIXER la créance de Monsieur [B] [F] au passif de la société PROTUBE INDUSTRIE aux sommes suivantes:

- 1 853.20 € Nets au titre du rappel de salaires sur saisie arrêt;

Outre 185.32 € au titre des congés payés y afférents;

- 2 000.00 € au titre des dommages intérêts pour préjudice financier distinct;

- 1 607.70 € au titre des dommages intérêts concernant le défaut de visite médicale;

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

- REQUALIFIER le licenciement intervenu en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- FIXER la créance de Monsieur [B] [F] au passif de la société PROTUBE INDUSTRIE aux sommes suivantes:

- 2 174.84 € au titre de l'indemnité de licenciement;

- 3 624.74 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

Outre 362 .47 € au titre des congés payés y afférents;

- 3 268.51 € au titre du rappel de salaires sur mise à pied injustifiée;

- Outre 326.84 € au titre des congés payés y afférents:

- 21 748.44 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 15 000.00 € à titre de dommages intérêts au titre du préjudice moral distinct;

- ORDONNER au liquidateur la remise des bulletins de paie de mars, avril et mai 2016 ainsi que des documents de sortie rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par documents

- JUGER l'arrêt à intervenir opposable aux organes de la procédure ainsi qu'au .G.E.A.

Au soutien de ses prétentions, M. [F] [B] expose que :

- Il a fait l'objet de trois avis à tiers détenteurs lesquels ont donné lieu au prélèvement par l'employeur de la somme totale de 2788 euros nets, sommes qui n'ont été reversées au trésor public qu'à hauteur de 934,80 euros soit un résiduel de 1853,20 euros net, le prélèvement d'origine ayant été effectué après imputation des charges sociales, outre les congés payés y afférents.

- Il a, en outre, été indument privé d'une partie de son salaire, alors même qu'il présentait une situation financière précaire, ce qui justifie de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi.

- L'employeur a également manqué à ses obligations en n'organisant aucune des visites médicales obligatoires, tant à l'embauche que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice notamment au regard de son âge lors de l'embauche et à la nature accidentogène de son emploi.

- La preuve de la faute grave n'est pas établie et ne peut résulter d'un unique document établi par un enquêteur de la CPAM et non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

- En outre, aucune pièce ne vient étayer les faits reprochés en date des 29, 30 et 31 mars 2016.

- A l'inverse, les faits démontrent qu'il a été victime d'une agression sur son lieu de travail, dont les blessures subséquentes ont été reconnues au titre de la législation professionnelle.

- Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences financières de droit auquel s'ajoute un rappel de salaire suite à la mise à pied conservatoire.

- Il a également subi un préjudice moral ayant été licencié alors même qu'il a été victime de violences de la part d'un autre salarié.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 août 2022, dans lesquelles Me [S] [G], en qualité de liquidateur de la société PROTUBE INDUSTRIE, intimé, demande à la cour de :

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Valenciennes du 11 octobre 2018 ;

- Débouter Monsieur [F] [B] de l'intégralité de ses demandes,

- Le condamner à payer Maître [G] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, Me [G] soutient que :

- La faute grave commise par M. [B] résulte de l'agression verbale par le salarié tant d'un collègue de travail que de son employeur le 22 mars 2016 puis du non-respect d'une mise à pied conservatoire les 29,30 et 31 mars suivant afin de faire pression sur le gérant et dénigrer son employeur devant les autres salariés.

- Subsidiairement, compte tenu du salaire moyen des trois derniers mois de 1729,15 euros et l'effectif de l'entreprise inférieur à 11 salariés, il appartient au salarié de justifier de son préjudice, tant au regard de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse que du préjudice moral allégué, ce qu'il ne fait pas.

- Aucune retenue n'a, en outre, été opérée au titre de la mise à pied conservatoire sur le bulletin de salaire de mars 2016, de sorte qu'aucun rappel de salaire n'est du à cet égard,seul un arrêt de travail justifiant de la perte de salaire, par ailleurs compensée par l'indemnisation de l'assurance maladie.

- Concernant le rappel au titre de la saisie des rémunérations, il s'en rapporte à justice, étant précisé qu'aucun préjudice financier distinct n'est établi et que le salarié ne démontre pas non plus avoir subi un préjudice du fait de l'absence des visites médicales obligatoires.

- Enfin, la demande de remise des bulletins de paie des mois de mars, avril et mai 2016 ne saurait prospérer, faute d'intérêt, et en tout état de cause à l'exclusion d'une astreinte.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 décembre 2021, en vertu desquelles l'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA de [Localité 6] demande, pour sa part, à la cour de :

Sur les demandes :

- Dire bien jugé, mal appelé

- Confirmer en conséquence le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de VALENCIENNES le 11 octobre 2018

- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner Monsieur [B] au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile

- Condamner Monsieur [B] au paiement des entiers frais et dépens de l'instance

Subsidiairement,

- Réduire à de plus justes proportions le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires

- Le condamner au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile

- Le condamner au paiement des entiers frais et dépens de l'instance

Sur le rappel des garanties de l'AGS :

- Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale

- Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie

Vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du Code du travail,

- Dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles.

- Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

A l'appui de ses prétentions, l'AGS expose que :

- Le licenciement pour faute grave est justifié, compte tenu du comportement inadmissible de M. [B], lequel a rendu impossible son maintien dans l'entreprise.

- Subsidiairement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être réduit à de plus justes proportions.

- Il n'est pas non plus justifié du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire ni du préjudice moral distinct allégué.

- Concernant le remboursement des sommes prélevées dans le cadre d'une saisie des rémunérations mais non reversées au Trésor Public, elle s'en rapporte à la somme retenue à hauteur de 1853,20 euros, aucun préjudice financier supplémentaire n'étant, en outre, démontré.

- M. [B] ne démontre pas que l'employeur se trouvait redevable de 26 jours de congés payés ni qu'il n'aurait pas fait l'objet de visites médicales d'embauche et périodique et qu'il en aurait subi un préjudice.

- Subsidiairement, la garantie de l'AGS ne couvre ni l'astreinte ni les dommages et intérêts résultant d'une faute personnelle de l'employeur comme l'absence d'examens médicaux, et se trouve, par ailleurs, plafonnée.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 août 2022 puis révoquée et, enfin , fixée au 1er septembre suivant.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les retenues opérées dans le cadre des avis à tiers détenteurs :

Conformément aux dispositions de l'article L3252-10 du code du travail, l'employeur dont le salarié fait l'objet d'une saisie sur ses rémunérations ou d'un avis à tiers détenteur doit, en sa qualité de tiers saisi, verser mensuellement les retenues pour lesquelles la saisie est opérée.

-Sur les salaires retenus et non reversés à l'administration fiscale :

Il n'est pas contesté que M. [F] [B] a fait l'objet de trois avis à tiers détenteur émanant de l'administration fiscale lesquels ont donné lieu au prélèvement par l'employeur de la somme totale de 2788 euros nets, sommes qui n'ont été reversées au trésor public qu'à hauteur de 934,80 euros, ce conformément aux bulletins de salaire versés aux débats et à l'attestation établie par le trésor public le 8 juillet 2016.

Les parties conviennent de ce qu'il reste dû au salarié la somme de 1853,20 euros nette de charges sociales, le prélèvement d'origine ayant déjà été effectué après imputation des charges sociales qui ne sauraient être versées à deux reprises.

Néanmoins, les revenus constitutifs de cette retenue sur salaire ayant d'ores et déjà généré des congés payés avant imputation de la saisie, le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande formée à cet égard.

La créance de M. [B] est, par conséquent, fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE à hauteur de 1853,20 euros nets.

-Sur les dommages et intérêts au titre du préjudice financier distinct :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, M. [F] [B] dont les revenus ont été affectés d'une saisie non reversée par l'employeur au trésor public a subi un préjudice distinct du seul retard de paiement réparé par les intérêts moratoires.

Il résulte, en effet, des pièces produites que le salarié a fait l'objet d'une saisie à compter de février 2014 et jusqu'au mois de mai 2015, l'employeur n'ayant réalisé qu'un unique reversement à l'administration fiscale en septembre 2014.

Or, le défaut de versement au trésor public des sommes pourtant prélevées chaque mois a considérablement ralenti et prolongé dans le temps le paiement de la dette que M. [B] ne pouvait alors plus acquitter directement compte tenu de la retenue sur ses salaires de la quotité saisissable.

Par ailleurs, l'intéressé justifie également d'une saisie sur ses meubles pratiquée à l'initiative du trésor public en mai 2016, compte tenu de la dette de 3786,20 euros dont près de la moitié aurait pu être acquittée si la société PROTUBE INDUSTRIE n'avait pas manqué à ses obligations.

L'appelant justifie, dès lors, d'un préjudice financier distinct subi du fait du manquement de son employeur qu'il convient d'indemniser à hauteur de 500 euros.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur l'absence de visites médicales obligatoires :

Conformément aux dispositions des articles L4624-1 et suivants et R4624-10 et suivants du code du travail, il appartient à l'employeur d'organiser au bénéfice de chaque travailleur l'ensemble des visites médicales obligatoires.

A défaut, le manquement à cette obligation peut justifier de l'octroi au salarié de dommages et intérêts, dès lors que ce dernier justifie d'un préjudice à cet égard.

Me [G], es qualité, ne démontre pas le respect par la SARL PROTUBE INDUSTRIE de l'obligation de suivi médical de M. [F] [B] tant lors de l'embauche qu'au cours de la relation contractuelle. Il n'est, ainsi, communiqué aucune fiche de suivi concernant l'intéressé lequel n'a bénéficié d'aucune des visites médicales obligatoires.

Par ailleurs, l'appelant démontre avoir subi un préjudice du fait de cette absence de suivi médical alors que, lors de son embauche dans l'entreprise, il était âgé de plus de 52 ans et s'est vu confier un poste à risque de soudeur 'Montage et fabrication de tuyauterie Sprinkler ».

Ce préjudice doit, par suite, être indemnisé en fixant à 500 euros le montant des dommages et intérêts dus pour absence de visites médicales obligatoires et de suivi.

Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.

Sur la faute grave :

Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

L'employeur n'est, toutefois, pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager la procédure de licenciement pour faute grave.

En l'espèce, M. [F] [B] a été licencié, par lettre du 11 mai 2016 pour avoir :

- le 22 mars 2016, agressé verbalement son collègue de travail, M. [W], puis menacé ce dernier devant l'employeur , avant de bousculer ce dernier,

- le 29 mars 2016, violé une mise à pied conservatoire en se présentant dans les locaux de l'entreprise, menacé M. [W] et insulté l'employeur devant les autres salariés,

- les 30 et 31 mars suivant, omis de respecter la mise à pied conservatoire en continuant à se présenter au sein de la société.

En premier lieu, il est rappelé que les modes de preuve ne se limitant pas à la fourniture d'attestations conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'écarter des débats le rapport d'enquête établi par un agent de la caisse primaire d'assurance maladie, par ailleurs assermenté.

En outre, Me [G],es qualité, ne produisant aucune pièce justificative afférente aux faits reprochés des 29, 30 et 31 mars 2016, les fautes alléguées à cet égard dans la lettre de licenciement ne peuvent servir de fondement à ce dernier.

Cela étant, concernant les faits reprochés du 22 mars 2016, il résulte des éléments de preuve versés aux débats et notamment du procès verbal de constatation établi par un agent assermenté de la CPAM du Hainaut en date du 19 mai 2016 que l'incident survenu entre M. [F] [B] et M. [W] s'est déroulé en présence d'un unique témoin pris en la personne de M. [O] [V] lequel a relaté les faits de la façon suivante : « M. [W] aurait fait chauffer la gamelle de M. [B] et serait parti le chercher dans le bureau du patron, M. [R] [H], avant de revenir et de commencer à manger. Quelques secondes plus tard, M. [B] est entré en dans le réfectoire et s'est mis à agresser verbalement M. [W] qui lui a répondu sur le même ton. J'écoutais leur dispute tout en mangeant quand à un moment, j'ai entendu quelqu'un taper sur la table ; lorsque j'ai relevé la tête, M. [B] quittait le réfectoire en tenant son nez entre ses mains ; lorsqu'il est revenu dans le réfectoire en compagnie de M. [R], il présentait une petite griffe sur le côté du nez; il a alors expliqué que M. [W] venait de lui lancer un couvercle de gamelle en plastique sur le coin du nez et qu'il allait consulter son médecin traitant. Puis il est parti. M. [W] aurait expliqué à M. [V] que dans l'énervement il aurait tapé du poing sur la table et que le couvercle de sa gamelle aurait été projeté en l'air mais qu'en aucun cas ce dernier n'avait pu atteindre M. [B] au visage ».

Ces éléments et l'agressivité originelle de M. [B] se trouvent confortés par le témoignage de M. [W] également exprimé auprès de l'agent de la CPAM lequel se présente comme le supérieur hiérarchique de M. [B] et indique « Lorsque M. [B] s'est installé à côté de moi sur la table du réfectoire il a commencé à me reprocher d'avoir interrompu la discussion qu'il avait avec le patron. Je lui ai répondu qu'au lieu de me faire des reproches, il aurait plutôt dû me remercier de lui avoir fait chauffer sa gamelle. Il s'est alors énervé et le ton est monté. L'échange verbal houleux a bien duré 5 minutes et a fini en insultes. Puis dans l'énervement, j'ai fini par donner un coup sur le couvercle de ma gamelle qui dépassait du bord de la table pour l'envoyer en l'air avant de sortir du réfectoire pour aller chercher le patron. (') Depuis, nous avons tous les deux été mis à pied et licenciés ».

Il résulte, par suite, de ces déclarations que, nonobstant les agissements violents dont il a été victime de la part de M.[W], M. [F] [B] se trouve à l'origine de l'altercation avec ce dernier en ayant agressé verbalement son collègue et en l'ayant insulté.

Ces agissements sont constitutifs d'une faute du salarié, étant précisé que les deux protagonistes, tous deux licenciés à la suite des faits, avaient déjà eu un différend préalable courant janvier 2016, ce qui avait d'ailleurs été admis par M. [B] lors de l'audience devant la cour d'appel d'Amiens ayant conduit à la prise en charge de ses blessures au titre de la législation professionnelle (cf arrêt rendu par cette cour d'appel le 29 mai 2019), l'employeur faisant à cet égard état d'une « incompatibilité d'humeur entre les deux salariés ».

Le licenciement présente donc une cause réelle et sérieuse.

Néanmoins, au regard de l'ancienneté du salarié, de l'absence de sanction antérieure mais surtout de la responsabilité partagée de l'altercation qui a également donné lieu à la commission de violences à l'encontre de M. [B], ces agissements ne constituent pas une violation grave des obligations découlant du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, étant, en outre, précisé qu'il n'est pas démontré par Me [G] que cet incident a perturbé la marche de l'entreprise ou a conduit à une désorganisation avérée du service.

Ni la faute grave ni la mise à pied conservatoire ne se trouvent, ainsi, justifiées.

Le licenciement de M. [F] [B] présente donc une cause réelle et sérieuse mais ne caractérise pas une faute grave.

Le jugement entrepris est, par suite, infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières:

M. [F] [B] est fondé à obtenir le paiement des éléments suivants,sur la base d' une rémunération mensuelle brute moyenne de 1812,37 euros:

- le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire :

Le salarié a, en effet, été mis à pied à titre conservatoire à compter du 29 mars 2016, étant précisé que son arrêt de travail s'est trouvé limité à la période du 22 au 28 mars suivant et qu'aucune indemnisation au titre de son arrêt de travail ne s'est poursuivie au-delà.

Celui-ci doit, ainsi, obtenir le paiement des salaires qu'il aurait dûs percevoir s'il n'avait pas été mis à pied, soit la somme de 3204,24 euros, outre 320,42 euros au titre des congés payés y afférents.

- l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :

M. [B] doit également bénéficier du paiement du préavis de deux mois, conformément à la convention collective nationale applicable soit la somme de 3624,74 euros, outre 362,47 euros au titre des congés payés y afférents.

- l'indemnité de licenciement :

Au regard de l'ancienneté du salarié (pour être entré au service de l'entreprise en date du 21 avril 2011), des dispositions de la convention collective applicable prévoyant une indemnité de licenciement de 1,2 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 5 et 6 années, l'indemnité de licenciement est fixée à 2174,84 euros.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral distinct

M. [F] [B] dont le licenciement reste fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne justifie d'aucun préjudice moral distinct.

Il est, ainsi, débouté de sa demande formée à cet égard.

Sur la remise des documents de fin de contrat :

Compte tenu du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée ainsi que de l'indemnité compensatrice de préavis, il convient d'ordonner à Me [G], es qualité, de délivrer à M. [F] [B] les bulletins de salaire des mois de mars, avril et mai 2016 rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu'il soit , toutefois, nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur la garantie de l'AGS :

Il est constant que les sommes dues à M. [F] [B] sont nées antérieurement à la procédure collective et résultent de l'inexécution par la société de ses obligations contractuelles, il conviendra de ce fait constater qu'elles entrent dans le champs de la garantie de l'AGS.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unédic agissant sur délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 6] dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

Les dépens d'appel seront, en outre, mis à la charge de Me [G], es qualité, et pris en compte au titre des frais de la liquidation judiciaire.

Enfin, succombant en partie à l'instance, Me [G] et l'AGS CGEA de [Localité 6] sont déboutés de leurs demandes respectives d'indemnité procédurale en cause d'appel.

Concernant la demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles formée par M. [B] en page 24 du corps de ses conclusions, il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ainsi, la cour constate que le dispositif des conclusions de l'appelant ne formule aucune demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, la cour n'a pas à examiner la demande indemnitaire, telle que développée en page 24 desdites conclusions.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Valenciennes en date du 11 octobre 2018, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de congés payés au titre du rappel de salaire sur saisie des rémunérations, de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral distinct, en ce qu'il a dit le jugement opposable au CGEA de [Localité 6] dans la limite des dispositions légales et règlementaires, en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit que les dépens seront pris dans les frais de la liquidation judiciaire ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DIT que le licenciement de M. [F] [B] n'est pas constitutif d'une faute grave mais présente une cause réelle et sérieuse ;

FIXE la créance de M. [F] [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE de la façon suivante :

- 1853,20 euros nets au titre des salaires retenus dans le cadre des avis à tiers détenteur,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier distinct,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales obligatoires,

- 3204,24 euros à titre de rappel de salaire suite à mise à pied conservatoire,

- 320,42 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3624,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 362,47 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2174,84 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

ORDONNE à Me [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PROTUBE INDUSTRIE, de remettre à M. [F] [B] les bulletins de salaire des mois de mars, avril et mai 2016 rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat, tous ces documents devant être établis conformément au dispositif du présent arrêt ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

DIT que les dépens d'appel seront pris en compte au titre des frais de la liquidation judiciaire ;

DEBOUTE Me [G], es qualité, et l'AGS CGEA DE [Localité 6] de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 18/03454
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;18.03454 ?
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