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22/09/2022 | FRANCE | N°21/00855

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 22 septembre 2022, 21/00855


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 22/09/2022





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N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/00855 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOAE



Jugement (N°20/03138) rendu le 04 février 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

Ordonnance (21/259) rendue le 14 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel





APPELANT



Monsieur le Procureur général, prè

s la cour d'appel de Douai

représenté par M. Christophe Delattre, substitut général





INTIMÉS



Monsieur [B] [S], ancien président de l'association Convergences Plurielles

né le [Date naissanc...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 22/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/00855 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOAE

Jugement (N°20/03138) rendu le 04 février 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

Ordonnance (21/259) rendue le 14 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel

APPELANT

Monsieur le Procureur général, près la cour d'appel de Douai

représenté par M. Christophe Delattre, substitut général

INTIMÉS

Monsieur [B] [S], ancien président de l'association Convergences Plurielles

né le [Date naissance 1] 1985, de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Nicolas Nef Naf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SARL [L] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [O] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de l'association Convergences Plurielles

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée et assistée de Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 1er juin 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 avril 2022

****

Saisi par l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais, le tribunal de grande instance de Valenciennes a ordonné une enquête préalable à l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'association Convergences Plurielles. Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de l'association, a fixé provisoirement au 1er janvier 2017 la date de l'état de cessation des paiements et a désigné la SELARL [L] Aras & Associés, mandataire judiciaire, en la personne de M. [O] [L], en qualité de liquidateur. Par jugements des 8 novembre 2018, 14 novembre 2019 et 19 novembre 2019, la clôture des opérations de liquidation a été repoussées, en dernier lieu jusqu'au 9 septembre 2021.

Par acte du 4 novembre 2020, le liquidateur ès qualités a fait assigner M. [B] [S] en sanction personnelle et en responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif.

C'est dans ces conditions que par jugement du 4 février 2021, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

-prononcé à l'égard de M. [B] [S] en sa qualité de président de l'association Convergences Plurielles une interdiction de diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de deux ans,

-dit n'y avoir lieu à contribution à l'insuffisance d'actif pour faute de gestion,

-ordonné les mesures de publicité prévues par l'article R.653-3 du code de commerce,

-rappelé que le jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire,

-condamné M. [B] [S] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 11 février 2021, le Procureur de la République de Valenciennes a interjeté appel de ce jugement, pour en contester les chefs relatifs à la sanction prononcée et à l'absence de contribution à l'insuffisance d'actif.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 14 octobre 2021, M. [S] a été déclaré irrecevable en ses conclusions en réponse sur l'appel principal du Ministère public.

Par dernières réquisitions déposées le 30 avril 2021, notifiées par la voie électronique le même jour au liquidateur ès qualités et le 10 mai 2021 à M. [S], le Ministère public près la Cour sollicite :

-l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en responsabilité au titre de l'absence de tenue de toute comptabilité et la condamnation du président poursuivi au paiement d'une somme de 10 000 euros ;

-la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le président poursuivi pour déclaration de cessation des paiements tardive mais la condamnation du mis en cause à une interdiction de gérer de cinq ans.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 23 mars 2022, la SELARL [L] Aras & Associés ès qualités demande à la Cour de :

-vu les articles L.651 - 1 et suivants, L.653 - 1 et suivants du code de commerce,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé à l'égard de M. [B] [S] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale,

-l'infirmer pour le surplus,

-et, statuer à nouveau,

-dire que l'interdiction de diriger est fixée à 5 années,

-constater que M. [B] [S] a commis, en sa qualité de président de l'association, des fautes de gestion au sens de l'article L.651 - 2 du code de commerce,

-constater que ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif de l'association,

-en conséquence, condamner M. [B] [S] au paiement d'une somme de 174 326,14 euros au titre du comblement de l'insuffisance d'actif,

-assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à complet paiement, avec capitalisation par année entière,

-débouter M. [B] [S] de ses demandes,

-condamner M. [B] [S] à lui payer 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 12 septembre 2021, M. [S] demande à la Cour de :

-vu les articles L.651-1 et suivants, L.653-1 et suivants et L.653-8 du code de commerce,

-1/ Sur la demande de condamnation pécuniaire :

-à titre principal :

-dire que ses agissements constituent de simples négligences et non des fautes de gestion susceptibles d'engager sa responsabilité,

-dire que le lien de causalité entre ses agissements, qu'il s'agisse de fautes / et ou de négligences et l'insuffisance d'actif n'est pas démontré,

-en conséquence :

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 10 000 euros en raison de l'absence de tenue de comptabilité,

-débouter le liquidateur judiciaire de ses demandes aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 174 326,14 euros,

-à titre subsidiaire, et au regard du contexte dans lequel il a pris les rênes de l'association :

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 10 000 euros,

-débouter le liquidateur judiciaire de ses demandes aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 174 326,14 euros,

-à tout le moins, réduire à de plus justes proportions,

-2/ sur la demande de condamnation personnelle :

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de voir prononcer son interdiction de gérer pendant 5 ans,

-débouter le liquidateur judiciaire de ses réquisitions aux fins de voir prononcer son interdiction de gérer pendant 5 ans,

- à titre subsidiaire l'en dispenser ou réduire le quantum en raison du contexte.

L'ordonnance de clôture est du 06 avril 2022.

SUR CE

LA COUR

Il sera rappelé que M. [S] a été déclaré irrecevable à conclure contre l'appel principal du Ministère public, en vertu d'une ordonnance du magistrat de la mise en état déjà mentionnée et exempte de recours. Il convient d'en tirer les conséquences, notamment, quant aux demandes figurant dans le dispositif de ses conclusions et dirigées contre cet appel principal.

S'agissant des fautes de gestion et pour l'appréciation de la sanction personnelle :

-les premiers juges ont écarté l'absence volontaire de coopérer avec les organes de la procédure mais ont retenu les griefs tirés de la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète au sens de l'article L.653-5 du code de commerce et de déclaration tardive de cessation des paiements au sens de l'article L.653-8 du code de commerce ;

-le Ministère public demande, au titre de son appel principal, que soient retenue contre M. [S] la faute prise de l'absence de cessation des paiements dans le délai légal ; il requiert que soient écartées les fautes de poursuite d'une activité déficitaire et de défaut de coopération ; il sollicite que la sanction d'interdiction de gérer soit portée à 5 ans ;

-le liquidateur ès qualités demande de retenir contre M. [S] :

le fait d'avoir abusivement poursuivi une activité déficitaire ;

l'absence de coopération avec les organes de la procédure, au motif M. [S] ne s'est pas présenté à la convocation du mandataire et ne lui a pas remis un dossier complet ;

l'omission volontaire de déclarer la cessation des paiements dans les 45 jours de cet événement ;

l'absence de tenue de comptabilité complète et régulière.

Sur ce, il est constant, s'agissant de l'omission volontaire de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans les 45 jours de la date de cessation des paiements sans avoir pour autant demander l'ouverture d'une procédure de conciliation, que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 9 novembre 2017, définitif, a reporté au 1er janvier 2017 la date de cessation des paiements. Cette date s'impose. Si M. [S] fait valoir qu'il n'a pris la présidence de l'association que le 4 mars 2017, soit à une date postérieure à la date de cessation des paiements retenue et qu'il n'a omis de déclarer la cessation des paiements que par négligence, la Cour retient néanmoins que, par exemple, les loyers à la SCI Le Chevalet n'ont plus été payés, précisément, à compter de mars 2017 alors que ceux dus à la Sael Ville Renouvelée ne l'étaient plus depuis janvier 2017, comme de nombreux autres créanciers, dont l'URSSAF - qui a du reste agi en ouverture de la procédure collective-, ainsi que le retrace pertinemment le liquidateur (pièce n°14).

En outre, le rapport spécial d'alerte du commissaire aux comptes établit que M. [S] avait été averti du la gravité de la situation dès le 1er juin 2017, par lettre recommandée. Cependant, il n'a pas eu de réaction appropriée.

Par conséquent, le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans les délais ne peut être mis au compte d'une simple négligence du président de l'association mais doit au contraire lui être imputé au titre d'une attitude délibérée et en connaissance de cause.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le grief de tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au sens de l'article L.653-5 alinéa 6, que les premiers juges ont retenu au titre des sanctions personnelles, ces premiers juges doivent être approuvés pour avoir considéré, par motifs adoptés, que la défaillance du comptable alléguée par M.[S] n'a pas pu être de nature à exonérer l'association et son président de leurs obligations déclaratives, alors que non seulement les comptes étaient incomplets pour 2016, mais qu'encore ils n'ont pas été régularisés pour ce même exercice, pas même dans le cadre de la procédure collective, l'URSSAF indiquant dans son acte de saisine que les bordereaux n'étaient plus transmis depuis mars 2017.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant du défaut de coopération avec les organes de la procédure, le liquidateur, qui ne justifie toujours pas d'aucun accusé de réception de convocation ou de relance de M. [S], ne justifie pas davantage, en cause d'appel, du grief que les premiers juges ont écarté à bon escient.

S'agissant de la poursuite abusive d'une activité déficitaire, le liquidateur se fonde essentiellement sur l'ancienneté de la créance Humanis comportant des cotisations impayées depuis le deuxième trimestre 2014 et sur l'ancienneté de la dette à l'égard de l'URSSAF, pour des cotisations remontant à janvier 2017,l'abus étant caractérisé, selon lui, par l'accumulation des dettes révélées par les déclarations de créances pour atteindre un passif de 183 502,50 euros, situation dont l'intéressé avait conscience ou aurait dû avoir conscience en sa qualité de président de l'association alors qu'il n'a procédé à aucun changement dans sa manière de gérer.

Toutefois, à cet éga, il sera rappelé que M. [S] n'a été président de l'association qu'à compter de mars 2017. Les conclusions du liquidateur sont curieusement exemptes de toute tentative de caractérisation de la recherche de l'intérêt personnel du dirigeant, alors qu'il s'agit pourtant d'une condition essentielle posée par l'article L.653-4 4° du code de commerce. Faute de preuve de cet élément constitutif, la prétention du liquidateur sur ce point sera, par conséquent, rejetée.

S'agissant de l'appréciation de la sanction personnelle, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir prononcé une interdiction de gérer pour la durée de deux années.

S'agissant de la demande en responsabilité pour insuffisance d'actif, il est établi une insuffisance d'actif de 174 326,14 euros, dès lors que le passif définitif est de 183 502,50 euros et que la réalisation de l'actif a généré 9 176,36 euros.

Il est encore établi que loin d'avoir agi par simple négligence, le président de l'association s'est délibérément abstenu de demander une conciliation ou l'ouverture d'une procédure collective adaptée, ce qu'il aurait dû faire dès son entrée en fonction. Il a cessé d'exiger la tenue d'une comptabilité complète pour la fin de l'exercice 2016 et l'exercice suivant, ce qui l'a privé de tout outil de gestion fiable à un moment critique. Si le liquidateur expose que les déclarations fiscales n'ont plus été régularisées, il n'est pas démontré que cette circonstance en particulier a aggravé le passif social. C'est, en définitive, l'omission de déclaration de la cessation des paiements, et une certaine attitude de fuite en avant à l'aveugle du dirigeant, qui ont causé une aggravation du passif.

Le préjudice découlant de cette faute de gestion étant certain, la Cour ne dispose cependant pas des éléments de preuve lui permettant de l'évaluer à plus de 10 000 euros, somme à laquelle il ne peut être inférieur. La circonstance que le projet initial ait eu une vocation sociale n'exonère nullement M. [S] de cette responsabilité, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu. Par conséquent M. [S] sera condamné à payer cette somme à titre de contribution à l'insuffisance d'actif dès lors que le présent arrêt liquide cette contribution à la date où il est prononcé, les intérêts n'ont pas couru avant cette date.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé sur ce seul point.

La capitalisation des intérêts dûs pour une année entière est de droit

M. [S], en équité, versera au liquidateur une somme dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt. Il supportera aussi la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rappelle l'irrecevabilité des prétentions et des moyens de M. [S] dirigés contre l'appel du Ministère public et tendant à :

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 10 000 euros en raison de l'absence de tenue de comptabilité ;

à titre subsidiaire, et au regard du contexte dans lequel il a pris les rênes de l'association :

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 10 000 euros ;

-débouter Monsieur le Procureur de ses réquisitions aux fins de voir prononcer son interdiction de gérer pendant 5 ans ;

Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il n'a pas condamné M. [S] au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif ;

Statuant de nouveau sur ce point,

Condamne M.[S] à payer au liquidateur ès qualités une somme de 10 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ;

Pour le surplus et y ajoutant,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M.[S] à payer au liquidateur ès qualités 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [S] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés comme prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Le greffierLe président

Valérie RoelofsDominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 21/00855
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.00855 ?
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