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15/09/2022 | FRANCE | N°21/02708

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 2, 15 septembre 2022, 21/02708


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2022





N° de MINUTE : 22/749

N° RG 21/02708 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTU2

Jugement (N° 11-21-0025) rendu le 14 Avril 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Hazebrouck



APPELANTE



Madame [P] [R]

née le 23 Mars 1967 à [Localité 8] - de nationalité Française

[Adresse 1]



Représentée par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai
>(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/010886 du 19/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



INTIMÉS



Monsieur [E] [K]

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2022

N° de MINUTE : 22/749

N° RG 21/02708 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTU2

Jugement (N° 11-21-0025) rendu le 14 Avril 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Hazebrouck

APPELANTE

Madame [P] [R]

née le 23 Mars 1967 à [Localité 8] - de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/010886 du 19/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [E] [K]

de nationalité Française

[Adresse 2]

Madame [C] [L] épouse [K]

de nationalité Française

[Adresse 2]

Représentés par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque

Sa [12] chez [13]

[Adresse 5]

Société [18] chez [16]

[Adresse 7]

Société [10]

[Adresse 9]

Sa [11] chez [20]

[Adresse 14]

Sa [21]

[Adresse 3]

Caf du Nord

[Adresse 6]

Société [17]

[Adresse 22]

Sa [15]

[Adresse 4]

Non comparants, ni représentés

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience

DÉBATS à l'audience publique du 22 Juin 2022 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l'article 945.1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Sylvie Collière, présidente

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Mme [P] [R] a saisi la Commission de surendettement des particuliers du Nord (ci-après désignée sous le seul nom la Commission) d'une demande tendant à voir traiter sa situation de surendettement.

Le 2 septembre 2020, la Commission a déclaré la demande recevable.

Le 9 décembre 2020, la Commission a décidé d'imposer une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de Mme [R].

Les époux [K], anciens bailleurs de la débitrice, ont contesté cette mesure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 janvier 2021.

La [12] a également contesté cette mesure par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 8 mars 2021.

Les deux recours ont été enregistrées séparément.

Lors de l'audience devant le premier juge, les époux [K]-[L] ont exposé que la débitrice, qui n'avait quitté le logement loué qu'en septembre 2020, avait laissé une dette locative de plus de 15 000 euros, outre les frais de procédure. Ils précisaient que Mme [R] leur avait fait des promesses de règlement en laissant entendre qu'elle allait percevoir un héritage mais qu'en réalité elle n'avait pas fait d'efforts pour solder sa dette.

Ils faisaient également valoir que la débitrice avait repris un logement dont le loyer n'était pas négligeable, et qu'elle venait d'acquérir un véhicule ce qui n'était pas en adéquation avec les ressources et charges telles que déclarées devant la Commission.

Mme [P] [R] déclarait qu'elle était en situation d'invalidité, avait à charge une enfant majeure poursuivant des études et que la Commission avait à juste titre considéré que sa situation était irrémédiablement compromise, en décidant d'imposer une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Par jugement en date du 18 mars 2021, jugement auquel il est renvoyé pour un exposé complet de la procédure devant le premier juge, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck a :

-ordonné la jonction des procédures répertoriées sous les numéros 21/ 25 et 21/76 ;

-dit que M. Et Mme [K] sont recevables en leur contestation ;

-dit la [12] irrecevable en sa contestation ;

-déclaré Mme [P] [R] irrecevable en sa demande d'ouverture d'une procédure de surendettement.

Mme [P] [R] a relevé appel de cette décision le 30 avril 2021.

Une première audience a eu lieu le 15 décembre 2021.

Lors de cette audience, Mme [P] [R] a comparu assistée de son conseil. Elle a fait savoir qu'elle avait subi plusieurs interventions chirurgicales dans la zone urologique et que sa situation personnelle et financière s'était dégradée à la suite de ces problèmes de santé, son état physique étant très contraignant et ne lui permettant pas d'accéder à n'importe quel emploi. Elle a exposé qu'elle avait une fille majeure âgée de 23 ans qui poursuivait des études de pharmacie elle a précisé qu'elle touchait une pension d'invalidité de la sécurité sociale et qu'elle allait également bénéficier d'une allocation par la MDPH. Elle a précisé que les prêts contractés étaient liés notamment au fait qu'elle avait dû prendre en charge les frais d'obsèques de sa mère, décédée en juillet 2019 et que devant l'importance des dettes successorales, elle avait renoncé à la succession de sa mère le 22 mars 2021.

Son conseil présent à ses côtés a indiqué que la débitrice avait une situation de santé très délicate et que cette situation avait gravement obéré sa situation financière. Il a demandé l'infirmation du jugement querellé et le prononcé du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Mme [R].

Les époux [K] ont été représentés lors de l'audience par leur conseil lequel a demandé pour le compte des intéressés la confirmation du jugement entrepris.

Il a été indiqué que Mme [R] avait rompu la relation de confiance qui existait entre les parties et qu'elle avait multiplié les déclarations mensongères et qu'en outre les différents crédits contractés n'avaient nullement été contractés pour régler les dettes successorales puisqu'il s'avérait que la facture des pompes funèbres n'avait pas été en réalité réglée.

L'affaire a été mise en délibéré au 3 février 2022;

Toutefois, par décision prise en forme de mention au dossier à cette date, la cour a ordonné la réouverture des débats lors de l'audience du 22 juin 2022 en relevant que Mme [R] avait communiqué plusieurs pièces par la voie de son conseil pendant le cours du délibéré et qu'il convenait d'assurer le respect du principe du contradictoire de ce chef. Il a été demandé à cette occasion à la débitrice d'actualiser à nouveau sa situation financière.

Les débats ont eu lieu lors de l'audience du 22 juin 2022.

Lors de cette audience, Mme [R] est représentée par son conseil lequel indique que l'intéressée fait l'objet d'un véritable harcèlement de la part des époux [K]. Il est indiqué nouveau que Mme [R] a un mauvais état de santé, qu'elle espérait pouvoir régler certaines dettes grâce à la succession de sa mère mais qu'elle a en réalité été contrainte de renoncer à ladite succession au regard de l'importance des dettes successorales..

L'avocat indique qu'il ne dispose pas à l'audience des pièces de nature à réactualiser la situation financière de Mme [R] mais qu'il va les faire parvenir à la cour en cours de délibéré.

Lors de cette même audience, les époux [K]-[L], représentés par leur conseil, reprennent le contenu des écritures demandant à la cour de confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck et de condamner Mme [R] au paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils rappellent qu'ils avaient été contraints de délivrer un commandement de payer à Mme [R] concernant des loyers impayés de 2016 à 2019 ; que par jugement en date du 23 avril 2019, le tribunal de proximité d'Hazebrouck a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de la locataire, et condamné Mme [P] [R] au paiement de la somme de 7162,01 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés à la date du 31 janvier 2020 et qu'à la date de la libération des lieux par la locataire, le montant de la dette locative était de 13 692,12 euros.

Ils font valoir que Mme [R] a multiplié les déclarations mensongères auprès d'eux-mêmes en promettant de solder sa dette locative car elle devait percevoir un héritage mais encore en mentant au prêteur, grâce au concours duquel elle a acquis à crédit un véhicule automobile en septembre2019, sur la réalité de sa situation personnelle et financière.

Ils font valoir encore que lors de l'audience du 15 décembre 2021, Mme [R] avait soutenu que les sommes empruntées avaient servi à la débitrice de s'acquitter des frais funéraires concernant sa mère alors pourtant qu'il s'avère que la compagnie de [19] n'a pas été réglée.

Ils ajoutent que le logement a été libéré par Mme [P] [R] alors que de nombreuses dégradations locatives affectent le logement donné à bail et que leur ancienne locataire n'a pas fait d'efforts pour commencer à apurer son arriéré locatif ; que le solde locatif n'a pu être partiellement apuré pendant le cours du bail que par les importants versements effectués par la CAF, Mme [R] signant des plans de remboursement avec cette dernière qu'elle ne respectait pas par la suite.

Seule [17] parmi les autres créanciers a écrit pour indiquer à la cour qu'il ne se présenterait pas à l'audience.

Les autres créanciers de Mme [R] n'ont pas comparu ni ne se sont faits représenter. Ils n'ont pas davantage écrit.

SUR CE :

Il sera précisé à titre liminaire que la note produite en délibéré sera écratée, la Cour n'ayant pas admis lors de l'audience le principe d'une telle note.

Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la décision de la commission imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l'article L.741-5 du code de la consommation prévoit en son premier alinéa qu'il peut même d'office s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation mentionnée par l'article L. 711-1 du code de la consommation.

Ce dernier article dispose à cet égard en son premier alinéa que le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.

La bonne foi est toujours présumée et c'est à celui qui l'invoque de rapporter la preuve du contraire.

En l'espèce, les époux [K] invoquent expressément la mauvaise foi de Mme [R].

Il est certain que, comme elle l'indique Mme [R] a souffert des conséquences de problèmes de santé et d'opérations urologiques qui ont réduit ses capacités et qui ont justifié qu'elle soit placée en invalidité.

Cependant, il convient de relever qu'il est acquis aux débats que Mme [R] a déjà bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel ce qui permet de penser que la débitrice a précédemment été informée des conséquences d'un endettement excessif.

Par ailleurs, le passif de Mme [R] dans le cadre de la présente procédure est constitué des dettes suivantes, outre des dettes sur charges courantes envers [17] et [21] et la dette de loyers et d'indemnités d'occupation d'un montant de 15 587 euros envers les époux [K] :

- une dette envers la [12] d'un montant de 13728,94 euros correspondant à un crédit contracté pour l'achat d'une voiture à la date du 26 septembre 2019 ;

- une dette envers [15] d'un montant de 8688,47 euros au titre d'un contrat de crédit d'un montant de 9000 euros contracté le 2 avril 2019 ;

- une dette d'un montant de 8898,85 euros envers [15] au titre d'un contrat de crédit d'un montant de 10 201,92 euros contracté le 3 avril 2019;

- divers engagements envers [18] contractés entre décembre 2019 et janvier 2020 pour lesquels il restait dû à la date de l'établissement de l'état des créances les sommes de 257,96 euros, 2981,85 euros, 80,44 euros et 268,71 euros.

Il résulte de ces différents éléments qu'une partie très importante de l'endettement de Mme [R] est constitué d'engagements financiers contractés dans les 18 mois précédant le dépôt de sa nouvelle demande de traitement de sa situation de surendettement, le surplus de son endettement étant constitué pour l'essentiel d'une dette de loyers et d'indemnités d'occupation particulièrement conséquente accumulée au détriment des époux [K] qui sont ses anciens bailleurs.

Si Mme [R] a expliqué qu'elle avait eu besoin du numéraire pour faire face à différentes charges suite au décès de sa mère, il y a lieu d'observer que certains engagements de crédit ont été souscrits avant le décès de cette dernière. Par ailleurs , si Mme [R] a pu indiquer devant cette cour qu'elle avait été contrainte de régler les frais d'obsèques liés au décès de sa mère, il résulte d'une attestation de la société de [19] qu'à la date du 14 décembre 2021, la facture d'obsèques d'un montant de 3730 euros TTC demeurait impayée malgré de nombreuses réclamations. Par ailleurs, Mme [R] ne justifie pas avoir réglé d'autres charges liés à la succession de sa mère, succession à laquelle elle a en tout état de cause renoncé.

Au demeurant, l'explication donnée ne peut valoir pour ce qui concerne le crédit [12] destiné à l'acquisition d'une voiture.

De surcroît s'agissant de ce prêt, il n'est pas contesté que Mme [R] a fait des déclarations mensongères auprès de l'organisme de prêt, affirmant ainsi qu'elle était propriétaire de son logement depuis 2015 et qu'elle bénéficiait d'un emploi d'aide soignante depuis janvier 2016 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ce qui est indiscutablement contraire à la réalité.

Si à la différence du premier juge, la cour ne retiendra pas comme élément de nature à établir la mauvaise foi le fait pour la débitrice d'avoir fait patienter inutilement le bailleur en lui promettant qu'elle pourrait faire des règlements grâce à la succession de sa mère, dans la mesure où Mme [R] ne savait pas nécessairement quand elle a fait ces promesses que la succession de sa mère était déficitaire, la cour ne peut que constater que Mme [R] n'est pas une débitrice de bonne foi. En effet, la multiplication des contrats de crédit, obtenus pour l'un d'entre eux grâce à des déclarations mensongères, et ce peu de temps avant le dépôt d'une demande de traitement d'une situation de surendettement, l'argent obtenu grâce à ces prêts n'ayant pas eu l'usage prétendu par la débitrice, jointe à la constitution d'une dette de loyers très importante permet de conclure à une absence de bonne foi de Mme [R], cette dernière sachant alors qu'elle a déjà bénéficié d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, que la seule mesure pouvant être préconisée par la Commission était un nouvel effacement de ses dettes.

Il sera précisé qu'une décision d'irrecevabilité pour cause de mauvaise foi n'a jamais un caractère définitif en ce sens que si le débiteur justifie de nouveaux éléments, tels que des efforts pour apurer son passif, la question de sa bonne ou mauvaise foi peut être éventuellement reconsidérée.

Les dépens resteront à la charge du Trésor public.

La nature de la procédure ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ecarte la note en délibéré ;

Confirme le jugement entrepris ;

Précise en tant que de besoin qu'une décision d'irrecevabilité pour cause de mauvaise foi n'a jamais un caractère définitif en ce sens que si le débiteur justifie de nouveaux éléments , tels des efforts pour apurer son passif, la question de sa bonne ou mauvaise foi peut être éventuellement reconsidérée;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

G. Przedlacki V. Dellelis


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 2
Numéro d'arrêt : 21/02708
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.02708 ?
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