République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 06/10/2022
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N° de MINUTE : 22/351
N° RG 21/01448 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQDE
Jugement (N° ) rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Omer
APPELANT
Monsieur [E] [Y]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 12]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substitué par Me Sebastien Petit, avocat au barreau de Douai
INTIMÉ
Monsieur [B] [I]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, constituée aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 01 juin 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Danielle Thébaud, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 Mmai 2022
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EXPOSE DU LITIGE
1. Les faits et la procédure antérieure :
Collectionneur de véhicules automobiles et de tracteurs anciens, M.'[E] [Y] a confié courant 2015 à M.'[B] [I], qui exerce une activité d'expert automobile spécialisé dans l'évaluation des tracteurs anciens, mission d'évaluer des véhicules de collection lui appartenant.
Suivant factures du 30 avril 2016, M.'[Y] a réglé à M.'[I] une somme de 2'475 euros en paiement de sa prestation.
Par acte du 7 juin 2019, M.'[Y] a fait assigner M.'[I] devant le tribunal de grande instance de Saint-Omer afin d'engager sa responsabilité pour manquement à ses obligations contractuelles et obtenir des dommages et intérêts, lui reprochant le manque de fiabilité de ses évaluations.
2. Le jugement dont appel :
Par jugement rendu le 22 janvier 2021, le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Saint-Omer a :
1. débouté M.'[Y] de l'ensemble de ses demandes ;
2. débouté M.'[I] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
3. condamné M.'[Y] à payer à M.'[I] la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
4. condamné M.'[Y] aux dépens de l'instance ;
5. ordonné l'exécution provisoire du jugement.
3. La déclaration d'appel :
Par déclaration du 9 mars 2021, M.'[Y] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant la contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 3 et 4 ci-dessus.
4. Les prétentions et moyens des parties :
4.1. Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 24
janvier 2022, M.'[Y] demande à la cour, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement critiqué en ce qu'il l'a :
- débouté de l'ensemble de ses demandes,
- condamné à payer à M.'[I] la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné aux dépens de l'instance ;
statuant à nouveau,
- dire et juger que M.'[I] a été totalement défaillant dans ses évaluations tant en qualité d'expert que d'éditeur ;
- constater la faute de M.'[I] dans l'exécution du contrat liant les parties ;
- condamner M.'[I] à lui payer les sommes suivantes :
2'475 euros en remboursement de ses honoraires,
85'000 euros de dommages et intérêts tous préjudices confondus, en ce compris le préjudice moral,
- ordonner la publication de l'arrêt dans six revues spécialisées «'aux frais remboursés de M.'[I]'», à savoir :
- La vie du tracteur - [Adresse 3] ;
- Le tracteur rétro - [Adresse 2] ;
- Tractorama - [Adresse 11] ;
- Tracteurs passion collection - [Adresse 4] ;
- Tracteurs de légende - [Adresse 3] ;
- Charge utile - [Adresse 4] ;
- débouter M.'[I] de son appel incident, et de toutes ses demandes ;
- condamner M.'[I] à 5'000 euros pour les frais irrépétibles d'instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
A l'appui de ses prétentions, M. [Y] fait valoir que :
- il possède 150 tracteurs de collection restaurés à l'état neuf, et a confié à M.'[I] en sa qualité d'expert automobile mission d'évaluer différents véhicules anciens, et ce afin de déterminer précisément le capital garanti par son assureur ;
- les valorisations des biens proposées par M.'[I] se sont révélées très fluctuantes ;
- la cote Tractocote s'avère une référence incontestée dans le milieu des professionnels et amateurs avertis de tracteurs ;
- M.'[I] s'est affranchi de la cote Tractocote pour évaluer ses automobiles et tracteurs ;
- le 15 juin 2015, M.'[I] a évalué son véhicule cabriolet Excalibur Phaeton en bon état général immatriculé [Immatriculation 8] à 30'000 puis 40'000 euros sans même s'expliquer sur ce delta, alors que ce modèle est proposé à la vente sur des sites internet à des prix oscillant entre 59'000 et 89'000 euros ;
- le 15 juin 2015, M.'[I] a estimé la valeur de remplacement de sa Cadillac type 47-62 modèle Sedan toutes options non immatriculée au prix de 18'000 euros, alors que des véhicules identiques avec moins d'options sont estimés sur des sites spécialisés entre 29'800 et 38'800 euros ;
- le 15 juin 2015, M.'[I] a estimé la valeur de remplacement de sa Mercedes 500K replica non immatriculée au prix de 18'000 euros, alors que ce même véhicule est proposé à la vente sur des sites spécialisés au prix de 59'800 dollars, ou encore de 54'950 euros ;
- le 12 septembre 2015, M.'[I] a évalué un tracteur Deutz de type F1M414 en parfait état de fonctionnement avec carte grise au prix de 3'800 euros, alors que sa cote dans la revue Tractocote s'élève de 1'200 euros pour un tracteur en mauvais état à 6'000 euros pour un engin en bon état ;
- les véhicules anciens sont nécessairement remis en état par les collectionneurs, et il ne peut lui être reproché de les avoir «'bricolés'» ;
- M.'[I] a évalué un tracteur SFV HV1 en très mauvais état au prix de 15 à 18'000 euros lors de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, alors que sa cote variait de 6'000 à 20'000 euros en fonction de son état ;
- M.'[I] cherche davantage à afficher un prix satisfaisant son client plutôt que d'estimer les véhicules à leur juste valeur ;
- lors de la vente aux enchères publiques du 28 novembre 2015, le catalogue d'enchères mentionnait des valeurs très surestimées, ce qui a pollué les enchères et trompé les acquéreurs ; il reproche à l'expert de n'avoir pas fixé les prix au plus près du marché ;
- M.'[I] engage envers lui sa responsabilité contractuelle en sa qualité d'expert, et sa responsabilité délictuelle en sa qualité d'évaluateur des fourchettes de prix reprises au catalogue de la vente aux enchères publiques du 28 novembre 2015, pour lesquels il mentionne des cotes totalement mensongères.
4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 septembre 2021,
M.'[I] intimé et appelant incident, demande à la cour :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- débouté M.'[Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M.'[Y] à lui payer la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M.'[Y] aux dépens de l'instance ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
statuant à nouveau de ce chef,
- condamner M.'[Y] à lui payer la somme de 25'000 euros en réparation de l'altercation survenue lors de la 29ème Tractomania de [Localité 10] le 19 et 20 octobre 2019, ainsi qu'une somme de 150'000 euros en réparation du préjudice professionnel causé par les dénigrements répétés ;
en tout état de cause,
- débouter M.'[Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M.'[Y] à payer la somme de 20'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M.'[Y] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
A l'appui de ses prétentions, M.'[I] fait valoir que :
- il exerce une activité professionnelle d'expert automobile, spécialisé dans le domaine des tracteurs anciens, dans le cadre de laquelle il rédige, édite et publie à compte d'auteur, chaque année depuis 2013, un ouvrage intitulé Tractocote recensant les prix de vente et/ou d'évaluation de plus de 3'300 modèles de tracteurs anciens ;
- M.'[Y] lui a verbalement confié les estimations de la valeur de remplacement de 25 véhicules de collection lui appartenant, lesquelles ont été facturées le 30 avril 2016 au prix TTC de 2'475 euros, correspondant à 25 vacations de 82,50 euros HT ;
- la valeur de remplacement d'un véhicule ne correspond pas nécessairement à sa valeur de marché qui équivaut à sa cote, mais est seule prise en considération par les assureurs pour déterminer la valeur contractuelle pour laquelle le bien doit être assuré ;
- il conteste avoir commis toute faute dans sa mission d'évaluation ;
- sur les vingt-cinq évaluations, M.'[Y] n'en critique que cinq ; il confond la valeur de remplacement à dire d'expert en 2015 avec le prix souhaité par des vendeurs en 2018 ;
- M.'[Y] échoue à démontrer en quoi la prestation pour ces cinq véhicules, à supposer qu'elle soit fautive, lui aurait causé un préjudice ;
- rien ne vient établir qu'en raison de ses estimations, M.'[Y] aurait raté une vente ou perdu une chance de vendre plus cher un véhicule ;
- s'agissant de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, les évaluations qu'il a faites à la demande du commissaire-priseur ont servi de base aux mises à prix, qui ne sont toutefois qu'indicatives et ne constituent pas des prix de réserve ;
- il conteste le fait que ses évaluations préalables aient pu fausser les enchères, dès lors qu'il a retenu la fourchette basse des valeurs d'adjudication ;
- en réalité, M.'[Y] a fait à vil prix, de 50 à 70'000 euros, une offre globale de rachat de la collection des 33 tracteurs et machines agricoles anciennes appartenant au comte [U] [H] à la suite du décès de celui-ci survenu en 2012, laquelle a été refusée par les administrateurs de la succession, qui ont choisi de la valoriser en la vendant aux enchères, et en ont ainsi obtenu une somme globale de 365 100 euros :
- le tracteur Deutz F1M 414 appartenant à M.'[Y], jugé dans un état moyen car repeint, bricolé, et dépourvu de phares, a été évalué à 3'800 euros, alors que celui qui a été adjugé 4'000 euros lors de la vente du 28 novembre 2015 était un modèle plus ancien et donc plus prisé ;
- il a évalué le tracteur SFV HV1, adjugé 15'000 euros le 28 novembre 2015, dans le haut de la fourchette de la Tractocote, car il s'agissait d'un modèle de pré-série dans son état d'origine, prototype équipé d'un double levier de frein à main ;
- en réalité, M.'[Y] n'a pas compris le fonctionnement du marché des machines agricoles de collection ;
- l'estimation de la collection avant la vente a été globalement conforme au produit final de la vente, et permis aux administrateurs de la succession de valoriser convenablement cet actif ;
- rien ne vient démontrer la surestimation alléguée des lots, comme le prétend M. [Y] ;
- M.'[Y] n'était pas vendeur lors de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, et il n'a rien acheté ;
- aucun texte ne prévoit expressément la publication d'une décision de justice aux frais d'une partie dans des revues spécialisées en matière de responsabilité contractuelle ou délictuelle ;
- M.'[Y] cherche avant tout à nuire à sa réputation, et a tenu envers lui des propos injurieux, agressifs et dénigrants en public, ainsi que le montrent les trois attestations qu'il verse au débat.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.
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Sur la responsabilité contractuelle de l'expert
Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, suivant contrat verbal conclu en 2015, M.'[E] [Y] a confié à M.'[B] [I], expert en automobile spécialisé dans l'évaluation des engins agricoles anciens, mission d'estimer la valeur de remplacement de cinq véhicules automobiles et de vingt tracteurs de collection lui appartenant, et ce afin de pouvoir informer son assureur du capital à garantir.
M.'[I] a accompli sa mission, et facturé sa prestation au prix unitaire de 82,50 euros HT la vacation par l'émission, le 30 avril 2016, d'une facture de 495 euros TTC à l'intention de la «'société [Y] SAS'», pour l'estimation d'une collection de cinq automobiles, et d'une facture de 1'980 euros TTC pour l'estimation d'une collection de vingt tracteurs à l'intention de M.'[Y].
Au soutien de son argumentation, M. [Y] prétend que M. [I] s'est trompé dans l'évaluation des véhicules de collection, adoptant des estimations fluctuantes en contradiction avec la revue Tractocote, laquelle fait référence en la matière.
Il s'appuie, pour ce faire, sur cinq exemples :
- Le 15 juin 2015, M.'[I] a évalué la valeur de remplacement du véhicule cabriolet Excalibur Phaeton en bon état général, immatriculé [Immatriculation 8], avec un kilométrage de 87 112, d'abord à 30'000, puis à 40'000 euros TTC après échange avec M. [Y] ;
L'estimation de l'expert a été réalisée en 2015, alors que les annonces de vente de ce type de véhicules sur les sites internet au prix proposé dans une fourchette allant de 58'450 à 89'900 euros datent de 2008 et ne sont pas contemporaines de l'estimation ;
A l'inverse, M. [I] verse au débat des annonces 2019 parues sur le Bon Coin, lesquelles présentent des offres de vente de véhicules Excalibur Phaeton dans une fourchette de prix de 39'900 à 49'900 euros conforme à l'estimation qu'il avait pu retenir ;
- Le 15 juin 2015, M.'[I] a estimé la valeur de remplacement de la Cadillac type 47-62 modèle Sedan toutes options non immatriculée au prix de 18'000 euros ;
M.'[Y] soutient que des véhicules identiques avec moins d'options sont estimés sur des sites spécialisés entre 29'800 et 38'800 euros ;
Il s'observe toutefois que ces offres de vente, datées de 2016, correspondent au prix espéré par le vendeur, mais non à une cote sur le marché de l'occasion ; en outre, le véhicule Cadillac appartenant à M.'[Y], bien qu'en bon état général, était dépourvu de certificat d'immatriculation, et présentait des freins avant et des amortisseurs non conformes à l'état d'origine ; enfin, M. [Y] produit lui-même un compte-rendu de vente aux enchères par internet dans lequel l'enchère maximale pour un véhicule équivalent atteint la somme de 14'000 euros ;
- Le 15 juin 2015, M.'[I] a estimé la valeur de remplacement de la Mercedes 500K replica non immatriculée au prix de 18'000 euros ;
L'appelant produit deux annonces publiées en 2015 sur des sites spécialisés étrangers proposant ce véhicule à la vente au prix de 59'800 dollars, ou encore de 54'950 euros ;
Cependant, la réplique de la Mercedes 500K de M. [Y] est, selon l'expert, montée à partit d'un kit de qualité médiocre d'origine inconnue sur une base également inconnue, sans historique et sans immatriculation ;
Il est rappelé l'importance de l'état d'entretien et de conservation, de l'origine, outre du kilométrage de chaque véhicule de collection dans l'appréciation de sa valeur ;
En outre, il convient de ne pas confondre la valeur de remplacement à dire d'expert et le prix de cession affiché par le vendeur ; rien ne vient démontrer le prix du marché en 2015 ni en 2018, dès lors que M.'[Y] ne produit aucune pièce de nature à démontrer les prix auxquels ces véhicules ont été réellement négociés ;
- Le 12 septembre 2015, M.'[I] a évalué le tracteur Deutz de type F1M 414 en état de fonctionnement, appartenant à M.'[Y], au prix de 3'800 euros ;
L'expert a retenu une «'cote moyenne plus'» pour cet engin estimé, dans la revue Tractocote 2015, entre 1'200 euros pour un tracteur en mauvais état à 6'000 euros pour un tracteur en bon état, et expliqué que la peinture de qualité moyenne n'était pas d'origine, que le bloc moteur avait été grossièrement ressoudé, qu'il manquait deux phares, et que le crochet avant n'était pas conforme ;
La comparaison que tente de faire l'appelant avec le prix d'adjudication d'un tracteur similaire plus ancien mais hors d'usage, adjugé au prix de 4'000 euros lors de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, n'est nullement significative ;
Compte-tenu de la description du tracteur, l'évaluation de sa valeur de remplacement par l'expert correspond parfaitement à la cote médiane de la revue Tractocote ;
- Enfin, M.'[I] a évalué un tracteur SFV HV1 au prix de 15 à 18'000 euros lors de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, alors qu'il était en très mauvais état et que sa cote pouvait varier, selon l'appelant, de 6'000 à 20'000 euros en fonction de son état ;
Il s'observe que M. [Y] n'a jamais été propriétaire d'un tel tracteur, et n'était donc pas directement concerné par son évaluation ni par sa vente.
En définitive, alors que les cotes des véhicules anciens sont volatiles et fluctuantes par essence, très dépendantes de l'origine, de l'état d'entretien et de conservation, de la réfection, et du kilométrage du véhicule de collection, ainsi que du marché international, M.'[Y] n'apporte à la cour aucun élément permettant d'établir un quelconque manquement de l'expert dans l'exécution de la mission d'évaluation des 25 véhicules qui lui avait été confiée.
A l'évidence, M. [Y] échoue à rapporter la preuve que l'expert a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'évaluation de la valeur de remplacement des véhicules et tracteurs de collection appartenant à M. [Y].
Comme l'a exactement retenu le premier juge, il ne démontre pas davantage avoir subi un quelconque préjudice à la suite des évaluations de l'expert.
Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté M.'[Y] de sa demande de remboursement des honoraires réglés à l'expert à hauteur de 2'475 euros.
Sur la responsabilité délictuelle de l'expert
Aux termes de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, l'appelant reproche à l'expert, lors de la vente aux enchères du 28 novembre 2015, d'avoir délibérément surestimé les véhicules mis en vente, et ainsi pollué les enchères et trompé les adjudicataires.
Sur ce, il convient tout d'abord de relever que lors de cette vente prétendument litigieuse, M.'[Y] n'a vendu aucun engin agricole, et ne s'est porté adjudicataire d'aucun lot.
Alors que l'expert en automobiles avait estimé l'ensemble des 33 lots dans une fourchette allant de 330'000 à 420'500 euros, le produit final des adjudications par le commissaire-priseur s'est élevé à la somme globale de 365'100 euros.
Il s'en déduit que l'estimation de la collection avant la vente a été conforme à son produit final, de sorte que la collection cédée a été convenablement estimée puis valorisée.
En outre, M.'[Y], dès lors qu'il ne justifie pas avoir, depuis 2015, vendu ses véhicules de collection, encore moins à vil prix, se trouve toujours en leur possession, et ne justifie donc d'aucun préjudice en lien de causalité direct et certain avec la surestimation alléguée des lots par l'expert, laquelle au demeurant n'est nullement démontrée.
Dans ces conditions, M. [Y] sera purement et simplement débouté de sa demande tendant à voir condamner M.'[I] à lui payer une somme de 85'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à «'l'absence de fiabilité des évaluations faites'».
Le jugement critiqué est confirmé sur ce point.
Sur la demande de publication de la décision
Bien que l'appelant ne précise pas le fondement juridique de sa demande tendant à la publication de l'arrêt dans la presse spécialisée, celle-ci est une demande complémentaire manifestement fondée sur sa demande principale faite à titre de dommages et intérêts.
Le sens du présent arrêt conduit à le débouter également de sa demande tendant à voir ordonner aux frais de l'intimé sa publication dans six revues spécialisées en matière de tracteurs anciens.
Il y a lieu de confirmer à ce titre le jugement dont appel.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts
Sur la réparation du préjudice lié à l'altercation
Comme l'a exactement apprécié le premier juge, les trois attestations produites, suivant lesquelles des témoins relatent avoir entendu, lors de la manifestation Tractomania à [Localité 10], «'un individu'» insulter et menacer M. [I] d'escroc, de voleur et de menteur, sont manifestement insuffisantes pour permettre d'identifier l'auteur des propos incriminés.
La faute de M.'[Y] n'étant pas établie sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, l'intimé sera purement et simplement débouté de sa demande de réparation à ce titre.
Sur la réparation du préjudice professionnel pour dénigrement
M. [I] n'établit pas davantage «'les propos dénigrants répétés depuis plusieurs mois'» qu'il impute à M. [Y], et qui ont selon lui «'eu un impact sur [sa] réputation professionnelle'».
Faute de rapporter la preuve des allégations calomnieuses et injurieuses dont il se prétend victime, et de leurs conséquences sur son activité professionnelle, M.'[I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 ancien précité.
Le jugement dont appel sera confirmé sur ces points.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
M.'[Y] qui succombe sera condamné aux entiers dépens d'appel.
L'équité commande en outre de le condamner à payer à M.'[I] une somme de 3'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Omer ;
Y ajoutant,
Condamne M.'[E] [Y] aux dépens d'appel ;
Le condamne en outre à payer à M.'[B] [I] la somme de 3'000 euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le débiteur de cette somme étant lui-même débouté de sa demande indemnitaire à cette fin.
LE GREFFIER
Harmony POYTEAU
LE PRESIDENT
Guillaume SALOMON