ARRÊT DU
30 Septembre 2022
N° 1551/22
N° RG 19/00817 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SIBM
VCL / GD
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCIENNES
en date du
12 Mars 2019
(RG F 16/00275 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Septembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [U] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Abdelcrim BABOURI, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022019004285 du 18/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
SAS COVED COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS
[Adresse 1]
[Adresse 4] / FRANCE
représentée par Me Maxime LE PAGE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 09 Juin 2022
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Marie LE BRAS
:PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 19 mai 2022
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
M. [U] [J] a été mis à disposition de la société COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS (COVED) par différents contrats de mission de travail temporaire de la société RANDSTAD puis de la société SYNERGIE, sociétés de travail intérimaire, ce à compter du 18 mars 2010 et jusqu'au 30 octobre 2015 en qualité d'équipier de collecte, coefficient 100, ou de conducteur de matériel de collecte, coefficient 110, de la convention collective nationale des activités du déchet.
Sollicitant la requalification de ces contrats de mission en contrat à durée indéterminée et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [U] [J] a saisi le 17 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Valenciennes qui, par jugement du 12 mars 2019, a rendu la décision suivante :
- DEBOUTE [U] [J] de l'ensemble de ses demandes,
- CONDAMNE [U] [J] à verser la somme de 800 euros à la société COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS (COVED) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE [U] [J] aux éventuels dépens de la présente instance,
- DEBOUTE les parties de leurs autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
M. [J] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 26 mars 2019.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 octobre 2019, les exceptions de nullité de la déclaration d'appel soulevées par la SAS COVED ont été déclarées irrecevables.
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 juin 2019 au terme desquelles M. [U] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
- dire et juger que le contrat de travail de M. [J] est un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 18 mars 2010,
- dire et juger que le contrat de travail de M. [J] est un contrat à temps plein,
- dire et juger le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société COVED au paiement des sommes suivantes :
- 3700 euros au titre du préavis,
- 370 euros au titre des congés payés y afférent,
- 2142,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 22 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger que M. [J] devait bénéficier de la classification niveau III position 1 coefficient 114,
- condamner la société COVED au paiement des sommes suivantes :
- 24 556,18 euros au titre du rappel de salaire depuis juin 2013,
- 2455,62 euros au titre des congés payés y afférents,
- subsidiairement, s'il devait être estimé que le coefficient de M. [J] doit être de 110 au lieu de 114, condamner la société COVED au paiement des sommes suivantes :
- 22 658,13 euros à titre de rappel de salaire à compter de mars 2013,
- 2265,81 euros au titre des congés payés y afférents,
- condamner la société COVED au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société COVED aux entiers dépens et frais de l'instance.
A l'appui de ses prétentions, M. [U] [J] soutient que :
- Le contrat d'intérim ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et doit répondre à la nécessité de combler un besoin temporaire dans l'entreprise.
- Il a effectué 288 missions pour la société COVED entre le 18 mars 2010 et le 11 octobre 2012 puis 136 missions entre le 23 avril 2013 et le 20 octobre 2014 et, enfin, 50 missions entre le 4 mai 2015 et le 30 octobre 2015 soit un total de 474 missions en 5 ans et demi, outre deux périodes de carence de 6 mois.
- Pour limiter les délais de carence, la société COVED a alterné entre les fonctions d'équipier de collecte et celles de chauffeur poids lourds en opérant des glissements de fonction au sein des équipes, le délai de carence ne s'appliquant qu'en cas de succession de missions sur un poste identique.
- La société COVED ne démontre pas l'absence et la durée de l'absence des salariés prétendument remplacés, conformément aux contrats conclus avec M. [J], ce alors que les salariés dits absents ne l'étaient pas réellement et que l'employeur ne justifie pas de nombreux motifs de contrats.
- Il n'est pas non plus justifié de l'accroissement temporaire d'activité lequel ne peut résulter de la nécessité d'un «'renfort de personnel pour terminer les tournées dans les délais'» ou encore du«'lavage des camions à finir dans les délais'».
- Par conséquent, le salarié ayant occupé un poste durable et permanent de l'entreprise, ses contrats de travail temporaires doivent être requalifiés en CDI.
- Concernant la classification retenue par la société COVED, il a assuré le poste de conducteur de camion de collecte lequel relève, selon la convention collective applicable, du coefficient 114, alors qu'il a bénéficié de l'application d'un coefficient 100 voire 110.
-Subsididairement et à tout le moins, il doit bénéficier de l'application constante du coefficient 110.
- Le CDI ne peut, en outre, qu'être qualifié de contrat de travail à temps plein, le salarié ayant dû, au regard de la succession des missions, se maintenir à la disposition constante de son employeur.
- Un rappel de salaire lui est donc dû, outre les congés payés y afférents.
- La rupture de la relation contractuelle est intervenue le 30 octobre 2015, la société COVED n'ayant nullement respecté la procédure de licenciement lequel ne peut qu'être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
- Il est, par suite, fondé à obtenir le paiement d'un préavis de deux mois, outre les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 novembre 2021, dans lesquelles la société COVED, intimée, demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL:
- CONFIRMER le jugement rendu par le juge départiteur de Valenciennes en toutes ses dispositions.
- DIRE ET JUGER que les contrats de travail temporaire contestés sont parfaitement réguliers tant dans leur conclusion que dans leur exécution et leur succession ;
En conséquence,
À TITRE PRINCIPAL
- DIRE ET JUGER que l'ensemble des contrats de mission conclus entre la société COVED et Monsieur [J] repose sur des motifs de recours valables et justifiés,
- DIRE ET JUGER que les missions de Monsieur [J] n'avaient ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
- DIRE ET JUGER que les contrats de travail temporaire sont réguliers en la forme et bien fondés ;
- DIRE ET JUGER que la relation de travail n'a pas à être requalifiée en contrat à durée indéterminée,
- CONSTATER que Monsieur [J] ne saurait justifier d'un droit à l'octroi d'un coefficient 114,
En conséquence,
- DEBOUTER Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes y compris de ses demandes de rappels de salaire au titre d'un coefficient 114,
- CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la Société COVED une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- CONDAMNER Monsieur [J] aux éventuels dépens.
À TITRE SUBSIDIAIRE
- CONSTATER que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve de s'être tenu à la disposition de la société durant les périodes inter-contrats,
- CONSTATER que Monsieur [J] ne saurait justifier d'un droit à l'octroi d'un coefficient 110 lorsqu'il exerçait les fonctions d'équipier de collecte,
- CONSTATER l'absence de préjudice,
- Par conséquent,
- REJETER les demandes formulées à titre de rappel de salaire,
- REDUIRE le quantum des demandes indemnitaires formulées par Monsieur [J],
- LIMITER pour le moins le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 1960,32 €,
- LIMITER pour le moins le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3.409 €,
Et en tout état de cause
- CONSTATER que la qualité d'employeur est juridiquement assumée par la société d'intérim RANDSTAD,
- IMPUTER les condamnations éventuelles à la seule société RANDSTAD, véritable employeur de Monsieur [J] dans le cadre des différents contrats de travail d'intérim signés dans la mesure où d'une part la société RANDSTAD est signataire de ces contrats d'intérim et a rédigé lesdits contrats de travail d'intérim qui ont été établis par ses soins et dans la mesure où d'autre part en qualité de professionnelle elle se devait de conseiller utilement la société COVED en qualité d'entreprise utilisatrice à supposer qu'une violation des textes applicables sur les contrats d'intérim soit constatée, ce qui est fermement contesté,
- CONDAMNER Monsieur [J] aux dépens ;
- CONDAMNER Monsieur [J] à la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SAS COVED expose que :
- Concernant la demande de requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, tout employeur peut conclure un contrat de travail temporaire pour remplacer un ou plusieurs salariés titulaires dans toutes les hypothèses d'absence ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
- En l'espèce, le recours au travail temporaire n'a eu ni pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi engendré par un accroissement durable du volume d'activité de la société COVED.
- Chacun des contrats pour remplacer un salarié absent mentionne bien l'identité, la qualification et les raisons des différentes absences (salariés en arrêt maladie ou en formation), outre un terme précis. Chacun des motifs énoncés est parfaitement justifié.
- Par ailleurs, les quelques contrats conclus pour faire face à un accroissement temporaire d'activité mentionnent bien la qualification des opérations ayant entrainé un accroissement temporaire d'activité et en particulier la réalisation de tournées supplémentaires ou encore la prise en charge temporaire de nouveaux secteurs de collecte.
- En outre, les contrats de mission de M. [J] se sont valablement succédés , en nombre, dans la mesure où ils reposent chacun sur un motif de mission précis, valable et justifié, sans être limités par une durée maximale, un nombre de renouvellements ou par un délai d'attente entre deux contrats de travail.
- Les délais de carence ont été respectés, ne sont pas applicables en cas de remplacement de salariés absents et, en tout état de cause, leur non respect ne peut donner lieu à une requalification en CDI.
- M. [J] ne peut qu'être débouté de ses demandes financières, faute de requalification des contrats de mission en CDI.
- Subsidiairement, le montant des dommages et intérêts sollicités doit être ramené à une plus juste et équitable mesure, le salarié ne rapportant pas la preuve d'un quelconque préjudice subi.
- L'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement doivent également être revues à la baisse, compte tenu de la moyenne des 3 derniers mois plus favorable de l'ordre de 1704,63 euros.
- Concernant la classification de M. [J], il appartient à celui-ci de rapporter la preuve qu'il exerçait bien en fait les fonctions correspondant à la classification qu'il revendique, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
-Selon la convention collective, les équipiers de collecte relèvent des coefficients 100, 104 et 107 et les conducteurs d'engins du coefficient 110, le niveau 114 requérant plusieurs années d'ancienneté, une autonomie et des responsabilités dont ne disposait pas M. [J].
- Le salarié ne peut qu'être débouté de ses demandes au titre de la classification.
- Concernant les rappels de salaire au titre des périodes inter-contrats, un salarié pour pouvoir y prétendre doit rapporter la preuve qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
- Subsidiairement, les tableaux produits à l'appui de la demande de rappel de salaires sont injustifiés et erronés notamment concernant les coefficients, les taux horaires appliqués, les salaires effectivement perçus et la déduction à tort de l'indemnité de fin de mission.
- Enfin et en tout état de cause, les contrats de travail d'intérim ont été rédigés par la société RANDSTAD, laquelle est signataire de ces documents contractuels et employeur de M. [J].
- A ce titre, elle est seule responsable des vices de rédaction ou encore de la succession irrégulière de ses contrats d'intérim et aurait dû veiller à conseiller utilement en qualité de professionnelle la société COVED.
- Dans ces conditions, dans l'hypothèse d'une condamnation financière, celle-ci devra être supportée exclusivement par l'entreprise intérimaire.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de requalification des contrats de travail intérimaire en contrat de travail à durée indéterminée :
L'article L. 1251-5 du code du travail dispose que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale permanente de l'entreprise utilisatrice, quel que soit son motif.
Selon l'article L. 1251-6 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans les cas qu'il prévoit, parmi lesquels, «'le remplacement d'un salarié en cas d'absence'» et ' l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise '.
L'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose que «'Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.'».
Il appartient à l'entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de recours invoqué et de son caractère temporaire, le recours aux contrats précaires ne pouvant s'inscrire ni dans un accroissement durable et constant d'activité, ni dans le cadre d'une gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, étant précisé que la seule mention dans les contrats de mission d'un motif repris à l'article L1251-6 précité est insuffisante à justifier du bien-fondé du recours à une mission de travail temporaire.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [U] [J] a été mis à disposition de la société COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS (COVED) par différents contrats de mission de travail temporaire de la société RANDSTAD puis de la société SYNERGIE, sociétés de travail intérimaire, ce à compter du 18 mars 2010 et jusqu'au 30 octobre 2015. Dans le cadre de ces contrats de mission, l'intéressé était systématiquement employé soit en qualité d'équipier de collecte soit en qualité de conducteur de matériel de collecte.
Le salarié a, ainsi, effectué 288 missions pour la société COVED entre le 18 mars 2010 et le 11 octobre 2012 puis 136 missions entre le 23 avril 2013 et le 20 octobre 2014 et, enfin, 50 missions entre le 4 mai 2015 et le 30 octobre 2015 soit un total de 474 missions sur toute la période.
Une partie des contrats de mission se trouve motivée par un accroissement temporaire d'activité.
Tel est le cas, notamment des 8 premières missions entre le 18 et le 31 mars 2010, lesquelles sont motivées par un «'renfort de personnel suite à une fin de collecte à terminer dans les délais'» ou encore par un «'renfort de personnel suite au lavage de la flotte de camions à réaliser dans les délais'» ou par une «'collecte supplémentaire à honorer dans les délais'» ou encore par une «'collecte du verre à terminer dans les délais'».
Ces motifs de recours aux missions de travail temporaire dans le cadre d'un accroissement d'activité se retrouvent, en outre, au-delà de ces premières missions, tout au long de la succession de contrats en lien avec la nécessité de terminer dans les délais une collecte ou encore la nécessité de procéder au lavage des camions dans les temps.
Or, la société COVED ne démontre pas la réalité de cet accroissement temporaire d'activité, ce d'autant que le seul fait de terminer une collecte dans les délais ou de procéder au lavage des camions dans les temps ne caractérise pas ledit accroissement et s'inscrit dans l'activité durable et permanente de l'entreprise.
Par ailleurs, si l'employeur produit les marchés de prestations liés à la collecte des déchets ménagers conclus avec la [Adresse 5], ceux-ci s'inscrivent dans la durée avec un renouvellement par tacite reconduction puis par avenants de reconduction. Ces marchés ne caractérisent, ainsi, nullement l'accroissement temporaire d'activité précité.
Ainsi, 28 missions fondées sur un accroissement temporaire d'activité ne sont pas justifiées pour l'année 2010, 15 pour l'année 2011, 19 au titre de l'année 2012 , 4 en 2013, 16 en 2014 et 17 en 2015.
L'autre partie des contrats de mission est motivée par le remplacement de salariés absents. La société COVED fournit, à cet égard, des bulletins de paie des différents salariés remplacés dont les noms se trouvent mentionnés sur les contrats de mission conclus avec M. [J].
Or, là encore, la société COVED n'établit pas la réalité des motifs d'absence de l'intégralité des missions de travail temporaire conclues avec M. [J]. Tel est le cas, à titre d'exemple, des missions suivantes :
- en 2010, concernant les 8 missions de remplacement de M. [R] [H] pour arrêt maladie entre le 5 et le 15 juillet 2010 et au cours des mois de septembre et
octobre 2010, les bulletins de salaire concernés ne mentionnant aucun arrêt de travail,
- en octobre 2010, concernant les 2 missions de remplacement de M. [G], dont les bulletins de paie de la période concernée ne font pas état d'un arrêt maladie,
en mai 2011, concernant les missions de remplacement de M. [N],
- en septembre 2011, concernant les missions de remplacement de M. [H],
- en janvier 2012 concernant les missions de remplacement de M. [H], et en février 2012, concernant les missions de remplacement de M. [N],
- en juin 2014, concernant les missions de remplacement de M. [N],
- en octobre 2015 concernant les missions de remplacement de M. [X] [F] et de M. [M] [W].
Il en résulte que les contrats de mission étaient destinés à pourvoir durablement les emplois d'équipier de collecte et conducteur de camion que M. [U] [J] a occupés successivement liés à l'activité normale et permanente de la société COVED, peu important l'existence de deux périodes de «'carence'» entre des missions successives et continues lesquelles se sont échelonnées sur une durée de 5 ans et demi.
Par conséquent, il y a lieu de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 18 mars 2010 entre M. [J] et la société COVED.
Le jugement déféré est infirmé à cet égard.
Sur la requalification en temps plein et la demande en paiement des périodes interstitielles :
M. [J] sollicite la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, laquelle s'apparente, en réalité, à une demande en paiement des périodes interstitielles entre deux missions.
La requalification de contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée emporte, en effet, le paiement des périodes entre deux missions dites périodes interstitielles, à la condition que le salarié démontre qu'il s'est tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice dans l'intervalle entre ses missions.
En l'espèce, M. [J] a fait l'objet de missions de travail temporaire qui se sont, la plupart du temps, succédées sauf entre le 11 octobre 2012 et le 23 avril 2013 puis entre le 20 octobre 2014 et le 4 mai 2015, correspondant à deux périodes de carence.
Néanmoins, celui-ci ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu'il se serait tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice dans l'intervalle entre deux missions et en particulier entre les périodes précitées.
L'intéressé ne peut, dès lors, qu'être débouté de sa demande de requalification en temps plein et en paiement des périodes interstitielles.
Sur la classification et le rappel de salaire :
M. [J] demande à bénéficier, à titre principal, de la classification conventionnelle 114 et à titre subsidiaire de la classification 110.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
En l'espèce, il ressort des certificats de travail versés aux débats que M. [U] [J] était employé soit en qualité de conducteur de camion, coefficient 110, soit en qualité d'équipier de collecte, coefficient 100.
L'examen de la convention collective nationale des activités du déchet et de l'avenant du 11 mai 2007 relatif à la classification de la convention collective conduit à relever que;
- Le poste d'équipier de collecte relevait du coefficient 100 ou 104 ou 107,
- Le poste de conducteur de camion correspondait au coefficient 110 ou 114,
- Au sein d'un même poste, le coefficient retenu correspondait, pour le moins élevé à l'exécution de travaux ne nécessitant pas de connaissances particulières et/ou requérant une faible qualification ou expérience jusqu'au plus élevé lequel requérait une maitrise de la technicité au moyen d'une formation adaptée ou d'une expérience professionnelle correspondante et une responsabilité accrue en lien avec cette expérience professionnelle.
Or, M. [J] ne justifie nullement d'une maitrise de la technicité ou encore d'une formation adaptée ou encore d'une expérience professionnelle avérée qui, seules , lui aurait permis d'accéder au coefficient supérieur.
Par ailleurs, l'examen des bulletins de salaire d'autres salariés démontre que ceux-ci bénéficiaient pour la plupart d'un coefficient de 100 au poste d'équipier de collecte (ex de [V] [S] rémunéré au coefficient 100 avec une ancienneté de 3 ans et demi), sauf à bénéficier d'une ancienneté leur permettant d'accéder au coefficient 104 (ex de M. [Z] avec une ancienneté supérieure à 11 ans).
De la même façon, concernant le poste de conducteur de camion ou chauffeur poids lourd, les autres salariés étaient classés au coefficient 110 (ex de M. [X] [F] avec une ancienneté de 1 an et demi ou encore de M. [I] avec une ancienneté de 12 ans), seuls les salariés bénéficiant d'une grande expérience se voyant attribuer le coefficient 114 (ex de M. [R] [H] avec une ancienneté de 26 ans ou encore de M. [B] [L] avec une ancienneté de 33 ans).
Par conséquent, M. [U] [J] ne démontre pas qu'il assurait effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification 114 voire 110, ne bénéficiant ni de la formation, ni de la compétence ni de l'expérience requises.
La société COVED a, par suite, légitimement appliqué à l'intéressé le coefficient 100 lorsqu'il était employé en qualité d'équipier de collecte et le coefficient 110 lorsqu'il était employé en qualité de conducteur de camion.
Le salarié est, par suite, débouté de ses demandes relatives à la classification, des rappels de salaire subséquents ainsi que des congés payés y afférents.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les conséquences financières de la requalification en CDI et de la rupture du contrat de travail :
Il résulte de la requalification en contrat à durée indéterminée que la rupture de la relation de travail, qui est intervenue au terme du dernier contrat de mission, le 30 octobre 2015, sans envoi d'une lettre de licenciement motivée, est dépourvue de cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1251-40 du code du travail, le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. Il convient donc de condamner la société COVED à payer à M. [J] les sommes de 3409,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois, outre 340,92 euros au titre des congés payés y afférents.
L'appelant est également fondé à obtenir 1960,32 euros à titre d'indemnité de licenciement, en application de l'article L.1234-9 du code du travail et de l'article 2-22 de la convention collective applicable.
Enfin, compte tenu de l'ancienneté ( à compter du 18 mars 2010) et de l'âge de M. [J] (pour être né le 25 mai 1982) lors de la rupture de la relation de travail, du montant de la rémunération versée au salarié, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et de l'absence de justificatifs de sa situation professionnelle après la rupture du contrat de travail, il convient d'évaluer à la somme de 14 000 euros le préjudice occasionné par son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en vertu de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version alors applicable.
Sur la demande de garantie par la société RANDSTAD :
La société COVED demande la mise à la charge de la société RANDSTAD de toute condamnation prononcée à son encontre, seule cette société ayant la qualité d'employeur de M. [J] et étant, en outre, débitrice à l'égard de l'entreprise utilisatrice d'un devoir de conseil concernant la régularité des contrats signés.
Néanmoins, l'entreprise utilisatrice n'est pas recevable à formuler une demande en garantie à l'encontre de la société RANDSTAD laquelle n'a pas été appelée en la cause et n'est pas partie à la présente procédure.
Cet appel en garantie ne saurait, dès lors, prospérer.
Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail :
Le licenciement de M. [J] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail.
En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la SAS COVED aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [J], du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmées.
Succombant à l'instance, la société COVED est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer, à M. [U] [J], 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 12 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Valenciennes sauf en ce qu'il a débouté M. [U] [J] de sa demande tendant au bénéfice de la classification 114 et, subsidiairement de la classification 110 ainsi que des rappels de salaire subséquents et des congés payés y afférents,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DIT la SAS COVED irrecevable en son appel en garantie dirigé contre la société RANDSTAD ;
REQUALIFIE les contrats de travail temporaire conclus avec M. [U] [J] en contrat à durée indéterminée conclu avec la SAS COVED à compter du 18 mars 2010;
DIT que le licenciement de M. [U] [J] ayant pris effet le 30 octobre 2015 est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS COVED à payer à M. [U] [J] :
-3409,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-340,92 euros au titre des congés payés y afférents,
-1960,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
ORDONNE le remboursement par la SAS COVED aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [J], du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
CONDAMNE la SAS COVED aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [U] [J] 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER
Cindy LEPERRE
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL