La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°21/01426

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 octobre 2022, 21/01426


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/10/2022



N° de MINUTE : 22/389

N° RG 21/01426 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP7V

Jugement (N° 19/00353) rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Omer



APPELANTE



Madame [S] [U]

née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 15]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 9]



Représentée par Me Marie Hélène Laurent avocat au barreau

de Douai, avocat constitué, assistée par Me Marie Prevost, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat plaidant,



INTIMÉS



Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat

[Adresse 7]

di...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/10/2022

N° de MINUTE : 22/389

N° RG 21/01426 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP7V

Jugement (N° 19/00353) rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Omer

APPELANTE

Madame [S] [U]

née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 15]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée par Me Marie Prevost, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat plaidant,

INTIMÉS

Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat

[Adresse 7]

direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

[Localité 12]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 31 mai 2021 à domicile

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Cote d'Opale prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 mai 2021 à personne habilitée

SA Generali Iard prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté par Me Vincent Boizard, avocat au barreau de Paris avocat plaidant, substitué par Me Benoit Menuel, avocat au barreau de Paris

Mutuelle Identites Mutuelle prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 11]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 31 mai 2021 à personne habilitée

Uni Prévoyance Institution prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 31 mai 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 22 juin 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022, après prorogation du délibéré en date du 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE

1. les faits et la procédure antérieure :

Le 1 mars 1999, Mme [S] [U], née le [Date naissance 5] 1964, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la SA Generali Iard.

Elle est désormais affilié auprès de la caisse primaire d'assurance-maladie et bénéficie d'un contrat souscrit auprès de Identités mutuelle (la mutuelle).

Elle a été indemnisée de ses préjudices selon jugement rendu le 27 juin 2002 par le tribunal de grande instance de Saint-Omer.

Les aggravations successives de son état ont donné lieu à des transactions conclues avec Generali, selon procès-verbaux des 5 octobre 2006 et 27 décembre 2007.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une nouvelle expertise sur aggravation de l'état de la victime. L'expert [N] a déposé son rapport le 11 décembre 2017 : il fixe l'aggravation à compter du 12 mai 2009 et une nouvelle consolidation à compter du 7 avril 2017.

Par actes des 28 février 2019 et 2 avril 2019, Mme [U] a fait assigner Generali, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Côte d'opale, la société Identités mutuelle, l'institution Uniprévoyance et l'agent judiciaire de l'État devant le tribunal de grande instance de Saint-Omer aux fins d'indemnisation de cette nouvelle aggravation.

2. le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 22 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Omer a :

1- mis hors de cause l'Agent Judiciaire de l'Etat ;

2- dit que Mme [U] présente une aggravation de son état de santé à la date du 12 mai 2009, en lien avec l'accident de la voie publique du 05 janvier 1999 ;

3- fixé le préjudice corporel global de Mme [U] à la somme de 46 915,42 euros et jugé que l'intégralité de cette somme revient à la victime ;

4- condamné, en conséquence, Generali à payer à Mme [U] la somme de 46 915,42 euros ;

5- dit que le montant de cette indemnité produira intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 11 mai 2018 et jusqu'au 31 octobre 2018 ;

6- débouté l'institution Uniprévoyance de l'ensemble de ses demandes ;

7- condamné Generali à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

8- condamné Generali aux entiers dépens ;

9- ordonné l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement à hauteur des deux tiers des sommes allouées à la victime ;

10- déclaré le présent jugement commun à la caisse primaire d'assurance-

maladie ;

11- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

3. la déclaration d'appel :

Par déclaration du 8 mars 2021, Mme [U] a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 3 à 6, et 11 ci-dessus.

4. les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2021, Mme [U], appelante principale, demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué en ses dispositions visées par la déclaration d'appel et en ce qu'il a fixé l'aggravation de son état à compter du 12 mai 2009, et, statuant à nouveau de :

=$gt; à titre principal :

- dire son action recevable et bien fondée ;

- dire que l'aggravation de son état de santé à la date du 19 mai 2008 est en lien avec l'accident de la voie publique du 5 janvier 1999 ;

en conséquence, condamner Generali à l'indemniser de son entier préjudice en lien avec l'aggravation du 19 mai 2008 ;

- fixer les créances des tiers-payeurs à la somme de «'mémoire'» ;

- condamner Generali à lui payer la somme de 475 594,03 euros se décomposant comme suit :

=$gt; à titre subsidiaire et avant-dire droit :

- ordonner une expertise médicale de Madame [U] avec mission de déterminer si le passage du temps partiel de 80 à 50% est en lien direct ou non avec l'aggravation de son état de santé ;

=$gt; en tout état de cause,

- condamner Generali à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Generali aux entiers dépens de l'instance ;

- dire que ces sommes produiront intérêts au double de l'intérêt légal à compter du 28 mai 2018 ; et que lesdits intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter de la demande initiale puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date conformément au nouvel article 1343-2 du Code civil ;

- dire le jugement à intervenir exécutoire par provision en application de l'article 515 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Mme [U] fait valoir que :

- au-delà des aggravations déjà indemnisées résultant d'unr ténotomie des extenseurs du premier orteil, puis d'une arthroscopie thérapeutique, elle souffre désormais d'une aggravation de la gonarthrose droite et présente une

coxarthrose ; si l'expert a retenu une telle aggravation à compter du 12 mai 2009, elle date pourtant du 19 mai 2008, date de l'ordonnance ayant prescrit trois injections d'acide hyaluronique.

Elle conteste ne pas avoir fait appel de la disposition numéro 2 du dispositif, dont le caractère définitif n'est pas acquis, dès lors que : (i) elle a remis en cause l'évaluation globale fixée par le jugement ; (ii) ses premières conclusions d'appelante comportent une telle demande contestant la date d'aggravation fixée par le jugement ;

- la liquidation de ses préjudices par le premier juge ne constitue pas une réparation intégrale de ses préjudices, dont elle demande la réévaluation ;

- l'assureur devait lui adresser une offre dans le délai de 5 mois à compter de l'accident, soit avant le 11 mai 2018 : l'offre ayant été adressée le 31 octobre 2018, elle est tardive, de sorte que le doublement des intérêts au taux légal doit être prononcé à compter du 11 mai 2018 ;

Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 avril 2022, Generali, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

=$gt; confirmer le jugement, notamment en ce qu'il a alloué à Mme [U] :

. au titre des dépenses de santé actuelles : 66,28 euros

. au titre des frais divers avant consolidation : néant

. au titre des pertes de gains professionnels actuels : néant

. au titre du déficit fonctionnel permanent : 10 850 euros

=$gt; l'infirmer s'agissant de l'indemnisation allouée au titre des autres postes de préjudice, et statuant à nouveau, allouer à Mme [U] les sommes suivantes :

. dépenses de santé futures : 1 665 euros, sous réserve toutefois de la transmission des créances de la CPAM et de la Mutuelle santé de Mme [U] :

. frais divers après consolidation : 859,22 euros

. frais de logement adapté : 2 932 euros

. pertes de gains professionnels futurs et de droits à la retraite : 80,11 euros

. incidence professionnelle : néant

. déficit fonctionnel temporaire : 3 175 euros

. souffrances endurées : 2 500 euros ;

- débouter Mme [U] du surplus de ses demandes ;

- débouter Uniprévoyance de l'intégralité de ses demandes ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de ses prétentions, Generali fait valoir que :

- elle ne conteste pas le principe d'une nouvelle aggravation de l'état de santé de Mme [U] ;

- le barème utilisé est contesté ;

- la date de l'aggravation est fixée au 12 mai 2009, en accord avec les deux médecins-conseils de la victime ; les infiltrations d'acide hyaluronique ne caractérisent pas une rechute dès cette date, alors que les visco supplémentations réalisées depuis 2006 sont imputables à l'aggravation de 2006, consolidée le 6 mars 2007 et déjà indemnisée ; cette date est en outre définitive, dès lors que Mme [U] n'a pas formé appel de ce chef du jugement ;

- elle conteste la liquidation du préjudice sollicitée par Mme [U] au titre de l'aggravation.

- le rejet des prétentions de Uni prévoyance doit être confirmé.

La caisse primaire d'assurance-maladie, l'agent judiciaire de l'État, L'identités mutuelle, et la société Uni prévoyance institution, auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été signifiées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1.Sur la date d'aggravation :

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En l'espèce, la déclaration d'appel formé par Mme [U] ne vise pas, parmi les chefs du jugement qu'elle critique expressément, la disposition par laquelle le premier juge a «'dit que Mme [U] présente une aggravation de son état de santé à la date du 12 mai 2009, en lien avec l'accident de la voie publique du 05 janvier 1999'».

Elle ne justifie par ailleurs pas d'une régularisation d'un tel vice par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Au-delà des chefs expressément critiqués dans la déclaration d'appel, l'appel défère également à la cour d'appel les chefs de jugement qui en dépendent, lesquels s'entendent de ceux qui sont la conséquence des chefs expressément critiqués. Il appartient à la cour de rechercher l'existence d'un lien de dépendance entre les chefs de jugement pour déterminer si le chef critiqué dépend d'un chef dévolu. Et si tel n'est pas le cas, la cour d'appel doit constater l'absence d'effet dévolutif, sans pouvoir prononcer l'irrecevabilité de la demande.

À cet égard, si la liquidation des préjudices est la conséquence de la détermination de la période à compter de laquelle le droit à indemnisation est reconnue, la réciproque n'est pas vraie. Dès lors, il n'existe pas un tel lien de dépendance entre la disposition ayant fixé la date d'aggravation et la liquidation des préjudices.

Enfin, la circonstance que les premières conclusions d'appelant comportent la critique du chef non visé dans l'acte d'appel du 8 mars 2021 ne permet pas de régulariser une telle absence d'effet dévolutif, qui ne résulte que des mentions figurant dans la déclaration d'appel.

L'effet dévolutif de l'appel ne portant pas sur ce chef du jugement, la date d'aggravation de l'état de Mme [U] est par conséquent définitivement fixée au 12 mai 2009.

2. Sur l'indemnisation des préjudices corporels

L'article 22 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dispose que la victime peut, dans le délai prévu par l'article 2226 du code civil, demander la réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subie à l'assureur qui a versé l'indemnité.

D'une façon générale, l'autorité de chose jugée attachée à une décision ayant antérieurement alloué une indemnisation ne s'oppose pas à la présentation ultérieure d'une nouvelle demande indemnitaire fondée sur l'aggravation de l'état de santé de la victime, dès lors que cette demande tend à la réparation de préjudices complémentaires ou nouveaux nés de cette aggravation. Une telle indemnisation complémentaire implique que la victime établisse non seulement qu'existe une aggravation de ses préjudices antérieurs, mais également que cette aggravation a été causée par le fait générateur initial. Il incombe enfin à la victime d'établir l'aggravation de son préjudice, indépendamment de l'évolution prévisible de son état ayant déjà donné lieu à indemnisation.

En l'espèce, l'expert [N] a notamment conclu, concernant la nouvelle aggravation du préjudice de Mme [S] [U], à':

. une aggravation de l'état de la victime, qui résulte à la fois d'une aggravation de la gonarthrose droite, qui retentit sur la mobilité du genou dont la flexion est maintenant limitée et entraîne une gène dans la vie courante et d'une coxarthrose droite qui est désormais symptomatique ; cette aggravation date du 12 mai 2009 ;

un déficit fonctionnel partiel de 35 % du 12 mai 2009 au 7 avril 2017, soit 2888 jours ;

. une consolidation fixée à la date du 7 avril 2017';

. un déficit fonctionnel permanent de 35 %, les séquelles antérieures à l'aggravation ayant été fixées à 30 % ;

. des souffrances endurées à hauteur de 2/7';

. une incidence professionnelle : Mme [U] est reconnue travailleur handicapé depuis l'accident initial. Elle ne peut travailler au même poste que de façon partielle et aménagée ;

. une absence de nécessité d'une assistance tierce personne ;

. un aménagement du domicile : l'accessibilité de la douche doit être revue ;

. des dépenses futures de santé :

o renouvellement des semelles orthopédiques tous les ans ; o renouvellement du traitement par visco-supplémentation de la gonarthrose tous les ans pour une durée de 10 ans ;

o une cure thermale par an tant que le traitement reste non chirurgical.

La cour observe que Mme [U] sollicite notamment l'indemnisation de postes de préjudice qui sont soumis à recours par des tiers-payeurs (incidence professionnelle, dépenses de santé actuelles, frais divers, pertes de gains professionnels futurs, dépenses de santé futures).

Les règles concernant les modalités d'imputation du recours des tiers payeurs sont d'ordre public et doivent être appliquées même en l'absence de prétention du tiers payeur relative à l'assiette du recours.

En l'absence de production par Mme [U] ou par la caisse primaire d'assurance-maladie du relevé intégral des débours exposés à compter du 12 mai 2009, la cour n'est pas en mesure de garantir le principe d'indemnisation intégrale sans perte ni profit de la victime, au regard des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. Il convient par conséquent :

- d'ordonner à Mme [U] de solliciter de la caisse primaire d'assurance-maladie le relevé intégral de ses débours à compter du 12 mai 2009 et jusqu'à la date la plus proche du présent arrêt ; sur ce point, alors qu'il appartient à la cour d'imputer les prestations servies sur les différents postes de préjudice invoqués, l'identification des prestations est indispensable. Il en résulte que la liste des prestations fournies par la caisse primaire d'assurance-maladie ne permet pas une telle imputation au regard du caractère inintelligible des codages adoptés par ce tiers-payeur

(pièce 60) ;

- d'ordonner à Mme [U] de produire un relevé intégral des prestations que sa mutuelle lui a servies depuis le 12 mai 2009 et faisant apparaître la nature des dépenses prises en charge ;

- de statuer exclusivement sur les postes de préjudice non soumis à recours dans les conditions visées ci-dessous et sur ceux soumis à recours dont le principe n'est pas reconnu ;

- de surseoir à l'inverse à statuer sur les postes de préjudice soumis à recours dont l'existence est admise dans son principe par la cour, dans l'attente du dépôt de ces justificatifs sur les prestations versées par la caisse primaire d'assurance-maladie et par la mutuelle et de sa discussion contradictoire par les parties, lesquelles produiront une note en délibéré sur l'imputation des débours dans les conditions visées au dispositif du présent arrêt.

Pour procéder à l'évaluation des préjudices susceptibles de capitalisation, la cour retiendra la table de capitalisation éditée en 2020 par la Gazette du palais qui repose sur une table de mortalité définitive publiée par l'INSEE 2014-2016 France entière, et un taux d'intérêt fixé à 0,3%, cette table étant établie à partir de données démographiques récemment publiées par l'INSEE et prenant en compte des données économiques actualisées et objectives concernant le rendement des placements et l'inflation qui affecte ce rendement.

2.1.Sur les préjudices corporels patrimoniaux :

2.1.1.Sur les préjudices corporels patrimoniaux temporaires

2.1.1.1.Sur les dépenses de santé actuelles :

=$gt; Au titre de semelles orthopédiques :

Les parties s'accordent sur la somme de 66,28 euros, qui correspond au solde resté à charge de Mme [U] au titre de l'équipement de semelles orthopédiques que nécessite l'aggravation subie, après déduction des sommes versées par la caisse primaire d'assurance-maladie et par la mutuelle.

Le jugement critiqué est confirmé de ce chef.

=$gt; Au titre de cures thermales : Mme [U] indique ne supporter aucune dépense médicale résiduelle après prise en charge par les tiers payeurs ; sa demande porte exclusivement sur l'hébergement à cette occasion ;

=$gt; Au titre de produits permettant des viscosupplémentations : un tel traitement préexistait à l'aggravation survenue le 12 mai 2009, dès lors qu'il a débuté en 2007.

Il a fait l'objet d'une prise en charge par Generali jusqu'en 2011.

En revanche, une telle prise en charge par Generali du coût des infiltrations prescrites en mai 2008, octobre 2009 et février 2011 implique que ces dépenses relèvent de la garantie de l'assureur au titre des séquelles antérieures à l'aggravation de mai 2009 et ne sont par conséquent pas imputables à cette dernière.

Sur la période postérieure à l'aggravation de mai 2009, si l'expert s'interroge sur l'existence de rechutes et sur un lien éventuel avec des infiltrations dans le genou, notamment à partir de documents émanant de la caisse primaire d'assurance-maladie et datant de 2012 et 2013, une telle mention n'établit pas la réalité de telles dépenses ayant entraîné une prise en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Sur la période antérieure à la consolidation et jusqu'au présent arrêt, Mme [U] justifie exclusivement une prescription du médicament Arthrum visc 75 en janvier 2018 (pièce 24), et non 7. Pour autant, une telle dépense de santé implique que Mme [U] justifie des prestations qu'elle a pu percevoir à ce titre par les tiers payeurs.

Il sera par conséquent sursis à statuer sur ce point jusqu'à la justification des prestations servies tant par la caisse primaire d'assurance-maladie que par la mutuelle.

2.1.1.2.Sur les frais divers avant consolidation

* au titre d'un transport et d'une location pour réaliser des cures thermales :

La caisse primaire d'assurance-maladie indique avoir pris en charge entre 2013 et 2017 des cures thermales au titre d'un accident du travail (pièce 21).

Mme [U] produit une attestation émanant de la propriétaire de la «'maison Occitanie'», qui indique qu'elle a loué chaque année pour trois semaines un studio pendant une période de cure thermale à [Localité 14], entre 2011 et 2019, moyennant un coût de 400 euros.

Si elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, cette attestation est toutefois corroborée par un exemplaire de location, pour la période de mai à juin 2019 (pièce 23), et par des relevés de la caisse primaire d'assurance-maladie visant un hébergement d'un montant de 426,80 euros, 417,60 euros ou 422 euros (pièces 22, 54, 55). En outre, Generali produit elle-même une quittance de loyer datant du 8 août 2015 pour un montant de 400 euros hors charges (sa pièce 8).

En revanche, il ressort de ce même relevé de débours établi par la caisse primaire d'assurance-maladie que Mme [U] a bénéficié d'une prise en charge en juillet 2017 d'un «'trans. cure thermale'» et d'un «'forfait héberg. Cure'» (pour 150,01 euros) et que cette prise en charge a été communiquée à son organisme complémentaire Micom. Dans ses propres conclusions (page 15), Mme [U] indique elle-même qu'une partie des frais exposés à ce titre est prise en charge par sa mutuelle. Le relevé des prestations versées par sa mutuelle (sa pièce 61) fait à cet égard apparaître des prises en charge de tels dépenses : ainsi, elle a bénéficié les 19 et 23 octobre 2021 de versements à ce titre : 65,22 euros pour un forfait thermal ; 342 euros pour un forfait cure ; 24 euros pour une surveillance thermale.

Il en résulte qu'à défaut de disposer du relevé intégral des prestations versées tant par la caisse primaire d'assurance-maladie que par la mutuelle sur la période à compter de mai 2009, la cour doit surseoir à statuer sur une telle demande jusqu'à la production des justificatifs nécessaires à la liquidation de ce poste. En particulier, alors qu'elle indique exposer désormais une dépense d'hébergement de 900 euros, la référence à un remboursement correspondant à une dépense de 426,80 euros ne permet pas de déterminer le montant restant exactement à sa charge.

Enfin, Generali a elle-même admis que ces frais d'hébergement et de transport pour suivre des cures thermales relevaient de son obligation d'indemnisation de la victime telle qu'elle résulte nécessairement de la liquidation antérieure à l'aggravation de mai 2009, dès lors qu'elle a procédé à une série de remboursement (sa pièce 8) que Mme [U] ne prend toutefois pas en compte pour les déduire de sa demande au titre de ces frais divers. À cet égard, il n'appartient pas à la cour de collecter des informations éparses au gré des pièces que les parties consentent à produire : à l'inverse, il leur incombe d'établir de façon claire et exhaustive leurs demandes et leurs justificatifs. Mme [U] ayant la charge d'établir la preuve de sa créance, il lui appartient ainsi de fournir dans un premier temps la justification de l'ensemble des sommes d'ores et déjà versées à ce titre par Generali depuis mai 2009, quitte à permettre à cet assureur de contester dans un second temps ce décompte.

Il convient par conséquent de surseoir à statuer de ce chef.

2.1.1.3.Sur les pertes de gains professionnels actuels

Mme [U], enseignante dans un lycée professionnel, fait valoir que l'aggravation de son état ne lui permet plus de travailler à temps complet, et qu'elle a bénéficié à ce titre d'une autorisation de travail à temps partiel par le rectorat depuis le 1er septembre 2009 (à 80 %).

Indépendamment du bien-fondé de sa demande, la cour observe à titre liminaire qu'elle a d'ores et déjà été indemnisée par la caisse primaire d'assurance-maladie par des versements d'indemnités journalières et par la mutuelle au titre d'une garantie «'incapacité de travail'» sur la période ouverte à compter de mai 2009. Si elle prétend que la mutuelle a été instituée par la souscription d'un contrat collectif par le lycée à compter de l'année 2016, elle n'en justifie pas, de sorte que le caractère exhaustif de l'attestation établie le 1er juin 2018 par la mutuelle n'est pas établi avec certitude. Alors qu'elle invoque des pertes de gains professionnels actuels jusqu'au 7 avril 2017, elle fournit un relevé de débours sur la période du 1er janvier 2010 au 1er février 2017, sans couvrir par conséquent l'intégralité de la période antérieure à sa consolidation.

Pour autant, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer de ce chef en considération d'une telle carence imputable à Mme [U], dès lors que la cour relève par ailleurs que l'expert [N] a rappelé que cette dernière est travailleur handicapé depuis l'accident de 1999 et ne peut travailler que de façon partielle (80 %) et aménagée, excluant ainsi un lien entre son rythme de travail et l'aggravation intervenue à compter de mai 2009.

Si ce statut de travailleur handicapé a autorisé Mme [U] à bénéficier d'un régime de travail à temps partiel à hauteur de 14,50 heures hebdomadaires à compter du 1er septembre 2009 (pièce 29), une telle décision est toutefois intervenue selon arrêté du 11 février 2009, de sorte qu'elle est en réalité imputable à une situation antérieure à l'aggravation survenue en mai 2009. Les pertes alléguées ne sont ainsi pas causées par cette nouvelle aggravation.

De même, le certificat établi le 15 juin 2010 par le docteur [L] (pièce 31), médecin de prévention au sein du ministère de l'éducation nationale, se limite à indiquer une incompatibilité entre un régime de temps plein et l'état de santé de Mme [U], sans établir un lien quelconque avec une quelconque aggravation. Si son certificat du 14 juin 2011 recommande que son emploi du temps soit regroupé sur 3 jours pour lui éviter du temps de route et des allers-retours supplémentaires et que son enseignement se déroule au maximum dans un même bâtiment, ces indications reflètent exclusivement un aménagement de son temps de travail, alors qu'elles ne se réfèrent à aucune circonstance spécifique résultant d'une aggravation de l'état de santé de Mme [U] depuis mai 2009.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels actuels.

2.1.2.Sur les préjudices corporels patrimoniaux permanents

2.1.2.1.Sur les dépenses de santé futures

Les dépenses de santé futures correspondent aux frais médicaux et pharmaceutiques (non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation, mais également les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

En l'espèce, l'aggravation de la gonarthrose justifie, selon l'expert, un traitement par viscosupplémentation chaque année jusqu'à la nécessité de procéder à la pose d'une prothèse de genou.

L'aggravation motive en outre le renouvellement des semelles orthopédiques tous les ans, étant précisé que M. [U] indique que les frais de sa cure thermale par an sont intégralement couverts par les prestations servies par sa mutuelle et par la caisse primaire d'assurance-maladie.

S'agissant de l'indemnisation de préjudices récurrents, il convient de procéder à la capitalisation de ces frais futurs, en déterminant leur coût et la périodicité de leur renouvellement, après avoir eu communication des décomptes des prestations que les organismes de sécurité sociale ou, le cas échéant, la mutuelle de la victime envisage de servir à cette dernière.

Pour déterminer le préjudice réellement resté à charge de Mme [U] à compter du 7 avril 2017, il lui appartient par conséquent de produire les relevés des prestations servies par les tiers-payeurs.

Il convient par conséquent de surseoir à statuer sur ce poste jusqu'à la production de ces justificatifs.

2.1.2.2.Sur les frais de logement adapté

Les frais de logement adapté concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap ; l'indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l'expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement'; il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice en fonction des besoins de la victime même si elle ne produit pas de factures mais uniquement des devis.

En l'espèce, Mme [U] produit une facture d'un montant de 7 064,20 euros (pièce 45). Pour autant, alors que l'expert indique exclusivement qu'au titre de la nouvelle aggravation, «'l'accessibilité de la douche doit être revue'», cette facture comporte toutefois des prestations qui sont étrangères à un tel aménagement en relation causale avec cette aggravation. Elle ne justifie pas en outre la nécessité de procéder à de telles acquisitions pour renouveler le mobilier de la salle de bains, qui résulterait de contraintes matérielles liées à l'adaptation de la douche dans cet espace.

Il en résulte que seule la somme de 2 932 euros correspondant à la fourniture et à la pose d'un combiné douche baignoire correspond à une telle adaptation du logement médicalement justifiée par l'aggravation, contrairement à la fourniture et pose d'un meuble vasque, d'un ensemble WC et d'un radiateur sèche serviettes.

Par ailleurs, une part importante de la main d'oeuvre relève d'une telle pose de ce combiné douche baignoire (évaluée pour l'ensemble à 2 349 euros), alors que les frais de distribution d'eau chaude et froide sur l'ensemble des appareils et de vidange (pour un total de 220 euros) concernent également pour partie une telle installation.

Dans ces conditions, la réparation intégrale de ce poste de préjudice est assurée par une condamnation de Generali à payer à Mme [U] une somme de 5 500 euros.

Le jugement ayant retenu une somme de 6 051,10 euros est par conséquent réformé de ce chef.

2.1.2.3.Sur les pertes de gains professionnels futurs

Les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle.

En l'espèce, la circonstance que le temps partiel de Mme [U] soit passé à compter de septembre 2018 de 80 % à 50 % repose sur le seul certificat établi le 16 novembre 2017 par le docteur [K], médecin agréé (pièce 48). Son avis ne s'impose toutefois pas à la cour, alors qu'il s'inscrit dans une démarche unilatéralement amorcée par Mme [U] au cours de l'expertise judiciaire et ayant donné lieu à un dire par Generali. L'expert judiciaire a d'ailleurs, dans son rapport établi le 11 décembre 2017, refusé de le prendre en compte.

Outre que Mme [U] a cherché à majorer l'appréciation des séquelles résultant de l'aggravation, notamment pour évoquer une boiterie à la marche qu'exclut pourtant l'expert judiciaire dans son rapport définitif, la cour observe que :

- en dépit du caractère quasi-contemporain du certificat établi par le docteur [K] avec les conclusions adoptées par l'expert judiciaire dans son rapport du 11 décembre 2017, ce certificat adopte pourtant une appréciation divergente de celle adoptée par le docteur [N] à l'issue d'une expertise contradictoire, sans qu'il soit par ailleurs justifié qu'un intervalle d'un mois entre ces deux appréciations ait radicalement modifié l'état de santé de Mme [U] ;

- alors que l'en-tête de son certificat révèle que le docteur [K] est médecin généraliste, l'expert [N] est spécialisé en chirurgie orthopédique, de sorte que son appréciation a vocation à primer ;

- tandis que l'expert [N] a procédé à la comparaison de la situation physiologique de Mme [U] avec son état antérieur à mai 2009, en ayant accès à l'intégralité du dossier médical de la victime, aucun élément ne dément que le docteur [K] a ponctuellement établi son propre certificat, étant observé qu'il n'est pas établi qu'il ait disposé de l'ensemble de l'historique médical de celle-ci, alors qu'il n'est en outre ni allégué, ni prouvé qu'il soit le médecin traitant de Mme [U] ou qu'il ait précédemment procédé à un examen médical de cette dernière ; à cet égard, indépendamment d'une appréciation très générale, ce certificat ne caractérise précisément aucune évolution récente qui conduirait à réviser une appréciation antérieure de la situation médicale de Mme [U] pour recommander un passage à 50 %, mais conduit ce praticien ayant vocation à éclairer l'administration sur une demande de temps partiel (pièce 57) à se prononcer au regard de l'ensemble des séquelles subies par la victime, sans argumenter spécifiquement sur l'imputabilité d'une telle réduction du temps de travail à l'aggravation de sa gonarthrose et à la révélation d'une coxathrose, telles qu'elles sont consolidées depuis le 7 avril 2017.

À cet égard, la circonstance qu'il estime que Mme [U] ne peut reprendre son emploi «'sur la même quotité que celle exercée au moment du sinistre'(soit 18 heures)'» est révélateur d'une telle posture, qui prend en compte cumulativement l'ensemble des séquelles subies par la victime depuis 1999.

Le certificat du docteur [K] est par conséquent insuffisant pour établir un lien de causalité entre la réduction d'activité de Mme [U], et la seule aggravation de son état imputable à une majoration de sa gonarthrose et au développement d'une coxarthrose. À cet égard, il n'existe aucune contradiction entre la reconnaissance d'une aggravation de l'état de la victime et le refus de reconnaître que les séquelles issues de cette seule aggravation justifient médicalement un tel passage d'un temps de travail partiel de 80 à 50 %.

Une mesure d'instruction n'ayant pas pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve des faits qui lui incombe, il convient de débouter Mme [U] de sa demande subsidiaire aux fins d'expertise destinée à établir qu'une telle réduction du temps de travail est imputable à l'aggravation visée par la présente instance.

Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande au titre de pertes de gains professionnels futurs.

2.1.2.4.Sur l'incidence professionnelle

L'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste, même en l'absence de perte immédiate de revenus.

Il comprend également la perte de droits à la retraite que la victime va devoir supporter en raison de ses séquelles, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite à laquelle elle pourra prétendre.

En l'espèce, si Mme [U] souligne que l'expertise réalisée en 2001 n'a pas retenu d'incidence professionnelle pour en conclure qu'une telle mention dans le rapport de l'expert [N] établit le caractère nouveau d'un tel poste de préjudice.

Pour autant, l'examen du rapport de 2001 (pièce 3) permet d'observer qu'en réalité, l'expert judiciaire [Y] n'y a pas visé spécifiquement les postes de préjudices patrimoniaux permanents, alors que la seule référence à une «'reprise du travail avec aménagement'» après que la consolidation soit intervenue, impliquait pourtant l'existence d'une telle incidence professionnelle dès cette époque. Le jugement correctionnel sur intérêts civils du 27 juin 2002 indique d'ailleurs qu'il résulte de ce rapport d'expertise «'l'existence d'un retentissement professionnel, lequel n'exclut pas la possibilité d'exercer la profession antérieure'».

Le rapport d'aggravation établi par l'expert d'assurance en 2006 et fixant la nouvelle consolidation au 6 mars 2007 ne comporte aucune mention relative à une aggravation de l'incidence professionnelle, mais reprend les conclusions de l'expert [Y] sur la reprise d'une activité professionnelle avec aménagement (évitement de la station debout prolongée).

En définitive, la circonstance que l'expert [N] ait spécifiquement traité le poste de l'incidence professionnelle résulte d'une mission d'expertise ordonnée en juin 2017 par le juge des référés, dont les termes sont pour la première fois conformes à la nomenclature Dinthilac.

Pour autant, l'expert [N] se limite à indiquer que «'la victime est reconnue travailleur handicapé depuis l'accident initial. Elle ne peut travailler au même poste que de façon partielle et aménagée'». Il n'en résulte aucune démonstration d'une évolution péjorative de Mme [U] au titre de ce poste de préjudice par rapport à sa situation antérieure à l'aggravation amorcée en mai 2009.

La cour rappelle que l'objet de la présente instance, tel qu'il a été défini par Mme [U] elle-même, est exclusivement d'indemniser les préjudices complémentaires ou nouveaux qui sont imputables à cette dernière aggravation. La circonstance que l'incidence professionnelle antérieurement subie par Mme [U] n'ait fait l'objet d'aucune indemnisation n'autorise pas, dans le cadre d'une telle action en complément indemnitaire, à statuer rétroactivement sur des postes intégrés à des indemnisations définitives des lésions initiales et de ses aggravations antérieures.

La circonstance que le pôle social du tribunal judiciaire de Lille ait fixé, par jugement du 1er octobre 2020, une incidence professionnelle de 3 % et retenu une aggravation du taux d'IPP au profit de Mme [U] est indifférente : outre que ce jugement n'a pas d'autorité de chose jugée à l'égard de Generali, qui n'était pas partie à l'instance, l'appréciation des préjudices par les juridictions chargées d'indemniser les accidents du travail est dérogatoire au droit commun de la réparation du préjudice corporel.

Alors que les séquelles antérieures à sa dernière aggravation étaient déjà de nature à causer à Mme [U] une augmentation de la pénibilité de ses conditions de travail, notamment par sa difficulté à supporter une station debout prolongée, l'expert [N] ne caractérise aucune aggravation d'une telle pénibilité résultant de nouvelles séquelles imputables à l'accident de 1999.

Le jugement ayant indemnisé Mme [U] de ce chef est réformé. Mme [U] est débouté de sa demande à ce titre.

2.1.2.5.Sur les frais divers après consolidation

=$gt; au titre des frais de transport en cure : la cour sursoit à statuer jusqu'à la production des relevés des prestations versées à ce titre par la caisse primaire d'assurance-maladie et la mutuelle, les motifs exposés au point 2.1.1.2. sur ces frais avant consolidation y étant également applicables.

=$gt; au titre de l'assistance par des médecins-conseils : alors qu'elle produit la facture des médecins lui ayant apporté leur assistance lors des opérations d'expertise, il convient de confirmer le jugement ayant condamné Generali de ce chef à payer la somme de 768 euros.

=$gt; au titre des frais kilométriques : la cour adopte la motivation du premier juge sur ce poste, ainsi que l'évaluation à laquelle il a procédé à hauteur de 262,81 euros.

2.2.Sur les préjudices corporels extra-patrimoniaux :

2.2.1.Sur les préjudices corporels extra-patrimoniaux temporaires

2.2.1.1.Sur le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire jusqu'à la consolidation de la victime.

Le déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Au regard de la linéarité de l'indemnisation de ce poste de préjudice, il convient d'adopter la méthode proposée par Generali et adoptée par le premier juge pour retenir une indemnisation correspondant à la différence entre le pourcentage de déficit fonctionnel temporaire partiel résultant de l'état antérieur de la victime à l'aggravation (30 %) et celui résultant de sa réévaluation globale après cette aggravation (35 %), soit 5 %.

Une indemnité égale de 25 euros par jour est de nature à réparer la gêne dans les actes de la vie courante, lorsque ce déficit fonctionnel temporaire est total.

En conséquence, l'indemnisation de Mme [S] [U] s'élève à ce titre aux sommes suivantes':

soit 2888 jours X 25,00 euros X 5'% = 3'610,00 euros

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

2.2.1.2.Sur les souffrances endurées

La cour adopte la motivation du premier juge et confirme son évaluation de ce poste de préjudice à hauteur de 3 000 euros.

2.2.2.Sur les préjudices corporels extra-patrimoniaux permanents

Sur le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

L'expert a fixé un taux de 35 % après aggravation, alors qu'il était évalué à 30 % avant mai 2009.

Au regard de la progressivité du point d'indemnisation au titre de ce poste de préjudice, la méthode retenue par le premier juge pour indemniser la différence entre ces taux, soit 5 %, n'est pas de nature à assurer la réparation intégrale sans perte, ni profit de ce préjudice. Dans ces conditions, il convient de reconstituer à la date de la liquidation les valeurs respectives de 30 % et de 35 %, puis de retenir la différence entre ces deux montants pour indemniser la seule aggravation subie.

Pour autant, alors qu'il n'est pas contesté qu'une rente d'accident de travail est versée par la caisse primaire d'assurance-maladie à Mme [U], et qu'aucune indemnisation n'est due au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, il en résulte que cette rente doit intégralement s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent de la victime.

Il convient par conséquent de surseoir à statuer sur la liquidation de ce poste, dans l'attente de la production des relevés de prestations par les tiers payeurs.

La mutuelle n'ayant pas formé appel du jugement l'ayant débouté, il n'y a pas lieu de la débouter de l'intégralité de ses demandes.

3.Sur les demandes accessoires

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Alors que les dépens et les frais irrépétibles de première instance n'ont pas été critiqués devant la cour, il convient de surseoir à statuer sur ceux exposés en appel, dès lors que la cour reste saisie de l'affaire.

Sur le doublement des intérêts au taux légal':

Les parties s'accordent sur un doublement à compter du 11 mai 2018, dès lors que la date du 28 mai 2018 figurant dans le dispositif des conclusions de Mme [U] ne correspond à aucun des termes envisageables en application de l'article L. 211-9 du code des assurances et que dans la discussion, elle admet que le 11 mai 2018 marque l'expiration du délai de 5 mois ouvert à l'assureur pour présenter une offre définitive à compter de sa connaissance de la consolidation, qui résulte en l'espèce du dépôt du rapport d'expertise le 11 septembre 2018.

Les offres présentant certains postes de préjudice «'réservés en attente de justificatifs'» ne sauraient être déclarées complètes et suffisantes si l'assureur ne démontre pas avoir sollicité, dans les formes prescrites par l'article R. 211-33 du code des assurances, les renseignements dont l'absence l'empêche de chiffrer ces postes de préjudice.

Alors que Mme [U] ne propose pas de terme à ce doublement des intérêts, la cour observe que l'offre définitive que Generali a adressé à la victime le 30 octobre 2018 (pièce 12) comporte sur une série de postes «'réservés'» dans l'attente de justificatifs. Pour autant, Generali ne justifie pas avoir valablement sollicité auprès de la victime la communication de renseignements relatifs à sa situation professionnelle et à ses revenus en vue de l'indemnisation de ce poste de préjudice.

En conséquence, le point d'arrivée du doublement des intérêts au taux légal devra être fixé au jour où l'arrêt par lequel la cour aura statué sur la liquidation des préjudices de Mme [U] sera devenue définitif.

Enfin, en présence d'une offre manifestement insuffisante, qui équivaut à une absence d'offre, l'assiette des intérêts majorés portera sur les sommes allouées par la cour avant imputation des créances des organismes sociaux et avant déduction des provisions éventuellement versées.

Ce montant n'étant pas déterminé en l'état, il convient de surseoir à statuer sur une telle assiette.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation annuelle des intérêts est de droit lorsqu'elle est judiciairement sollicitée. Elle est en outre compatible avec le doublement des intérêts légaux.

PAR CES MOTIFS':

La cour,

Constate le caractère définitif du chef du jugement rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Omer ayant dit que Mme [U] présente une aggravation de son état de santé à la date du 12 mai 2009, en lien avec l'accident de la voie publique du 05 janvier 1999 ;

Confirme ledit jugement en ce qu'il a :

- condamné la SA Generali Iard à payer à Mme [S] [U] les sommes de :

* 66,28 euros au titre de semelles orthopédiques ;

* 3 000 euros au titre des souffrances endurées ;

* 768 euros au titre des frais d'assistance à l'expertise par des médecins-conseils

* 262,81 euros au titre de frais kilométriques ;

- débouté Mme [S] [U] de ses demandes au titre de pertes de gains professionnels actuels et de pertes de gains professionnels futurs ;

L'infirme en ce qu'il a condamné la SA Generali Iard à payer à Mme [S] [U] les sommes de :

* 20 000 euros au titre d'une incidence professionnelle ;

* 3 608,75 euros au titre d'un déficit fonctionnel temporaire ;

* 6 051,10 euros au titre de frais de logement adapté ;

et statuant à nouveau de ces chefs infirmés :

- déboute Mme [S] [U] de sa demande au titre d'une incidence

professionnelle ;

- condamne la SA Generali Iard à payer à Mme [S] [U] les sommes de :

* 3 610 euros au titre d'un déficit fonctionnel temporaire ;

* 5 500 euros au titre de frais de logement adapté ;

Avant-dire droit, enjoint Mme [S] [U] de :

- produire un relevé intégral par la caisse primaire d'assurance-maladie de la Côte d'Opale de ses débours sous un intitulé clair à compter du 12 mai 2009 et jusqu'à la date la plus proche du présent arrêt, intégrant les frais futurs qu'elle est susceptible de prendre en charge et précisant l'imputabilité de ces débours à la seule aggravation résultant de l'aggravation d'une gonarthrose et de l'apparition d'une coxarthrose ;

- produire un relevé intégral des prestations que sa mutuelle Uni prévoyance institution lui a servies depuis le 12 mai 2009 et faisant apparaître la nature des dépenses prises en charge ;

Sursoit à statuer sur l'indemnisation :

- des traitements permettant des viscosupplémentations au titre des dépenses de santé actuelles ;

- des dépenses de santé futures ;

- des frais de transport et d'hébergement en cure avant et après consolidation ;

- du déficit fonctionnel permanent ;

jusqu'à la communication par Mme [S] [U] des pièces précitées ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise pour déterminer le lien de causalité entre la réduction du temps de travail de Mme [S] [U] de 80 % à 50 % et l'aggravation survenue le 12 mai 2009 ;

Dit que le doublement des intérêts au taux légal débutera le 11 mai 2018 et s'achèvera à la date où l'arrêt à intervenir liquidant l'ensemble des préjudices de Mme [S] [U] deviendra définitif ;

Sursoit à statuer à statuer sur l'assiette sur laquelle s'appliquera ce doublement des intérêts au taux légal ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Sursoit à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles d'appel ;

Dans l'attente de la production des pièces requises par Mme [S] [U], ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour et dit que l'affaire sera réinscrite à l'initiative de la partie la plus diligente.

Le greffier

Harmony Poyteau

Le président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01426
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;21.01426 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award