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15/09/2022 | FRANCE | N°22/00040

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 15 septembre 2022, 22/00040


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 15/09/2022





****





N° de MINUTE : 22/295

N° RG 22/00040 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UBDN



Ordonnance (N° 21/00212) rendue le 20 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune







APPELANTE



Madame [O] [M]

née le 25 avril 1973 à [Localité 9]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 6]>


Représentée par Me Stéphanie Dumetz, avocat au barreau de Lille

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/22/000161 du 13/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])





INT...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 15/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/295

N° RG 22/00040 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UBDN

Ordonnance (N° 21/00212) rendue le 20 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

Madame [O] [M]

née le 25 avril 1973 à [Localité 9]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Stéphanie Dumetz, avocat au barreau de Lille

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/22/000161 du 13/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])

INTIMÉES

SA Sogessur

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Daniel Zimmermann, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l' Artois

[Adresse 3]

[Localité 5]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 10 février 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 11 mai 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 26 décembre 2017, Mme [M] a subi l'incendie du logement sis [Adresse 2] (62), dont elle était locataire.

Elle indique avoir été hospitalisée pour intoxication aux fumées d'incendie et inhalation de gaz toxique.

A la date du sinistre, Mme [M] était assurée auprès de la société Sogessur au titre d'un contrat assurance habitation.

Estimant que son assureur ne l'avait pas complètement indemnisée de son préjudice corporel et matériel à la suite du sinistre incendie, Mme [M] a fait assigner en référé la société Sogessur et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois devant le président du tribunal judiciaire de Béthune afin d'obtenir une expertise technique pour déterminer les circonstances de survenue de l'incendie et évaluer son dommage, ainsi qu'une expertise médicale.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance rendue le 20 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Béthune a :

1. débouté Mme [M] de sa demande de désignation d'un expert aux fins de déterminer les circonstances de l'incendie, ses conséquences matérielles et l'ensemble des préjudices subis ;

2. débouté Mme [M] de sa demande de désignation d'un expert aux fins d'expertise médicale ;

3. débouté les parties de leurs plus amples prétentions ;

4. condamné Mme [M] aux dépens recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle ;

5. rappelé que la décision était de plein droit exécutoire par provision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 4 janvier 2022, Mme [M] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 2, 4 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 février 2022, Mme

[M] demande à la cour d'infirmer la décision querellée, et de :

- confier à tel expert une expertise mobilière afin de déterminer le préjudice matériel qu'elle a subi ;

- ordonner une mesure d'expertise médicale avec mission habituelle pour décrire ses lésions, apprécier ses dommages en lien de causalité avec le sinistre ;

- la décharger de tous frais de consignation, compte tenu de l'aide juridictionnelle dont elle est bénéficiaire ;

- surseoir à statuer sur les dépens.

A l'appui de ses prétentions, Mme [M] fait valoir que :

- elle conteste l'évaluation faite par l'expert d'assurance de ses biens mobiliers à la somme de 30'463,66 euros, et estime son préjudice matériel à la somme de 38'150,93 euros ;

- si l'appréciation de la vétusté des meubles relève bien de la compétence du juge du fond, il reste que l'expert de la société Sogessur n'a pas, dans le cadre du chiffrage de l'indemnisation, tenu compte de la valeur réelle des biens détruits ou endommagés par l'incendie, notamment de la boîte aux lettres, de l'ouverture du compteur, du règlement de l'assurance de l'immeuble dans lequel elle a été relogée, de la location d'un camion, des transferts de lignes téléphoniques, de la valeur d'un logiciel et de livres ;

- alors qu'avant le sinistre, elle ne présentait aucun problème respiratoire, elle a subi, dans les six mois suivant l'incendie, des brûlures au niveau de la trachée, des douleurs thoraciques, un important essoufflement, puis une toux chronique persistante ;

- elle présente une trachéomalacie importante pendant les efforts de toux, un syndrome d'apnée du sommeil nécessitant un appareillage nocturne, un syndrome d'hyperventilation traité par kinésithérapie, une respiration sifflante, et un micronodule en cours de cicatrisation ; elle subit une gène lors de tout effort physique, et se trouve toujours incommodée en cas d'émanations de fumées ;

- elle souffre également d'une colopathie fonctionnelle liée à la dégradation de son état physique et psychologique ;

- elle a subi un stress post-traumatique sévère à l'origine d'anxiété et de dépression, nécessitant un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique, et entraînant un repli sur soi.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 février 2022, la société

Sogessur, intimée, demande à la cour de :

- rejeter l'appel ;

- confirmer l'ordonnance du 20 octobre 2021 ;

- subsidiairement, rejeter la demande d'expertise technique, faute de justification ;

- statuer ce que de droit sur la demande d'expertise médicale dans les limites de la garantie prévue au contrat ;

- juger que l'expert aura également pour mission de s'adjoindre tous sapiteurs spécialisés en pneumologie et psychologie ;

- condamner l'appelante aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Sogessur fait valoir que :

- elle a déjà versé à Mme [M] l'indemnité immédiate d'assurance de 17'926,96 euros vétusté déduite, la différence de 12'536,70 euros restant à percevoir correspondant à l'indemnité différée ou valeur à neuf ;

- en application de l'article L.'121-1 du code des assurances, l'indemnité correspondant à la vétusté n'a vocation à être remboursée à l'assurée qu'après justification par celle-ci du remplacement ou du rachat des biens concernés par l'application du coefficient de vétusté ;

- la charge de la preuve de la réclamation de l'assurée pèse exclusivement sur celle-ci ; les 600 objets mobiliers répertoriés par l'expert sont difficilement valorisables, dès lors qu'ils ne se trouvent plus sur le marché ;

- en application de l'article 146 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de pallier la carence de Mme [M] dans l'administration de la preuve qui lui incombe ;

- elle admet que le contrat souscrit par l'assurée comporte la garantie des dommages corporels résultant de l'incendie ;

- bien qu'elle doute du lien de causalité existant entre l'état de santé de la victime, décrit dans des pièces médicales établies entre 2019 et 2021, et le sinistre survenu le 26 décembre 2017, elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant de l'opportunité d'ordonner l'expertise médicale sollicitée ;

- elle rappelle cependant que le contrat souscrit par Mme [M] limite la garantie du dommage corporel à une incapacité permanente partielle (ou déficit fonctionnel permanent) supérieure à 5%, avec un plafond d'indemnisation de 80'000 euros.

4.3. Régulièrement intimée par acte d'huissier du 10 février 2022, la CPAM de l'Artois n'a pas constitué avocat ni conclu devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

Aucune condition relative à l'urgence ou à l'absence de contestation sérieuse n'est requise en la matière. Si les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne sont par ailleurs pas applicables au référé-expertise, il appartient cependant à l'appelante d'établir l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction sollicitée, même en présence d'un motif légitime.

L'appréciation du motif légitime de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'instruction doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée qui ne doit manifestement pas être vouée à l'échec.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé aux fins d'expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

Sur la demande d'expertise technique

En matière d'assurance de choses, l'indemnité doit correspondre au montant de la perte éprouvée, la vétusté du bien est en principe prise en considération pour déterminer l'indemnité d'assurance. La cour rappelle qu'il appartient alors à l'assurée de prouver l'existence et la valeur des biens sinistrés.

Ce principe indemnitaire, qui interdit le versement d'une indemnité supérieure au dommage subi, ne s'oppose cependant pas à l'insertion, comme c'est le cas en l'espèce, d'une clause de valeur à neuf dans le contrat d'assurance.

En l'espèce, Mme [M] a reçu une indemnité de 17'926,96 euros prenant en compte la vétusté des biens mobiliers détruits par l'incendie. La société Sogessur s'est ensuite engagée à lui verser un complément d'indemnité de 12'536,70 euros sur justification du remplacement ou du rachat des biens concernés par l'application du coefficient de vétusté.

L'appelante conteste les conclusions du rapport d'expertise du cabinet Saretec ayant fixé l'évaluation globale des biens mobiliers dégradés et des frais restés à sa charge à la somme de 30'463,66 euros ; elle estime en valeur à neuf les dommages matériels qu'elle a subis à la suite du sinistre incendie à la somme globale de 38'150,93 euros.

Elle sollicite une expertise judiciaire uniquement pour évaluer le montant de son préjudice matériel, alors que la charge de la preuve de l'existence et la valeur des biens sinistrés pèse exclusivement sur elle.

A défaut de motif légitime valablement établi, il convient de confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a rejeté sa demande de mesure d'instruction technique.

Sur la demande d'expertise médicale

Au soutien de sa demande à laquelle l'assureur ne s'oppose pas, Mme [M] produit dans le cadre d'un bilan pour toux chronique un scanner thoracique du 2 octobre 2019, lequel montre la présence d'un micronodule sous-pleural à gauche.

Le 2 avril 2021, [B], médecin pneumologue, prescrit à Mme [M] des séances de kinésithérapie respiratoire en raison d'un syndrome d'hyperventilation.

Mme [M] produit également une lettre adressée le 20 septembre 2021 à son médecin traitant, [P], par laquelle son médecin psychiatre, [H], informe celui-ci du suivi psychiatrique en cours dans un contexte de stress post-traumatique aigu (PTSD) et d'antécédents de dépression. Il décrit la symptomatologie dépressive et anxieuse de sa patiente laquelle présente des troubles obsessionnels compulsifs de vérification, des troubles du sommeil, flashs, et reviviscences ; en dépit de la mise en place d'un traitement médicamenteux psychotrope, il signale la fragilité persistante de l'intéressée sur le plan thymique et émotionnel.

Dans son compte-rendu médical du 1er octobre 2021, M. [F], pneumologue, décrit chez Mme [M] une trachéomalacie, un syndrome d'apnée du sommeil sévère nécessitant un appareillage, une gène liée à une respiration par moments sifflante.

Suivant bilan d'endoscopie digestive du 15 octobre 2021 réalisé par M. le docteur [E], Mme [M] présente une colopathie spasmodique associée à une fibromyalgie, laquelle entraîne des symptômes fonctionnels tels des douleurs abdominales, reflux gastro-'sophagiens, et fuites fécales.

A l'examen de l'ensemble des pièces produites, l'appelante justifie valablement au sens de l'article 145 précité d'un motif légitime pour que soit ordonnée une mesure d'expertise médicale judiciaire afin notamment de décrire et déterminer la nature et la cause des lésions subies, ainsi que leur imputabilité au sinistre survenu le 26 décembre 2017.

Au regard de la démonstration d'un tel motif légitime par Mme [M], il convient d'infirmer l'ordonnance critiquée et d'ordonner une expertise selon les termes visés au dispositif du présent arrêt.

Dans le cadre de sa mission, il appartiendra à l'expert de recueillir le consentement de Mme [M] préalablement à la communication des pièces médicales la concernant, pour lever le secret médical couvrant ces différents documents.

Pour les nécessités de ses opérations d'expertise, l'expert pourra également s'adjoindre tout sapiteur de son choix, tel un médecin légiste et/ou un médecin psychiatre.

En application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée par le présent arrêt est confié au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance de référé ainsi réformée.

Il n'y a pas lieu à consignation dans la mesure où l'appelante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, suivant décision n°2022/000161 du 13 janvier 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai complétée par décision n°2022/000566 du 22 mars 2022.

Sur les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer l'ordonnance sur ses dispositions relatives aux dépens et à laisser à chacune des parties ses propres dépens, tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 20 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Béthune, sauf en ce qu'elle a :

- débouté Mme [O] [M] de sa demande de désignation d'un expert aux fins d'expertise médicale ;

- condamné Mme [O] [M] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle ;

L'infirme de ces deux seuls chefs ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Ordonne une expertise médicale de Mme [O] [M]';

Commet pour y procéder M.'Jacques [G], expert judiciaire en pneumologie inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Douai (Centre hospitalier Docteur Schaffner - Service pneumologie - Bâtiment C1 rez-de-chaussée - [Adresse 8] / tél : [XXXXXXXX01] - Poste 2154 / courriel : [Courriel 10]), lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur de son choix, tel un médecin légiste et/ou un médecin psychiatre ;

Donne à l'expert la mission suivante':

1°) Convoquer les parties et leurs conseils en les informant de leur droit de se faire assister par un médecin conseil de leur choix ;

2°) Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activités professionnelles, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut exact et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi ;

3°) Se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l'accident survenu le 26 décembre 2017, en particulier le certificat médical initial';

4°) A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et de rééducation et, pour chaque période d'hospitalisation ou de rééducation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins';

5°) Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci';

6°) Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité';

7°) Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution';

8°) Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits';

9°) Recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;

10°) Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse :

Au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable';

Au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir';

11°) Procéder à un examen clinique détaillé (y compris taille et poids) en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime, en assurant la protection de son intimité, et informer ensuite contradictoirement les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences';

12°) Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

- la réalité des lésions initiales,

- la réalité de l'état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident,

- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales,

et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur';

13°) Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles';

Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ;

Préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux ; si cette durée est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable';

14°) Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation';

Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir à la juridiction toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ;

Dans l'hypothèse où la consolidation ne serait pas acquise à l'issue du délai fixé par le présent arrêt pour l'exécution de l'expertise, faire rapport au juge chargé du contrôle des expertises pour déterminer l'opportunité d'une prorogation du délai ou d'un dépôt en l'état du rapport sur les seuls postes temporaires de préjudices';

15°) Chiffrer, par référence au 'Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun' le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation';

16°) Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles';

17°) Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés';

18°) Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit';

19°) Lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation';

20°) Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction)';

21°) Indiquer, le cas échéant :

- si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est, ou a été, nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne)

- si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir'; préciser la périodicité du renouvellement des appareils, des fournitures et des soins';

- donner le cas échéant un avis sur l'aptitude à mener un projet de vie autonome';

Dit qu'en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle des opérations d'expertise sera assuré par le juge chargé des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Béthune à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;

Fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Dit que l'expert pourra, sous réserve de l'accord par la victime de lever le secret médical s'y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

Dit que l'expert remettra un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de six mois à compter de sa saisine, et invitera les parties à formuler leurs observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce pré-rapport, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai';

Dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement':

- la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;

- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;

- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d' expertise ;

- la date de chacune des réunions tenues ;

- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties';

- le cas échéant, l'identité du ou des sapiteurs dont il s'est adjoint le concours, ainsi que les documents qu'ils auront établis de leurs constatations et avis (lesquels devront également être joints à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

Dit que l'expert devra déposer au greffe du tribunal judiciaire de Béthune son rapport définitif, comportant notamment la prise en compte des observations formulées par les parties (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis), dans le délai de rigueur de huit mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée)'et communiquer ce rapport aux parties dans ce même délai ;

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l'expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception'; que la demande de rémunération mentionnera la date d'envoi aux parties de cette copie';

Rappelle que les parties disposeront d'un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l'expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités';

Dispense Mme [O] [M] du versement de la consignation, en raison de son admission à l'aide juridictionnelle et dit que la rémunération de l'expert sera avancée par le trésor public, conformément à l'article 119 du décret n° 91-1966 du 19 décembre 1991';

Laisse à la charge de chaque partie les dépens qu'elles ont respectivement exposés tant en première instance qu'en appel.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/00040
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;22.00040 ?
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