La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°21/04399

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 13 octobre 2022, 21/04399


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 13/10/2022





****





N° de MINUTE : 22/374

N° RG 21/04399 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZKX



Jugement (N° 21/00895) rendu le 30 juin 2021par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



Madame [B] [F]

née le 02 août 1974 à Setif

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]



Repré

sentée par Me Angélique Opovin, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉES



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Tourcoing prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/10/2022

****

N° de MINUTE : 22/374

N° RG 21/04399 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZKX

Jugement (N° 21/00895) rendu le 30 juin 2021par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [B] [F]

née le 02 août 1974 à Setif

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Angélique Opovin, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Tourcoing prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 18 octobre 2021 à personne habilitée

Association Soliha-Solidaires pour l'Habitat-Metropole Nord

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thibaut Franceschini, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 07 juillet 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rappel oral, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thebaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 juin 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [D] [J] est locataire d'un logement appartenant à l'association Soliha-solidaires pour l'habitat-Métropole Nord (l'association Soliha).

Invoquant une chute survenue le 29 février 2020 dans l'escalier de son logement qui n'était pas équipé de garde-corps, Mme [F] a fait assigner l'association Soliha aux fins d'expertise et de condamnation provisionnelle à l'indemniser des préjudices résultant d'une fracture du plateau tibial au niveau de son genou droit qu'elle impute à cette chute, alors que sa caisse primaire d'assurance-maladie était appelée en déclaration de jugement commun.

Par jugement rendu le 30 juin 2021, le tribunal judiciaire de Lille a rejeté la totalité des demandes de Mme [F] et l'a condamnée aux dépens. Pour l'essentiel, le tribunal a relevé que si une faute contractuelle était imputable à l'association Soliha au titre d'un défaut d'installation de garde-corps, aucun lien de causalité entre une telle faute et les préjudices subis par Mme [F] n'était établi.

Par déclaration du 6 août 2021, Mme [F] a formé appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2022, Mme [F] demande à la cour, au visa de l'article 1721 du code civil et de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, de réformer le jugement, et statuant à nouveau, de :

- déclarer son bailleur entièrement responsable de ses préjudices résultant de l'accident du 29 février 2020 ;

- ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

- condamner l'association Soliha à lui payer 30 000 euros à titre de provision ;

- condamner l'association Soliha aux dépens et à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'association Soliha ne lui a pas délivré un logement décent, en bon état de réparation et d'entretien, qui ne présente pas de risque pour la santé et la sécurité des occupants ; une telle faute résulte d'un défaut d'entretien de l'escalier par le bailleur et de l'absence d'installation de garde-corps en dépit d'une demande adressée par les services municipaux ; elle conteste avoir été informée de la programmation de travaux de mise en conformité et avoir refusé l'accès du logement à l'entreprise mandatée par le bailleur ;

- le lien de causalité résulte du témoignage de sa fille, de son transport au centre hospitalier depuis son domicile par ambulance et du rapport d'intervention des services hospitaliers attestant l'urgence motivée par une chute dans l'escalier ;

- la responsabilité du bailleur étant engagée de plein droit, l'association Soliha ne prouve pas l'existence d'une faute imputable à la victime.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 mars 2022, l'association Soliha, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement critiqué et de condamner Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucune faute : seuls les refus répétés de Mme [F] ont empêché la réalisation des travaux de mise en conformité, qu'atteste notamment l'entreprise chargée d'y procéder ;

- le lien de causalité entre sa chute et l'absence de garde-corps n'est pas prouvé : l'attestation établie complaisamment par sa fille est tardive et ne porte pas sur des faits directement constatés par cette dernière, alors que les rapports des services médicaux ont été rédigés sur la base des seules déclarations de Mme [F] ; à l'inverse, l'état de santé de sa locataire, l'état des lieux et le comportement de l'usager d'un escalier sont autant de causes de chute.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité contractuelle du bailleur :

Sur la garantie des vices affectant l'immeuble loué :

L'article 1721 du code civil dispose qu'«'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.

S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser'».

Ces dispositions sont reprises à l'article 6 b) de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose que «'le bailleur est obligé d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus'».

Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 définit les caractéristiques du logement décent. Il dispose en son article 2 que « le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires », et prévoit notamment que « les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ».

La garantie du bailleur est due même s'il n'a pas connu les vices lors de la conclusion du bail et s'étend aux dommages corporels subis par le preneur.

Il suffit au preneur de prouver l'existence du vice caché et le lien de causalité entre le vice et le dommage. Dès lors, il n'incombe pas au preneur d'établir au surplus que le bailleur n'a pas fait le nécessaire pour l'entretien et l'équipement du logement loué, de sorte que le moyen reposant sur l'existence ou non d'une faute commise dans l'entretien du logement par l'association Soliha n'est pas pertinent.

Enfin, le seul visa de l'article 1721 du code civil implique qu'en réalité, l'obligation de délivrance prévue par l'article 1719 du code civil à la charge du bailleur n'a pas vocation à être invoquée à l'encontre de l'association Soliha, seule la garantie des vices affectant l'immeuble étant débattue.

=$gt; Sur l'existence d'un vice affectant le logement loué :

A titre liminaire, la cour observe que l'association Soliha :

- ne conteste pas qu'une obligation d'équiper l'escalier d'un garde-corps soit applicable au logement litigieux et que son absence puisse par conséquent s'analyser comme un manquement contractuel à l'égard de Mme [F], dès lors qu'elle invoque à cet égard le caractère exonératoire d'une faute imputable à sa locataire ;

- n'invoque pas que l'absence de garde-corps de l'escalier constitue une circonstance notoire et apparente.

A l'inverse, l'association Soliha a admis qu'il lui appartenait de procéder à l'installation d'un dispositif de sécurisation de l'escalier selon courrier adressé le 1er février 2017 à Mme [F] et a par conséquent mandaté l'entreprise Logista pour y procéder dans l'appartement loué par Mme [F].

Le bailleur reconnaît ainsi l'existence d'un vice affectant l'immeuble loué.

=$gt; Sur le lien de causalité entre le vice et le dommage subi par Mme [F] :

La circonstance que la chute de Mme [F] soit survenue tant au domicile de cette dernière qu'en relation causale avec l'absence de garde-corps sur l'escalier est une question de fait, dont la preuve est librement administrée, notamment par toute présomption.

D'une part, le témoignage de Mme [U], fille de Mme [F], émane certes d'une proche de la victime, mais les faits qu'elle décrit se déroulent dans un domicile privé, de sorte que les témoins susceptibles d'attester sont essentiellement des personnes appartenant à l'entourage de cette victime. En outre, si l'article 202 du code de procédure civile prohibe qu'un témoignage porte sur des faits que l'attestant n'a pas personnellement et directement constatés, Mme [U] indique en l'espèce avoir assisté le 29 février 2020 à la chute de sa mère dans les escaliers sur les trois dernières marches, précisant que cette dernière a glissé en l'absence de «'rampe'» équipant l'escalier, étant observé que la fausseté d'un tel témoignage n'est pas démontrée par l'association Soliha.

Dans cette même attestation, Mme [U] indique avoir appelé les secours après 15 minutes, dès lors que sa mère était «'souffrante avec son genou gonflé, incapable de se mouvoir'».

De façon concordante, Mme [F] produit d'autre part une fiche établie le 29 février 2020 par l'ambulancier ayant procédé à son transport de son domicile au centre hospitalier, après avoir été sollicité au titre d'un traumatisme du genou.

Le certificat d'admission aux urgences du centre hospitalier mentionne par ailleurs «'une chute mécanique dans les escaliers, 4/5 marches'».

Enfin, alors qu'un certificat établi le 11 mars 2020 par le service de chirurgie traumatologie-orthopédie du centre hospitalier rappelle que Mme [F] a «'présenté un traumatisme du genou droit lors d'une chute dans les escaliers'», une telle mention est concordante avec les déclarations initiales de la victime lors de son admission aux

urgences, dans un contexte peu propice à se pré-constituer mensongèrement la preuve d'un manquement du bailleur à ses obligations dans le cadre de l'interrogatoire médical sur les causes des lésions à traiter.

Ces certificats médicaux ne comportent aucune mention propre à remettre en cause la compatibilité des lésions subies par Mme [F] avec une telle chute dans un escalier.

En considération d'un tel faisceau d'indices concordants, Mme [F] établit valablement que sa chute a été causée par l'absence de garde-corps équipant l'escalier de son domicile.

A l'inverse, l'association Soliha n'invalide pas une telle démonstration, dès lors qu'elle ne prouve pas que la fracture du genou subie par sa locataire résulte d'une autre cause que l'absence d'un tel équipement, et notamment d'un état de santé préexistant de Mme [F] ayant pu entraîner sa chute dans l'escalier. Ses considérations d'ordre général sur les causes multifactorielles des chutes à domicile ne s'accompagnent d'aucune application pratique à l'espèce.

La responsabilité de plein droit prévue par l'article 1721 du code civil est par conséquent applicable à l'espèce.

Sur l'exonération du bailleur :

L'article 1721 édictant une responsabilité de plein droit, le bailleur ne peut s'en exonérer totalement que par la preuve d'un cas de force majeure ou par la faute de la victime si elle présente les caractères de la force majeure ou constitue la cause exclusive du dommage. La faute de la victime peut être partiellement exonératoire et donner lieu à un partage de responsabilité avec le bailleur.

En l'espèce, l'association Soliha a d'une part adressé le 1er février 2017 un courrier à Mme [F], que cette dernière invoque elle-même à l'appui de ses prétentions, pour lui indiquer qu'en réponse au courrier adressé par les services municipaux «'hygiène et santé'», elle a notamment commandé auprès de l'entreprise Logista la «'création d'une balustrade en bas d'escalier'», un préposé technicien du bailleur ayant pu pénétrer dans l'appartement litigieux. De façon concordante, l'association Soliha produit un bon de travaux n° 17010362 correspondant à une telle information.

L'entreprise Logista a toutefois informé l'association Soliha, lui indiquant : «'je fais suite à votre commande 17010362 et vous informe que la locataire refuse les travaux. D'après ses dires, il y aurait plus de travaux que prévus et souhaite qu'un de vos salariés passent (sic) chez elle afin d'évaluer les travaux'».

Par courrier du 12 mars 2018, l'association Soliha a répondu aux services municipaux qui l'interrogeaient à nouveau sur l'avancement de la mise en conformité et sur l'aggravation de l'état du logement loué, que «'lorsque l'entreprise [Logista] s'est présentée au domicile de madame, celle-ci a refusé l'intervention prétextant qu'il y avait d'autres travaux à réaliser'». Elle précise que «'le rendez du 20 mars 2017 [en réalité : 2018, selon le début du courrier] aura pour but d'établir la liste des désordres survenus depuis. Cette visite sera effectuée conjointement avec l'agent de médiation locative'».

Dans un nouveau courrier du 4 septembre 2020, l'association Soliha écrit à Mme [F] que'«'dans le cadre d'une évaluation de notre patrimoine, nous vous avions programmé une intervention le 23 juillet 2020, que [la locataire] a annulé le jour même. Nous devons effectuer un diagnostic de votre logement. A ce sujet, nous vous informons que notre technique, M. [E] [Y], passera sur place le mercredi 16 septembre 2020 à partir de 14 heures'», sollicitant que ce technicien puisse avoir libre accès au logement. Il précise qu'une copie de ce document est adressé à la mairie.

Le logiciel interne de l'association Soliha comporte à cet égard une mention indiquant qu'un message a été enregistré sur le répondeur téléphonique de Mme [F], en sus du courrier établi le 4 septembre 2020, avant de préciser : «'retour [E] : locataire absent'».

Si cette dernière défaillance de Mme [F] est postérieure aux faits dommageables qu'elle a subis, elle illustre toutefois la difficulté rencontrée par l'association Soliha d'accéder au logement de sa locataire.

Si les courriers adressés par l'association Soliha n'ont pas été systématiquement adressés par lettre recommandée avec accusé de réception, la concordance et la précision des pièces produites par l'association Soliha permettent d'en valider la force probante, dans un contexte de reddition de comptes régulière auprès de services municipaux ayant manifesté un intérêt particulier pour la situation de Mme [F] et ayant relancé à plusieurs reprises le bailleur.

Une faute imputable à Mme [F] est par conséquent établie par l'association Soliha, résultant de l'obstruction apportée par cette dernière de façon répétée à la mise en 'uvre d'un diagnostic ou de travaux. Si elle avait accepté dès le premier rendez-vous la réalisation des travaux proposé par le bailleur, l'escalier de Mme [F] aurait été dès cette époque équipé d'un tel garde-corps. Loin de constituer une simple négligence imputable à la locataire, le refus délibéré de Mme [F] d'autoriser l'accès à son domicile a fait obstacle à la réalisation des travaux qui avaient pourtant fait l'objet d'un bon de commande et dont l'exécution était par conséquent valablement programmée.

Pour autant, l'association Soliha n'a d'une part cherché à permettre une mise en conformité du logement litigieux qu'à deux reprises en l'espace de trois ans environ et essentiellement sous l'impulsion des rappels adressés par les services municipaux.

D'autre part, l'impression d'écran de son propre logiciel de suivi des travaux comporte le commentaire suivant : « suite rencontre avec logista décision de classer car madame refuse l'accès vu avec la Mairie ». Il en résulte que, dès le refus initial par la locataire d'autoriser son accès à l'appartement, le bon de commande a été annulé, alors que l'association Soliha ne justifie pas avoir ultérieurement passé une nouvelle commande avec une entreprise pour réaliser les travaux au cours des années ayant suivi.

En tout état de cause, l'association Soliha n'établit pas :

- d'une part, qu'une telle absence répétée de la locataire lors des visites de l'entreprise ou de son technicien présente un caractère imprévisible et irrésistible ;

- d'autre part, que les dommages subis par Mme [F] résulte exclusivement d'un telle faute de cette dernière.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de prononcer une exonération totale du bailleur.

En revanche, dès lors qu'une telle faute de la victime a contribué à la réalisation de son propre dommage, il convient de procéder à un partage de responsabilité et de retenir par conséquent une responsabilité du bailleur limitée à 50 %.

Sur l'expertise :

Les documents médicaux fournis par Mme [F] justifie qu'une expertise judiciaire soit ordonnée selon les termes visés au dispositif du présent arrêt, pour permettre de procéder à la liquidation des préjudices corporels résultant d'une telle chute engageant partiellement la responsabilité du bailleur.

Alors qu'il résulte d'un certificat du centre hospitalier que la consolidation était acquise, une réintervention chirurgicale a été motivée par un déplacement secondaire d'une broche. À cet égard, il appartiendra notamment à l'expert de déterminer si cette nouvelle intervention a été directement causée par le fait générateur imputable à l'association Solihal ou si elle résulte d'une aggravation sans lien avec la chute initiale de Mme [F].

Sur la provision :

Le principe d'une obligation partielle d'indemnisation à la charge du bailleur étant acquis, il ressort dès à présent des certificats médicaux produits par Mme [F] qu'elle a notamment subi une intervention chirurgicale par osthéosynthèse par broches et plaque de la fracture du plateau tibial droit, avant qu'une reprise chirurgicale n'intervienne en mai 2017. Les séquelles en lien de causalité certain avec la chute du 29 février 2020 sont constitués en particulier par des douleurs qui se sont prolongées sur une longue durée et ayant nécessité l'administration d'anti-douleurs, ainsi que par une cicatrice. L'appui sur le genou n'a pas été possible à certaines périodes, alors qu'au 12 octobre 2021, le service de chirurgie traumatologie-orthopédie constate que le périmètre de marche est limité à 30 minutes et que les amplitudes articulaires sont cotées 0/0/135° avec un genou stable dans un plan frontal et sagittal.

Au regard de la limitation de l'obligation d'indemnisation fixée à 20 %, ces éléments conduisent à condamner l'association Soliha à payer à Mme [F] une somme de

5 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens,

- et d'autre part, à condamner l'association Soliha, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à Mme [F] la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la responsabilité de l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord est engagée en application de l'article 1721 du code civil à l'égard de Mme [D] [F] ;

Prononce un partage de responsabilité entre l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord et Mme [D] [F] ;

Dit que l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord sera par conséquent tenue d'indemniser Mme [D] [F] dans la limite de 50 % des préjudices subis par cette dernière ;

Condamne l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord à payer à Mme [D] [F] une somme provisionnelle de 5 000 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices de cette dernière dans la limite de l'obligation indemnitaire de 50 % lui incombant ;

Ordonne une expertise médicale de Mme [D] [F] ;

Commet à cet effet le professeur [C] [A], [Adresse 6], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel d'Amiens aux fins de procéder comme suit :

SUR LA MISSION D'EXPERTISE':

- entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus, ceci dans le strict respect des règles de déontologie médicale ou relative au secret professionnel ;

- recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs, à charge d'aviser le magistrat chargé du contrôle des expertises en cas de refus de lever le secret médical couvrant les documents concernés) ;

- se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident en cause ;

- recueillir au besoin, les déclarations de toutes les personnes informées, en précisant alors leurs nom, prénom, domicile et leurs liens de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté de vie avec l'une des parties ;

- procéder à l'examen clinique de Mme [D] [F] ;

- rechercher l'état médical de Mme [D] [F] avant le 29 février 2020 ;

- rechercher si l'aggravation de l'état de Mme [D] [F] ayant notamment nécessité une reprise d'un déplacement secondaire de broche, postérieurement à l'intervention chirurgicale initiale par osthéosynthèse de la fracture du plateau tibiale externe droit de Mme [D] [F], est imputable aux faits survenus le 29 février 2020 ; dans la négative, se prononcer sur la ou les causes d'une telle aggravation et inviter les parties à procéder à toute mise en cause utile ;

SUR LES PREJUDICES SUBIS :

déterminer les préjudices subis par Mme [D] [F], en relation de causalité avec les faits survenus le 29 février 2020, selon la nomenclature suivante :

1) Préjudices avant consolidation

1-1) Préjudices patrimoniaux

1-1-1) Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Déterminer la durée de l'incapacité provisoire de travail, correspondant au délai normal d'arrêt ou de ralentissement d'activités ; dans le cas d'un déficit partiel, en préciser le taux,

1-1-2) Frais divers : Dire si du fait de son incapacité provisoire, la victime directe a été amenée à exposer des frais destinés à compenser des activités non professionnelles particulières durant sa maladie traumatique (notamment garde d'enfants, soins ménagers, frais d'adaptation temporaire d'un véhicule ou d'un logement, assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante - dans ce dernier cas, la décrire, et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d'autonomie)

1-2) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1-2-1) Déficit fonctionnel temporaire : Décrire et évaluer l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante)

1-2-2) Souffrances endurées avant consolidation : Décrire les souffrances endurées avant consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de sept degrés,

1-2-3) Préjudice esthétique temporaire : Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance, sur une échelle de sept degrés, d'un éventuel préjudice esthétique temporaire,

2) Consolidation

2-1) Proposer une date de consolidation des blessures, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire,

2-2) Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

2-3) Dans l'hypothèse où la consolidation ne serait pas acquise à l'issue du délai fixé par le présent arrêt pour l'exécution de l'expertise, faire rapport au juge chargé du contrôle des expertises pour déterminer l'opportunité d'une prorogation du délai ou d'un dépôt en l'état du rapport sur les seuls postes temporaires de préjudices';

3) Préjudices après consolidation

3-1) Préjudices patrimoniaux permanents

3-1-1) Dépenses de santé futures : décrire les frais hospitaliers, médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation

3-1-2) Frais de logement et de véhicule adapté : décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap,

3-1-3) assistance par une tierce personne : Se prononcer sur la nécessité d'une assistance par tierce personne ; dans l'affirmative, préciser le nombre nécessaire d'heures par jour ou par semaine, et la nature de l'aide (spécialisée ou non) ; décrire les attributions précises de la tierce personne': aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l'extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc... ; donner toutes précisions utiles,

3-1-4) Perte de gains professionnels futurs : décrire les éléments permettant de dire si la victime subit une perte ou une diminution consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage (notamment perte d'emploi, temps partiel, changement de poste ou poste adapté)

3-1-5) incidence professionnelle : décrire l'incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l'emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)

3-1-6) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : dire si du fait de l'événement, la victime a subi un retard dans son parcours scolaire, universitaire ou de formation, et/ou a dû modifier son orientation, ou renoncer à une formation,

3-2) Préjudices extra-patrimoniaux

3-2-1) Déficit fonctionnel permanent : Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'événement, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties ;

Préciser le barème d'invalidité utilisé,

Dans l'hypothèse d'un état antérieur de la victime, préciser :

- si cet état était révélé et traité avant le fait dommageable survenu le 29 février 2020 (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs) et s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident,

-s'il a été aggravé ou révélé ou décompensé par l'accident,

-si en l'absence d'accident, cet état antérieur aurait entrainé un déficit fonctionnel. Dans l'affirmative en déterminer le taux ;.

En toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;

3-2-2) Préjudice d'agrément : si la victime allègue l'impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d'agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,

3-2-3) Préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer sur une échelle de sept degrés,

3-2-4) Préjudice sexuel : dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction),

3-2-5) Préjudice d'établissement : dire si la victime présente un préjudice d'établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées,

Procéder de manière générale à toutes constatations ou conclusions utiles à la solution du litige,

SUR LES MODALITES D'ACCOMPLISSEMENT DE L'EXPERTISE :

Commet le président de la 3ème chambre de la cour d'appel en qualité de magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l'avis de consignation ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;

Fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Dit que l'expert pourra, sous réserve de l'accord par la victime de lever le secret médical s'y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise

Dit que l'expert devra :

=$gt; remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 6 mois à compter de l'avis par le greffe du versement de la consignation, et inviter les parties à formuler leurs observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce pré-rapport, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai';

=$gt; dresser de l'ensemble de ses investigations un rapport formalisant la réponse apportée à chaque question en reprenant les termes exacts de la mission figurant ci-dessus, et sans renvoyer à des pièces annexes ou à d'autres parties du rapport (tel que le commémoratif) ;

=$gt; adresser ce rapport, dans les 8 mois de l'avis par le greffe du versement de la consignation, sauf prorogation de ce délai accordée par le magistrat chargé du contrôle des expertises :

* aux parties ;

* au greffe de la troisième chambre de la cour d'appel de Douai :

- d'une part, en deux exemplaires et en format physique à destination du greffe de la troisième chambre la cour d'appel de Douai ;'

- d'autre part, en format PDF et en pièce jointe à un courriel adressé à [Courriel 7] et indiquant en objet le numéro du répertoire général (RG) de la présente procédure,

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l'expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception'; que la demande de rémunération mentionnera la date d'envoi aux parties de cette copie';

Rappelle que les parties disposeront d'un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l'expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités';

Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Mme [D] [F] qui devra consigner la somme de 700 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Douai, dans un délai de 30 jours à compter du présent arrêt étant précisé que :

- la charge définitive de la rémunération de l'expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,

- à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, (sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime)

- chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l'autre en cas de carence ou de refus.

Condamne l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne l'association Soliha-solidaires pour l'habitat Métropole Nord à payer à Mme [D] [F] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance-maladie de Tourcoing.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04399
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.04399 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award