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15/09/2022 | FRANCE | N°21/03002

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 15 septembre 2022, 21/03002


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 15/09/2022



****







N° de MINUTE : 22/308

N° RG 21/03002 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TU2Z



Jugement (N° 18/01635) rendu le 03 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras





APPELANTE



Madame [I] [L]

née le 31 janvier 1969 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]


r>Représentée par Me Le Gentil, avocat au barreau d'Arras



INTIMÉE



SA BPCE Assurances prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par M...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 15/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/308

N° RG 21/03002 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TU2Z

Jugement (N° 18/01635) rendu le 03 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANTE

Madame [I] [L]

née le 31 janvier 1969 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Le Gentil, avocat au barreau d'Arras

INTIMÉE

SA BPCE Assurances prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Geoffroy, avocat au barreau de Béthune

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 05 mai 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022, après prorogation du délibéré en date du 8 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [I] [L], gérante d'un débit de boissons, a souscrit, par l'intermédiaire de la Caisse d'épargne, un contrat «'Protection de l'activité professionnelle'» le 2 mai 2011 et un contrat «'Garantie prévoyance pro'» le 24 octobre 2015 avec la SA BPCE assurance (la BPCE).

Le 3 novembre 2015, Mme [L] a été transportée aux urgences où une entorse grave du genou droit droit lui a été diagnostiquée.

L'arrêt de travail délivré le même jour a été renouvelé pendant plusieurs années.

Mme [L] a déclaré le sinistre à la BPCE, précisant qu'elle avait chuté dans les escaliers du débit de boissons qu'elle exploite. La BPCE lui a alors versé une indemnité jusqu'au 4 janvier 2016.

L'expert d'assurance [W] a examiné Mme [L] et a déposé un rapport le 26 janvier 2016.

Par courrier du 7 mars 2016, la BPCE a informé Mme [L] que le contrat prévoyance professionnelle ne pouvait trouver à s'appliquer aux motifs que l'origine du sinistre de la maladie et qu'au surplus, le contrat prévoyait une carence de 90 jours à compter de la souscription en cas de maladie.

Par courrier recommandé du 12 août 2016, le conseil de Mme [L] a contesté la position de l'assureur.

Par courrier du 22 août 2016, la BPCE a indiqué au conseil de Mme [L] avoir décidé, «'dans l'optique d'apporter satisfaction'», de prendre en charge au titre du contrat prévoyance professionnelle la somme de 405 euros correspondant à 50% de l'indemnité journalière pour la période du 5 janvier 2016 au 31 janvier 2016. Ce courrier expliquait encore qu'à titre exceptionnel, la BPCE allait déroger au contrat protection de l'activité professionnelle en prenant en charge l'incapacité partielle non couverte par le contrat pour la même période, soit la somme de 1 372,50 euros.

Par courrier du 20 mars 2017, après avoir réétudié la situation de Mme [L], la BPCE a informé le conseil de Mme [L] qu'elle versait une indemnisation de 8 310 euros au titre du contrat prévoyance professionnelle pour indemniser la période d'arrêt de travail du 1er février 2016 au 3 novembre 2016. Ce courrierprécisait que cette indemnité était calculée sur la base du montant forfaitaire correspondant à l'option 2 souscrite, soit la somme de 30 euros par jour. L'indemnisation au titre du contrat de prévoyance professionnelle n'était quant à elle pas reprise.

A l'issue d'un nouvel examen médical de Mme [L] réalisé le 12 avril 2017 par l'expert [W], la BPCE a refusé de poursuivre l'indemnisation. Par courrier du 8 juillet 2017, la BPCE a exposé qu'aux termes de ce rapport, les arrêts de travail de Mme [L] faisaient l'objet de deux pathologies différentes.

Par acte signifié le 8 octobre 2018, Mme [L] a fait assigner la société BPCE devant le tribunal de grande instance d'Arras pour réclamer son indemnisation au titre des deux contrats conclus et la condamnation de l'assureur à lui verser des dommages et intérêts.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 3 septembre 2020, le tribunal judiciaire d'Arras :

- a déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action de Mme [I] [L] fondée sur le contrat de protection de l'activité professionnelle ;

- l'a déboutée de ses demandes fondées sur le contrat de garantie prévoyance professionnelle ;

- l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts et du surplus de ses demandes ;

- a dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- l'a condamné aux dépens de l'instance.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 31 mai 2021, Mme [I] [L] a formé appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, Mme [I] [L] demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, des articles 1231 et suivants du même code, des articles L.114-1 et 2 du code des assurances de :

- déclarer recevable son appel ;

- réformer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire du 3 septembre 2020 ;

En conséquence,

- déclarer son action fondée sur le contrat «'Protection de l'activité professionnelle'» recevable ;

- condamner la BPCE à assurer son indemnisation au titre du contrat «'Garantie prévoyance pro'» sur la période du 4 janvier 2016 au 31 janvier 2016 puis à compter du 4 novembre 2016 jusqu'à l'arrêt de l'incapacité complète et temporaire d'exercer toute activité professionnelle de l'assurée, soit le 1er novembre 2018, date à partir de laquelle l'assureur est tenu de verser une rente de 10 800,00 euros par an ;

- condamner la BPCE à assurer son indemnisation au titre du contrat «'protection de l'activité professionnelle'» à compter du 4 janvier 2016 jusqu'à l'arrêt de l'incapacité complète et temporaire d'exercer toute activité professionnelle à hauteur de 3 050,00 euros par mois ;

- condamner la BPCE àlui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- assortir la décision à intervenir d'une mesure d'astreinte à charge de la BPCE de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

- condamner laBPCE à lui payer la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, Mme [L] fait valoir que :

=$gt; son action n'est pas prescrite :

* d'une part, concernant le contrat "garantie prévoyance pro", son courrier recommandé adressé par l'intermédiaire de son conseil le 28 décembre 2017 est interruptif du délai de prescription ;

* d'autre part, s'agissant du contrat "protection de l'activité professionnelle", le courrier recommandé du 21 février 2017 produit le même effet interruptif, contrairement à ce que conclut la société BPCE ;

* en tout état de cause, la prescription a été interrompue, en application de l'article L. 114-2 du code des assurances, par l'intervention de l'expert [W], dont le second rapport a été adressé le 12 avril 2017 ;

=$gt; sur le fond :

- le sinistre qu'elle a subi le 3 novembre 2015 répond à la définition contractuelle de l'accident, qui a pour origine une action soudaine et inattendue d'une cause extérieure, à savoir la chute sur une marche d'escalier rendue glissante par l'effet du bris d'une bouteille de sirop, et ne résulte pas d'une pathologie antérieure ;

- la description de «'la sensation de dérobement du genou'» correspond aux douleurs postérieures à l'accident, et non à la description de l'accident, le certificat médical initial du 3 novembre 2015 n'indiquant pas le contraire ;

- à aucun moment, elle n'a indiqué qu'elle avait glissé à cause de son genou qui se serait dérobé ;

- le dérobement du genou n'est qu'une conséquence de l'entorse survenue le 3 novembre 2015 et non sa cause ;

- elle n'a jamais présenté d'antécédents médicaux ou chirurgicaux au niveau de ses genoux comme en a attesté son médecin traitant, qui la suit depuis 2004 ;

- subsidiairement, elle sollicite une expertise afin de déterminer son état médical au moment de l'accident ;

- elle sollicite l'indemnisation des préjudices subis en application des contrats souscrits, en expliquant que son état l'a conduit à subir des soins de longue durée, se voir reconnaitre la qualité de travailleur handicapé le 7 septembre 2017 et à être reconnue en invalidité totale et définitive le 1er novembre 2018 de la part de sa caisse de sécurité sociale ; qu'elle a été contrainte d'embaucher deux personnes pour la remplacer ;

- elle a subi un préjudice tant financier que moral en raison de l'attitude de la BPCE à son égard et du non respect de ses engagements.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 novembre 2021, la société BPCE, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement et en conséquence de :

=$gt; sur le contrat prévoyance professionnelle : à titre principal, débouter Mme [L] de ses demandes ;

=$gt; sur le contrat protection de l'activité professionnelle :

- à titre principal, dire que l'action est prescrite.

- à titre subsidiaire si la cour devait infirmer du chef de la prescription : débouter Mme [L] de ses demandes ; débouter Mme [L] du surplus de ses demandes ; la condamner aux dépens d'instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la BPCE fait valoir que :

=$gt; s'agissant du contrat garantie prévoyance :

- l'expert d'assurance [W] a examiné deux fois Mme [L], le 26 janvier 2016 et le 12 avril 2017, et a conclu à l'existence d'un état antérieur pour retenir que le diagnostic d'entorse grave du genou droit était causé par la résurgence de cet état, soit une maladie non couverte par la garantie souscrite ;

- Mme [L] n'a pas subi d'accident au sens contractuel ; les deux rapports de l'expert [W] confirment qu'elle présentait en réalité deux pathologies dont l'une antérieure ayant causé l'entorse grave subie le 3 novembre 2015, non pas en raison d'une marche glissante mais en lien avec la sensation que le genou se dérobait, comme mentionné dans le certificat médical initial et dans les déclarations de l'assurée,

- Mme [L] n'aurait alors pu prétendre qu'à la garantie prévue pour la maladie et ce après un délai de carence de 90 jours, tout en rappelant que le contrat exclut sa garantie lorsque la pathologie apparaît antérieurement au contrat ou pendant la période de carence ;

- elle s'en rapporte sur la demande d'expertise ;

=$gt; s'agissant du contrat de protection de l'activité professionnelle, souscrit le 2 mai 2011 :

- le dernier courrier de réclamation concernant l'application de ce contrat date du 12 août 2016, alors que l'assignation a été délivrée le 8 octobre 2018, soit plus de deux ans après l'envoi de ce courrier, de sorte que l'action est prescrite ; les autres courriers concernent l'autre contrat ;

- subsidiairement, tous ses engagements ont été tenus puisque la garantie était limitée à une indemnisation d'une durée de trois mois qui a été versée à Mme [L], alors même que l'état antérieur de l'assurée aurait justifié un refus de prise en charge.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l'action dérivant du contrat d'assurance :

En application de l'article 114-1 du code des assurances, toutes les actions découlant du contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale.

L'article L. 114-2 du code des assurances dispose': 'La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité".

Seule une lettre recommandée comportant une demande de règlement de l'indemnité ou de mobilisation de la garantie est interruptive du délai de prescription. À l'inverse, une lettre visant exclusivement une information sur l'évolution du litige ou sur l'apparition de nouveaux désordres ne produit aucun effet interruptif.

En l'espèce, Mme [L] produit d'une part les courriers échangés entre son conseil et son assureur. Par courrier recommandé du 12 août 2016 visant tant le contrat prévoyance professionnelle que le contrat protection de l'activité professionnelle, le conseil de Mme [L] indique «'la condition de prise en charge contractuelle est bien remplie : elle a bel et bien subi une atteinte ou lésion corporelle non intentionnelle de sa part provenant de l'action soudaine, brutale, directe et exclusive d'une cause extérieure (l'humidité de la marche qui a provoqué la glissade), étrangère à sa volonté. (') C'est pourquoi je vous invite à reconsidérer votre décision du 7 mars 2016 et à rétablir rapidement Madame [L] dans ses droits contractuels'».

Les termes de ce courrier recommandé comportent une demande explicite de mobilisation des garanties pour chacun des deux contrats litigieux, de sorte qu'il est interruptif du délai de prescription.

Par ailleurs, la cour observe que la BPCE a répondu à ce courrier visant les deux contrats par un courrier daté du 22 août 2016. Si cette réponse ne vise en références que celles relatives au contrat prévoyance professionnelle, elle expose également sa position sur le contrat protection de l'activité professionnelle.

D'autre part, si les échanges ultérieurs entre le conseil de Mme [L] et la BPCE ont repris uniquement les références retenues par la BPCE sans viser spécifiquement l'un ou l'autre des contrats litigieux, ils ont toutefois porté sur la cause ou les causes des arrêts de travail, qui constitue un élément commun aux deux garanties dont l'assuré sollicitait cumulativement la mise en 'uvre.

L'allégation de la BPCE selon laquelle ces courriers concernaient exclusivement le contrat prévoyance professionnelle n'est ainsi pas fondée.

Par courrier recommandé du 21 février 2017, le conseil de Mme [L] indiquait d'ailleurs : «'Je pense que vous êtes maintenant en possession de tous les éléments nécessaires pour rétablir rapidement votre assurée dans ses droits contractuels, comme je le sollicite auprès de vous depuis plusieurs mois'». Son conseil y indiquait également à la BPCE qu'était annexé à son courrier l'ensemble des éléments médicaux relatifs à l'accident et aux arrêts de travail, alors qu'il s'agit également d'éléments nécessaires à la mise en 'uvre des garanties du contrat protection de l'activité professionnelle.

Ce courrier avait ainsi le même objet que celui du 12 août 2016, soit la mise en 'uvre des garanties contractuelles souscrites par Mme [L], de sorte qu'il a également interrompu la prescription biennale.

Le délai biennal de prescription ayant commencé à courir le 3 novembre 2015, il s'ensuit que l'action introduite par Mme [L] le 8 octobre 2018 n'est pas prescrite, la prescription ayant été successivement interrompue le 12 août 2016 puis le 21 février 2017.

Le jugement querellé sera ainsi infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes comme prescrites.

Sur la mise en 'uvre des garanties souscrites :

Aux termes de l'ancien article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Conformément à l'ancien article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

1. Sur le contrat prévoyance professionnelle

=$gt; Ce contrat couvre d'une part le risque «'incapacité temporaire totale'». À cet égard, il stipule qu'un assuré «'est en état d'incapacité temporaire totale de travail s'il se trouve, par suite de maladie ou d'accident survenant pendant la période garantie, dans l'impossibilité complète et temporaire d'exercer toute activité professionnelle. Est exclu de cette garantie, tout adhérent n'exerçant pas d'activité professionnelle rémunérée à la date de réalisation du risque. L'état d'incapacité temporaire totale de travail est constaté par le Service Médical de l'Assureur'».

L'accident est défini par le contrat comme toute atteinte ou lésion corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré provenant de l'action soudaine, brutale, directe et exclusive, d'une cause extérieure, étrangère à la volonté de l'assureur.

Par ailleurs, cette garantie ne prévoit aucun jour de carence en cas d'accident.

La garantie souscrite par Mme [L] prévoit qu'est versée une indemnité journalière de 30 euros, que le montant annuel de l'indemnité journalière ne doit pas dépasser le revenu annuel de l'assuré, et qu'elle est payable par mois civil échu à l'expiration d'un délai de franchise de 3 jours en cas d'accident.

La garantie prévoit encore notamment que l'indemnité cesse d'être due en cas de passage en invalidité permanente au plus tard au 1095ème jour d'arrêt de travail.

=$gt; Le contrat souscrit par Mme [L] couvre d'autre part le risque «'invalidité permanente'», et garantit à ce titre qu'une rente annuelle d'un montant de 10 800 euros sera versée sans qu'un délai de carence ne soit prévu en cas d'accident.

La police d'assurance stipule qu'un assuré est «'en état d'invalidité permanente lorsqu'à la suite d'un accident ou d'une maladie survenant pendant la période de garantie, il se trouve médicalement dans l'impossibilité permanente et définitive d'exercer sa profession. L'état et le taux d'invalidité permanente sont constatés par le Service Médical de l'Assureur et calculés par référence au barème publié par le Concours Médical. Est exclu de cette garantie tout adhérent n'exerçant pas d'activité professionnelle rémunérée à la date de réalisation du risque.'».

Le contrat prévoit également des exclusions pour ces deux garanties, notamment les atteintes rachidiennes et toute pathologie dont la date d'apparition est antérieure à la date d'adhésion au contrat ou est survenue durant la période de carence du contrat.

Sur ce,

La BPCE fait valoir que l'incapacité temporaire totale subie par Mme [L] et son invalidité permanente ultérieure ne sont pas dues à un accident au sens de la police mais à une pathologie antérieure, ce que conteste Mme [L].

Pour refuser la mise en 'uvre de cette garantie, l'assureur se fonde sur les deux rapports d'expertise du médecin-conseil qu'il a mandaté.

=$gt; Le rapport du 26 janvier 2016 établi par l'expert [W] indique ainsi que Mme [L] n'a déclaré aucun antécédent sur le plan traumatique. Dans les motifs de l'arrêt de travail, il fait état d'une entorse grave du genou droit avec résurgence secondaire d'une symptomatologie lombaire ancienne et du fait que cette entorse a été provoqué par un mécanisme initial de dérobement.Il conclut que «'cette entorse grave du genou droit n'a pu être initiée, compte tenu du mécanisme initial de dérobement du genou droit décrit par le Dr [Z], que sur un plus que probable état antérieur de laxité ligamentaire ne pouvant s'expliquer que par une rupture ancienne du ligament croisé antéro-externe ».

Pour autant, le docteur [Z], médecin urgentiste ayant accueilli Mme [L] au centre hospitalier d'[Localité 4] le 3 novembre 2015, a exclusivement relevé que la patiente présentait des douleurs au genou droit à la suite d'un accident de travail et notait une rotation interne avec pied droit fixe et une sensation de dérobement du genou droit.

Outre que l'expert [W] conclut hypothétiquement que le dérobement du genou droit ne pouvait que s'expliquer par un «'plus que probable'» état antérieur résultant d'une rupture ancienne du ligament croisé antéro-externe, cette conclusion constitue par conséquent une extrapolation par rapport au certificat du docteur [Z], qui ne permet pas en réalité de retenir que :

- cette sensation de dérobement est la cause de l'entorse, et non la conséquence de l'accident de travail qu'il évoque.

- parmi les antécédents chirurgicaux de Mme [L], figure une intervention pour une hypothétique rupture ancienne du ligament croisé antéro-externe.

Dans son rapport du 12 avril 2017, l'expert [W] réitère pourtant ses conclusions tout en ajoutant que c'était «'cette pathologie orthopédique de genou droit qui détermine l'état d'incapacité professionnelle'», sans apporter d'éléments supplémentaires à l'appui d'une telle affirmation.

=$gt; En contradiction avec les conclusions non probantes de l'expert [W], Mme [L] établit valablement que le sinistre répond aux conditions contractuelles de la garantie, dès lors qu'il s'analyse comme un accident. À cet égard, elle fait valoir que :

- son médecin traitant depuis 2004 certifie dans une attestation du 31 mars 2016 qu'elle n'a jamais consulté pour ce même genou.

- les circonstances accidentelles dans lesquelles l'entorse s'est produite sont établies par plusieurs attestations.

Ainsi, Mme [I] [U], cliente du débit de boisson dont Mme [L] est la gérante explique qu'elle a entendu «'du bruit et un appel à l'aide venant de la réserve. J'ai tout de suite accouru avec les serveurs et les autres clients. Madame [L] se trouvait en bas des escaliers et se plaignait du genou droit. Ancien pompier j'ai pu constater une suspicion d'un traumatisme du genou droit et quelques hématomes. Ne présentant pas de problèmes vitaux, nous avons tentés de la relever mais celle-ci ne pouvait pas prendre appui sur ses deux jambes car la douleur était trop intense. Je lui ai donc conseillé de se faire accompagner aux urgences le plus rapidement possible afin d'y faire des examens. Ce qu'elle a fait dans la foulée après avoir donné ses directives à la serveuse encore très embarrassée, celle-ci nous a expliqué qu'elle avait cassé une bouteille sur les marches des escaliers. Il est vrai que pendant que nous portions assistance à Madame [L] j'ai remarqué que les marches étaient encore fraichement mouillées.'»

Une autre cliente, Mme [A] [E] atteste avoir entendu la chute de Mme [L] dans les escaliers, avoir été auprès d'elle et que Mme [L] lui avait signalé qu'une marche était glissante imbibée de sirop.

Mme [X] [P], cliente, indique : «'soudainement un bruit de chûte, suivi de cris d'appel à l'aide se sont faits entendre au niveau de la réserve reconnaissant la voix de Madame [L]. Nous avons tous accourus, salariés et clients, afin de lui porter assistance. [I] était étendue sur le sol en bas des escaliers, disant qu'elle «'avait mal au genoux'» et qu'elle avait «'glissé sur les marches'». Effectivement, en inspectant l'escalier, j'ai pu constater qu'il y avait un liquide sur plusieurs d'entre-elles. (') La serveuse avait cassé une bouteille précédemment.'».

Par attestation du 24 octobre 2015, Mme [V] [B], nièce et employée de Mme [L], indique que «'Madame [L] [I] à bien chuté dans les escaliers suite à une marche glissante du à une bouteille de sirop cassé. En effet quelque instant avant en descendant de la 1ère réserve une bouteille de sirop m'a échappé et s'est brisée sur les marches. Pensant avoir tout essuyé je suis retourné à mon service. Quand Madame [L] chuta j'ai pu constater qu'il restait encore du sirop, malheureusement Madame [L] en a fait les frais.'».

Il résulte de ces attestations précises et concordantes que le 3 novembre 2015, Mme [L] a fait une chute sur les escaliers du débit de boisson dont elle est la gérante en raison de la présence de sirop sur la marche.

Le caractère accidentel de cette chute, qui répond à la définition contractuelle, est ainsi établi, de sorte que la garantie est acquise.

Enfin, Mme [L] justifie avoir été en incapacité totale et temporaire jusqu'au 1er novembre 2018, date à laquelle elle a été reconnue en état d'invalidité totale et définitive.

Alors que l'assureur ne conteste pas le montant sollicité par son assurée et que Mme [L] ne sollicite pas de liquider le montant de sa créance indemnitaire au titre de l'incapacité de travail, il convient ainsi de condamner la BPCE à indemniser Mme [L] au titre du contrat prévoyance professionnelle sur la période du 4 janvier 2016 au 31 janvier 2016 puis à compter du 4 novembre 2016 jusqu'à l'arrêt de l'incapacité complète et temporaire d'exercer toute activité professionnelle, soit le 1er novembre 2018, date à partir de laquelle la BPCE sera condamnée à lui verser une rente de 10 800 euros par an.

2. Sur le contrat protection de l'activité professionnelle

Ce contrat prévoit une garantie en cas d'arrêt total et temporaire de l'activité professionnelle. Cette garantie est mise en 'uvre en cas d''«'incapacité temporaire de travail'» consécutive à un accident ou à une maladie.

En cas d'accident, la police prévoit une franchise de 3 jours calendaires à compter du jour de l'accident.

Ce contrat définit un accident comme toute atteinte corporelle ou tout événement non intentionnel, soudain, imprévu et extérieur à la victime ou au bien endommagé et constituant la cause de dommages.

Par ailleurs, aucun délai de carence n'est prévu en cas d'arrêt total et temporaire de l'activité professionnelle en cas d'accident.

Compte tenu de ce qui précède, la cour considère que la chute dont a été victime Mme [L] est bien un accident au sens de la police, de sorte qu'il convient de mettre en 'uvre cette garantie.

Mme [L] demande à la cour de condamner la BPCE à l'indemniser au titre de ce contrat à compter du 4 janvier 2016 jusqu'au 1er novembre 2018 à hauteur de

3 050 euros par mois, montant correspondant à l'option 2 de la garantie.

Si la BPCE demande à la cour de débouter Mme [L] de ses demandes, elle indique que Mme [L] a souscrit l'option 1 et que les règlements ont cessé le 7 mars 2016 à l'expiration du délai de trois mois.

Les conditions générales stipulent qu'une somme de 1 525 euros par mois est versée dans le cadre de l'option 1 et une somme de 3 050 euros est versée dans le cadre de l'option 2.

Néanmoins, les conditions particulières permettant de connaître l'option souscrite par Mme [L] n'ont pas été communiquées.

S'il incombe à Mme [L] d'établir le contenu des garanties qu'elle a souscrite, il s'observe toutefois que :

- la BPCE a procédé à une indemnisation au titre de ce contrat à hauteur de 1 372,50 euros pour la période du 5 janvier 2016 au 31 janvier 2016 ; ce montant correspond précisément au prorata temporis de l'indemnisation prévue par l'option 1 (1 525 x 27 jours indemnisés / 30 jours) ;

- le conseil de Mme [L] n'a pas contesté, dans ses échanges avec l'assureur, qu'une telle indemnisation ne correspondait pas avec l'option souscrite par l'assurée ;

- les conditions générales produites ne stipulent pas que l'indemnisation est limitée à trois mois.

Par ailleurs, aucune pièce n'est produite pour démontrer qu'une indemnisation au titre de ce contrat a bien été versée jusqu'au 7 mars 2016.

L'objet du litige étant déterminé par les parties conformément à l'article 4 du code de procédure civile, la cour observe qu'elle n'est saisie que d'une demande visant à consacrer la garantie de l'assureur au titre du sinistre, sans en liquider le montant.

Le principe de la créance de Mme [L] étant établi et l'assureur ayant implicitement admis par une exécution partielle du contrat litigieux que l'option 1 était applicable, la BPCE sera ainsi condamnée à garantir Mme [L] au titre du contrat protection de l'activité professionnelle à compter du 4 janvier 2016 jusqu'au 1er novembre 2018 à hauteur de 1 525 euros par mois.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [L] expose d'une part avoir subi un préjudice financier constitué par la nécessité d'embaucher deux personnes au titre de son remplacement, ce qui a affaibli sa situation financière et l'a contrainte à procéder à une cession de 10% de ses parts. Elle expose encore être exclue du droit de contracter un emprunt bancaire et ne plus percevoir de dividendes.

Elle invoque d'autre part un préjudice moral en raison de l'attitude de la BPCE.

Néanmoins, pour voir son assureur condamner au paiement de dommages et intérêts, Mme [L] doit rapporter la preuve que son assureur a commis une faute contractuelle consistant, à avoir opposé une résistance injustifiée à la mise en oeuvre des garanties.

Or, la BPCE a fondé son refus de garantie sur la base de deux rapports d'expertise lui donnant une raison de dénier ses garanties. Par ailleurs, à titre commercial, l'assureur a tout de même versé à Mme [L] des indemnités.

Ainsi, Mme [L] ne rapporte pas la preuve d'une résistance abusive constitutive d'une faute contractuelle engageant la responsabilité de son assureur.

Au surplus, la cour constate qu'elle ne produit aucune pièce au soutien du préjudice financier qu'elle allègue pour l'imputer au non-respect des engagements contractuels de son assureur.

Mme [L] sera donc débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande d'astreinte

Mme [L] demande à la cour d'assortir le présent arrêt d'une mesure d'astreinte à la charge de la BPCE en application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Néanmoins, Mme [L] ne justifie pas la nécessité d'ordonner une telle mesure, il ne sera donc pas fait droit à sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner la BPCE, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à Mme [L] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA BPCE Assurances à :

- garantir Mme [I] [L] au titre de la garantie «'incapacité temporaire totale'» du contrat «'Garantie prévoyance pro'» sur la période du 4 janvier 2016 au 31 janvier 2016 puis à compter du 4 novembre 2016 jusqu'à l'arrêt de l'incapacité temporaire totale d'exercer toute activité professionnelle, soit le 1er novembre 2018,

- garantir Mme [I] [L] au titre de la garantie «'invalidité permanente'» du contrat «'Garantie prévoyance pro'» à compter du 1er novembre 2018 sous la forme d'une rente d'un montant de 10 800 euros par an ;

- garantir Mme [I] [L] au titre de la garantie de l'arrêt total et temporaire de l'activité professionnelle du contrat «'Protection de l'activité professionnelle'» au titre de la période du du 4 janvier 2016 jusqu'au 1er novembre 2018, sur la base d'une indemnisation mensuelle de 1525 euros ;

Déboute Mme [I] [L] de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la SA BPCE Assurances ;

Dit n'y avoir lieu à assortir le présent arrêt d'une astreinte à la charge de la SA BPCE Assurances ;

Condamne la SA BPCE Assurances aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SA BPCE Assurances à payer à Madame [I] [L] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

LE GREFFIER

Fabienne DUFOSSÉ

LE PRESIDENT

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03002
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.03002 ?
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