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29/09/2022 | FRANCE | N°21/04575

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 29 septembre 2022, 21/04575


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 29/09/2022







N° de MINUTE : 22/318

N° RG 21/04575 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZ5S



Offre Fiva du 21 Juin 2021





DEMANDEUR S



Madame [J] [W] épouse [K]

née le 07 juillet 1977 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Localité 4]



Monsieur [M] [K]

né le 07 février 1990 à [Localité 4] ([Localité 4])

[A

dresse 2]

[Localité 5]



Alyzée [K],

née le 23 juin 2001 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Localité 4]



[O] [K], mineur, représenté par sa représentante légale, Madame [J] [W] épouse [K]

né le 02 janvier ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 29/09/2022

N° de MINUTE : 22/318

N° RG 21/04575 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZ5S

Offre Fiva du 21 Juin 2021

DEMANDEUR S

Madame [J] [W] épouse [K]

née le 07 juillet 1977 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Localité 4]

Monsieur [M] [K]

né le 07 février 1990 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 2]

[Localité 5]

Alyzée [K],

née le 23 juin 2001 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Localité 4]

[O] [K], mineur, représenté par sa représentante légale, Madame [J] [W] épouse [K]

né le 02 janvier 2005 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel Ledoux, avocat au barreau de Paris substitué par Me Marion Haas, avocat au barreau de Paris

DÉFENDEUR

Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

Ayant son siège social

[Adresse 7]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Mario Califano, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 28 avril 2022

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, Président, et Fabienne Dufossé, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

[M] [K], né le 4 mai 1963, a été exposé aux poussières d'amiante au cours de son activité professionnelle.

L'existence d'un cancer broncho-pulmonaire a été diagnostiquée le 22 mai 2015, alors qu'il était âgé de 52 ans.

La caisse primaire d'assurance-maladie de la Côte d'Opale a reconnu le caractère professionnel de sa maladie et lui a attribué un taux d'incapacité de 100% à compter du 15 septembre 2015.

[M] [K] a saisi le Fond d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation.

Par lettre du 22 mai 2018, le FIVA lui a notifié la proposition suivante :

'28'700 euros au titre du préjudice physique ;

'88'900 euros au titre du préjudice moral ;

'28'700 euros au titre du préjudice d'agrément ;

'en attente, au titre du préjudice fonctionnel, le taux d'incapacité retenu étant de 100%.

[M] [K] a accepté cette offre d'indemnisation.

[M] [K] est décédé le 24 août 2018, à l'âge de 55 ans.

La caisse primaire d'assurance-maladie de la Côte d'Opale a reconnu le caractère professionnel de son décès et a alloué à sa veuve une rente de conjoint survivant.

Ses ayants-droit ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices personnels.

Par lettre du 21 juin 2021, le FIVA leur a notifié la proposition suivante :

'32'600 euros pour le préjudice moral et d'accompagnement de Mme [J] [W] épouse [K], sa veuve,

'25'000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [U] [K] et de [O] [K], ses enfants,

'8'700 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de M. [M] [K]', son fils,

'en attente au titre des frais funéraires.

Par une lettre expédiée le 20 août 2021, les ayants-droit d'[M] [K] ont exercé un recours à l'encontre de cette offre dans des conditions de forme et de délai non contestées.

Dans leurs conclusions déposées à l'audience et soutenues oralement devant la cour par leur conseil, les ayants-droits de [M] [K] demandent à la cour de:

- juger que les sommes proposées par le FIVA dans son offre d'indemnisation notifiée le 21 juin 2021 au titre des préjudices personnels des consorts [K] ne sont pas suffisantes,

- fixer à la somme de 1'383,23 euros le montant du remboursement des frais d'obsèques,

- fixer aux sommes suivantes l'indemnisation du préjudice moral et d'accompagnement subi par les consorts [K] :

60'000 euros pour Mme [J] [W] épouse [K],

50'000 euros chacun pour Mme [U] [K] et [O] [K],

- juger que l'ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

- condamner le FIVA au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience par son conseil, le FIVA demande à la cour de confirmer ses offres, telles qu'elles sont reprises dans son dispositif ;

- acter de ce que le FIVA a adressé aux consorts [K] une offre d'indemnisation au titre des frais funéraires en date du 28 mars 2022 ;

- en conséquence, déclarer sans objet le recours relatif aux frais funéraires ;

- déduire des sommes éventuellement allouées par la cour la provision amiable qu'il a versée ;

- débouter les consorts [K] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer à leurs conclusions déposées à l'audience et développées oralement devant la cour, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue des débats, les parties ont été avisées que le présent arrêt serait mis à disposition au greffe à compter du 29 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «prendre acte», «dire et juger» et les «constater» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

D'une façon générale, le principe de réparation intégrale du préjudice subi par la victime, sans perte ni profit, implique d'une part que seuls les préjudices en lien avec l'exposition à l'amiante soient indemnisés, et d'autre part que l'évaluation de chaque poste de préjudice invoqué prenne en compte les indemnisations déjà versées à ce titre dans le cadre d'une offre antérieurement acceptée ou d'une décision judiciaire antérieurement rendue.

1. Sur la réparation des préjudices :

La cour observe que si la loi pose le principe de l'indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante, les indemnisations envisagées excèdent d'une part les indemnisations généralement allouées lorsque le fait générateur n'est pas constitué par une exposition à l'amiante, alors qu'il est d'autre part rappelé que le FIVA, instauré dans le but d'apporter une indemnisation aux personnes victimes de pathologies reconnues comme liées à l'amiante ou, en cas de décès en relation avec ces pathologies, à leurs proches, n'est pas une assurance mais repose sur la solidarité nationale, ce qui rend d'autant plus nécessaire une approche raisonnable et harmonisée de l'indemnisation des préjudices qui en résultent.

1.1 Sur les préjudices patrimoniaux des ayants-droit d'[M] [K] :

Les frais d'obsèques exposés à l'occasion du décès d'une victime de l'amiante ont vocation à intégrer les préjudices dont ses ayants-droit peuvent solliciter l'indemnisation, dès lors que ces derniers établissent qu'ils sont en lien de causalité avec l'exposition à l'amiante de la victime.

En l'espèce, les ayants-droit d'[M] [K] demandent aux termes de leurs écritures l'allocation de la somme de 1'383,23 euros pour le remboursement des frais funéraires exposés pour les obsèques d'[M] [K].

Au vu de ces éléments, constatant que le FIVA a adressé aux consorts [K] le 28 mars 2022 une offre d'indemnisation des frais funéraires à hauteur de 1'383,23 euros, laquelle s'avère conforme à leur demande, il convient de déclarer sans objet leur recours relatif aux frais funéraire.

1.2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux des ayants-droit d'[M] [K] :

A titre liminaire, il convient de rappeler que le préjudice moral et d'accompagnement des ayants-droit ne constitue pas un poste de préjudice spécifique aux décès de victimes ayant été exposées à l'amiante, alors que l'indemnisation de ce préjudice relève de la solidarité nationale, de sorte qu'il convient d'adopter non seulement une approche raisonnable dans leur fixation, mais aussi de rechercher une cohérence dans l'appréciation de ce poste de préjudice avec l'évaluation pratiquée en droit commun de l'indemnisation corporelle par la présente juridiction.

Il n'est pas contesté que les différents ayants-droit justifient, à travers la description des souffrances et des contraintes résultant de la réduction croissante de l'état physique et moral d'[M] [K], notamment au cours des derniers mois de son existence et jusqu'à son décès, d'un préjudice moral et d'accompagnement. Ce préjudice s'apprécie notamment au regard de la proximité géographique de chaque ayant-droit avec le défunt et de l'intensité des liens qu'ils entretenaient avec ce dernier, qu'indique en particulier le positionnement de chacun sur l'arbre généalogique familial.

Sur le préjudice moral et d'accompagnement de la veuve :

Mme [J] [W] épouse [K] et [M] [K] ont partagé une longue communauté de vie, jusqu'au décès de ce dernier le 24 août 2018 à l'âge de 55 ans.

La cour observe que le FIVA ne conteste pas dans son principe le préjudice moral et d'accompagnement de la veuve, dont il est évident, au vu des pièces produites au débat, qu'elle était très proche de son défunt mari qu'elle a accompagné de la découverte de sa maladie jusqu'à son décès.

S'il y a lieu de tenir compte de la durée de la vie commune et de la solidité des liens conjugaux, il importe également de relever l'âge et l'existence de pathologies intercurrentes chez le patient au moment du diagnostic de cancer lié à l'amiante, ainsi que la durée écoulée entre la découverte de la maladie et le décès.

Suivant offre contestée du 21 juin 2021, le FIVA a proposé à Mme [J] [W] épouse [K] la somme de 32'600 euros au titre de son préjudice moral, la cour estime que cette somme est satisfaisante.

Sur le préjudice moral et d'accompagnement des enfants :

Compte-tenu des liens affectifs entre le défunt et chacun de ses enfants, mineurs au moment du décès et vivant à son domicile, tels qu'il résulte de l'examen du dossier, l'offre du FIVA apparaît suffisante, et ce poste de préjudice sera justement réparé par l'allocation à [O] et [U] de la somme de 25'000 euros au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement.

2. Sur les dispositions annexes':

Les dépens sont laissés à la charge du FIVA.

Le sens du présent arrêt conduit à débouter les ayants-droit d'[M] [K] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare sans objet le recours des consorts [K] relativement aux frais funéraires ;

Rejette l'intégralité du recours exercé le 21 juin 2021 par Mme [J] [W] épouse [K], Mme [U] [K], et [O] [K] mineur représenté par sa représentante légale, ayants-droit d'[M] [K], à l'encontre de l'offre d'indemnisation présentée le 21 août 2021 par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;

Laisse au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la charge des entiers dépens de l'instance ;

Déboute Mme [J] [W] épouse [K], Mme [U] [K], [M] [K] et [O] [K] mineur représenté par sa représentante légale, de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04575
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.04575 ?
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