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06/10/2022 | FRANCE | N°21/03371

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 octobre 2022, 21/03371


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 06/10/2022



****





N° de MINUTE : 22/363

N° RG 21/03371 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWJ4



Jugement (N° 20/00703) rendu le 06 avril 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe





APPELANTE



Madame [B] [S]

née le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 2]
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Représentée par Me Vincent Demory, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué



INTIMÉS



Monsieur [P] [V]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représenté par Me Catherine Camus-D...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/10/2022

****

N° de MINUTE : 22/363

N° RG 21/03371 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWJ4

Jugement (N° 20/00703) rendu le 06 avril 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe

APPELANTE

Madame [B] [S]

née le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent Demory, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [P] [V]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Juliette Delcroix, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Oise agissant par ses représentants légaux dont son Directeur

Affaires Juridiques [Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 02 juin 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022

****

Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [B] [S], dont le suivi ophtalmologique était assuré par M. [P] [V] depuis 2002, l'a consulté en mai 2011 en raison d'une baisse de l'acuité visuelle de son 'il droit.

M. [V] ayant diagnostiqué une cataracte intumescente à l''il droit, pour laquelle une opération chirurgicale était indiquée, il a pratiqué cette intervention le 28 juin 2011.

Se plaignant de l'absence d'amélioration de sa vision et de l'apparition de douleurs, d'une rougeur et de maux de tête, Mme [S] a ultérieurement consulté à plusieurs reprises M. [V].

Le 8 novembre 2011, elle a toutefois consulté un second ophtalmologue, qui a diagnostiqué une décompensation endothéliale de l''il droit post- chirurgicale en lien avec une pathologie préexistante méconnue de comea guttata et a recommandé un traitement par lubrifiant et par Tobradex, indiquant qu'en cas d'absence d'amélioration de son état, une greffe de cornée devrait être envisagée. Une première greffe de la cornée a été d'ailleurs réalisée le 11 octobre 2013, avant qu'une nouvelle greffe n'intervienne en 2016 en raison d'un rejet du greffon.

Estimant que M. [V] aurait dû réaliser des examens préopératoires plus approfondis avant de lui recommander une chirurgie de la cataracte, Mme [S] a saisi son assureur de protection juridique, qui a mandaté le docteur [O] aux fins d'examen de son assurée dans le cadre d'une mesure d'expertise amiable.

Dans son rapport établi le 24 janvier 2015, le docteur [O] a conclu à un manque de précaution et à un défaut d'information préopératoire.

Par ordonnance en date du 26 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe a ordonné une expertise médicale judiciaire et désigné l'expert [U], ophtalmologue, pour y procéder. Dans son rapport déposé le 6 décembre 2017, cet expert judiciaire a retenu les mêmes conclusions que l'expert d'assurance.

Une opacification cornéenne avec ulcération épithéliale chronique a enfin conduit à une nouvelle greffe totale de la cornée le 10 février 2017. Une disjonction partielle du greffon de 1''il droit a contraint à intervenir à nouveau pour remise en place de fils le 21 février 2017.

Par actes d'huissier en date des 4 et 14 mai 2020, Mme [S] a fait assigner M. [V] et la CPAM de l'Oise devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe afin d'être indemnisée de ses préjudices.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe a :

1 - déclaré M. [V] responsable du préjudice subi par Mme [S] à hauteur de 40% au titre de la perte de chance ;

2 - l'a condamné à payer à Mme [S] la somme totale de 14 597,27 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement, en réparation de la perte de chance, après déduction de la créance de la CPAM et en application du taux de perte de chance de 40%, ainsi répartie :

- 116, 60 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

- 388, 67 euros au titre des frais divers ;

- 1 492 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 2 800 euros au titre des souffrances endurées ;

- 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 8 400 euros au titre de déficit fonctionnel permanent ;

- 600 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

3 - l'a condamné à payer à la CPAM de l'Oise, après application du taux retenu au titre de la perte de chance, la somme de 20 422,10 euros au titre de son recours subrogatoire, avec intérêts au taux légal à compter de la notification des débours définitifs du 14 septembre 2020 en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, et avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

4 - l'a condamné à payer à la CPAM de l'Oise la somme de 1 091 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

5 - l'a condamné à payer à Mme [S] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

6 - l'a condamné à payer à la CPAM de l'Oise la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

7 ' a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

8 ' a condamné M. [V] aux entiers dépens l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

9 ' a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la moitié des condamnations prononcées ;

10 ' a dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement commun à la CPAM de l'Oise, cet organisme social étant partie représentée à l'audience.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 25 juin 2021, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement en limitant la contestation jugement querellé aux seuls chefs du dispositif numérotés 1,2,3,4, et 7 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2022, Mme [S], appelante, sollicite l'infirmation du jugement querellé. Elle demande à la cour de :

- dire et juger que M. [V], en manquant à son égard aux obligations fixées par les articles L. 1110-5 et L. 1111-2 du code de la santé publique, est, par l'application de l'article L. 1142-1 I, dudit code, entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi du fait du phénomène de décompensation cornéenne de l''il droit faisant directement suite à l'opération subie 1e 28 juin 2011,

- fixer son préjudice, déduction faite de la créance de la CPAM de l'Oise, de la façon suivante :

* 37 617,74 euros au titre des dépenses de santé actuelles (débours définitifs de la CPAM) ;

* 116,60 euros au titre des dépenses de santé demeurées à sa charge ;

* 971,67 euros au titre des frais divers ;

* 13 612, 44 euros au titre des dépenses de santé futures ;

* 3 730 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 7 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 21 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* 5 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;

- condamner M. [V] à lui payer, sous réserve des droits de cette dernière au titre des dépenses de santé future et du préjudice extra-patrimonial évolutif, la somme de 42 318,00 euros en réparation de son préjudice,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à retenir le principe de la perte de chance,

- fixer l'ensemble des préjudices qu'elle a subis à la somme de 42 318,00 euros, après déduction de la créance de la CPAM ;

- dire et juger que M. [V] est responsable du préjudice qu'elle a subi à hauteur de 80% au titre de la perte de chance ;

- dire et juger que l'indemnisation de son préjudice d'impréparation ne peut se voir réduit au titre de la perte de chance ;

Et par suite,

- condamner M. [V] à lui payer la somme totale de 34 854,40 euros,

En tout état de cause,

- réserver ses droits au titre des dépenses de santé futures et des préjudices extra-patrimoniaux évolutifs,

- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la CPAM de l'Oise,

- confirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe pour le surplus,

- débouter M. [V] de ses prétentions et demandes plus amples ou contraires aux présentes conclusions,

- le condamner à lui payer une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

=$gt; la responsabilité de M. [V] est engagée, sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique en raison de deux manquement :

1 - manquement à l'obligation de précaution, caractérisé par le fait qu'en ne procédant pas à des examens approfondis avant l'intervention de la cataracte, M. [V] a failli à son égard à l'obligation de prudence et de diligence lui incombant au titre de l'accomplissement des actes de prévention, de diagnostic ou de soins selon les données acquises de la science en vertu des articles L. 1110-5 et L.1142-1 du code de la santé publique,

- si la pathologie cornéenne avait été diagnostiquée, il se serait posé la question d'une greffe de cornée, ainsi que celle d'une prévention "avant d'en arriver à ce stade",

- le rapport d'expertise judiciaire établit que l'existence d'une cornea guttata sur l''il gauche n'a pas été recherchée, alors que son diagnostic aurait permis de réaliser une microscopie spéculaire avec comptage des cellules de l'endothélium cornéen et d'évaluer le risque de décompensation, dont Mme [S] aurait alors pu être informée, ce qui n'a pas été le cas,

- la pathologie cornéenne endothéliale avec diminution du nombre de cellules dont souffrait Mme [S] induit un risque non négligeable d''dème cornéen en cas d'intervention sur la cataracte,

2 - manquement de M. [V] à l'obligation d'information à son égard, qui ressort du fait que la fiche d'information faisant état des risques communément associés à l'opération de la cataracte a été communiquée à Mme [S] et signée le 28 juin 2011, le jour même de l'opération, qu'il n'est donc pas même possible, au vu de cette fiche, de déterminer qu'elle a bien été signée avant l'intervention et de considérer que la patiente a disposé d'un délai de réflexion suffisant,

- il ne peut se déduire du courrier adressé par M. [V] le 3 mai 2011 à son médecin traitant la réalité de l'information sur le rapport bénéfice-risque de l'intervention réalisée le 28 juin suivant et les complications éventuelles,

- M. [V] n'ayant pas envisagé le risque de pathologie cornéenne en l'absence de recherche de la guttata, il est peu plausible qu'il ait pu l'informer de ce risque,

- l'expert judiciaire a relevé que les deux parties reconnaissaient qu'aucune mention du risque de la pathologie cornéenne n'a été évoquée, alors que c'est la décompensation de cette pathologie par l'opération de la cataracte qui est à l'origine de toutes les complications,

=$gt; sur l'indemnisation de ses préjudices,

- elle doit bénéficier d'une réparation intégrale de son préjudice, et c'est à tort que le tribunal a retenu que son préjudice s'analyse en une perte de chance, alors qu'il y a eu deux fautes distinctes pouvant chacune conduire à son indemnisation : le défaut d'information qui est effectivement de nature à faire perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué ; et le défaut de précaution consistant en l'omission de réaliser un acte qui ne peut pas s'analyser en une simple perte de chance,

- à titre subsidiaire elle estime que le taux de perte de chance ne peut être inférieur à 80%, exposant qu'elle n'avait initialement qu'une baisse de vision et qu'elle n'aurait pas pris le risque de perdre davantage son acuité visuelle au prix de douleurs et de violents maux de tête avec la contrainte de subir d'autres traitements ou investigations en cas de réalisation du risque,

- elle souligne que l'expert n'a d'ailleurs pas conclu à ce que le dommage était absolument inévitable, dès lors qu'ayant exclusivement évoqué des probabilités, elle disposait en réalité d'un choix réel entre l'intervention et l'abstention.

Dans ses conclusions notifiées le 9 mai 2022, M. [V], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu de responsabilité pour faute de sa part,

- réformer le jugement des chefs du dispositif numérotés 2,3,4,5,6,7,8, 9 et 10 ci-dessus rappelés, et, statuant à nouveau :

=$gt; à titre principal,

- juger qu'il n'a commis aucune faute de prise en charge, ni aucun manquement au titre de son devoir d'information de nature à voir engager sa responsabilité ;

- le mettre, en conséquence, hors de cause ;

- débouter Mme [S] de toute demande d'indemnisation, faute pour elle d'établir, d'une part, une faute qui lui est imputable et, d'autre part, un lien de causalité entre cette faute éventuelle et le préjudice subi ;

- débouter la CPAM de l'Oise de toute demande formulée à son encontre ;

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens d'instance et d'appel,

=$gt; à titre subsidiaire :

- juger que son manquement est à l'origine d'une perte de chance d'éviter les préjudices subis qui ne saurait être supérieure à 30% ;

- liquider le préjudice de Mme [S] comme suit :

- dépenses de santé à charge : 116,60 euros,

- fais divers : 71,67 euros,

- DFT : 3 730 euros,

- SE : 5 000 euros,

- PET : 1 000 euros,

- DFP : 19 500 euros,

- PEP : 1 000 euros,

= Total : 31 318,27 euros,

- juger qu'il ne pourra être condamné qu'à hauteur de 30% de cette somme à raison du pourcentage de perte de chance retenu,

- débouter Mme [S] de ses autres demandes,

- juger que la perte de chance de 30% doit s'appliquer sur le calcul des sommes dues à la CPAM de l'Oise ;

- réduire en de plus justes proportions les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

- il n'a commis aucune faute technique, dès lors que l'indication de l'intervention était nécessaire et a été validée par l'expert judiciaire qui a conclu que l'opération, les suites opératoires et la gestion des complications ont été conformes aux données acquises de la science médicale ; que la cataracte réduisait petit à petit l'acuité visuelle jusqu'à la cécité et exposait au risque d'hypertonie oculaire,

- même s'il avait procédé à un bilan préopératoire pour disposer d'un comptage endothélial, l'indication n'aurait pas été différente, risquée mais pas contre-indiquée, mais aurait permis d'informer la patiente du risque de décompensation cornéenne qu'elle présentait,

- le défaut de diagnostic ne peut entrainer qu'une perte de chance et non une indemnisation intégrale,

- il n'a commis aucun manquement à l'obligation d'information, Mme [S] ayant été dûment informée des risques de l'intervention 8 semaines avant qu'elle ne soit pratiquée, ainsi qu'il ressort des constatations de l'expert en page 10 de son rapport, aux termes desquelles la fiche d'information a été signée et qu'il a adressé un courrier au médecin traitant de Mme [S] dans lequel il indique l'avoir informé de la nécessité de l'intervention et des risques ; lors de sa consultation du 14 juin 2011, il l'a informée à la fois du risque de glaucome motivant l'intervention et d'une récupération limitée à 1/10,

- il n'existait aucune alternative, dès lors qu'en l'absence d'intervention, le risque était celui d'une évolution douloureuse avec probable perte fonctionnelle de l''il par glaucome aigu,

- subsidiairement il considère qu'un taux de perte de chance de 30% apparait cohérent.

Dans ses conclusions notifiées le 6 mai 2022, la CPAM de l'Oise demande à la cour de :

1- Sur l'appel de Mme [S] : si la cour infirme totalement ou partiellement le jugement du tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe du 6 avril 2021 :

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 53 822,18 euros au titre de ses débours définitifs avec les intérêts à compter de la présente demande, éventuellement à proportion de la responsabilité du praticien ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a capitalisé les intérêts dus pour l'année entière ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné le praticien au paiement de la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, et le condamner à lui payer la somme de 1 114 euros à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens,

Y ajoutant en appel,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel,

2- En cas de confirmation, condamner Mme [S] aux frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- M. [V] s'est montré négligent dans l'appréciation du risque cornéen, ayant manqué à son devoir d'information, et à son obligation de prudence et de diligence, de sorte qu'il a engagé sa responsabilité en application des articles L1110-5 et L1142-1 du code de la santé publique.

- ses débours sont conformes au rapport d'expertise judiciaire, alors que l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil justifie du lien de causalité entre la complication et les frais exposés.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2022.

MOTIFS

1. Sur la responsabilité du professionnel de santé :

1.1 sur les fautes :

au titre de l'établissement du diagnostic :

La responsabilité du praticien n'est, en principe, engagée qu'en cas de faute, sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, dont la preuve incombe aux demandeurs en réparation, dès lors que les établissements, services ou organismes et les professionnels de santé ne sont soumis qu'à une obligation de moyens et non de résultat, à l'égard de leurs patients.

L'article R. 4127-33 du code de la santé dispose par ailleurs que «'le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés'».

En l'espèce, l'expert [U] indique (pièce [S] 28 pages 9 à 11) qu'à la suite de l'opération de la cataracte de l''il droit de Mme [S] le 28 juin 2011, elle a subi une décompensation cornéenne sur une dystrophie méconnue (cornea guttata).

Si l'indication chirurgicale n'est pas en soi critiquée par l'expert, il estime en revanche que l'existence d'une cornea guttata sur l'autre oeil (gauche) et l'évolution vers une décompensation cornéenne de l'oeil droit, établissent que cette pathologie était présente avant l'opération du 28 juin 2011 et que si elle avait été recherchée, son diagnostic aurait permis de faire une miscroscopie spéculaire avec comptage des cellules de l'endothélium cornéen et d'évaluer le risque de décompensation, estimant que l'intervention était techniquement risquée mais pas contre indiquée.

Ainsi, le risque de complication n'a pas été diagnostiqué par M. [V], à défaut d'avoir réalisé des examens pré-opératoires propres à analyser sa densité cornéenne et à détecter une pathologie constituant un facteur de risque particulier pour l'intervention envisagée.

Alors qu'il n'est pas allégué que l'absence de diagnostic d'une telle pathologie s'explique par la complexité des symptômes et la difficulté de leur constatation ou interprétation, il est ainsi établi que M. [V] a manqué à son obligation de vigilance à l'égard de Mme [S].

au titre du devoir d'information :

Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Le professionnel de santé ne se trouve pas dispensé de son obligation d'information du seul fait que les risques encourus ne se réalisent qu'exceptionnellement ni par le seul fait que l'intervention serait médicalement nécessaire.

La preuve d'une telle information du patient incombe au praticien. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes.

En l'espèce , l'expert [U] relève que M. [V] a valablement mentionné le 14 juin 2011 dans le dossier médical de la patiente : "patiente prévenue risque glaucome potentiel récupération 1/10", étant observé qu'une telle information renvoie précisément à l'indication opératoire.

L'expert relève en revanche que :

- d'une part, la fiche d'information de la société française d'ophtalmologie n°1 (pièce [S] 5) ne fournit qu'une information générale sur l'opération, même si elle indique en page 2 pour les complications sévères : « un trouble de la cornée » ; cette fiche est signée par la patiente le 28 juin 2011, jour de l'opération, circonstance critiquée par l'expert ;

Une telle information sur l'opération de la cataracte ne satisfait ainsi pas à l'obligation d'information du chirurgien, dont l'exécution ne doit pas présenter un caractère général, mais doit au contraire spécifier la nature et les conséquences des différents risques connus d'une telle intervention chirurgicale. La seule mention d'un « trouble de la cornée » ne permet toutefois pas une information éclairée d'une patiente faute d'être suffisamment précise et explicite, notamment sur la nature et l'ampleur des troubles susceptibles de survenir. En outre, la nécessité d'un consentement éclairé implique que le patient dispose d'un délai de réflexion suffisant pour apprécier les risques éventuellement révélés, de sorte que la signature par le patient d'une fiche d'information au jour de l'intervention elle-même ne satisfait pas à une telle obligation.

- d'autre part, dans un courrier établi le 3 mai 2011 au médecin traitant de Mme [S] (pièce [S] 2), M. [V] indique que,"(...) j'ai expliqué à Mme [S] la nécessité d'une intervention chirurgicale sous anesthésie locale (...) les modalités de l'intervention et ses complications éventuelles lui ont été expliquées et remis les documents officiels (...)" ;

Pour autant, s'il appartient au chirurgien d'aviser le médecin traitant de ses propres diligences, seul le patient est le créancier de l'obligation d'information pré-opératoire pesant sur le chirurgien : outre que cette mention présente elle-même un caractère général et ne permet pas de vérifier la réalité d'une information spécifique sur le risque de décompensation cornéenne, qui résultait en l'espèce d'un état antérieur de Mme [S], elle se réfère en outre à la seule remise de la fiche d'information précitée, dont l'insuffisance a été précédemment relevée.

En réalité, les deux parties admettent devant l'expert judiciaire qu'aucune mention du risque de la décompensation cornéenne n'a été évoquée, alors que l'examen permettant de détecter la pathologie à l'origine d'une telle complication de l'intervention chirurgicale n'a pas été réalisé. La possible réalisation d'un tel risque n'est enfin pas scientifiquement inconnue, dès lors que la miscroscopie spéculaire avec comptage des cellules de l'endothélium cornéen est précisément de nature à en révéler l'existence.

Le défaut d'information par M. [V] sur un tel risque est par conséquent fautif.

1.2. Sur le lien de causalité :

L'expert judiciaire relève que "(...) les lésions initiales consistent en une décompensation cornéenne 'démateuse directement imputable à l'opération de la cataracte. Il persiste comme séquelles une cornée greffée. Les séquelles sont directement imputables au lésions initiales.(...)". Une telle décompensation a été elle-même causée par la faute imputable au chirurgien et résultant d'un défaut de recherche préalable d'une pathologie de la cornée chez Mme [S].

Si Mme [S] avait été correctement informée par M. [V], elle aurait en toute connaissance de cause pu refuser l'intervention chirurgicale de la cataracte et éviter de la sorte la réalisation du risque non signalé, à savoir la décompensation cornéenne, la greffe de cornée et les douleurs y afférentes.

1.3. Sur la perte de chance :

Dans le cas où une faute commise par le professionnel de santé a seulement compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, en raison de ce que le dommage corporel avait une certaine probabilité de survenir en l'absence de survenance d'une telle faute, le préjudice résultant de cette faute n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. En'revanche, lorsque le dommage corporel ne serait pas survenu en l'absence de faute commise par le professionnel de santé, le préjudice qui en résulte doit être intégralement réparé.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'indemnisation de la perte de chance doit nécessairement correspondre à une fraction des différents chefs de préjudice effectivement subis par le patient et dus à la réalisation du risque.

Le préjudice subi par Mme [S] doit s'apprécier au regard de chacune des fautes distinctes imputables à M. [V].

1.3.1. Sur la perte de chance de renoncer à l'intervention chirurgicale en lien avec la faute d'information :

L'appréciation de la perte de chance est déterminée par le degré de probabilité selon lequel le patient aurait refusé de procéder à l'acte médical litigieux, s'il n'avait pas été privé préalablement à cet acte d'une information loyale, claire et complète par le professionnel de santé sur les risques encourus. Il convient à cet égard de prendre en considération l'état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, pour évaluer les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus.

En l'espèce, Mme [S] ne conteste pas que le préjudice résultant du défaut d'information par le médecin s'analyse comme une perte de chance. Au regard de sa pathologie et de son «'âge avancé'» (60 ans), Mme [S] prétend toutefois qu'elle n'aurait pas pris le risque de perdre davantage d'acuité visuelle au prix de douleurs et de violents maux de tête avec la contrainte de subir d'autres traitements ou investigations, doléances reprises par l'expert dans son rapport. Elle sollicite par conséquent qu'un taux de perte de chance soit fixé à 80 %, dans l'hypothèse où une réparation intégrale ne serait pas dûe au titre de la faute technique par ailleurs commise par M. [V].

À cet égard, l'expert judiciaire a toutefois relevé que l'indication de M. [H] en faveur d'une intervention sur la cataracte de l''il droit de Mme [S] est'« recevable d'après les données », compte tenu d'une cataracte intumescente avec angle irido-cornéen étroit chez une patiente fortement hypermétrope et présentant un tonusoculaire déjà élevé (27mmHg pour une norme inférieure à 21 mmHg) laissant craindre un «'glaucome chronique avec synéchies fermant déjà partiellement l'angle'».

L'expert judiciaire a par ailleurs retenu que l'intervention de la cataracte n'était pas la seule possibilité pour traiter les troubles de la vision de Mme [S] : une option était ainsi envisageable entre :

- une absence pure et simple d'intervention ; dans ce cas, la patiente prenait le risque d'une «'(...) évolution douloureuse avec probable perte fonctionnelle de l''il par glaucome aigu (...)'»,

- une intervention chirurgicale, selon l'une des trois modalités alternatives suivantes :

* opérer la cataracte, option choisie par M. [V] ;

* pratiquer une iridectomie périphérique pour tenter d'éviter la fermeture complète de l'angle ;

* pratiquer une intervention combinée cataracte-glaucome (phacoémulsi'cation, implant de chambre postérieure et trabéculectomie).

Il ajoute que si la pathologie cornéenne avait été diagnostiquée, se serait enfin posée l'indication d'une greffe de cornée.

Le dossier médical de Mme [S] fait par ailleurs ressortir qu'au 14 juin 2011, elle présentait une acuité visuelle de 1/20 à l'oeil droit et de 7/10 à l'oeil gauche.

Compte tenu des antécédents médicaux de la patiente, constitués par une mauvaise vision (amblyopie) de l'oeil droit lié au strabisme et à la cataracte réduisant la capacité visuelle globale de 25%, du risque important d'une évolution douloureuse avec probable perte fonctionnelle de l''il par glaucome aigu, en cas de non intervention, et de la possibilité d'envisager d'autres interventions, la cour estime que la victime aurait choisi de renoncer à l'intervention chirurgicale litigieuse dans une proportion de 60 % si elle avait été pleinement informée du risque de complications.

1.3.2. Sur la perte de chance d'échapper aux complications subies en lien avec la faute technique :

Les complications subies par Mme [S] résultent d'une décompensation de la pathologie préexistante, dont la survenance n'était pas certaine lors de l'opération de la cataracte pratiquée.

L'expert judiciaire indique que dans l'hypothèse où la densité cellulaire aurait atteint 1000 cellules par mm² pour chacun des deux yeux, l'intervention pratiquée par M. [V] aurait été risquée, mais pas contre-indiquée. Une telle appréciation repose toutefois sur un comptage en post-opératoire de la densité cellulaire des yeux de Mme [S], qui a notamment fait apparaître une densité de 1000 cellules par mm² pour l'oeil gauche (non opéré), alors que celle de l'oeil droit retrouve une densité de 400 cellules par mm². Pour autant, l'expert est dans l'incapacité de reconstituer une telle densité de l'oeil droit dans son état antérieur à l'opération chirurgicale et à ses complications : en l'absence de tout examen ayant établi antérieurement à l'intervention chirurgicale critiquée que le nombre de cellules restait compatible avec sa réalisation, même risquée bien qu'acceptée par une patiente valablement informée, la cour estime que cette faute dans le diagnostic a entraîné une probabilité de 60 % que la décompensation de la pathologie cornéenne se produise dans l'hypothèse choisie d'une intervention.

Dans une telle hypothèse de concours entre une perte de chance résultant d'un défaut d'information et une perte de chance résultant d'une faute technique, il convient, pour fixer le taux global de la perte de chance subie par la victime, d'additionner, d'une part, le taux de sa perte de chance de se soustraire à l'opération, c'est-à-dire la probabilité qu'elle ait refusé l'opération si elle avait été informée du risque de complications qu'elle comportait et, d'autre part, le taux de sa perte de chance résultant de la faute médicale consistant à avoir réalisé l'intervention chirurgicale litigieuse sans avoir préalablement procédé à des investigations nécessaires à son bon déroulement, ce taux étant multiplié par la probabilité qu'elle ait accepté l'opération si elle avait été informée du risque qu'elle comportait.

La perte de chance résultant du défaut d'information étant de 60 %, la contrepartie nécessaire est une probabilité de 40 % que la victime ait subi l'intervention si elle avait été valablement informée. Dès lors que la perte de chance consécutive à la faute technique est soumise à la condition que le patient accepte l'intervention, ce taux de perte de chance doit ainsi être multipliée par 40 % avant de pouvoir calculer le taux global.

Compte tenu des taux de perte de chance précédemment fixés, il en résulte un taux global de 60 % + (40% x 70%) = 88 %.

Pour autant, Mme [S] ayant indiqué à titre subsidiaire que son taux de perte de chance devait être fixé à 80 %, la cour est tenue par une telle prétention en application de l'article 4 du code de procédure civile.

2. Sur la réparation du préjudice

Les conclusions de l'expert, que la cour adopte sont les suivantes :

- la durée du déficit fonctionnel temporaire (DFT) a été total du 10 au 16/10/2013, le 18 et le 19/10/2013, du 20 au 26/10/2016 puis du 10 au 21/02/2017 ; entre ces périodes il a été à 10%,

- la date de consolidation est fixée au 26 juin 2017,

- au jour de l'expertise il persiste un déficit fonctionnel permanent (DFP) de 15%,

- les souffrances endurées sont évaluées à : 3,5/7,

- le préjudice esthétique (PE) temporaire est évalué à 1,5/7.

- le préjudice esthétique définitif est évalué à 1/7,

- le préjudice d'agrément est constitué mais pas imputable aux faits dommageables,

- des réserves en aggravation sont à prévoir ainsi que des frais de santé futurs.

I - Sur les préjudices corporels patrimoniaux

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur, lorsque le droit à indemnisation de la victime est limitée par son taux de perte de chance.

L'imputation des créances des tiers payeurs doit être est réalisée poste par poste, et non de façon globale. Dès lors qu'un poste de préjudice est indemnisé par la créance d'un tiers payeur, sans que ce dernier ne puisse recourir contre la dette du tiers responsable en raison du droit de préférence, il n'y a plus de reliquat pouvant s'imputer sur d'autres postes de préjudices. La créance de la caisse ayant été épuisée par un poste de préjudice, elle ne peut plus faire valoir la même créance sur d'autres postes sauf à contrevenir au droit de préférence.

A - Préjudice patrimoniaux temporaires :

1 - Les dépenses de santé actuelles :

Le premier juge à alloué la somme de 116,60 euros à Mme [S].

Mme [S] allègue que la somme de 116,60 euros est restée à sa charge, au titre des dépenses de santé qui seraient demeurées à sa charge.

La CPAM de l'Oise indique avoir exposé des débours définitifs avant consolidation à hauteur de 37 617, 74 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

M. [V] ne conteste pas ces montants.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de fixer le poste dépenses de santé actuelle en lien avec le fait dommageable à la somme totale de 37 730,34 euros (37 617,74 +116,60 euros).

Évaluation du préjudice total

Indemnité à la charge du responsable

Créance Cpam

Préférence victime

Somme dues à la Cpam

Dépenses de santé actuelles

37730,34

30184,27

37617,74

116,6

30067,67

Taux de perte de chance

0,8

2 - Les frais divers :

- frais de déplacement et postaux et assistance tierce personne

Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 971,67 euros (139,67 euros au titre des frais de déplacement et postaux et 832 euros au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation), constatant l'accord des deux parties sur la somme.

La cour constate que les parties ne contestent pas ce montant.

Aucune prestation n'a été versée de ce chef de préjudice par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Évaluation du préjudice total

Indemnité à la charge du responsable

Créance Cpam

Préférence victime

Somme dues à la Cpam

Frais divers

971,67

777,34

0

777,34

0

Taux de perte de chance

0,8

Dès lors ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 971,67 euros, soit après application du taux de perte de chance de 80 %, il sera accordé la somme de 777,34 euros à Mme [S].

B- Préjudice patrimoniaux permanents :

Au titre des dépenses de santé futures, Mme [S] indique n'avoir conservé à sa charge aucun frais à ce titre.

La CPAM de l'Oise indique avoir exposé des débours définitifs au titre des dépenses de santé futures à hauteur de 16 204,57 euros.

Évaluation du préjudice total

Indemnité à la charge du responsable

Créance Cpam

Préférence victime

Somme dues à la Cpam

Dépenses de santé actuelles

16204,57

12963,66

16204,57

0

12963,66

Taux de perte de chance

0,8

Dès lors ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 16 204,57 euros, soit après application du taux de perte de chance de 80 %, il sera accordé la somme de

12 963,66 euros à la CPAM de l'Oise.

II - Sur les préjudices extra patrimoniaux :

A- les préjudices extra patrimoniaux temporaires :

1- le déficit fonctionnel temporaire :

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire jusqu'à la consolidation de la victime.

Le déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 3730 euros, constatant l'accord des deux parties sur la somme.

La cour constate que les parties ne contestent pas ce montant.

Évaluation du préjudice total

Indemnité à la charge du

responsable

Créance Cpam

Préférence victime

Somme dues à la Cpam

Déficit fonctionnel temporaire

3730

2984

0

2984

0

Taux de perte de chance

0,8

Dès lors ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 3730 euros, soit après application du taux de perte de chance de 80 %, il sera accordé la somme de 2 984 euros à Mme [S].

2- les souffrances endurées :

Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 7000 euros.

Mme [S] sollicite la somme de de 7 000 euros, expliquant qu'elle a subi 5 interventions chirurgicales sur une période de 7 années et souffert d'ulcérations de la cornée en raison de la décompensation 'démateuse.

M. [V] propose la somme de 5 000 euros.

L'expert évalue ce poste de préjudice à 3,5/7, compte tenu des douleurs causés par les ulcération de la cornée au cours de la décompensation oedèmateuse, des 5 interventions chirurgicales et des contraintes liés aux soins.

Évaluation du préjudice total

Indemnité à la charge du responsable

Créance Cpam

Préférence victime

Somme dues à la Cpam

7000

5600

0

5600

0

Taux de perte de chance

0,8

Au regard de la période longue de consolidation, du nombre important d'interventions subies par Mme [S] des suites de la décompensation cornéenne et des douleurs endurée il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 7 000 euros, de sorte qu'après application du taux de perte de chance, il sera alloué à la victime la somme de 5 600 euros.

3- le préjudice esthétique temporaire :

Le premier juge a fixé ce préjudice à la somme de 2 000 euros.

Mme [S] sollicite à ce titre la somme de 2 500 euros, expliquant que 6 ans séparent la première intervention et sa consolidation.

M. [V] propose la somme de 1000 euros.

L'expert retient l'existence d'un préjudice esthétique temporaire qu'il évalue à 1,5/ 7 en raison de rougeurs oculaires et du strabisme de la patiente.

Au vu de ces éléments, et du strabisme préexistant à l'opération, il convient de fixer ce poste de préjudice à hauteur de 2 000 euros, après application du taux de perte de chance de 80 %, il sera alloué la somme de 1 600 euros à la victime.

B- les préjudices extra patrimoniaux permanent :

1- déficit fonctionnel permanent :

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 15%, en raison d'une acuité visuelle inférieure à 1/20 pour 1''il droit correspondant à une baisse des capacités physiologiques visuelles de 3 % ; des douleurs physiques et morales permanentes évaluées à 5 % ; un retentissement sur la qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence évaluée 7 %.

Le premier juge a accordé la somme de 21 000 euros à ce titre.

Mme [S] sollicite la somme de 21 000 euros sur la base de 1400 euros du point, expliquant qu'elle était âgée de 66 ans à la date de la consolidation, qu'elle souffre d'une baisse importante et définitive de son acuité visuelle, et qu'elle continue à souffrir de douleurs chroniques ayant un retentissement sur sa qualité de vie et sa vie sociale. Elle exprime sa crainte de subir de nouvelles opérations. Elle ajoute qu'en raison de la baisse de son acuité visuelle, elle n'est plus en capacité de conduire depuis juin 2016.

M. [V] propose la somme de 19 500 euros sur la base de 1300 euros du point.

La caisse primaire d'assurance-maladie n'a versé aucune prestation indemnisant ce chef de préjudice.

Compte tenu du taux d'incapacité fixé par l'expert à 15%, de l'âge de Mme [S] à la date de consolidation, 66 ans, il convient de fixer ce préjudice à hauteur de 1400 euros le point soit : 1400 * 15 = 21 000 euros, de sorte qu'après application du taux de perte de chance de 80% applicable, il sera alloué la somme de 16 800 euros à la victime.

2- préjudice esthétique permanent :

Le premier juge a fixé ce préjudice à la somme de 1500 euros.

Mme [S] sollicite la somme de 2000 euros.

M. [V] propose la somme de 1000 euros, expliquant que le strabisme était préexistant.

L'expert retient l'existence d'un préjudice esthétique permanent qu'il évalue à 1/ 7 en raison du strabisme persistant et de la mydriase.

Au vu de ces éléments, compte tenu de la mydriase, le préjudice esthétique permanent sera fixé à la somme de 1500 euros, après application du taux de perte de chance de 80 % applicable, il sera alloué la somme de 1 200 euros à la victime.

C - Sur le préjudice extrapatrimonial évolutif (hors consolidation)

Le premier juge a rejeté la demande formée par Mme [S] à ce titre.

Mme [S] sollicite de réserver un préjudice évolutif.

M. [V] s'y oppose, expliquant que ce poste de préjudice se définit comme un préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d'apparition, plus ou moins brève échéance, d'une pathologie mettant en jeu le caractère vital, ce qui n'est pas le cas en l'espère.

En l'espèce, l'expert a indiqué que "des réserves en aggravation" sont à prévoir ainsi que des frais de santé futurs, il s'agit en l'état d'un préjudice hypothétique, et non d'un préjudice évolutif, alors que dans l'éventualité d'une aggravation de son état de santé en lien de causalité direct et certain avec la décompensation cornéenne, et compte tenu de son état antérieur, il appartiendra à Mme [S] de solliciter une nouvelle indemnisation.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de cette demande.

III- Sur le préjudice d'impréparation :

Indépendamment de toute perte de chance pour la victime, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, qui, dès lors qu'il est invoqué, doit être réparé.

En l'espèce, Mme [S] sollicite en outre devant la cour la somme de 5000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice d'impréparation.

A ce titre, il résulte des développements précédents et des conclusions de l'expert que M. [V] a manqué à son obligation de lui apporter une information sur le risque spécifique de décompensation cornéenne préalablement à l'intervention chirurgicale litigieuse, alors qu'un tel risque s'est réalisé.

Ce préjudice sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 3000 euros, étant rappelé qu'un tel préjudice n'est pas soumis à un taux de perte de chance.

IV- Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

Aux termes de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné à son 3ème alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et minimum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Le versement de l'indemnité visée par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ne relevant pas de la subrogation du tiers-payeur dans les droits de la victime et présentant un caractère forfaitaire, la CPAM est fondée en sa demande tendant à voir condamner à lui payer une indemnité forfaitaire de gestion, sans qu'il y ait lieu d'en réduire le montant en cas de limitation du droit à indemnisation de la victime.

Si la perception de cette indemnitaire forfaitaire ne peut intervenir qu'à une seule reprise au cours d'une même instance, la cour observe toutefois que la CPAM subit l'appel formé à l'égard du jugement rendu par le tribunal judiciaire, alors que cette indemnité est due en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours. Dans ces conditions, il convient de condamner M. [V] à payer à la CPAM la différence entre le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dû au moment du jugement et celui dû au moment de la procédure d'appel, soit la somme de 1 114 euros ' 1 091 euros, soit 23 euros.

V- Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit :

-d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions

relatives aux dépens en ce compris les frais d'expertise et à l'article 700 du code de procédure civile,

-et d'autre part, à condamner M. [V] aux entiers dépens d'appel,

et à payer à la somme de 4 000 euros à Mme [S] et celle de 1000 euros à la CPAM de l'Oise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie, alors que cette dernière est partie à l'instance d'appel.

La créance de la caisse primaire d'assurance-maladie porte sur le remboursement de sommes auxquelles elle est légalement tenue, dont la décision judiciaire se borne à reconnaitre l'existence, de sorte qu'elle doit produire intérêts au taux légal à compter du jour de sa demande, conformément à l'article 1231-6 du code civil. Le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 14 septembre 2020.

La capitalisation annuelle des intérêts étant de droit, le jugement est confirmé en ce qu'il l'a prononcée.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Infirme le jugement rendu le 6 avril 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe, sauf en ce qu'il :

- a condamné M. [P] [V] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise la somme de 1 091 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- l'a condamné à payer à Mme [B] [S] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamné à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , et celle de 1 091 euros au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

- l'a condamné aux entiers dépens l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

- a dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise, cet organisme social étant partie représentée à l'audience ;

- a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil au profit de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise ;

- a dit que la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise est assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020 ;

- a débouté Mme [B] [S] de sa demande au titre d'un préjudice extrapatrimonial évolutif ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que M. [P] [V] a commis une faute d'imprudence en ne recherchant pas l'existence d'une pathologie cornéenne,

Dit que M. [P] [V] a commis une faute au titre de l'obligation d'information à l'égard de Mme [B] [S],

Dit que le taux de perte de chance globale de Mme [B] [S] s'établit à 80 % ;

Condamme en conséquence M. [P] [V] à payer à Mme [B] [S] les sommes suivantes :

- 116,60 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 777,34 euros au titre des frais divers (frais de déplacements et postaux + l'assistance temporaire par une tierce personne) ,

- 2 984 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 5 600 euros au titre des souffrances endurées,

- 1 600 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 16 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 1 200 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

Condamne M. [P] [V] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise les sommes suivantes :

- 30 067,67 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

- 12 963,66 euros au titre des dépenses de santé futures ;

Condamme le M. [P] [V] à payer à Mme [B] [S] la somme 3 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation,

Condamne M. [P] [V] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise la somme de 23 euros au titre d'un complément d'indemnité forfaitaire de gestion ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [V] aux dépens d'appel,

Le condamne en outre à payer la somme de 4 000 euros à Mme [B] [S] et celle de 1000 euros à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Oise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elles ont respectivement exposés en appel.

Le Greffier Le Président

F. Dufossé G. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03371
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.03371 ?
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