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22/09/2022 | FRANCE | N°21/06403

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 22 septembre 2022, 21/06403


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 22/09/2022



N° de MINUTE : 22/792

N° RG 21/06403 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UATC

Jugement (N° 5120000035) rendu le 29 novembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras



APPELANT



Monsieur [T] [N]

né le 05 août 1960 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douair>


INTIMÉS



Monsieur [J] [O]

né le 10 juillet 1985 à [Localité 9] - de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 5]



Monsieur [F] [O]

né le 14 janvier 1958 à [Loc...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 22/09/2022

N° de MINUTE : 22/792

N° RG 21/06403 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UATC

Jugement (N° 5120000035) rendu le 29 novembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras

APPELANT

Monsieur [T] [N]

né le 05 août 1960 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai

INTIMÉS

Monsieur [J] [O]

né le 10 juillet 1985 à [Localité 9] - de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Monsieur [F] [O]

né le 14 janvier 1958 à [Localité 8] - de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés par Me Gautier Deramond de Roucy, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 19 mai 2022 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Louise Theetten, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 après prorogation du délibéré du 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

M. [T] [N] est propriétaire d'une parcelle de terre à usage agricole cadastrée ZI n°[Cadastre 2] d'une superficie de 1 ha 10 ares 69 centiares sise à [Localité 10] dont une partie est donnée à bail à M. [M] [Y] jusqu'en 2017, les terres ayant été ainsi reprises par la fille et le beau-fils de ce dernier, M. [F] [O].

Par courrier en date du 5 décembre 2017 rédigé par son conseil, M. [T] [N] a indiqué à M. [F] [O] qu'il résiliait le bail pour le 30 septembre 2018 et sollicitait la restitution de la parcelle d'une superficie de 48 ares et 20 centiares pour cette date, estimant la location soumise au statut des baux des petites parcelles.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 janvier 2020 rédigée par son conseil, M. [T] [N] mettait en demeure M. [F] [O] de restituer la parcelle sous quinzaine, en faisant valoir qu'il avait déjà bénéficié d'un délai suffisant pour la libération de la parcelle depuis le 30 septembre 2018.

M. [F] [O] a expliqué dans un courrier en réponse en date du 16 janvier 2020 qu'il avait pris sa retraite depuis le 31 décembre 2017, que son fils [J] [O] avait repris l'exploitation à compter du 1er janvier 2018 et que M. [N] aurait précisé à son fils qu'il pouvait continuer à cultiver la parcelle dans l'attente d'un arrangement le jour où il reprendrait les parcelles pour les boiser.

M. [T] [N] a mis en demeure M. [J] [O] de libérer la parcelle ZI n°[Cadastre 2] dans un délai de 7 jours par courrier recommandé de son conseil en date du 10 juillet 2020.

Suivant requête établie par son conseil enregistrée le 20 août 2020 au greffe de la juridiction, M. [T] [N] a fait appeler MM [F] et [J] [O] devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras afin d'obtenir l'expulsion de M. [J] [O] de la parcelle cadastrée ZI n°[Cadastre 2], la fixation d'une indemnité d'occupation, l'allocation de la somme de 1200 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après échec de la tentative de conciliation préalable constatée par procès-verbal du 2 novembre 2020, l'affaire a été renvoyée en audience de jugement et après plusieurs renvois à la demande des parties, retenue lors de l'audience de plaidoiries du 27 septembre 2021.

Pour l'essentiel, il sera indiqué que M. [N] a demandé à la juridiction paritaire de constater qu'il existait un bail portant sur une partie de la parcelle N°[Cadastre 2] consenti à M. [O] et soumis au statut dérogatoire des petites parcelles tandis qu'au contraire les consorts [O] se sont prévalus du statut impératif des baux ruraux.

Par jugement en date du 29 novembre 2021 auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure et du dernier état des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras a :

-dit que la surface de la parcelle cadastrée ZI n°[Cadastre 2] sise à [Localité 10] est supérieure à 50 ares ;

En conséquence,

-dit que le bail portant sur la parcelle cadastrée ZI n°[Cadastre 2] sise à [Localité 10] est soumis au statut du fermage ;

En conséquence,

-annulé le congé délivré le 5 décembre 2017 par M. [N] concernant la parcelle ZI n°[Cadastre 2] ;

En conséquence,

-débouté M. [T] [N] de ses demandes d'expulsion, de fixation d'indemnité d'occupation et de dommages et intérêts ;

-débouté MM [F] [O] et [J] [O] de leur demande de dommages et intérêts au titre du non respect de l'obligation de jouissance paisible :

-débouté M. [T] [N] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [T] [N] aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [O] une indemnité de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] [N] a relevé appel des dispositions de ce jugement par courrier électronique de son conseil adressé au secrétariat-greffe de la cour le 23 décembre 2021, la déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions du jugement entrepris.

Les débats ont eu lieu devant la cour lors de l'audience du 19 mai 2022.

Lors de l'audience, M. [T] [N] comparaît assisté de son conseil, lequel soutient les conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :

Au visa des dispositions des articles 1764 et suivants du code civil, de l'article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime ,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras ;

Et statuant à nouveau,

-juger que le bail verbal portant sur une partie de la parcelle cadastrée section ZI n°[Cadastre 2] consenti à M. [O] est soumis au statut dérogatoire des petites parcelles ;

-déclarer recevable le congé délivré le 5 décembre 2017 par M. [T] [N] concernant la parcelle ZI n°[Cadastre 2] , congé délivré pour le terme du 30 septembre 2018 ;

-ordonner l'expulsion de M. [J] [O] et celle de tous occupants de son chef de la parcelle susdite ;

-à compter du 1er octobre 2018 et jusqu'à parfaite libération de la parcelle, fixer une indemnité d'occupation d'un montant de 72,51 euros par an ;

-juger que M. [N] a subi un préjudice moral et un trouble de jouissance et évaluer ces préjudices à la somme de 1200 euros ;

-condamner solidairement MM [F] et [J] [O] au paiement de la somme de 3500 euros au titre des préjudices subis ;

-débouter MM [F] et [J] [O] de leurs demandes ;

-condamner solidairement MM [F] et [J] [O] à payer à M. [T] [N] la somme de 4330,40 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-les condamner dans les mêmes termes aux dépens.

M. [T] [N] expose que l'article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit un statut dérogatoire pour les petites parcelles, qui ne sont pas ainsi soumises au statut du fermage mais aux dispositions de droit commun et notamment aux dispositions de l'article 1774 du code civil ; que le bailleur n'est tenu que de laisser un temps raisonnable au locataire pour libérer les lieux, sans être tenu aux contraintes prévues pour la délivrance d'un congé en matière de baux ruraux.

Il rappelle que, par acte authentique en date du 18 avril 1970, [H] [N] a consenti un bail rural à M. [M] [Y] portant sur la parcelle A [Cadastre 3] sise à [Localité 10], et que c'est ce bail qui a été repris successivement par les consorts [Y]-[O]. Il ajoute qu'un remembrement est intervenu en 1989, que la surface de la parcelle s'est trouvée réduite et que l'emplacement de cette dernière a été légèrement modifiée ce qui a permis de bénéficier de terres de meilleure qualité et que c'est probablement à cette époque que la parcelle donnée à bail à M.[Y] s'est trouvée réduite à 48 a 20 ca.

Dès lors, il en conclut que le bail ne porte plus depuis de nombreuses années que sur une superficie de 48 a 20 ca et que telle était l'assiette de la jouissance du preneur lors du dernier renouvellement intervenu en 1995. Il rappelle que lorsque le bail est renouvelé, c'est la date de chaque renouvellement qui est retenue pour apprécier les conditions d'exclusion du statut du fermage, et que la Cour de cassation n'a jamais exigé une modification écrite de la superficie du bail pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 411-3 du code rural.

Il fait valoir que la réalité d'une réduction de la superficie de l'assiette du bail est établie par les décomptes de loyer établis par le notaire, qui reprennent le fait que la partie de la parcelle ZI n°[Cadastre 2], donnée à bail et faisant l'objet d'un fermage est d'une superficie de 48 ares 20 centiares et que les appels de fermage ont été réglés sans contestation de la superficie reprise.

Il conteste l'affirmation selon laquelle le bail porterait sur une superficie de 52 ares 59 centiares avec un accord temporaire du preneur de laisser une bande d'herbe de 4 ares environ pour que le bailleur puisse accéder à ses bois situés sur l'arrière, ce qui aurait entraîné une déduction d'autant dans le montant du loyer tenant compte de la perte de ces 4 ares, faisant valoir que ce fait n'est aucunement démontré .

Il fait observer que les relevés de propriété de lui-même et de ses auteurs font apparaître que la parcelle ZI n°[Cadastre 2] a toujours été divisée en une partie boisée de 62 ares et 49 centiares et une partie cultivée, correspondant à l'assiette du bail .

Les photographies anciennes font apparaître que le chemin non cultivé a toujours existé et qu'il ne résulte nullement d'une tolérance temporaire accordée par les consorts [O], qu'il juge de mauvaise foi.

Il indique en conséquence qu'il doit être retenu que la surface de la parcelle est inférieure à 50 ares et dès lors que M. [J] [O] ne justifie pas de ce que cette parcelle serait une partie essentielle de son exploitation agricole , ladite parcelle n'est pas soumise au statut des baux ruraux et que le congé qu'il a délivré est parfaitement valable et efficace.

Lors de l'audience, M. [J] [O] et M. [F] [O] sont représentés par leur conseil, lequel soutient pour leur compte les conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il est demandé à cette cour de :

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

-constater que la surface de la parcelle exploitée cadastrée ZI [Cadastre 2] à [Localité 10] constitue une partie essentielle de l'exploitation de M. [J] [O] ;

-constater que le bail relatif à ladite parcelle est donc soumis au statut du fermage ;

-en conséquence déclarer nul et de nul effet le congé délivré par M. [T] [N] ;

En tout état de cause,

-débouter M. [T] [N] de toutes ses demandes ;

-le condamner au paiement de la somme de 3500 euros au profit des consorts au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-le condamner aux dépens.

Les consorts [O] font valoir qu'il est certain que le bail litigieux porte sur une parcelle d'une surface de 52 ares et 59 centiares de sorte qu'il est pleinement soumis au statut du fermage et que c'est en parfaite mauvaise foi que le bailleur actuel s'appuie sur de simples quittances de loyer pour soutenir que la parcelle donnée à bail aurait une superficie inférieure à 50 ares. Ils énoncent que le juges de première instance ont parfaitement relevé que la superficie mentionnée dans le bail authentique versé aux débats par les intéressés n'était combattue par aucune pièce probante contraire du bailleur et qu'en conséquence, le contrat de bail initial devait faire foi.

Ils soutiennent qu'au cours de l'exécution du bail, il a été convenu entre les parties que le preneur laisserait temporairement une bande en herbe afin que le bailleur puisse accéder plus facilement à son bois situé en arrière de la parcelle, et que cette bande en herbe faisant fonction de chemin, d'une superficie de 4 ares explique que le fermage n'ait été calculée que sur cette seule surface de 48 ares 20 centiares et non sur la surface de 52 ares et 59 centiares prévue au contrat de bail.

Ils font valoir en tout état de cause que les appels de fermage sont établis de manière unilatérale par M. [N] et son notaire et que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même.

De la même façon, ils font valoir que si l'appelant n'hésite pas à produire des relevés de propriété et ce seulement en cause d'appel lesquels mentionnent une superficie en nature de bois de 62 ares et une superficie en nature de terres de 48 ares, il est loisible en réalité à un propriétaire de faire modifier à première demande et de manière unilatérale ces relevés au niveau du service de la publicité foncière

Concluant que la parcelle donnée à bail est indiscutablement d'une superficie supérieure à 50 ares ils demandent que le congé soit déclaré nul pour ne pas correspondre aux règles prévues par le statut impératif des baux ruraux .

Subsidiairement, si la cour venait à estimer que le bail porte sur une superficie inférieure à 50 ares, ils demandent à la cour de constater que la parcelle litigieuse est une partie essentielle de l'exploitation de M. [J] [O] et demandent de plus fort que le statut libéral des petites parcelles soit écarté.

Il est indiqué à cet égard que M. [J] [O] est un jeune agriculteur qui vient de s'installer et que non seulement la perte de la parcelle objet du litige portera atteinte à l'équilibre financier de son exploitation mais qu'encore le projet du propriétaire de reboiser la parcelle en cause va entraîner le fait que la parcelle mitoyenne qu'il exploite également va perdre tout ensoleillement et ne pourra plus être cultivée de manière efficace.

Ils demandent également le rejet de toute demande de dommages et intérêts.

Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

L'article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que :

Après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés de l'autorité administrative fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la superficie maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d'une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L. 411-4 à L. 411-7, L. 411-8 (alinéa 1), L. 411-11 à L. 411-16 et L. 417-3. La nature et la superficie maximum des parcelles à retenir lors

de chaque renouvellement de la location sont celles mentionnées dans l'arrêté en vigueur à cette date.

La dérogation prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux parcelles ayant fait l'objet d'une division depuis moins de neuf ans.

Lorsqu'il n'est pas constaté par écrit, le bail des parcelles répondant aux conditions du premier alinéa est soumis aux dispositions de l'article 1774 du code civil.

L'article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit ainsi plusieurs conditions d'application pour que le régime dérogatoire des petites parcelles puisse être

appliquée :

' La superficie de la parcelle doit être inférieure ou égale à un seuil maximum fixé par arrêté préfectoral ;

' La parcelle ne doit pas constituer une partie essentielle de l'exploitation du preneur ;

' La parcelle ne doit pas constituer un corps de ferme.

Il résulte des pièces produites aux débats que suivant acte authentique en date du 18 avril 1970 reçu par Maître [L], notaire à [Localité 9], [H] [N] a donné à bail à M. [M] [Y] à bail à ferme et pour une durée de neuf années une parcelle sise sur le terroir de [Localité 10] d'une superficie de cinquante deux ares cinquante neuf centiares cadastrée B [Cadastre 3].

Ce bail s'est renouvelé par périodes de neuf années en 1979, 1988, 1997, 2006 et pour la dernière fois en 2015 avant que M. [Y] ne prenne sa retraite et que la présente instance paritaire soit introduite.

Il en résulte ainsi que M. [Y] tirait bien ses droits sur la parcelle d'un bail dûment écrit même si la notion de bail verbal a pu être évoquée dans le cadre des débats de première instance.

Considérant que le bail initial portait sur une surface de 52 ares 59 centiares et qu'une telle superficie excède le seuil de 50 ares retenu par le Préfet du Pas de Calais dans son arrêté en date du 29 septembre 1995, seuil applicable à la date de chaque renouvellement du bail depuis 1995 et encore lors du dernier renouvellement de 2015 et qu'une telle superficie doit être reportée de plano sur la parcelle ZI n°[Cadastre 2] qui aurait cessé d'être la parcelle n°[Cadastre 3] pour devenir la parcelle ZI n°[Cadastre 2] par l'effet d'un simple changement de numérotation, les consorts [O] en concluent qu'ils peuvent se prévaloir d'un bail rural sur la parcelle ZI n°[Cadastre 2] et ce pour la superficie reprise de cinquante deux ares cinquante neuf centiares reprise dans l'acte de 1970.

Cependant, les pièces produites par M. [N], sachant que le dossier de ce dernier a été enrichi en cause d'appel, font apparaître que la réalité est en l'espèce beaucoup plus complexe.

Il est en effet justifié à tout le moins à hauteur d'appel de ce que des opérations de remembrement ont effectivement eu lieu sur le terroir des communes de [Localité 10] et de [Localité 7] à une date postérieure à la conclusion du bail , date qui n'est pas autrement établie mais que M. [N] situe en 1989. M. [N] a en effet été en mesure de produire la première page d'un procès-verbal d'opérations de remembrement dans lesquelles est intervenue Mme [B] [I] veuve de feu [H] [N].

Il apparaît sur cette première page qu'a été abandonnée en raison du remembrement la parcelle sise commune de [Localité 10] lieudit les Quinze cadastrée B [Cadastre 3] d'une superficie de 52 ares 59 centiares.

Il s'ensuit que le changement de dénomination ne résulte pas d'un simple changement de numérotation mais d'opérations de remembrement qui par nature ne garantissent que la parcelle qui sera réattribuée sera identique à celle qui avait été abandonnée en vue du remembrement et qui ne garantissent pas même la stricte équivalence des surfaces que ce soit au profit du propriétaire des terres, ou que ce soit au profit du preneur à bail. L'éventualité du préjudice subi par le preneur est à cet égard pris en compte par l'article L 123-15 du code rural et de la pêche maritime lequel dispose que le locataire d'une parcelle atteinte par l'aménagement foncier agricole et forestier a le choix ou d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur, ou d'obtenir la résiliation totale ou partielle du bail, sans indemnité, dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet de l'aménagement foncier agricole et forestier.

Avant le remembrement, les droits du locataire s'exerçaient sur une parcelle B [Cadastre 3] d'une superficie de 52 ares 59 centiares tandis qu'après le remembrement, ils se sont reportés sur une superficie à prendre dans la parcelle ZI [Cadastre 2] d'une superficie totale de 1 ha 10 ares 69 centiares et ce en fonction de la configuration des lieux.

Ce premier point étant précisé, il convient de rappeler que M. [T] [N] fait valoir que la parcelle ZI [Cadastre 2] se divise en deux parties : une première partie d'une superficie de 62 ares 49 centiares dont le propriétaire s'est réservé la jouissance et une seconde partie d'une superficie de 48 ares 20 centiares sur laquelle s'exercent les droits du preneur à bail.

Il y a lieu de constater en l'espèce que M. [T] [N] a produit aux débats différents relevés de propriété faisant apparaître la distinction entre la fraction de la parcelle d'une superficie de 62 ares 49 centiares, et la fraction de la parcelle d'une superficie de 48 ares 20 centiares, seule cette seconde partie étant dévolue à la culture. Ces relevés sont anciens et antérieurs à l'introduction de la présente procédure par M. [N] pour dater des années 1999, 2014 et 2015 et sont mêmes antérieurs pour ce qui concerne le relevé de 1999 à la date à laquelle M. [T] [N] est devenu propriétaire de la parcelle ZI [Cadastre 2] suite à la liquidation et au partage des successions de [Z] [A] [U] [N] et de [G] [C] [E] et ce suivant acte de partage en date du 24 septembre 2014 .

Le relevé parcellaire du 5 octobre 1999 fait apparaître que M. [Z] [N] déclarait mettre en valeur lui-même la surface de 62 ares et 49 centiares de la parcelle ZI [Cadastre 2] d'une surface de 1 ha 10 ares 69 centiares, ce qui par voie de retranchement laissait une superficie de 48 ares 20 centiares pour le preneur en place.

Par ailleurs, M. [T] [N] a produit en première instance les décomptes de fermage entre 2013 et 2018 qui ont été établis par le notaire en charge de la gestion locative, étant précisé que ces décomptes sont là encore antérieurs à l'introduction de la présente procédure et même pour certains à l'acte du 24 septembre 2014 au terme duquel M. [N] a acquis la propriété de la parcelle. Il est constamment indiqué sur lesdits décomptes que fait l'objet d'un fermage la partie de la parcelle ZI n° [Cadastre 2] pour une superficie de 48 ares et 20 centiares. Ces décomptes n'ont pas donné lieu à protestation de la [O] du preneur jusqu'à l'introduction de la procédure.

Certes, les consorts [O] font valoir devant la cour comme devant les premiers juges que le fermage ne tenait compte que d'une superficie de 48 ares et 20 ca en raison de la volonté du bailleur de compenser le fait qu'ils avaient accepté de laisser 4 ares en herbe le long de la parcelle, et ce pour permettre au bailleur d'avoir accès à son petit bois situé en arrière de la parcelle exploitée.

Ils ont produit à cet égard le dossier PAC rempli par M. [J] [O] en 2021 faisant apparaître qu'il déclare la parcelle ZI n°[Cadastre 2] sise à [Localité 10] en culture de 'maïs ensilage' (code de la culture : MIE) à hauteur de 48 ares et en culture de Ray-grass de 5 ans ou moins (code culture RGA) à hauteur de 4 ares.

Cependant, force est de constater que d'une [O] le document en cause correspond à une déclaration faite unilatéralement par M. [O] et que d'autre [O], il s'agit d'une déclaration effectuée postérieurement à l'engagement du présent contentieux.

Par ailleurs, les photographies provenant du portail IGN produites par M. [N] et remontant jusqu'à 2009 tendent à établir que le chemin en forme de bande d'herbe le long de la parcelle a toujours existé et ne résulte pas du fait que les consorts [O] auraient renoncé à exploiter la bande de terre le long de la parcelle en raison d'un accord temporaire plus récent avec le bailleur.

Il apparaît assez peu vraisemblable d'ailleurs d'imaginer que le preneur aurait renoncé, à une époque d'ailleurs qui n'a pas été précisée, à mettre en culture la bande de terre concernée contre la remise d'une somme qui si l'on se réfère au montant global du fermage, aurait été d'un montant annuel de l'ordre de 7 euros.

En outre, contrairement à ce qui est soutenu par les consorts [O] , le plan du géomètre expert ne remet nullement en cause ce qui est soutenu par M. [N] puisqu'il considère que la parcelle objet du bail et excluant la bande de terrain sur le côté est effectivement d'une surface inférieure à 50 ares.

Il convient d'en conclure qu'à la date du dernier renouvellement , le bail portait sur une petite parcelle

Le bail renouvelé est un nouveau bail et la nature et la superficie des parcelles susceptibles d'échapper aux dispositions d'ordre public relatives au statut du fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé.

Il s'ensuit que M. [N] peut se prévaloir en l'espèce du régime dérogatoire des petites parcelles, dès lors que la parcelle ne porte pas sur un corps de ferme, et sous réserve qu'il ne soit pas démontré que la parcelle litigieuse soit une partie essentielle de l'exploitation du preneur.

En l'espèce, il convient d'observer que le parcelle en cause correspond à moins de 1% de la surface que M. [J] [O] déclare exploiter actuellement soit 55,65 euros.

M. [O] ne procède que par voie d'affirmations lorsqu'il indique que les projets de M. [N] vont entraîner un excès d'ombre sur la parcelle exploitée à côté de celle objet du litige.

La cour observe par ailleurs que le relevé d'exploitation produit n'est pas exhaustif puisqu'il ne reprend pas les parcelles exploitées à [Localité 10].

Il n'est donc pas démontré que la parcelle en cause correspond à une [O] essentielle de l'exploitation de M. [O].

Au regard de ces éléments, il convient de conclure que M. [N], au regard du régime dérogatoire des petites parcelles, peut prétendre à l'efficacité du congé délivré par lettre recommandée avec accusé de réception le 5 décembre 2017, ce congé ayant été délivré neuf mois avant la date prévue pour son effectivité et délivrée pour une date postérieure à l'achèvement de l'année culturale, ce délai étant ainsi suffisant.

Il convient dès lors d'ordonner l'expulsion de M. [J] [O].

Il sera relevé que M. [N] a simplement demandé à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due jusqu'à parfaite libération des lieux et non de prononcer une condamnation de ce chef.

Il convient à cet égard pour la cour de fixer l'indemnité d'occupation due par M. [J] [O] à la somme annuelle de 72,51 euros par référence au montant du fermage.

M. [N] ne s'est pas nettement expliqué sur les deux sommes de 1200 euros et 3500 euros réclamées respectivement à titre de dommages et intérêts. L'existence d'un préjudice moral est exclu en la présente espèce, et le préjudice de jouissance invoqué n'est pas caractérisé. Il convient de rejeter les demandes de dommages et intérêts.

Sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de ce qui est ainsi jugé, les consorts [O] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Il sera par ailleurs fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile comme indiqué au présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que le bail portant sur partie de la parcelle cadastrée ZI n°[Cadastre 2] sise à [Localité 10] est soumis au régime dérogatoire des petites parcelles ;

En conséquence,

Valide le congé délivré le 5 décembre 2017 par M. [T] [N] concernant la partie de parcelle ZI n°[Cadastre 2] ;

Ordonne en conséquence l'expulsion de M. [J] [O] de la parcelle cadastrée ZI n°[Cadastre 2] sise à [Localité 10], ainsi que celle de tous occupants de son chef ;

Fixe à compter du 1er octobre 2018 et jusqu'à parfaite libération de la parcelle, l'indemnité d'occupation due par M. [J] [O] la somme de 72,51 euros par an ;

Déboute M. [T] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum MM [F] et [J] [O] aux dépens de première instance et d'appel ;

Les condamne dans les mêmes termes à régler à M. [T] [N] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

I. CapiezV. Dellelis


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 21/06403
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.06403 ?
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