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20/10/2022 | FRANCE | N°21/01761

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 octobre 2022, 21/01761


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20/10/2022





****





N° de MINUTE : 22/379

N° RG 21/01761 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ5R



Jugement (N° 19/00499) rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer







APPELANTS



Madame [U] [W]

née le 18 août 1983 à [Localité 23]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



[Localité 16]



Monsieur [H] [W]

né le 02 avril 1954 à [Localité 21]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 7]



Représentés par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/10/2022

****

N° de MINUTE : 22/379

N° RG 21/01761 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ5R

Jugement (N° 19/00499) rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTS

Madame [U] [W]

née le 18 août 1983 à [Localité 23]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 16]

Monsieur [H] [W]

né le 02 avril 1954 à [Localité 21]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentés par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistés de Me Antoine Deguines, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [K] [S]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 1er juin 2021 - article 659 du cpc

Monsieur [T] [V] exerçant sous l'enseigne auto ecole [Localité 25] 2000

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 7]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 1er juin 2021 à domicile

Madame [G] [I]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 1er juin 2021 - article 659 du cpc

Monsieur [A] [J]

de nationalité française

[Adresse 17]

[Localité 9]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 1er juin 2021 à domicile

Société Macif prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 14]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 21 mai 2021 à personne habilitée

Etablissement Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages pris en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 18]

Représenté par Me Séverine Surmont, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

SA MAAF Assurances prise en la personne de son représentant légal en exercice sis audit siège

[Adresse 24]

[Localité 15]

Représentée par Me Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

SA Assurances du Credit Mutuel Iard (ACMN IARD) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentée par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 30 juin 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022 après prorogation du délibéré en date du 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 12 mai 2016, Mme [U] [W] a fait assurer auprès de la compagnie Assurances crédit mutuel nord (les ACM) son véhicule BMW série 3 immatriculé [Immatriculation 20]. Mme [W] était désignée comme conductrice principale de ce véhicule.

Le 31 octobre 2017, M. [H] [W], son père, a provoqué un accident de la circulation, alors qu'il était sous l'empire d'un état alcoolique et non titulaire du permis de conduire. Celui-ci a percuté un premier véhicule appartenant à l'auto-école [Localité 25], assurée par la Macif dans lequel se trouvaient M. [T] [V], moniteur d'auto-école, et son élève M. [K] [S]. M. [W] a ensuite percuté un second véhicule conduit par M. [A] [J], assuré par la Maaf, lequel a percuté, par projection, le véhicule conduit par Mme [G] [I], assuré auprès de la Maif selon le procès-verbal de constat amiable établi.

Mme [W] a déclaré le sinistre à son assureur le 19 novembre 2017.

Par courrier recommandé du 8 février 2018, les ACM lui ont opposé un refus de garantie, invoquant la nullité du contrat d'assurance souscrit au motif que Mme [W] avait fourni une fausse déclaration intentionnelle en indiquant mensongèrement être la conductrice principale du véhicule. Ce même courrier l'a informé que son assureur avisait le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ainsi que les victimes.

Par actes du 27 et 28 novembre, du 5 et 11 décembre 2018 et du 31 janvier 2019, les ACM ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, Mme et M. [W], le FGAO, M. [S], M. [V], l'auto-école [Localité 25], la Macif, M. [J], la Maaf, Mme [I] et la Maif aux fins de voir prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [W].

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :

1. prononcé la nullité du contrat d'assurance automobile conclu entre Mme [W] et les ACM le 12 mai 2016 ;

2. dit que les primes payées demeurent acquises aux ACM et que Mme [W] est tenue au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts ;

3. dit que la nullité du contrat d'assurance est inopposable aux tiers victimes ;

4. mis hors de cause le FGAO ;

5. déclaré irrecevables les demandes de la Maaf formulées à l'encontre de la Macif en l'absence du principe du contradictoire ;

6. condamné les ACM à verser à la Maaf la somme de 5 647,53 euros au titre des sommes versées par celle-ci à M. [J] en réparation de son préjudice matériel ;

7. condamné les ACM à verser à la Maaf la somme de 395,76 euros au titre des sommes versées par celle-ci à M. [J] en réparation de son préjudice corporel ;

8. condamné in solidum Mme et M. [W] à garantir les ACM de ces condamnations ;

9. dit que la contribution à la dette entre Mme et M. [W] se fera à part égale ;

10. débouté Mme et M. [W] de leur demande indemnitaire formulée à l'encontre des ACM au titre de la procédure abusive ;

11. condamné Mme [W] à payer aux ACM la somme de 2 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

12. condamné les ACM à payer à la Maaf la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

13. condamné les ACM à payer au FGAO la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

14. débouté Mme et M. [W] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

15. condamné in solidum Mme et M. [W] aux dépens ;

16. dit que la contribution aux dépens se fera entre eux à part égale ;

17. autorisé le recouvrement direct des dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

18. ordonné l'exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 25 mars 2021, Mme et M. [W] ont interjeté appel de ce jugement en ses dispositions ci-dessus numérotées 1 à 4, 6 à 11, 14, 15, et 18.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 21 décembre 2021,

Mme et M. [W] demandent, au visa des articles L. 112-3, L.'113-2 et L.'113-8 du code des assurances, de réformer le jugement rendu le 19 janvier 2021 en ses chefs critiqués visés dans la déclaration d'appel, et statuant à nouveau, de :

- débouter les ACM de leur demande de nullité du contrat d'assurance souscrit

par Mme [W], objet du litige, et de toutes ses demandes, fins et

conclusions notamment en ce qu'il est soutenu qu'elle aurait commis une

fausse déclaration intentionnelle de mauvaise foi, et dire qu'elle devra sa

garantie ;

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au FGAO ;

- condamner les ACM à leur payer la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner les ACM à leur payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les ACM aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Ils soutiennent que :

- le 16 novembre 2017, les ACM ont adressé un courrier à Mme [W] pour lui indiquer qu'ils avaient été avisés d'un accident de la circulation dans lequel le véhicule assuré semblait impliqué. S'est ensuivi un appel téléphonique au cours duquel son assureur lui a expliqué que pour être indemnisée et surtout pour que les dégâts aux autres véhicules soient pris en charge, il était nécessaire de mettre en cause son père et qu'elle devait ainsi préciser qu'il était alcoolisé, sans permis de conduire et que, malgré cela, il se servait du véhicule occasionnellement ;

- c'est dans ces conditions qu'elle a adressé un courrier à son assureur le 19 novembre 2017 dans le prolongement de ce que son assureur venait de lui conseiller ;

- dans ce courrier, elle a indiqué que le véhicule lui appartenait mais avait été provisoirement remisé dans le parking de son père puisqu'elle avait trouvé du travail à [Localité 19] sans avoir l'utilité de son véhicule et que son père lui avait demandé, après l'acquisition du véhicule, de l'assurer en souscrivant elle-même le contrat, puisqu'il envisageait toutefois de se servir du véhicule occasionnellement malgré son défaut de permis ;

- par la suite, elle a compris avoir été trompée par son assureur et a établi une attestation sur l'honneur pour contester son courrier du 19 novembre 2017 ;

- elle a bien acheté une voiture en mai 2016 pour faciliter sa recherche d'emploi ; elle a trouvé un emploi à [Localité 19] mais, habitant dans un quartier sensible se situant à 5 minutes de son lieu de travail et ne disposant ni de parking ni de garage, elle a laissé le véhicule dans le parking de son père à [Localité 22] ; il n'était pas question que celui-ci puisse utiliser le véhicule et ne l'envisageait pas puisqu'elle n'ignorait pas que le permis de son père était annulé ; elle n'a ainsi commise aucune fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription ;

- l'assureur ne justifie pas avoir posé des questions lors de la souscription et ne produit pas les réponses qui y auraient été apportées ;

- la lettre qu'elle a établie le 19 novembre 2017 prouve sa bonne foi en même temps que sa naïveté ;

- si elle était animée d'une intention dolosive, elle n'aurait pas rédigé une telle déclaration de sinistre, donnant ainsi tous les moyens à son assureur de soulever la nullité de la police.

4.2Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2021,

la Maaf, partie intimée, demande à la cour, au visa des articles L.'113-2 et L. 113-8 du code des assurances et R. 421-5 du code des assurances, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et la directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983, de':

à titre principal,

=$gt; dire mal appelé et bien jugé le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer le 19 janvier 2021 en ce qu'il a :

- condamné les ACM à lui verser la somme de 5 647,53 euros au titre des sommes versées par celle-ci à M. [J] en réparation de son préjudice ;

- condamné les ACM à lui verser la somme de 395,76 euros au titre des sommes versées par celle-ci à M. [J] en réparation de son préjudice corporel ;

En conséquence,

* à titre principal,

- débouter les ACM de leur demande de nullité du contrat d'assurance automobile conclue entre Mme [W] et les ACM le 12 mai 2016 ;

* à titre subsidiaire,

- dire et juger que la nullité du contrat d'assurance est inopposable aux tierces victimes ;

En conséquence,

- condamner les ACM à lui verser la somme de 5 647,53 euros qu'elle a dû engager en réparation du préjudice matériel subi par son assuré, M. [J] ;

- condamner les ACM à lui verser la somme de 395,76 euros qu'elle a dû engager en réparation du préjudice corporel subi par son assuré, M. [J] ;

En tout état de cause,

- condamner les ACM à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les ACM, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Vincent Troin.

Elle soutient que :

- l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur dans le formulaire de déclaration du risque lors de la conclusion du contrat ; l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées à ces questions ; l'assuré n'a pas à compenser l'absence d'une question qui aurait pu amener l'assureur à connaître une information déterminante pour lui ; les questions posées par le questionnaire doivent être claires et précises ;

- en l'espèce, aucun formulaire de déclaration de risque n'est produit ; il est donc impossible pour les ACM de se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration de leur assurée ;

- Mme [W] a toujours été de bonne foi ; elle n'aurait pas rédigé le courrier du 19 novembre 2017 si elle était de mauvaise foi ;

- il n'est pas démontré de fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription ;

- Mme [W] ne résidait pas à [Localité 19] lors de la souscription du contrat et pouvait légitimement être la conductrice principale du véhicule assuré ;

- les ACM n'ont pas respecté l'ensemble des conditions posées par l'article R. 421-5 du code des assurances en n'avisant pas l'assureur de Mme [I], l'AMF ;

- en effet, l'assureur de Mme [I] n'est pas la Maif ;

- la nullité du contrat d'assurance est inopposable aux tiers en application de l'article L. 211-7-1 du code des assurances ;

- elle est bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 5 647,53 euros qu'elle a été contrainte d'exposer en réparation du préjudice matériel de son assuré, M. [J] ;

- de même s'agissant de la somme de 395,76 euros au titre du préjudice corporel de son assuré.

4.3Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2021,

le FGAO, partie intimée, demande à la cour, au visa des articles L.'113-2, L. 113-8, L. 211-7-1 et L. 421-1 du code des assurances, de':

=$gt; confirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a mis hors de cause ;

- condamner les ACM à prendre en charge l'indemnisation des victimes directes et à lui régler la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- lui donner acte de son intervention et des observations présentées en son nom

- compte tenu du caractère subsidiaire de ses obligations en application des articles L. 421-1 et suivants du code des assurances :

- constater l'implication de plusieurs véhicules régulièrement assurés dans l'accident survenu le 31 octobre 2017 ;

- débouter les ACM de leur demande de nullité du contrat d'assurance ;

Subsidiairement,

- juger que la nullité du contrat d'assurance lui est inopposable ainsi qu'aux tiers victimes avec toutes les conséquences de droit ;

- le mettre en conséquence hors de cause ;

- débouter toutes les parties de leurs demandes contraires aux présentes ;

- condamner les ACM ou tout succombant à lui payer une indemnité procédure de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance et d'appel.

Il fait valoir que :

- les véhicules impliqués étant assurés, il n'a pas à intervenir au regard du caractère subsidiaire de ses obligations ;

- les ACM n'ont pas produit le formulaire de déclaration de risque, de sorte qu'il n'est pas établi qu'ils ont réellement posé à la souscriptrice les questions nécessaires et indispensables relatives à la conduite habituelle du véhicule ;

- les ACM ne rapportent donc pas la preuve d'une fausse déclaration intentionnelle et de la mauvaise foi de leur assurée au moment de la signature du contrat ;

- la nullité de la police d'assurance est en tout état de cause inopposable aux tiers victimes.

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller chargé de la mise en état a notamment déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 29 septembre 2021 par les ACM.

Les autres parties intimées, auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle :

L'article L.'113-2 du code des assurances dispose que «l'assuré est obligé : (')' 2° de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la' conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge (') ».

L'article L.'113-8 du même code dispose qu'indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L.'132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. (...)".

Aux termes des articles L.'112-3, alinéa 4, L.'113-8 et L.'113-9 du code des assurances, l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration, qu'elle soit intentionnelle ou non, de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.

L'article L.'113-2 du code des assurances n'impose toutefois pas l'établissement d'un questionnaire préalable écrit. En outre, le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle, les déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat.

Le caractère mensonger de la déclaration par l'assuré s'apprécie au jour de la signature du questionnaire.

La bonne foi du souscripteur de l'assurance étant présumée, il appartient par conséquent à l'assureur qui invoque une fausse déclaration intentionnelle pour solliciter la nullité du contrat d'assurance d'apporter non seulement la preuve contraire de l'inexactitude de la déclaration litigieuse et de l'intention de tromper, mais aussi d'établir l'influence de la fausse déclaration sur son appréciation des risques.

Sur ce,

Le jugement querellé a prononcé la nullité du contrat d'assurance au motif que :

- les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit indiquent que Mme [W] a déclaré être la conductrice principale du véhicule, «'ce manifestement sur interrogation de l'assureur au regard du risque assuré'» selon les termes du jugement ;

- par courrier du 11 novembre 2017, Mme [W] a indiqué : «'mon père m'a demandé, à l'acquisition du véhicule si cela ne me dérangeait pas de mettre l'assurance et le véhicule à mon nom'» et avait ainsi, selon les premiers juges, explicitement reconnu que son père avait été, dès l'acquisition du véhicule et donc lors de la souscription de la police, le conducteur principal du véhicule ;

- l'assurée ne produit aucun élément de nature à établir que son courrier du 11 (sic) novembre 2017 ait pu être insincère alors que le fait que son père ne soit pas titulaire du permis de conduire rend particulièrement vraisemblable l'hypothèse d'une fausse déclaration.

En raison de l'irrecevabilité des conclusions des ACM, les pièces communiquées par ces dernières à l'appui de leurs prétentions sont elles-mêmes irrecevables.

Il en résulte que ne sont pas produits devant la cour :

- le formulaire de déclaration de risque dans lequel figureraient les questions de l'assureur et les réponses de l'assurée ou tout autre document permettant d'en déterminer l'existence et le contenu ;

- les conditions particulières du contrat ;

- le courrier de déclaration de sinistre du 19 novembre 2017.

Pour sa part, Mme [W] verse aux débats une attestation sur l'honneur qu'elle a établie le 3 avril 2019 dans laquelle elle indique avoir acheté la voiture au mois de mai 2016 pour faciliter sa recherche d'emploi puis avoir laissé la voiture dans le garage de son père à [Localité 22], ayant trouvé du travail à [Localité 19] et habitant dans un quartier sensible, sans parking ni garage. Elle indique également avoir bien rédigé la lettre du 19 novembre 2017 à la suite d'un échange téléphonique avec son assureur. Elle explique dans cette attestation, avec du «'recul'» considérer que cet échange téléphonique était en réalité une «'pression'» exercée par son assureur et qu'elle avait ainsi rédigé la lettre du 19 novembre 2017 en suivant les conditions exposées par son assureur lors de cet échange téléphonique. Elle indique toutefois dans cette attestation contester formellement avoir commis une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription.

Ces seules pièces ne permettent pas de déterminer l'existence d'une question posée par les ACM sur l'identité du conducteur principal du véhicule et d'une réponse mensongère de Mme [W] lors de la souscription du contrat.

Au surplus, si la réalité et les termes de l'échange téléphonique entre Mme [W] et son assureur le 16 novembre 2017 ne sont pas rapportés, la cour considère qu'il n'est pas établi qu'à la date de la souscription, le père de M. [W] était en réalité le conducteur principal du véhicule ou que son permis de conduire avait été suspendu à cette date. Ainsi, il n'est pas établi que Mme [W] ait réalisé une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription du contrat d'assurance faute d'élément corroborant l'hypothétique aveu retenu par les premiers juges.

Le jugement querellé sera dès lors infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat, a dit que les primes payées demeurent acquises aux ACM et que Mme [W] est tenue au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts et a condamné Mme et M. [W] à garantir les ACM des condamnations prononcées à l'encontre de ces dernières.

Par conséquent, la mise hors de cause du FGAO sera confirmée, dont les obligations ne sont que subsidiaires à celle des ACM.

Sur la demande au titre de la résistance abusive :

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

L'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste sa garantie en opposant des moyens sérieux, même si ses prétentions sont rejetées.

En l'espèce, Mme et M. [W] ne rapportent pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant des ACM.

En conséquence, ils seront déboutés de leur demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de la présente instance

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

- et d'autre part, à condamner les ACM, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Vincent Troin conformément à l'article 699 du code de procédure civile, à payer à Mme et M. [W] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel et la somme de 2 000 euros respectivement au FGAO et à la Maaf au titre de la procédure d'appel.

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt opposable au FGAO, alors que ce dernier est partie à l'instance et que sa mise hors de cause a été confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer sauf en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat d'assurance automobile conclu entre Mme [U] [W] et la compagnie Assurances crédit mutuel nord le 12 mai 2016 ;

- dit que les primes payées demeurent acquises à la compagnie Assurances crédit mutuel nord et que Mme [U] [W] est tenue au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts ;

- dit que la nullité du contrat est inoposable aux tiers victime ;

- condamné in solidum Mme [U] [W] et M. [H] [W] à garantir la compagnie Assurances crédit mutuel nord des condamnations prononcées à son encontre en réparation du préjudice matériel et corporel de M. [A] [J] ;

- dit que la contribution à la dette entre Mme [U] [W] et M. [H] [W] se fera à part égale ;

- condamné Mme [U] [W] à payer à la compagnie Assurances crédit mutuel nord la somme de 2 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [U] [W] et M. [H] [W] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [U] [W] et M. [H] [W] aux dépens ;

- dit que la contribution aux dépens se fera entre eux à part égale,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute les Assurances crédit mutuel Nord de leur demande de nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [U] [W] ;

Dit que les Assurances crédit mutuel Nord doivent garantir le sinistre survenu le 31 octobre 2017 ;

Déboute les ACM de leur demande de condamnation in solidum de Mme [U] [W] et M. [H] [W] à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Maaf ;

Déboute Mme [U] [W] et M. [H] [W] de leur demande de dommages-intérêts au titre d'une résistance abusive ;

Condamne la compagnie Assurances crédit mutuel nord aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Vincent Troin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la compagnie Assurances crédit mutuel nord à payer à Mme [U] [W] et M. [H] [W] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne la compagnie Assurances crédit mutuel nord à payer respectivement à la SA Maaf assurances et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le President

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01761
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;21.01761 ?
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