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06/10/2022 | FRANCE | N°21/01994

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 octobre 2022, 21/01994


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 06/10/2022





****





N° de MINUTE : 22/362

N° RG 21/01994 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRSE



Jugement (N° 19/00186) rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras







APPELANTE



Compagnie d'Assurance Arisa Assurances,, représenté par son représentant et régleur français, Van Ameyde France, venant au droit d'Avus Fra

nce.

[Adresse 10], l

[Localité 3]



Représentée par Me Xavier Denis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué



INTIMÉS



Monsieur [P] [D]

né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 16]

de...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/10/2022

****

N° de MINUTE : 22/362

N° RG 21/01994 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRSE

Jugement (N° 19/00186) rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANTE

Compagnie d'Assurance Arisa Assurances,, représenté par son représentant et régleur français, Van Ameyde France, venant au droit d'Avus France.

[Adresse 10], l

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier Denis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [P] [D]

né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 16]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Alain-François Deramaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Compagnie d'Assurance Axa France agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Hainaut prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Jonathan Da re, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 11]

Défaillante, à qui déclaration d'appel a été signifiée le22 juillet 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 01 juin 2022 tenue par Claire Bertin, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 18 février 2014 vers 1 heure est survenu un accident corporel de la circulation routière sur l'autoroute A1 impliquant :

- d'une part, le véhicule poids-lourd Mercedes immatriculé 1626-XP-80, propriété de la société Fashion partner group, assuré auprès de la société Axa France (Axa), et conduit par M.'[P] [D] dans l'exercice de sa profession de chauffeur routier,

- d'autre part, le véhicule poids-lourd Volvo immatriculé 2832-QV-27, propriété de l'entreprise JS const, assuré par la société Arisa assurances (Arisa), et conduit par M. [B] [X].

Blessé lors de la collision, M. [D] a été hospitalisé jusqu'au 21 février 2014 ; il a présenté une plaie de l'arcade sourcilière gauche, une plaie du genou droit, une plaie profonde cervicale gauche, une fracture non déplacée du sternum, un hémosinus gauche avec fracture non déplacée de l'épine nasale, et la fracture de deux dents.

L'enquête diligentée par le peloton autoroutier de la gendarmerie d'[Localité 11] n'a abouti à aucune poursuite pénale par le ministère public.

Par ordonnance du 28 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Arras a confié une mesure d'expertise médicale à M. [K] [L], qui s'est adjoint le concours d'un sapiteur en la personne de M.'[Y] [E] psychiatre, et a déposé son rapport au greffe le 9 février 2017.

L'expert [L] a fixé la date de consolidation de M. [D] au 30 août 21016, et a fixé à 18% son déficit fonctionnel permanent en lien avec le fait dommageable.

Le 7 février 2018, Axa a proposé à M.'[D] une offre d'indemnisation amiable que ce dernier a refusée.

Par acte d'huissier du 20 décembre 2018, M. [D] a fait assigner Axa devant le tribunal de grande instance d'Arras afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 528'158,67 euros en réparation de ses préjudices, ainsi que la somme de 15'614 euros pour sa compagne, Mme [C] [U].

Par acte du 7 juin 2019, Axa a fait assigner Arisa au domicile de son représentant en France Avus France, aux fins de lui dénoncer l'assignation de M. [D] et de la mettre en cause en qualité d'assureur du véhicule Volvo.

Par acte d'huissier du 13 septembre 2019, M.'[D] a fait assigner la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut pour la mettre en cause.

Ces procédure ont été jointes suivant décisions du 4 septembre et 16 octobre 2019 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Arras.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 13 janvier 2021, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire d'Arras a :

1. dit que le droit à indemnisation de M. [D] à la suite de

l'accident subi le 18 février 2014 était intégral ;

2. condamné Arisa à payer à M. [D] la somme de 226'243,57

euros, provisions non déduites, au titre de la réparation de ses préjudices, in solidum avec Axa condamnée dans la limite de son plafond de garantie fixé à

160 000 euros ;

3. constaté le versement de provisions par Axa à M. [D] à hauteur

de 14'749,12 euros ;

4. condamné Arisa à garantir et rembourser Axa des sommes versées

à M. [D] dans la limite du plafond de garantie fixé à 160'000 euros ;

5. déclaré le présent jugement commun à la CPAM du Hainaut ;

6. condamné Arisa à payer à la CPAM du Hainaut la somme de

521'160,68 euros au titre de son recours subrogatoire ;

7. condamné Arisa à payer à M. [D] la somme de 2'000 euros au

titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

8. condamné Arisa à payer à la CPAM du Hainaut la somme de 1'091

euros au titre de l'article L.'376-1 du code de la sécurité sociale ;

9. condamné Arisa à payer à la CPAM du Hainaut la somme de 1'000

euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

10. condamné Arisa aux dépens, en ce compris les frais d'expertise

judiciaire ;

11. débouté M.'[D], Arisa, Axa et la CPAM du Hainaut du surplus

de leurs demandes ;

12. débouté Mme [U] de ses demandes ;

13. ordonné l'exécution provisoire du jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 7 avril 2021, Arisa a formé «'appel total'», dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant toutefois sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1, 2, 4, 6 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 juillet

2021, Arisa, appelante principale, demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 413-17 du code de la route, d'infirmer le jugement critiqué, et de :

à titre principal,

- dire que les fautes de conduite commises par M.'[D] sont de nature à exclure totalement son droit à indemnisation ;

- débouter M.'[D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;

- dire qu'aucune condamnation ne saurait être mise à sa charge ;

- dire qu'Axa doit garantir les causes de l'accident survenu le 18 février 2014 dont a été victime M.'[D] ;

- débouter Axa de son appel en garantie de la compagnie d'assurance Arisa ;

- débouter M.'[D] de l'ensemble de ses demandes formées dans le cadre de son appel incident ;

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

- dire que le comportement fautif de M.'[D] est de nature à réduire des deux tiers son droit à indemnisation ;

- réduire dans d'importantes proportions les réclamations de M.'[D] ;

- liquider le préjudice de M.'[D] comme suit, en tenant compte de ses observations, et après application du coefficient de réduction des deux tiers':

'débouté au titre des dépenses de santé actuelles ;

'débouté au titre des frais de déplacement ;

'176,80 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

'débouté au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

'pour mémoire au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

'3'333 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

'débouté au titre de la perte des droits à la retraite ;

'2'186,62 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

'débouté au titre du préjudice esthétique temporaire ;

'10'526 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

'2'720 euros au titre des souffrances endurées ;

'680 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

'débouté au titre du préjudice sexuel ;

'débouté au titre du préjudice d'agrément ;

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Axa à lui payer la somme de 20'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Axa aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, Arisa fait valoir que :

- le véhicule Volvo, dépourvu de carte grise et de visite technique, était convoyé en direction du Congo, et circulait à vitesse réduite ; M. [D], qui progressait sur l'autoroute dans le même sens de circulation, a été surpris par la faible vitesse du poids-lourd qui le précédait, et est venu le percuter à l'arrière ;

- M.'[D] a commis une faute en ne maîtrisant pas son véhicule au moment de l'accident ; il n'est pas resté constamment maître de sa vitesse, et n'a pas anticipé ni réussi de man'uvre d'évitement, de freinage ou de sauvetage, alors que les avertisseurs lumineux de M. [X] fonctionnaient au moment de la collision ;

- M. [D] devait conduire son véhicule avec prudence en fonction des obstacles prévisibles, en restant maître de sa vitesse et en respectant les distances de sécurité avec le véhicule qui le précédait, et rien ne l'empêchait de tenter un freinage ou un dépassement ;

- le comportement de M. [X] n'est pas à l'origine de l'accident dont a été victime M. [D].

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 30 août 2021, M.

[D] intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit son droit à indemnisation intégral à la suite de l'accident subi le 18 février 2014 et reconnu qu'il n'avait pas commis de faute de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation ;

et dans le cadre de l'instance unique,

- juger qu'il bénéficie de la garantie contractuelle Axa pour le véhicule Mercedes de son employeur qu'il conduisait ;

- juger que son droit à indemnisation est entier en application de la loi du 5 juillet 1985 ;

- ordonner la liquidation de son préjudice corporel comme indiqué ci-dessus ;

- condamner solidairement Axa et Arisa, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 528'657,86 euros en réparation du préjudice subi ;

- condamner solidairement Axa et Arisa, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à Mme [U] la somme de 15'614 euros au titre du préjudice subi ;

- condamner solidairement Axa et Arisa, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer une somme de 4'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer le jugement à intervenir opposable à la CPAM du Hainaut ;

- ordonner l'exécution provisoire ;

- «'entiers dépens'» ;

- débouter «'les défendeurs'» de leurs demandes. fins et conclusions ;

- mettre hors de cause la CPAM de l'Artois.

A l'appui de ses prétentions, M. [D] fait valoir que :

- l'enquête a démontré que M.'[X] roulait sur l'autoroute au plus à une vitesse moyenne de l'ordre de 50 km/h, et qu'il est venu le percuter à une vitesse de 80 km/h ;

- en sa qualité de salarié de la société Fashion partner group, il bénéfice des garanties «'sécurité du conducteur'» prévues aux conditions générales du contrat d'assurance automobile Axa n°5747064404 souscrit par son employeur ;

- il n'a jamais eu connaissance des conditions particulières du contrat d'assurance Axa ni d'un quelconque plafond de garantie de 160'000 euros, lequel ne lui est donc pas opposable ;

- Axa sera condamnée à l'indemniser en exécution de sa garantie contractuelle ;

- Arisa reconnaît être l'assureur du camion conduit par M. [X], et ne peut solliciter sa mise hors de cause ;

- il a vu le camion de M.'[X] circuler à cheval sur la bande d'arrêt d'urgence et sur sa voie de circulation, puis se déporter subitement à son passage, le contraignant à tenter une man'uvre d'évitement en se déportant sur la gauche, mais il n'a pas pu éviter le choc à l'arrière ;

- M. [X], âgé de plus de 70 ans, circulait de nuit sur l'autoroute à une vitesse anormalement réduite comprise entre 30 et 50 km/h, sans se signaler au volant d'un camion vétuste mis en circulation en 1976, ce qui rendait son comportement dangereux pour les autres usagers de la route.

4.3. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet

2021, Axa, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'dit que les droit à indemnisation de M. [D] à la suite de l'accident subi le 18 février 2014 était intégral ;

'jugé qu'elle bénéficiait contractuellement d'une limite de garantie à hauteur de 160'000 euros quel que soit le montant du préjudice en droit commun de la victime et ne saurait être tenue au delà de ce montant ;

'constaté le versement par ses soins de provisions à M.'[D] à hauteur de 14'749,12 euros';

'débouté Mme [U] en toutes ses demandes ;

'condamné Arisa à la garantir et lui rembourser les sommes versées à M. [D] ;

- réformer le jugement entrepris en ce qui concerne la liquidation du préjudice corporel de M. [D], lequel devra être liquidé comme ci-dessus ;

- statuer sur les dépens comme de droit.

A l'appui de ses prétentions, Axa fait valoir que :

- M.'[X] circulait à vitesse anormalement réduite sur l'autoroute et gênait la progression des autres usagers de la route, ce qui est constitutif d'un comportement dangereux à l'origine de l'accident survenu le 18 février 2014 ;

- suivant conditions particulières du 26 avril 2013, la société Fashion partner group a fait assurer auprès d'elle sa flotte de véhicules, dont le poids-lourd immatriculé 1625XP-80 ;

- ces conditions particulières stipulent en leur article 3, en complément des garanties légales obligatoires, une garantie «'sécurité du conducteur'» plafonnée à 160'000 euros ;

- elle a été condamnée, au titre de la garantie «'sécurité du conducteur'», à verser 160'000 euros d'indemnité à M.'[D] à concurrence du plafond de garantie puis, étant subrogée dans les droits de M.'[D], obtenu la garantie intégrale d'Arisa ;

- Axa n'a pas vocation à intervenir dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985, mais de la garantie contractuelle du conducteur ;

- sa garantie «'sécurité du conducteur'» se calcule selon les règles du droit commun, déduction faite des prestations des tiers payeurs ;

- en sa qualité de salarié, M. [D] bénéficie de la garantie du conducteur souscrite par l'assuré d'Axa, qui n'est autre que son employeur ; il importe peu qu'il n'ait pas eu connaissance des conditions particulières du contrat souscrit par la société Fashion partner group, lesquelles sont claires, complètes et signées ;

- elle ne peut pas être condamnée solidairement à la réparation intégrale du préjudice de la victime avec Arisa, assureur du tiers responsable ;

- en application de l'article R.'413-9 du code de la route, aucun conducteur ne doit gêner la marche normale des autres véhicules en circulant sans raison valable à une vitesse anormalement réduite ;

- M.'[X] a fait le choix d'emprunter l'autoroute qui est une voie rapide, alors qu'il avait connaissance de la vétusté du camion, de ses capacités mécaniques limitées, et donc de son incapacité à atteindre les vitesses minimales imposées sur cet axe, alors qu'il circulait en dessous des limitations de vitesse du réseau secondaire ;

- l'accident est survenu en raison de cette vitesse surprenante, alors que M. [X] n'a pas signalé la présence et la faible allure de son poids-lourd par des avertisseurs lumineux particuliers ;

- le véhicule assuré par Arisa est bien impliqué dans l'accident subi par M. [D] et ayant entraîné le versement d'indemnités par Axa ;

- elle est recevable et bien fondée à agir contre Arisa, assureur du responsable de l'accident, en application des article L. 121-12 et L. 211-15 du code des assurances dans la mesure où, lorsqu'il y a un tiers responsable de l'accident, l'indemnité versée au titre de la garantie «'sécurité du conducteur'» constitue une avance sur recours, le bénéficiaire subrogeant l'assureur dans ses droits dans la limite de l'indemnité versée ;

- M.'[D] n'a commis ni défaut de maîtrise ni circulation à vitesse excessive eu égard aux circonstances ;

- la police souscrite auprès d'elle ne contient aucune garantie susceptible de bénéficier au conjoint du conducteur victime en cas de survie de celui-ci.

4.4. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mai 2022,

la CPAM du Hainaut, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles L. 376-1 et L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

- dit que les droit à indemnisation de M.'[D] à la suite de l'accident subi le 18 février 2014 était intégral ;

- condamné Arisa à lui payer la somme de 521'160 68 euros au titre de son recours subrogatoire ;

- condamné Arisa à lui payer la somme de 1'091 euros au titre de l'article L.'376-1 du code de la sécurité sociale ;

- condamné Arisa à lui payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et y ajoutant,

- condamner Arisa à payer la somme de 14'453,37 euros au titre de ses débours définitifs ;

- condamner Arisa à lui payer la somme de 1'200 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Arisa en tous les frais et dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la CPAM du Hainaut fait valoir que :

- M.'[D] n'a commis aucune faute, l'accident ayant été provoqué par la vitesse excessivement lente sur l'autoroute de M.'[X] ;

- son relevé définitif de débours à la suite de l'évaluation du préjudice relatif à la pension d'invalidité s'élève à la somme de 535'613,45 euros ;

- elle réclame donc la liquidation définitive de ses débours à une somme complémentaire de 14'453,37 euros ;

- subrogée dans les droits de la victime, elle est bien fondée à demander au tiers responsable le remboursement de toutes les prestations et indemnités par elle versées à la victime à concurrence et par priorité de l'indemnité qui pourrait être mise à la charge du tiers.

4.5. La CPAM de l'Artois, régulièrement intimée, n'a pas constitué

avocat devant la cour d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

Aux termes de l'article L.'454-1 du code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun.

En l'espèce, dès lors que l'accident de la circulation survenu le 18 février 2014 implique le véhicule d'un tiers pendant l'exécution du travail et que la responsabilité de l'employeur ou d'un autre préposé n'est pas en cause, les règles d'indemnisation applicables sont celles de droit commun, notamment le régime d'indemnisation des accidents de la circulation régi par la loi du 5 juillet 1985.

I - Sur la faute limitative ou exclusive de responsabilité du conducteur victime

L'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule. La seule cause d'exonération admise est donc la faute de la victime.

L'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose ainsi que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice.

Toute faute quelconque d'une victime elle-même conductrice ayant eu un rôle causal dans la survenance du dommage peut lui être opposée non seulement pour réduire son droit à indemnisation, mais également, selon l'appréciation de la force causale de sa faute, pour la priver totalement de ce droit, quand bien même sa faute ne revêtirait pas les caractères de la force majeure.

L'absence de rôle causal de la faute ne peut être déduite de la gravité de la faute du conducteur responsable ; l'intensité de la transgression par ce dernier aux règles de conduite, impropre à l'établir, n'est donc pas significative. Le rôle causal de la faute de la victime conductrice doit être appréciée indépendamment du comportement de tout autre conducteur impliqué dans l'accident.

Des procès-verbaux d'enquête de gendarmerie, il apparaît que le 18 février 2014 vers 1 heure sur l'autoroute A1 à [Localité 15] (62) est survenu un accident corporel de la circulation routière au cours duquel M.'[D], conducteur salarié d'un poids lourd Mercedes appartenant à son employeur, la société Fashion partner group, est venu percuter par l'arrière un camion Volvo conduit par M.'[X], qui le précédait et circulait à vitesse réduite.

Entendu, M.'[D] a expliqué qu'il circulait à la vitesse normale de 90 km/h sur la voie de droite de l'autoroute lorsqu'il avait vu devant lui un véhicule qui progressait très lentement ; il ne se souvenait plus si le camion roulait sur la même voie que lui ou s'il se trouvait à cheval sur la bande d'arrêt d'urgence ; il s'était déporté sur la gauche mais n'avait pu éviter le choc.

M. [X] a relaté qu'il circulait à une vitesse d'environ 65 km/h sur l'autoroute, alors que la visibilité était bonne et le trafic fluide, qu'il avait actionné son clignotant à droite pour prévenir de sa présence, que plusieurs poids-lourds l'avaient dépassé ; il avait été percuté à l'arrière gauche par un véhicule qu'il n'avait pas vu arriver, et avait effectué un tête à queue sous le choc.

Sur le disque chronotachygraphe de M.'[D], il a été relevé une vitesse de circulation de 90 km/h au moment de la collision sans aucune décélération.

La cour rappelle que la faute de conduite reprochée à M.'[D] doit s'apprécier indépendamment du comportement du conducteur du poids-lourd Volvo, de sorte que la cour n'a pas à rechercher si son conducteur circulait ou non à vitesse anormalement lente sur autoroute.

De l'ensemble des éléments d'enquête, pièces, et constatations, il ressort à l'évidence que le comportement de M.'[D] a contribué à la réalisation de son propre dommage, dès lors qu'il est établi, même s'il circulait à vitesse réglementaire, qu'il a été surpris de nuit par la présence dans sa voie de circulation d'un ensemble routier, qu'il a tenté une man'uvre d'évitement à gauche mais n'a pas su la maîtriser, qu'il est venu tout seul au mépris des distances de sécurité percuter par l'arrière le camion qui le précédait, aucun ralentissement ou freinage n'ayant été relevé, ce qui dénote à l'évidence de sa part une faute d'inattention et d'imprudence, d'autant que les conditions de circulation tenant à la visibilité, aux conditions atmosphériques et à la densité du trafic, s'avéraient optimales, et que l'avertisseur lumineux de M.'[X] fonctionnait au moment de la collision.

M.'[D] a ainsi commis une faute d'imprudence et d'inattention lors de sa conduite sur autoroute ainsi qu'un défaut de maîtrise, lesquels sont en relation de causalité directe et certaine avec son préjudice, et ont pour effet d'en limiter l'indemnisation.

La cour juge qu'il y a lieu de retenir la commission par la victime d'une faute ayant contribué à la réalisation de son propre préjudice dans une proportion qu'elle fixe à 50%.

Le droit à indemnisation de M. [D] sera par conséquent limité de moitié.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

II - Sur l'appel en garantie de l'assureur Axa

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

La société Fashion partner group a souscrit le 26 avril 2013 auprès d'Axa un contrat d'assurance automobile n°5747064404 pour l'ensemble des véhicules automobiles composant sa flotte, et a accepté les conditions générales et particulières dudit contrat.

Aux termes de l'article 5.1 «'sécurité du conducteur'» des conditions générales, sont garantis les dommages corporels subis par le conducteur victime d'un accident de la circulation routière lorsqu'il conduit un véhicule assuré avec l'autorisation de son propriétaire.

Le contrat garantit, à la suite d'un accident de la circulation routière, le préjudice de l'assuré calculé selon les règles du droit commun français, sous déduction des prestations indemnitaires versées par les tiers payeurs. Les prestations indemnitaires sont celles versées par les tiers énumérés à l'article 29 à 33 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 relative à l'indemnisation des victimes.

Les conditions particulières stipulent en pages 3, 7 et 8 que la garantie complémentaire «'sécurité du conducteur'» est accordée dans la limite d'un plafond de garantie de 160'000 euros.

En l'espèce, il est indifférent que le salarié, M. [D], n'ait pas accepté les conditions générales et particulières du contrat d'assurance souscrit par son employeur, lesquelles sont claires, complètes, signées par celui-ci.

Axa intervient comme assureur de personnes dans les limites du contrat souscrit par l'employeur pour le compte d'un bénéficiaire déterminé, lequel peut se voir opposer les exceptions et limites de garantie opposables au souscripteur originaire en application des articles L.'112-1 et L.'112-6 du code des assurances.

Il s'ensuit qu'Axa n'a pas vocation à garantir le sinistre en application de la loi du 5 juillet 1985, et qu'elle ne saurait être condamnée solidairement à la réparation intégrale du préjudice de la victime avec Arisa, assureur du tiers responsable.

En conséquence, Axa sera condamnée à garantir le sinistre corporel subi par M. [D] sous déduction des prestations indemnitaires versées par les tiers payeurs, et dans la limite de son plafond de garantie de 160'000 euros.

III - Sur la mise en cause de l'assureur Arisa

Il s'observe qu'Arisa ne conteste pas être l'assureur du véhicule conduit par M.'[X], et impliqué dans l'accident corporel de la circulation routière survenu le 18 février 2014 au préjudice de M.'[D].

En conséquence, la cour condamnera Arisa, assureur du tiers responsable, à réparer les préjudices subis par M.'[D] à hauteur de 50%, étant ici rappelé que la cour a retenu une faute du conducteur victime de nature à réduire de moitié son droit à indemnisation.

S'agissant du recours subrogatoire de l'assureur du conducteur victime, l'article L.'211-25 du code des assurances dispose que les deux premiers alinéas de l'article 33 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 sont applicables aux assureurs.

Lorsqu'il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation dans la limite du solde subsistant après paiement aux tiers visés à l'article 29 de la même loi du 5 juillet 1985. Il doit être exercé, s'il y a lieu, dans les délais impartis par la loi aux tiers payeurs pour produire leurs créances.

Aux termes de l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985, hormis les prestations mentionnées aux articles 29 et 32, aucun versement effectué au profit d'une victime en vertu d'une obligation légale, conventionnelle ou statutaire n'ouvre droit à une action contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur.

Tous disposition contraire aux prescriptions des articles 29 et 32 et du présent article est réputée non écrite à moins qu'elle ne soit plus favorable à la victime. [...]

Cette action n'est ainsi possible qu'à l'encontre de l'assureur de la personne tenue à réparation, en exécution d'une clause contractuelle d'avance sur indemnité et ne peut s'exercer que dans la limite du solde subsistant après paiement aux tiers-payeurs visés à l'article'29 de la loi de 1985 précitée.

En l'espèce, Axa verse au débat les conditions générales du contrat du véhicule Mercedes impliqué dans l'accident, lesquelles prévoient en page 26 la modalité de règlement de la garantie «'sécurité du conducteur'» en ces termes : «'quelle que soit la responsabilité du conducteur assuré, nous versons l'indemnité résultant de la garantie dans la limite du plafond garanti. Cette indemnité constitue :

- une avance sur indemnisation lorsqu'un recours s'avère possible en totalité ou partiellement,

- un règlement définitif lorsque la responsabilité du conducteur assuré est totalement engagée ou lorsqu'un recours s'avère impossible.

En application de l'article L.'211-15 du code des assurances, l'assureur est substitué, pour chacun des chefs de préjudice réparés, dans les droits et actions des personnes indemnisées contre tout responsable de l'accident, à concurrence des sommes payées par lui.'»

Axa rapporte ainsi la preuve que son recours subrogatoire est prévu au contrat.

En outre, M.'[D] reconnaît dans ses écritures qu'il a effectivement reçu de l'assureur Axa le règlement de six provisions de 500 euros le 25 juillet 2014, 800 euros le 14 novembre 2014, 1'000 euros le 3 avril 2015, 1'000 euros le 18 août 2015, et 2'500 euros le 23 octobre 2015, 8'000 euros le 27 mai 2016, soit une somme globale de 13'800 euros à déduire de l'indemnisation définitive de son préjudice corporel.

Suivant procès-verbaux de transaction provisionnelle joints au débat, M.'[D] a subrogé l'assureur Axa dans ses droits contre tout tiers responsable en vue de récupérer tout ou partie de l'indemnité.

En conséquence, il y a lieu de faire droit au recours subrogatoire d'Axa dirigé contre Arisa pour obtenir remboursement de la provision globale de 13'800 euros déjà versée à la victime à titre d'avance sur recours, et de toutes les sommes qu'elle sera amenée à verser dans le cadre de la présente instance dans la limite du plafond de garantie de 160'000 euros.

IV - Sur l'indemnisation du conducteur victime

A - Sur l'évaluation des préjudices corporels

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1° - Sur les dépenses de santé actuelles

Le premier juge a fixé la créance de M. [D] à une somme de 2'396,75 euros à ce titre, et celle de la CPAM du Hainaut à la somme de 47'373,38 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

M.'[D] réclame une somme de 2'455,85 euros correspondant à des dépenses restées à sa charge': 42,10 euros pour l'achat de lunettes, 17 euros pour l'achat d'un respirateur artificiel, 2'323,35 euros pour la pose d'implants et de prothèses dentaires pour les dents 11, 12 et 38, et 73,40 euros de transport en ambulance pour assister à l'expertise.

La CPAM du Hainaut réclame une somme de 45'400,09 euros au titre des dépenses de santé actuelles correspondant aux frais hospitaliers et aux frais médicaux exposés du 18 février 2014, date de l'accident, au 30 août 2016, date de consolidation. Dans son relevé définitif du 28 avril 2022, elle chiffre ses débours aux sommes suivantes':

'442,50 euros au titre des frais hospitaliers du centre hospitalier d'[Localité 11] ;

'5'965 euros au titre des frais hospitaliers du CHRU de [Localité 14] ;

'809,91 euros au titre des frais hospitaliers du centre hospitalier d'[Localité 12] ;

'9'326,26 euros au titre des frais hospitaliers du centre de rééducation [13] à [Localité 14] ;

'28'856,42 euros au titre des frais médicaux du 18 février 2014 au 30 août 2016 :

soit un total de 45'400,09 euros.

Axa et Arisa concluent au débouté de la demande de M.'[D] au titre des dépenses de santé actuelles. Elles font valoir que les factures d'achat de lunettes, de respirateur artificiel, de transport en ambulance n'apparaissent pas imputables à l'accident, et qu'il est impossible de déterminer quelles sommes au titre des soins dentaires sont restées à la charge de la victime.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, il n'est pas démontré de lien de causalité entre l'accident, et les factures Flip'optic du 24 janvier 2015, et SCM Balneolys du 21 mars 2016.

Suivant attestation du 29 décembre 2014, le chirurgien-dentiste, M. [H], chiffre les honoraires de soins dentaires restés à la charge de M.'[D] à la somme de 2'323,35 euros, après remboursement par l'organisme de sécurité sociale et la mutuelle Mercer.

L'expert [L] confirme que la pose d'implants sur les dents 11 et 12 se sont avérés nécessaires à la suite de l'accident, et que la dent 38 ébréchée a dû être reconstituée par un composite.

Le justificatif de règlement des frais d'ambulance non remboursés du 1er septembre 2014 correspond à un transport effectué le 5 août 2014 au cabinet du médecin conseil de l'assureur, M.'[G], lequel est bien imputable au ait dommageable.

Les créances alléguées par la caisse sont imputables à l'accident corporel.

M. [D] est fondé à obtenir remboursement des dépenses de santé actuelles restées à sa charge à hauteur de 2'396,75 euros (soit 2'323,35 + 73,40).

Il y a lieu de fixer le poste des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable à la somme de 47'796,84 euros (soit 2'396,75 euros + 45'400,09 euros).

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur du tiers responsable s'élève à la somme de 23'898,42 euros (soit 47'796,84 euros x 50%).

En application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, il convient d'allouer à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde au tiers payeur.

En conséquence, il convient de condamner Arisa à payer à M. [D] la somme de 2'396,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à sa charge, et de fixer la créance de la CPAM du Hainaut à la somme de 21'501,67 euros (soit 23'898,42 - 2'396,75) au titre des dépenses de santé actuelles.

2° - Sur les pertes de gains professionnels actuels

Le premier juge a fixé la créance de M.'[D] au titre des pertes de gains professionnels actuels à la somme de 7'296,84 euros, et celle de la CPAM du Hainaut à la somme de 69'418,28 euros.

M.'[D] réclame une indemnisation de 31'062,03 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, soutenant avoir subi une perte de revenus de 10'007 euros en 2014, 10'060 euros en 2015, et 6'378 euros en 2016, outre des indemnités non versées par son employeur pendant cette période pour un montant de 7'995,03 euros.

Axa conclut au débouté de la demande, faisant valoir que M.'[D] ne rapporte pas la preuve de ses prétentions.

Arisa conclut au débouté de la demande sur ce point, arguant que les revenus de la victime ont augmenté entre 2014 et 2015, et qu'elle ne justifie pas des indemnités que son employeur ne lui aurait pas versées pour un montant de 7'995,03 euros.

La CPAM du Hainaut réclame une indemnisation à hauteur de 69'427,28 euros au titre des indemnités journalières versées du 19 février 2014 au 30 août 2016.

Sur ce, les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation.

La cour rappelle que l'indemnisation des pertes de gains professionnels étant égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

Du fait des conséquences directes de l'accident, l'expert [L] conclut à une incapacité temporaire totale de travail pour M. [D] du 18 février 2014 au 30 août 2016.

Avant l'accident, M. [D] avait perçu en 2013 des revenus annuels nets de 27'583 euros de son emploi de chauffeur routier, et des revenus annuels de 2'600 euros de son activité rémunérée d'arbitre de football, soit un revenu annuel global net de référence de 30'183 euros.

Il aurait donc dû percevoir, en l'absence de survenance du fait dommageable, les revenus suivants :

26'410,13 euros du 19 février au 31 décembre 2014 pendant 10 mois et demi ;

30'183 euros du 1er janvier au 31 décembre 2015 pendant douze mois ;

20'122 euros du 1er janvier au 30 août 2016 pendant huit mois ;

soit une rémunération totale de 76'715,13 euros.

Du 19 février 2014 au lendemain de l'accident au 30 août 2016, date de consolidation, M. [D] a perçu des indemnités journalières de la CPAM du Hainaut d'un montant cumulé de 69'427,28 euros.

Il s'ensuit que sa créance au titre des pertes de gains professionnels actuels doit être évaluée à la somme de 7'287,85 euros (soit 76'715,13 - 69'427,28), et celle de la CPAM du Hainaut à la somme de 69'427,28 euros.

En l'absence de production de ses bulletins de salaires ou d'une attestation de son ancien employeur, M.'[D] ne justifie pas des indemnités dont il aurait été privé par ce dernier à hauteur de 7'995,03 euros, étant ici rappelé que s'il peut en principe réclamer le remboursement des primes et indemnités qui font partie du salaire dont il a été privé, il ne peut réclamer le paiement des frais liés à l'exercice du travail qu'il n'a pas eu à exposer pendant son arrêt d'activité, tels ses frais de transport, d'hébergement, ou de nourriture.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur du tiers responsable s'élève à la somme de 38'357,57 euros (soit 76'715,13 x 50%).

En application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge de l'assureur du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

Il convient de condamner Arisa à payer à M.'[D] la somme de 7'287,85 euros et à la CPAM du Hainaut la somme de 31'069,72 euros (soit 38'357,57 - 7'287,85) au titre des pertes de gains professionnels actuels.

3° - Sur les frais divers

- Sur les frais divers proprement dits

Le premier juge a alloué à ce titre à M.'[D] une somme de 952,06 euros.

M.'[D] sollicite la condamnation des assureurs à lui payer 204,09 euros de frais de déplacement en 2015 et 2016 pour se rendre auprès de son conseil et des médecins, 3'313 euros au titre de ses frais d'avocat, 136,12 euros en remboursement des frais d'huissier, 600 euros de frais d'expertise réglés au sapiteur, 800 euros de provision pour l'expert judiciaire.

Axa offre une indemnisation de 204,09 euros au titre des frais de transport, sous réserve de la production de la carte grise du véhicule utilisé.

Arisa conclut au rejet de la demande au titre des frais divers.

Sur ce, il s'agit des frais liés à l'hospitalisation, des frais de déplacement pour consultation ou soins, des frais de garde d'enfants ou d'aide ménagère, des frais de transport et d'hébergement des proches pour visiter la victime, ou encore des frais d'assistance par un médecin conseil.

La cour juge que les frais exposés par M. [D] pour se rendre chez son avocat, pour assurer sa défense, ainsi que les frais d'huissier et d'expertise judiciaire sont inclus dans les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, et ne peuvent être remboursés au titre des frais divers.

M. [D] justifie, par la production de la carte grise, être propriétaire d'un véhicule automobile Nissan Tino d'une puissance de 7 chevaux fiscaux, ainsi que des kilomètres parcourus en 2015 et 2016, et Axa ne s'oppose pas au remboursement des frais de transport imputables à l'accident à hauteur de 204,09 euros.

Dans ces conditions, le préjudice sera évalué à la somme de 204,09 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur du tiers responsable s'élève à la somme de 102,05 euros (soit 204,09 euros x 50%).

- Sur l'assistance temporaire par une tierce personne

Le premier juge a alloué à la victime une somme de 800 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

M. [D] sollicite la confirmation de ce chef sur la base d'une indemnisation de 20 euros par jour de besoin en aide humaine, indiquant avoir eu recours à sa famille.

S'agissant d'une tierce personne non spécialisée effectuée par la famille, Axa offre une indemnisation de 600 euros sur la base de 15 euros de l'heure.

Arisa propose une indemnisation de 520 euros sur la base de 13 euros de l'heure.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

L'expert [L] relève un besoin en aide humaine de 2 heures par jour du 22 février au 13 mars 2014.

Il convient d'évaluer le poste de préjudice assistance tierce personne temporaire sur une base horaire de 20 euros pour une aide active, et de calculer le coût de l'aide quotidienne pendant une période de 20 jours.

Ce poste de préjudice sera donc calculé de la manière suivante : 2 heures x 20 jours x 20 euros = 800 euros.

Il convient de fixer la créance de M. [D] en remboursement du besoin temporaire en aide humaine à la somme de 800 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, Arisa sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 400 euros (soit 20 357,62 x 75%) au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents

1° - Sur les dépenses de santé futures

Le premier juge a fixé la créance de l'organisme de sécurité sociale à la somme de 19'888,10 euros au titre des dépenses de santé futures.

M.'[D] n'allègue pour ce poste aucune somme restée à sa charge.

La CPAM du Hainaut sollicite une indemnisation de 23'710 euros pour les soins post-consolidation du 31 août 2016 au 25 août 2021.

Axa et Arisa ne concluent pas sur ce point.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers, les frais d'hospitalisation, et tous les frais paramédicaux, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

L'expert judiciaire [L] [Z] considère que des dépenses de santé futures seront liées au suivi et au traitement médical à poursuivre.

Il convient de fixer le poste des dépenses de santé futures échues en lien avec le fait dommageable à la somme totale de 23'710 euros correspondant à des soins post-consolidation prodigués du 21 août 2016 au 25 août 2021 suivant le relevé définitif de débours du 28 avril 2022.

Compte tenu de la réduction de moitié du droit à indemnisation, Arisa sera condamnée à payer à la CPAM du Hainaut la somme de 11'855 euros (soit 23'710 x 50%) au titre des dépenses de santé futures, aucune somme ne revenant à ce titre à la victime.

2° - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a fixé la créance de M.'[D] à la somme de 152'406,67 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, et celle de la CPAM du Hainaut à la somme de 384'480,92 euros.

M.'[D] réclame en viager une indemnisation de 367'553,86 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels futurs, arguant que :

- il a été placé en invalidité professionnelle de 2ème catégorie laquelle concerne un salarié ayant perdu au moins les deux tiers de ses capacités de travail et ne peut plus exercer un travail quel qu'il soit ;

- il a subi un licenciement pour inaptitude au travail le 3 septembre 2016 ;

- il se trouve dans l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle antérieure ;

- ses revenus annuels de référence avant l'accident s'élevaient à la somme de 30'183 euros ;

- à compter de sa consolidation, il subit en moyenne une différence annuelle de salaire net de 14'015,40 euros, qu'il convient de capitaliser avec un coefficient de 26,225 correspondant au barème 2018 de la Gazette du palais.

Suivant relevé définitif de débours du 28 avril 2022, la CPAM du Hainaut fait valoir au titre de ce poste les créances suivantes :

'35'986 euros au titre des indemnités journalières du 31 août 2016 au 17 décembre 2017

'35'754,85 euros au titre des arrérages échus de la rente accident du travail du 18 décembre 2017 au 15 mars 2022 ;

'191'325,71 euros au titre du capital rente accident du travail arrêté au 16 septembre 2019 ;

'52'035,96 au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité du 1er janvier 2019 au 31 mars 2022 ;

'81'973,56 euros au titre du capital invalidité arrêté au 1er avril 2022 ;

soit un total de 397'076,08 euros.

Axa conclut au débouté de la demande, considérant que :

- le taux de l'euro de rente viagère à prendre en considération s'élève à 23,386 pour un homme de 56 ans ;

- il convient de déduire de la créance de la victime les arrérages échus et à échoir au titre de la rente accident du travail et de la rente invalidité ;

- la créance de la caisse est supérieure aux droits de la victime.

Arisa évoque «'pour mémoire'» la perte de gains professionnels futurs, n'offre aucun somme pour ce poste, et fait valoir que :

- M.'[D] ne prouve pas être dans l'impossibilité absolue d'exercer toute activité professionnelle';

- il ne démontre pas avoir accompli de démarches pour retrouver un emploi adapté à son état de santé';

- il convient de déduire des sommes réclamées par la victime le montant du capital «'rente accident du travail'» versé par la CPAM du Hainaut.

Sur ce, il est rappelé que les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

Des pièces produites, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, il apparaît qu'à la date de l'accident le 18 février 2014, M. [D] exerçait depuis le 20 octobre 1986 la profession de chauffeur routier au sein de la société Fashion partner group. Il n'a pu reprendre son emploi à la suite de l'accident.

Lors de la première visite à la médecine du travail le 1er avril 2016, il a été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste sans travaux de manutention, sans travaux de conduite de poids-lourd ou de véhicules légers. Lors de la seconde visite le 22 avril 2016, il a été déclaré inapte à tous les postes, le médecin du travail considérant même que tout maintien dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Il a été licencié pour inaptitude au travail le 3 septembre 2016.

Le 18 janvier 2019, il a été classé en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er janvier 2019 par la CPAM de l'Artois, ce qui correspond à un état d'invalidité réduisant au moins de deux tiers sa capacité de travail ou de gain.

S'il prétend avoir finalement été reconnu travailleur handicapé et percevoir l'allocation adulte handicapé, force est de constater qu'il n'en justifie pas. Il ne démontre pas avoir entrepris de démarches de recherche d'emploi, de reclassement, ou de formation depuis sa consolidation.

L'expert [L] retient qu'il existe un retentissement professionnel indiscutable lié aux conséquences directes de l'accident ; compte tenu de l'état psychique du patient et de ses prises médicamenteuses, l'expert considère qu'il lui est impossible de retrouver le même poste de travail qu'antérieurement, notamment la conduite de poids-lourds ; toutefois, son état de santé reste compatible avec une activité légère, sans conduite de véhicule pour le travail, n'excluant pas la manutention, l'optimisation du poste de travail devant faire l'objet d'un nouveau bilan de compétence.

Il est constant que l'auteur d'un fait dommageable est tenu d'en réparer toutes les conséquences sans que l'on puisse exiger de la victime qu'elle limite son préjudice en acceptant des conditions de travail radicalement différentes de celles qui étaient les siennes avant l'accident.

C'est donc vainement que l'assureur Arisa oppose à la demande d'indemnisation de M. [D] le fait que celui-ci ne démontrerait pas avoir entrepris de démarches de recherche d'emploi, de reclassement, ou de formation depuis sa consolidation.

Il est suffisamment établi que la perte pour M. [D] de son emploi de chauffeur-routier et de la rémunération correspondante est de façon directe et certaine imputable au fait dommageable survenu le 18 février 2014.

Des bilans de compétence réalisés par le psychologue du travail le 31 mars 2016 et 2 janvier 2017, il ressort que M. [D] n'a pas la possibilité de rester debout de manière prolongée du fait de ses douleurs aux genoux et au dos, que sa dextérité manuelle s'est dégradée dès lors qu'il ne peut tenir un stylo, qu'il souffre de fatigabilité psychique et ne peut se concentrer plus d'une heure ; le traumatisme lié à son accident empêche de déterminer un projet professionnel en adéquation avec ses aptitudes physiques et psychologiques.

Pour la période postérieure à l'arrêt, si M. [D] n'a pas été déclaré inapte à tout emploi, les pièces produites démontrent pour autant qu'il n'a jamais été en capacité de reprendre un travail.

Les parties ne s'opposent pas au calcul viager des pertes de gains professionnels futurs.

Étant ici rappelé que le choix du barème de capitalisation, support de l'évaluation des préjudices futurs, relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond, il convient d'opter pour l'application du barème de capitalisation édité pour 2018 par la Gazette du palais (publié le 29 novembre 2017), qui est fondé sur une espérance de vie issue des tables de mortalité 2010-2012, un taux d'intérêt de 0,5% corrigé de l'inflation, permettant ainsi de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire, et constituant le référentiel le mieux adapté à l'espèce.

Dans leurs écritures, les parties ne contestent pas le calcul effectué par M.'[D] selon lequel celui-ci subit par suite de l'accident à compter de la date de consolidation une perte moyenne de salaire annuel net de 14'015,40 euros.

Les pertes échues du 30 août 2016 au 30 septembre 2022, date la plus proche de l'arrêt, s'élèvent donc à la somme de 85'260,35 euros sur 73 mois (soit 14'015,40 x 73/12).

Les pertes de gains à échoir suivant ledit barème de capitalisation, et coefficient de capitalisation de 22,692 (soit le prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 57 ans comme étant né le [Date naissance 4] 1964) s'élève à la somme de 318'037,46 euros (soit 14 015,40 x 22,692).

La créance au titre des pertes de gains professionnels futurs de la victime s'élèvent donc à la somme totale de 403'297,81 euros (soit 85'260,35 + 318'037,46 euros).

Compte tenu du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur du tiers responsable s'élève à la somme de 201'648,91 euros (soit 403'297,81 euros x 50%).

Durant cette même période, M. [D] a reçu de la CPAM du Hainaut des indemnités journalières, une rente invalidité et une rente accident du travail pour un total de 397'076,08 euros.

Il en résulte que la victime a subi un préjudice non indemnisé par le tiers payeur à hauteur de': 403'297,81 - 397'076,08 = 6'221,73 euros, soit un montant inférieur à la limite indemnitaire à la charge de l'assureur du tiers responsable.

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

Il convient de condamner Arisa à payer à M. [D] la somme de 6'221,73 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, et à la CPAM du Hainaut après application du droit de préférence de la victime la somme de 195'427,18 euros (soit 201'648,91 - 6'221,73).

3° - Sur l'incidence professionnelle

M.'[D] réclame une indemnisation de 30'000 euros en réparation de l'incidence professionnelle, plus une somme de 35 892,72 euros au titre de sa perte de droits à la retraite, et expose que :

- il a toujours exercé le métier de chauffeur routier dans la même entreprise ;

- si lors de la première visite auprès de la médecine du travail le 1er avril 2016, il a été déclaré inapte à son poste de travail mais apte à un poste sans travaux de manutention et sans conduite, il a finalement été déclaré inapte le 22 avril 2016 à tous travaux dans l'entreprise ;

- le bilan de compétences réalisé entre le 8 janvier et le 31 mars 2016 a conclu qu'il n'avait pas été possible de déterminer un projet professionnel correspondant à ses aptitudes physiques et psychologiques ;

- son second bilan de compétences réalisé le 2 janvier 2017 a précisé que ses projets de travail salarié au sein d'un syndicat ou comme moniteur-éducateur n'avaient pu aboutir, et qu'il ne pourrait les concrétiser qu'après avoir recouvré ses capacités physiques et psychologiques ;

- reconnu travailleur handicapé, il perçoit désormais l'allocation adulte handicapé;

- sa dévalorisation professionnelle est majeure, et ses chances de retrouver un emploi sont désormais très minces ;

- du fait de l'accident, il a cessé de cotiser à la caisse de retraite complémentaire Argos, ce qui lui aurait permis d'obtenir 135 points supplémentaires par an, et d'espérer une retraite majorée d'environ 145 euros par mois.

Axa fait valoir que :

- elle ne discute pas le principe de l'indemnisation dès lors qu'il y a nécessité de reconversion professionnelle et pénibilité accrue pour M. [D] ;

- elle offre une somme de 10'000 euros qu'il convient d'imputer au reliquat de la créance de la caisse, de sorte que M.'[D] doit être débouté de sa demande au titre de l'incidence professionnelle';

- la perte de droits à la retraite est une des composantes de l'incidence professionnelle ;

- la victime calcule l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs avec un euro de rente viager, lequel teint nécessairement compte de la diminution des droits à la retraite.

Arisa offre une somme de 10'000 euros en réparation de l'incidence professionnelle, exposant que':

- une reconversion professionnelle et une pénibilité sont à retenir ;

- la perte des droits à la retraite est l'une des composantes du poste incidence professionnelle ;

- rien ne démontre que M.'[D] aurait continué de cotiser à un régime complémentaire de retraite lui permettant d'obtenir les majorations alléguées.

Sur ce, l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste.

Si M. [D] n'a pas été reconnu inapte à tout poste de travail, il reste pour autant qu'à ce jour, il n'a pas renoué avec le monde de travail.

Les éléments versés au débat caractérisent une dévalorisation de l'intéressé sur le marché du travail, compte tenu de son âge, de ses compétences et expériences professionnelles qu'il ne peut plus exploiter dans le monde du transport routier qu'il avait choisi, et des limites dans lesquelles un retour à l'emploi peut s'envisager en raison de ses séquelles, qui restent toutefois modérées. Il est en effet exposé à une gêne à la mobilité en raison de douleurs cervicales, des mains, du coude et du genou droit avec limitation de flexion, à une plus grande fatigue et pénibilité dans l'exercice de tout métier, et présente avant tout un état de stress post-traumatique persistant et invalidant.

Le premier juge a exactement évalué son préjudice à ce titre à la somme de 15'000 euros.

Sur la perte de droits à la retraite, M.'[D] justifie qu'il cotisait auprès de la caisse Argos à une retraite complémentaire, et que les cotisations réglées lui permettaient de cumuler chaque année 135 points supplémentaires.

Son relevé de situation individuelle établi le 14 novembre 2018 montre qu'il a cessé de régler ses cotisations annuelles Argos à compter de l'année 2016, date de son licenciement.

S'il avait pu cotiser huit années supplémentaires au régime de retraite complémentaire jusqu'à son départ prévisible à la retraite à l'âge de 60 ans, il aurait obtenu, à compter de 2025, une retraite complémentaire majorée de 1'359,50 euros par an (135 x 8 x 1,25880 valeur annuelle du point Arrco au 1er novembre 2018).

La créance de perte de droits à retraite complémentaire suivant ledit barème de capitalisation, et coefficient de capitalisation de 20,628 (soit le prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 60 ans comme étant né le [Date naissance 4] 1964) s'élève à la somme de 28'043,77 euros (soit 1'359,50 x 20,628).

Compte tenu de l'âge de la victime (57 ans à la date de l'arrêt), de l'âge prévisible de départ à la retraite (60 ans), des observations de l'expert, et de l'ensemble des considérations sus-énoncées, le préjudice de M.'[D] au titre de l'incidence professionnelle sera fixé à la somme de 43'043,77 euros (soit 15'000 + 28'043,77).

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur du tiers responsable s'élève à la somme de 21'521,89 euros (soit 43'043,77 x 50%).

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

L'imputation des créances des tiers payeurs doit être est réalisée poste par poste, et non de façon globale. Dès lors qu'un poste de préjudice est indemnisé par la créance d'un tiers payeur, sans que ce dernier ne puisse recourir contre la dette du tiers responsable en raison du droit de préférence, il n'y a plus de reliquat pouvant s'imputer sur d'autres postes de préjudices. La créance de la caisse ayant été épuisée par un poste de préjudice, elle ne peut plus faire valoir la même créance sur d'autres postes sauf à contrevenir au droit de préférence.

La créance résiduelle du tiers payeur ayant vocation à s'imputer sur l'indemnisation du préjudice subi par la victime au titre de l'incidence professionnelle, s'élève à 396'076,08 euros - 195'427,18 euros (déjà pris en compte au titre de l'imputation au titre du poste des pertes de gains professionnels futurs), soit 200 648,90 euros.

Cependant, en vertu du droit de préférence de la victime, il ne revient à la caisse aucune somme au titre de l'incidence professionnelle, ce poste de préjudice étant entièrement absorbé par la créance de M.'[D] dans la limite de l'obligation indemnitaire de l'assureur du tiers responsable à hauteur de 21'521,89 euros.

Il convient de condamner Arisa à payer à M. [D] la somme de 21'521,89 euros au titre de l'incidence professionnelle, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la CPAM du Hainaut.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a accordé à M. [D] une somme de 6'431,25 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire sur une base journalière de 25 euros.

M. [D] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Arisa et Axa acquiescent à cette demande, sous réserve de l'application de la réduction du droit à indemnisation de la victime.

Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Les parties s'accordent pour fixer ce poste à la somme de 6'431,25 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, Arisa sera condamnée à payer à M.'[D] la somme de 3'215,63 euros (soit 6'431,25 x 50%) au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

2° - Sur les souffrances endurées

La fixation de l'indemnisation des souffrances endurées, quantifiées à 3,5 sur une échelle de 7, à la somme de 8 000 euros par le premier juge n'est pas contestée par les parties.

Compte tendu de la réduction de moitié du droit à indemnisation, l'assureur du tiers responsable sera condamné à payer à M.'[D] la somme de 4'000 euros (soit 8'000 x 50%) en réparation des souffrances endurées.

3° - Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a débouté M.'[D] de sa demande de réparation de son préjudice esthétique temporaire.

M. [D] réclame en cause d'appel une indemnisation de 1'500 euros, précisant qu'il a été contraint de se déplacer avec des cannes anglaises, et que son visage a été déformé à la suite de l'accident.

Axa et Arisa concluent au débouté de la demande à ce titre.

Sur ce, la victime peut subir, pendant la maladie traumatique, et notamment pendant ses hospitalisations, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

Si l'expert [L] ne retient aucun préjudice esthétique temporaire, il reste que M. [D], du fait de l'importance et de la durée de ses soins, de ses hospitalisations, et de sa rééducation avec port d'une attelle, de la localisation de ses lésions visibles au niveau du visage, de la mandibule, de l'arcade sourcillière, a nécessairement subi un préjudice esthétique pendant la période de traitement et de convalescence, étant ici rappelé que la période de consolidation a duré deux ans et demi.

En réparation de ce poste, il lui sera alloué une indemnisation de 1'500 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation, l'assureur du tiers responsable sera condamné à payer à M. [D] la somme de 750 euros (soit 1'500 x 50%) en réparation du préjudice esthétique temporaire subi.

b - Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

La fixation de ce poste, évalué par l'expert à 18% en raison de l'existence d'un syndrome de stress post-traumatique, d'un syndrome post-commotionnel à la suite du traumatisme crânien avec retentissement cervical, d' un syndrome post-contusif des mains et du coude droit, et d'une limitation partielle post-contusive du genou droit avec limitation de la flexion, n'est pas contestée par les parties en ce qu'elle a été évaluée à la somme de 30'960 euros, ce qui correspond à une indemnisation de 1'720 euros le point pour un homme de 51 ans à la date de consolidation.

Compte tendu de la réduction du droit à indemnisation, il convient de fixer la créance de M.'[D] la somme de 15'480 euros (soit 30'960 x 50%) en réparation du déficit fonctionnel permanent.

Le reliquat des sommes dues à la CPAM du Hainaut n'ayant pu être imputé sur les postes des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle doit s'imputer sur le poste déficit fonctionnel permanent.

Compte tenu du droit de préférence de la victime, il ne revient toutefois à la caisse aucune somme au titre du déficit fonctionnel permanent, ce poste de préjudice étant entièrement absorbé par la créance de M. [D].

Il convient de condamner Arisa à payer à M. [D] la somme de 15 480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la CPAM du Hainaut.

2° - Sur le préjudice esthétique permanent

La fixation de l'indemnisation du préjudice esthétique permanent, quantifié par l'expert à 1,5 sur une échelle de 7, à la somme de 2'000 euros par le premier juge n'est pas contestée par les parties.

Considérant la limitation du droit à indemnisation, Arisa sera condamnée à payer à M.'[D] la somme de 1'000 euros (soit 2'000 x 50%) en réparation du préjudice esthétique permanent.

3° - Sur le préjudice d'agrément

Le premier juge a débouté M.'[D] de sa demande de réparation d'un préjudice d'agrément.

M.'[D] sollicite une somme de 10'000 euros à ce titre, faisant valoir qu'il était arbitre de football, pratiquait le jogging et le vélo tout-terrain, et qu'il se trouve privé de ses activités en raison de douleurs persistantes ressenties au niveau lombaire, cervical, sternal et du genou droit, de vertiges avec sensation de chaud, et de son impossibilité de rester debout et concentré pendant toute la durée d'un match de football.

Axa et Arisa s'opposent à cette demande, au motif que la victime ne justifie pas de sa pratique du vélo tout-terrain, qu'elle a déjà été indemnisée de la perte de ses revenus liés à l'arbitrage, laquelle ne constitue pas une activité spécifique sportive ou de loisirs, mais une source de revenus.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives, de bulletin d'adhésion à des associations, ou d'attestations, étant précisé que l'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur.

Même s'il n'existe pas d'inaptitude fonctionnelle à la pratique des activités de loisirs, le seul état psychologique de la victime à la suite de l'accident peut caractériser l'impossibilité pour cette dernière de continuer à pratiquer régulièrement cette activité sportive ou de loisirs, ce qui est également indemnisable au titre du préjudice d'agrément.

En l'espèce, l'expert judiciaire conclut à un retentissement sur les activités d'agrément, considérant que les séquelles du traumatisme sont de nature à perturber significativement la possibilité de reprise des activités de loisirs, tout particulièrement l'activité d'arbitre de football qui nécessite une importante concentration.

Si M.'[D] ne justifie pas l'existence antérieure de sa pratique régulière du jogging et du vélo tout-terrain par des attestations, photographies, ou copies de licences ou d'adhésions associatives, il démontre en revanche son activité antérieure d'arbitre de football dont il se trouve privé depuis le fait dommageable, la composante extra-patrimoniale de ce préjudice pouvant être indemnisée au titre du préjudice d'agrément.

Compte tenu de l'âge de la victime, de l'impact de son traitement médicamenteux psychotrope, et des doléances exprimées, le préjudice subi par M. [D] sur ce poste sera évalué à la somme de 6'000 euros.

Considérant la réduction de moitié du droit à indemnisation, l'assureur du tiers responsable sera condamné à payer à M.'[D] la somme de 3'000 euros (soit 6'000 x 50%) en réparation du préjudice d'agrément.

4° - Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a débouté la victime de sa demande de réparation d'un préjudice sexuel.

M.'[D] réclame une indemnisation de 10'000 euros de ce chef, soutenant que ses lourds traitements médicamenteux entraînent des effets indésirables sur sa libido, et que ses troubles psychologiques empêchent la reprise d'une vie intime normale.

Axa et Arisa s'opposent à l'indemnisation d'un préjudice sexuel qui n'est pas démontré.

Sur ce, ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

Si l'expert [L] ne retient aucun préjudice sexuel, et s'il n'existe pas pour M. [D] d'atteinte à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, il demeure qu'au regard des séquelles corporelles présentées avec douleurs ressenties au niveau des mains, du coude, du genou, lesquelles peuvent empêcher d'adopter certaines positions sexuelles, de son état de stress post-traumatique avec état dépressif et angoisse permanente, et des troubles de la libido qui y sont associés, l'impact de l'accident est réel pour M. [D], chez un homme âgé de 57 ans limité dans l'exercice de sa vie sexuelle et perturbé sur le plan psychique.

Au regard de ces éléments, la cour évalue l'indemnisation intégrale de ce préjudice sexuel à 5'000 euros.

Considérant la réduction de moitié du droit à indemnisation de la victime, Arisa sera condamnée à payer à M.'[D] la somme de 2'500 euros (soit 5'000 x 50%) en réparation du préjudice sexuel.

B - Sur le préjudice matériel

Le premier juge a alloué à M. [D] une somme de 747,97 euros correspondant à l'indemnisation du téléphone, de la montre et du GPS détruits lors de l'accident.

M. [D] sollicite une somme de 748,94 euros à ce titre.

Arisa ne conclut pas sur ce point, tandis qu'Axa acquiesce au remboursement du téléphone pour 419,94 euros, de la montre pour 90 euros pour tenir compte de sa vétusté, et conteste le remboursement du GPS.

Sur ce, M. [D] justifie par la production des factures de l'achat d'une montre pour 129 euros et d'un téléphone pour 419,94 euros, et d'un GPS pour 199,03 euros lesquels ont été détériorés lors de l'accident.

Son préjudice matériel sera évalué à la somme de 747,97 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge de l'assureur s'élève à la somme de 373,99 euros (soit 747,97 euros x 50%).

C - Sur la liquidation des préjudices

Des pièces versées au débat, il ressort que Axa a versé, au titre de la garantie du conducteur, à M.'[D] qui ne le conteste pas six provisions d'un montant cumulé de 13'800 euros à déduire de l'indemnisation définitive de son préjudice corporel.

Il s'observe qu'une somme provisionnelle de 949,12 euros a été déduite par erreur par le premier juge, alors qu'il s'agissait en réalité de frais compris dans les dépens, à savoir un droit de plaidoirie, des frais d'assignation, et une consignation.

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à M. [D] et à la CPAM du Hainaut, après diminution du droit à indemnisation de la victime de 50% et application de son droit de préférence, avant déduction de la provision déjà reçue à hauteur de 13'800 euros, les sommes suivantes':

'23'898,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

dont 2'396,75 euros revenant à la victime,

dont 21'501,67 euros revenant à la CPAM du Hainaut,

'38'357,57 au titre des pertes de gains professionnels actuels,

dont 7'287,85 euros revenant à la victime,

dont 31'069,72 euros revenant à la CPAM du Hainaut,

'102,50 euros au titre des frais divers proprement dits, '400 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

'11'855 euros au titre des dépenses de santé futures,

dont aucune somme ne revient à la victime,

dont 11'855 euros à la CPAM du Hainaut,

' 201'648,91 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

dont 6'221,73 euros à la victime,

dont 195'427,18 euros à la CPAM du Hainaut, '21'521,89 euros au titre de l'incidence professionnelle,

dont 21'521,89 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revient à la CPAM du Hainaut,

'3'215,63 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

'4'000 euros au titre des souffrances endurées,

'750 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

'15'480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

dont 15'480 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revenant à la CPAM du Hainaut,

'1'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

'3'000 euros au titre du préjudice d'agrément,

'2'500 euros au titre du préjudice sexuel,

'373,99 euros au titre du préjudice matériel.

V - Sur l'indemnisation du préjudice de la victime indirecte

A - Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la victime indirecte

A titre liminaire, aux termes des articles 325 et suivants du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. Elle est volontaire ou forcée en en première instance ou en cause d'appel. L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, Mme [U] qui se présente comme la compagne de M.'[D] intervient volontairement en première instance et en appel, dès lors qu'il est formulé, dans les écritures de Maître Deramaut, une demande de réparation de ses préjudices personnels ; elle présente bien un intérêt à agir en raison du lien suffisant existant entre ses demandes et les prétentions originaires des parties à l'instance.

Son intervention volontaire tant en première instance qu'en cause d'appel sera donc déclarée recevable.

B - Sur les pertes de gains professionnels actuels de la victime indirecte

Le premier juge a débouté Mme [U] de sa demande de réparation de sa perte de gains professionnels actuels.

Mme [U] demande une indemnisation de 5'614 euros à ce titre, prétendant avoir depuis l'accident cessé toute activité professionnelle pour s'occuper de son compagnon, et ce jusqu'à la consolidation de ce dernier.

Axa expose que dans le cadre du contrat souscrit par l'employeur, il n'est prévu aucune garantie susceptible de bénéficier à la concubine du conducteur du véhicule en cas de survie de celui-ci.

Arisa n'offre aucune somme pour la victime indirecte, sauf à préciser que la limitation du droit à indemnisation de la victime directe lui est en tout état de cause opposable.

Sur ce, aux termes de l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985, le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation des dommages.

Il s'en déduit que la limitation du droit à indemnisation du conducteur victime est opposable à la victime indirecte, qui doit établir la réalité de son préjudice personnel, direct, certain et licite.

Au soutien de ses prétentions, Mme [U] se contente de produire ses avis d'impôt sur les revenus perçus en 2013, 2014 et 2015, sans établir un quelconque lien de causalité entre la baisse de ses revenus nets imposables en 2014 et 2015 et la survenance de l'accident de son compagnon.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, elle n'apporte pas la preuve qu'elle a été contrainte de cesser son activité professionnelle pour porter assistance à M. [D], l'expert [L] ne retenant au demeurant pour celui-ci qu'un besoin en aide humaine de deux heures par jour pendant 20 jours du 22 février au 13 mars 2014.

En outre, il a également jugé qu'en vertu des conditions générales et particulières, la garantie «'sécurité du conducteur'» bénéficiait au souscripteur du contrat d'assurance Axa, au conducteur et au passager du véhicule assuré, mais que Mme [U] prise en sa qualité de victime par ricochet ne figurait pas au rang des bénéficiaires de ladite garantie.

Mme [U] sera purement et simplement déboutée de sa demande au titre d'une perte alléguée de gains professionnels.

C - Sur le préjudice sexuel de la victime indirecte

Le premier juge a débouté Mme [U] de sa demande de réparation d'un préjudice sexuel.

Mme [U] sollicite une somme de 10'000 euros en réparation de son préjudice sexuel personnel, en raison des troubles de la libido et des troubles psychologiques subis par son compagnon, lesquels empêchent le reprise de leur vie sexuelle.

Axa expose que dans le cadre du contrat souscrit par l'employeur, il n'est prévu aucune garantie susceptible de bénéficier à la concubine du conducteur du véhicule en cas de survie de celui-ci.

Arisa n'offre aucune somme pour la victime indirecte, sauf à préciser que la limitation du droit à indemnisation de la victime directe lui est en tout état de cause opposable.

Sur ce, Mme [U] se contente de produire au soutien de ses prétentions une attestation rédigée conjointement le 29 janvier 2017 par M. [D] et elle-même, selon laquelle les douleurs physiques ressenties par ce dernier et son lourd traitement médicamenteux entraînent des effets indésirables sur sa libido et ont des conséquences néfastes sur leur vie sexuelle.

Nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, cette attestation ne présente pas à elle seule de valeur probatoire suffisante, d'autant moins que l'expert [L] n'a pas décrit de préjudice sexuel chez M.'[D], qui ne subit aucune atteinte directe à sa fécondité ni à la morphologie de ses organes sexuels.

Mme [U] sera purement et simplement déboutée de sa demande au titre d'un préjudice sexuel.

VI - Sur les autres demandes

A - Sur la mise de hors de cause de la CPAM de l'Artois

La CPAM de l'Artois n'ayant versé aucune prestation à la victime, elle sera purement et simplement mise hors de cause.

B - Sur l'opposabilité de l'arrêt à la CPAM du Hainaut

La CPAM du Hainaut est partie à la procédure d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui déclarer l'arrêt opposable.

C - Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Le versement de l'indemnité visée par l'article L.'376-1 du code de la sécurité sociale ne relevant pas de la subrogation du tiers-payeur dans les droits de la victime et présentant un caractère forfaitaire, la CPAM du Hainaut est fondée en sa demande tendant à voir condamner Arisa à lui payer la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, sans qu'il y ait lieu d'en réduire le montant en cas de limitation du droit à indemnisation de la victime.

D - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Chaque partie conservera ses frais et dépens d'appel.

L'équité commande de débouter Arisa, Axa, la CPAM du Hainaut, et M.'[D] de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [D] à la suite de l'accident subi le 18 février 2014 était intégral ;

- condamné Arisa à payer à M. [D] la somme de 226'243,57 euros, provisions non déduites, au titre de la réparation de ses préjudices, in solidum avec Axa condamnée dans la limite de son plafond de garantie fixé à 160 000 euros ;

- constaté le versement de provisions par Axa à M. [D] à hauteur de 14'749,12 euros ;

- condamné Arisa à payer à la CPAM du Hainaut la somme de 521'160,68 euros au titre de son recours subrogatoire ;

et de l'infirmer des seuls chefs ci-dessus rappelés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Confirme le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il a :

- condamné la société Arisa assurances à garantir et rembourser la société Axa France des sommes versées à M.'[P] [D] dans la limite du plafond de garantie fixé à 160'000 euros ;

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ;

- condamné la société Arisa assurances à payer à M.'[P] [D] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Arisa assurances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 1'091 euros au titre de l'article L.'376-1 du code de la sécurité sociale ;

- condamné la société Arisa assurances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Arisa assurances aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

- débouté Mme [C] [U] de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

Infirme le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [P] [D] à la suite de l'accident subi le 18 février 2014 était intégral ;

- condamné la société Arisa assurances à payer à M.'[P] [D] la somme de 226'243,57 euros, provisions non déduites, au titre de la réparation de ses préjudices, in solidum avec la société Axa France condamnée dans la limite de son plafond de garantie fixé à 160 000 euros ;

- constaté le versement de provisions par la société Axa France à M.'[P] [D] à hauteur de 14'749,12 euros ;

- condamné la société Arisa assurances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 521'160,68 euros au titre de son recours subrogatoire ;

- débouté M.'[P] [D], Arisa, Axa et la CPAM du Hainaut du surplus de leurs demandes ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [C] [U] en première instance et en appel';

Met hors de cause la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ;

Dit que la faute commise par M.'[P] [D] lors de l'accident survenu le 18 février 2014 limite de moitié son droit à indemnisation';

Condamne la société Arisa assurances à payer à M. [P] [D] les sommes suivantes':

'2'396,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

'7'287,85 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

'102,50 euros au titre des frais divers proprement dits, '400 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

'6'221,73 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, '21'521,89 euros au titre de l'incidence professionnelle,

'3'215,63 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

'4'000 euros au titre des souffrances endurées,

'750 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

'15'480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

'1'000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

'3'000 euros au titre du préjudice d'agrément,

'2'500 euros au titre du préjudice sexuel,

'373,99 euros au titre du préjudice matériel ;

Condamne la société Arisa assurances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre de son recours subrogatoire les sommes suivantes :

'21'501,67 euros sur le poste des dépenses de santé actuelles,

'31'069,72 euros sur le poste des pertes de gains professionnels actuels,

'11'855 euros sur le poste des dépenses de santé futures,

'195'427,18 euros sur le poste des pertes de gains professionnels futurs ;

Condamne la société Axa France à garantir le sinistre subi par M. [P] [D] sous déduction des prestations indemnitaires versées par les tiers payeurs, et dans la limite de son plafond de garantie de 160'000 euros ;

Constate que la société Axa France a versé à M. [P] [D] une somme provisionnelle de 13'800 euros à valoir sur la liquidation de son préjudice ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens de la procédure d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes de frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01994
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.01994 ?
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