République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 22/09/2022
N° de MINUTE : 22/819
N° RG 21/00003 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLRB
Jugement (N° 51-19-0001) rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer
APPELANTS
Monsieur [M] [E] [I] [S]
né le 18 décembre 1952 à [Localité 5] - de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Monsieur [Y] [Z] [S]
né le 14 juin 1950 à [Localité 5] - de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras
INTIMÉS
Madame [H] [U] épouse [F]
née le 13 décembre 1952 à [Localité 6] - de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [G] [F]
né le 09 août 1951 à [Localité 4] - de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentés par Me Pierre Delannoy, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 19 mai 2022 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Louise Theetten, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 après prorogation du délibéré du 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte authentique en date du 1er juillet 1988, Mme [X] a donné à bail à ferme à M. [G] [F] et Mme [H] [U] deux parcelles de terre sises sur le terroir de la commune de [Localité 4] et cadastrée respectivement [Cadastre 7] pour une superficie de 6 hectares 77 ares et 10 centiares et [Cadastre 8] pour une superficie de 27 ares 90 centiares, ce bail ayant été consenti pour une durée de 18 années et prenant effet à compter du 1er octobre 1987.
Ledit bail s'est renouvelé tacitement en 2005 et en 2014.
La parcelle [Cadastre 7] a été cédée à la SAFER puis à M. [Y] [S] et à M. [M] [S] par acte du 26 janvier 1996.
La parcelle [Cadastre 8] a été acquise par les époux [F].
Par courrier en date du 5 décembre 2017, Mme [H] [U] épouse [F] a sollicité l'autorisation de céder le bail au profit de son fils [V], indiquant que ce dernier avait le matériel et les qualités nécessaires pour reprendre l'exploitation.
Faute d'autorisation donnée par les bailleurs, suivant requête en date du 15 janvier 2019, Mme [H] [U] épouse [F] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Boulogne sur Mer à l'effet d'être autorisée judiciairement à céder son droit au bail rural sur la parcelle [Cadastre 7] au profit de son fils M. [V] [F].
Les parties ont en conséquence été convoquées en audience de conciliation du 28 mars 2019.
Par acte d'huissier en date du 25 mars 2019, un congé a été délivré par les consorts [S] à M. [G] [F] et à Mme [U] épouse [F] pour le 30 septembre 2020, motif pris de l'atteinte de l'âge légal de la retraite.
Par deux déclarations reçues au greffe le 24 juillet 2019, M. [G] [F], d'une part, et Mme [H] [U] épouse [F], d'autre part, ont demandé à ce que M. [Y] [S] et M. [M] [S] soient appelés en conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer.
Les deux procédures ont été enrôlées respectivement sous les numéros 51-19-7 et 51-19-8.
Ces deux requêtes ont donné lieu à des procès-verbaux de non conciliation en date du 26 septembre 2019.
Les trois affaires, après plusieurs renvois, ont été évoquées ensemble lors de l'audience du tribunal paritaire des baux ruraux du 24 septembre 2020.
Par jugement en date du 26 novembre 2020, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure et du dernier état des demandes et moyens des parties le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer, a :
-prononcé la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 51-19-000001 , RG 51-19-000007 et RG 51-196000008 ;
-déclaré recevable la demande de Mme [H] [U] épouse [F] et de M. [G] [F] tendant àla cession du bail au profit de leurfils ;
-autorisé Mme [H] [U] épouse [F] et M. [G] [F] à céder le bail à ferme en date du 1er juillet 1988 portant sur la parcelle [Cadastre 7] sise sur le territoire de [Localité 4] à leur fils [V] [F] ;
-constaté que le congé litigieux s'est trouvé privé d'effet ;
-rejeté la demande de résiliation du bail ;
-condamné MM [Y] et [M] [S] à payer aux époux [F]-[U] la somme de 1500 euros au titre des disposiions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-les a condamnés aux dépens ;
-prononcé l'exécution provisoire du jugement.
MM [Y] et [M] [S] ont relevé appel de ce jugement par courrier électronique de leur conseil adressé au secrétariat-greffe de la cour le 24 décembre 2020.
Les débats ont eu lieu lors de l'audience du 19 mai 2022.
Lors de cette audience, MM [Y] et [M] [S] sont représentés par leur conseil, lequel soutient les conclusions récapitulatives déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe, conclusions par lesquelles il est demandé à la cour :
-de les dire et juger recevable en leur appel,
En conséquence,
-infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances en résiliation de bail et en contestation de congé ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-prononcer la résiliation du bail dont sont titulaires les époux [F] sur la parcelle [Cadastre 7] propriété des consorts [S] ;
-ordonner en conséquence l'expulsion de Mme [H] [F] et en tant que de besoin celle de M. [G] [F] et celle de tout occupant de leur chef dans le mois de la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de
retard ;
-dire qu'à défaut d'exécution volontaire, ils y seront contraints par la force publique ;
A titre subsidiaire, pour le cas où par impossible la cour estimerait ne pas faire droit à leur demande de résiliation de bail, valider le congé délivré à la demande de MM [S] par la SCP Fontaine le 25 mars 2019 pour la date du 30 septembre 2020 sur le fondement de l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime ;
-débouter Mme [H] [U] de sa demande d'autorisation de cession de bailau profit de son fils ;
En conséquence,
-ordonner l'expulsionde Mme [H] [U] épouse [F] et en tant que de besoin celle de M. [F] et de tous occupants de leur chef pour le 30 septembre
2020 ;
-dire qu'à défaut d'exécution volontaire de la décision, ils pourront y être contraints si nécessaire avec le concours de la force publique ;
-en tout état de cause,condamner Mme [U] épouse [F] et M. [G] [F] à payer solidairement à chacun des consorts [S] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-les condamner dans les mêmes termes aux dépens.
M. [G] [F] et Mme [H] [U] épouse [F] sont également représentées par leur conseil lequel soutient les conclusions déposées lors de l'audience et visées par le greffe par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
-dire e juger que le bail s'est renouvelé au seul profit de Mme [H] [U] et qu'elle peut le céder au profit de son fils ;
-débouter MM [Y] [S] et [M] [S] de l'ensemble de leurs demandes ;
-les condamner solidairement à payer aux époux [F] la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-les condamner dans les mêmes termes aux dépens.
SUR CE
Il sera rappelé que les consorts [S] ont formé une demande en résiliation du bail liant les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-35 du code rural, reprochant à Mme [H] [U] épouse [F] suite à la cessation d'activité d'exploitant agricole de son époux, de ne pas avoir eu recours au processus de régularisation prévu par les alinéas 3 et 4 de l'article susvisé en notifiant aux bailleurs cette cessation dans le délai de trois mois suivant la date du 14 octobre 2014.
Pour écarter la demande de résiliation, le jugement entrepris a énoncé qu'il ne résultait pas des termes de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime que le recours au dispositif introduit par la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 était obligatoire et que par ailleurs, le non recours au processus de régularisation prévu par les deux alinéas susvisées de l'article L. 411-35 ne constituait pas une contravention aux dispositions de l'article L. 411-31.
En réalité, le dispositif prévu par l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime n'est pas facultatif et le défaut de respect desdites dispositions peut justifier la résiliation du bail par renvoi des dispositions de l'article L. 411-31.
Toutefois, aux termes de l'article L. 411-46, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.
Il s'en déduit que, lorsqu'en application de ce texte, le bail s'est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l'exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l'obligation d'information du propriétaire en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs qui résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014.
En l'espèce, il y a lieu de relever que le bail sur la parcelle [Cadastre 7] objet du litigue s'est normalement renouvelé en 2014, postérieurement au départ en retraite du mari, au seul nom de l'épouse.
Ces observations tendent à permettre de considérer qu'il ne saurait être reproché à Mme [U] épouse [F] de ne pas avoir mis en oeuvre le processus de désolidatisation en 2014 et que par ailleurs Mme [U] épouse [F] a seule qualité pour demander à être autorisée à céder son droit au bail.
La cour ordonnera la réouverture des débats pour explication des parties, et plus spécialement des consorts [S], sur ces points
PAR CES MOTIFS
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du jeudi 17 novembre 2022 - 14 h 00 - salle 2 pour explication des parties sur les moyens soulevés dans le cadre des motifs du présent arrêt ;
Réserve les dépens.
Le greffier,Le président,
I. CapiezV. Dellelis