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22/09/2022 | FRANCE | N°21/02021

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 22 septembre 2022, 21/02021


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 22/09/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/02021 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRUA



Jugement rendu le 09 mars 2021 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer





APPELANT



Monsieur [C] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Eric Laf

orce, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Géry Humez, avocat au barreau d'Arras





INTIMÉE



SA Crédit Mutuel Factoring prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quali...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 22/09/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/02021 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRUA

Jugement rendu le 09 mars 2021 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer

APPELANT

Monsieur [C] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Géry Humez, avocat au barreau d'Arras

INTIMÉE

SA Crédit Mutuel Factoring prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Antoine Rousseau membre de la SELARL B2R & Associés, avocat au barreau de Lyon

DÉBATS à l'audience publique du 1er juin 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, président de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominiques Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 avril 2022

****

Par acte sous seing privé du 31 juillet 2013, M. [C] [X] s'est engagé pour cinq années à l'égard de la SA CM-CIC Factor, désormais dénommée Crédit Mutuel Factoring, en qualité de caution solidaire des engagements de la société Couverture étanchéité moderne du Nord (CEMN), dans la limite de 200 000 euros. Le même jour, la société CEMN a obtenu de ce même établissement l'ouverture d'une ligne de financement par cession de créances professionnelles. Après ouverture du redressement judiciaire de la société cautionnée et mise en demeure de la caution, par acte extrajudiciaire délivré le 16 mars 2018, la SA CM-CIC Factor a assigné M. [X] en paiement de la somme en principal de 78 518,83 euros en exécution de son engagement. Cette somme correspond à deux factures cédées dans le cadre de la convention d'affacturage et demeurées impayées par les débiteurs cédés. La liquidation judiciaire de la société CEMN a été prononcée.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 9 mars 2021, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a :

-débouté M. [X] de ses demandes ;

-condamné M. [X] à payer à la société Crédit Mutuel Factoring (anciennement dénommée CM-CIC Factor) la somme de 78 518,83 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2016 et jusqu'à la date effective de paiement, (dans la limite de son engagement à hauteur de 200 000 euros ;

-ordonné la capitalisation annuelle des intérêts qui commenceront à courir à compter de l'assignation ;

-condamné M. [X] à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par déclaration reçue au greffe le 08 avril 2021, M. [X] a interjeté appel de ce jugement, déférant à la Cour l'ensemble des chefs de cette décision.

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 06 avril 2022, M. [X] demande à la Cour de :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Crédit Mutuel Factoring : la somme de 78 518,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2016 et jusqu'à la date effective de paiement, 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens et a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts ;

-annuler l'engagement de caution ;

-débouter la SA Crédit Mutuel Factoring de ses demandes ;

-dire que l'acte de cautionnement lui est inopposable ;

-à titre subsidiaire :

-condamner la SA Crédit Mutuel Factoring à lui payer « des dommages et intérêts équivalents aux sommes éventuelles mises à sa charge » ;

-ordonner la compensation entre ces sommes ;

-à défaut :

-dire qu'il n'est redevable à l'égard de la SA Crédit Mutuel Factoring que sur ses seuls biens propres ;

-dans tous les cas :

-débouter la SA Crédit Mutuel Factoring de ses demandes ;

-la condamner à lui payer 49 989,76 euros, avec intérêts de droit depuis le 13 janvier 2022 ;

-lui allouer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la SA Crédit Mutuel Factoring aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 05 avril 2022, la SA Crédit Mutuel Factoring prie la Cour de  :

-confirmer le jugement entrepris en deniers ou quittances, par suite d'un paiement de 49 989,76 euros intervenu en cours d'instance le 13 janvier 2022 ;

-débouter M. [X] de ses demandes ;

-le condamner à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus, dont distraction au profit de son conseil.

L'ordonnance de clôture est du 6 avril 2022.

SUR CE

LA COUR

Les moyens développés par M. [X] au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A ces justes motifs, il sera ajouté ce qui suit.

S'agissant de la prétendue nullité du cautionnement pour indétermination du débiteur principal dans la mention manuscrite prévue à l'article L.341-2 du code de la consommation applicable à la date de cet acte, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir rejeté ce moyen, puisque cette mention, qui indique « En me portant caution de CEMN dans la limite de la somme de 200 000 euros (deux cents mille euros) ['] » permettait d'identifier le débiteur garanti sans qu'il soit besoin pour la caution de se référer à des éléments extérieurs, dès lors que l'extrait Kbis du débiteur cautionné mentionne, reprenant les information statutaires, qu'il s'agit d'une société à responsabilité limitée et que son gérant est M. [C] [X], que sa dénomination ou raison sociale est «Couverture Etanchéité Moderne du Nord » et que son sigle est CEMN.

S'agissant de la prétendue disproportion de l'engagement de caution, il convient de rappeler que l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus tels qu'ils sont indiqués dans la déclaration de la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude. Lorsque le cautionnement a été souscrit par une personne mariée, il convient de tenir compte du régime matrimonial pour déterminer les biens et revenus à prendre en considération pour apprécier la disproportion de son engagement. Lorsque la caution est mariée sous le régime de la communauté, la proportionnalité de son engagement s'apprécie au regard des biens et revenus propres de la caution mais aussi des biens communs des époux, sans qu'il importe de déterminer si le conjoint de la caution a donné ou non son accord au cautionnement. La charge de prouver la disproportion manifeste pèse sur la caution. La disproportion manifeste suppose que la caution au jour où le cautionnement a été souscrit se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. La disproportion doit être appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution 

En l'espèce, la fiche de renseignements remplie, datée du 31 juillet 2013 et signée par le seul M. [X] - qui établit par des actes authentiques de 2018 qu'à la date de l'engagement de caution, il était marié sous un régime de communauté réduite aux acquêts ' révèle qu'il s'est abstenu, en omettant de remplir les rubriques du formulaire prévues à cet effet, de donner toute information relative à l'identité de son conjoint et à son régime matrimonial.

Cependant, il a déclaré dans cette fiche des revenus personnels de 13 500 euros et seulement 4 560 euros de charges mensuelles, correspondant à des crédits en cours. Il a déclaré un patrimoine immobilier en valeur nette de tout encours de prêt de : 1 000 000 + 250 000 ' 160 466 ' 227 130 ' 4023 = 858 381 euros.

Dès lors qu'il a sciemment omis, dans le fiche de renseignement, de mentionner la situation patrimoniale résultant de son mariage et qu'il a lui-même déclaré que la valeur de la résidence principale pour l'appréciation de la situation patrimoniale de la caution était de 1 000 000 d'euros, il ne reproche pas valablement à la banque d'avoir recueilli son cautionnement, au moyen qu'en réalité, la résidence principale avait été achetée avant le mariage et constitue par conséquent un bien propre. Il n'y a donc pas lieu de réduire à 500 000 euros la valeur de ce bien pour l'appréciation de la disproportion manifeste alléguée.

M. [X] a également indiqué être déjà engagé à titre de caution et, s'agissant des montants et bénéficiaires de ces garanties, a précisé : ' SCI [X] 136 000 /Découvert CIC 56 000/Découvert CEMN 60 000 '. Il affirme qu'au vu du formulaire, la banque ne lui a demandé aucun détail pour d'éventuels cautionnements conclus au bénéfice d'un autre créancier. Or, M. [X] se prévaut d'autres cautionnements et garanties au sujet desquels la banque ne l'aurait pas interrogé, à savoir :

-un engagement de caution à l'égard de la BNP pour 208 000 euros du 28 janvier 2010 (en faveur de la société CEMN, pour garantie d'un prêt destiné à l'aménagement d'un bâtiment) ;

-une engagement solidaire de caution du couple à l'égard du Crédit du Nord pour 221 000 euros le 3 septembre 2008, en faveur de la SCI [X] (en garantie d'une partie du prix d'achat d'un immeuble et du coût de travaux sur celui-ci) ;

-un engagement solidaire de caution du couple à l'égard de la BNP pour 884 000 euros en faveur de la SCI [X] (garantie de même nature que le précédent engagement).

Toutefois, la Cour retient que, contrairement à ce que soutient M. [X], le formulaire permettant d'établir la fiche de renseignement prévoyait bien la possibilité de déclarer des garanties autres que celles conclues en faveur de la société CM-CIC Factor. Un espace est laissé à cet effet, après le mot « Banque », pour indiquer d'éventuels autres créanciers bénéficiaires de garanties.

Il résulte de ce qui précède que les premiers juges doivent être approuvés d'avoir dit que le cautionnement litigieux n'était ni nul ni inopposable à M. [X].

Il résulte encore de ce qui précède que M. [X] est mal fondé en sa demande tendant à faire dire qu'il n'est redevable que sur ses seuls biens propres.

A titre subsidiaire, M. [X] soutient que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et affirme que la société CM-CIC Factor ne justifie pas avoir attiré son attention sur les lourds engagements qu'il prenait, d'autant que les renseignements financiers demandés étaient parcellaires et ne permettaient pas de se faire une opinion précise des risques financiers, le fait qu'il soit un chef d'entreprise n'exonérant pas la banque de son obligation.

Toutefois, il n'est prouvé, au vu des éléments d'information communiqués par M. [X] dans la fiche de renseignements, au vu de l'ensemble des pièces produites et au vu de l'ensemble des informations qui apparaissent avoir été en la possession de la banque au moment de la conclusion du cautionnement litigieux :

-ni que la société CM-CIC Factor ait été en mesure de déterminer que la caution - par ailleurs avertie, dès lors qu'elle s'était antérieurement portée caution plusieurs fois, qu'elle était dirigeante de la société cautionnée depuis 2005 et encore dirigeante de trois autres sociétés : depuis le 17 janvier 2013 de la SCI Société Financière [X]-Cordier au capital social de 2 745 000 euros, depuis le 31octobre 2006 de la SCI [X] et depuis le 1er octobre 2009 de la SCI Cordier - s'engageait dans un endettement excessif au regard de son niveau de fortune,

-ni que la banque pouvait se douter du caractère inadapté du concours accordé à la société CEMN.

Par conséquent, le moyen pris de la violation de l'obligation de mise en garde sera rejeté, ainsi que la demande en dommages-intérêts de M. [X].

Dès lors que M. [X] demande le remboursement d'une somme de 49 989,76 euros au seul moyen de la nullité du cautionnement dont la demande a déjà été rejetée, cette prétention doit suivre le même sort.

M. [X] conteste encore le montant de la demande, au seul moyen que les sommes annoncées ne justifient pas la prétention.

A cet égard, il est établi que la SCI Des Chèvrefeuilles à laquelle la société CEMN a facturé 26 280 euros pour un marché de travaux, créance cédée à la banque, n'a pas réglé cette facture, ce qui est reconnu par la SCI Des Chèvrefeuilles dans une lettre.

Il est encore établi que la SAS Carré constructeur, à laquelle la société CEMN a facturé 120 000 euros pour un marché de travaux, créance cédée à la banque, n'a pas été réglé celle-ci à hauteur de 81 977,20 euros. L'extrait du compte de la société CEMN dans les livres de la banque démontre que la société Carré Constructeur avait payé 38 022,80 euros, que la banque avait auparavant versé 102 000 euros au compte bancaire de la société CEMN et affecté 18 000 euros à la retenue de garantie.

Ces créances ont été déclarées dans le cadre du redressement judiciaire pour la somme totale de 108 287,20 euros, sous déduction d'un compte de garantie créditeur de 21 942 euros et du solde créditeur d'un compte courant d'un montant de 6 193,94 euros, soit la somme totale de 80 121,26 euros. C'est cette somme que la caution a été mise en demeure de payer le 12 juin 2016, date de réception de la lettre de mise en demeure.

En outre, dans le cadre de la procédure collective, la banque a perçu un dividende de 1 602,43 euros.

S'il est exact que, curieusement, le décompte figurant aux conclusions récapitulatives de la banque devant la Cour (pages 18 et 19) est incomplet, ce qui a légitimement alerté le débiteur, les vérifications opérées à partir, notamment, du décompte du 25 janvier 2018 (pièce n°8 de l'intimée) certifié exact par la société CM-CIC Factor rétablissement le bien-fondé de la somme réclamée en définitive dans ces conclusions. L'auxiliaire de justice a omis de faire apparaître la somme de 21 942 euros en moins prenant, correspondant à un compte de garantie garantissant des engagements et des impayés dont la cession a été notifiée au créancier.

La somme de 78 518,83 euros est donc justifiée (26 280 + 81 977,20 ' 6 193,94 ' 1 602,43 ' 21 942 = 78 518,83).

M. [X] sera donc débouté de toutes ses prétentions.

En équité M. [X] versera à la banque une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

M. [X] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute M. [X] de toutes ses demandes ;

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M. [X] à payer 800 euros à la SA Crédit Mutuel Factoring au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne M. [X] aux dépens, qui pourront être recouvrés comme prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie ROELOFS

Le président

Dominique GILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 21/02021
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.02021 ?
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