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15/09/2022 | FRANCE | N°21/01860

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 2, 15 septembre 2022, 21/01860


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2022



N° de MINUTE : 22/750

N° RG 21/01860 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TREW

Jugement (N° 11-20-0812) rendu le 12 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Valenciennes



APPELANT



Monsieur [F] [I]

né le 12 Octobre 1961 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Caroline Le Bot, avocat au barreau

de Valenciennes



INTIMÉE



Madame [B] [W]

née le 20 Mars 1965 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



Comparante en personne

Ayant eu...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2022

N° de MINUTE : 22/750

N° RG 21/01860 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TREW

Jugement (N° 11-20-0812) rendu le 12 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Valenciennes

APPELANT

Monsieur [F] [I]

né le 12 Octobre 1961 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Caroline Le Bot, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

Madame [B] [W]

née le 20 Mars 1965 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparante en personne

Ayant eu pour avocat Me Frédéric Massin, avocat au barreau de Valenciennes

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/005450 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience

DÉBATS à l'audience publique du 22 Juin 2022 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l'article 945.1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Sylvie Collière, présidente

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Procédure antérieure à la présente procédure de surendettement

Le 25 août 2014, Mme [B] [W] a déposé une demande tendant à l'examen de sa situation de surendettement, demande déclarée recevable par la Commission de surendettement de l'arrondissement du Nord Valenciennes dans sa séance du 16 septembre 2014 . Par décision du même jour, ladite Commission de surendettement a décidé d'orienter le dossier vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire dès lors qu'elle a considéré que la situation de la débitrice était irrémédiablement compromise.

Suite à contestation de la recevabilité, cette décision a été confirmée par un jugement en date du 22 janvier 2016, lequel a considéré que Mme [W] était une débitrice de bonne foi.

Lors de sa séance du 14 avril 2016, la Commission a recommandé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Sur contestation de M. [F] [I] , le juge d'instance de Valenciennes a par jugement en date du 29 septembre 2017 notamment :

-fixé la créance de Maître [C], notaire, à la somme de 0,00 euros ;

-fixé la créance de M. [F] [I] à la somme de 36 482,50 euros ;

-rappelé que la créance ci-dessus correspondait à une créance dont le prix avait été payé aux lieu et place de Mme [W] par le co-obligé personne physique, M. [I], et qu'elle n'était donc pas effaçable ;

-constaté que Mme [W] était dans une situation irrémédiablement compromise dans le cadre des dispositions relatives au surendettement ;

-prononcé par voie de conséquence un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avec toutes ses conséquences.

Le passif total de Mme [W] étant fixé à la somme totale de 36 482,50 euros, il s'ensuit qu'il n'était constitué en réalité que de la seule créance de M. [F] [I], cette créance se décomposant de la manière suivante :

-au montant des sommes réglées sur la part de Mme [W] au titre du prêt immobilier souscrit auprès de la [5] pour lequel ils étaient co-emprunteurs, M. [I] étant un ancien compagnon de Mme [W] ;

-au montant de la somme réglée par M. [F] [I] auprès de Maître [C], notaire, pour la compte de Mme [W] le 17 septembre 2014.

****

Procédure de surendettement dans laquelle s'inscrit le présent recours :

Par déclaration enregistrée le 19 décembre 2017, Mme [B] [W] a saisi à nouveau la Commission de surendettement des particuliers de Nord Valenciennes d'une demande d'examen de sa situation de surendettement, déclarant au titre de son passif la créance de M. [F] [I].

Le 16 janvier 2018, la Commission a déclaré sa demande recevable.

M. [F] [I] a formé un recours contre cette décision de recevabilité et par jugement en date du 3 décembre 2019, le juge d'instance de Valenciennes a rejeté ce recours, déclarant Mme [W] recevable dans sa demande de traitement de sa situation de surendettement.

Le 5 août 2020, la Commission a préconisé le rééchelonnement tout ou partie des créances sur une durée de 84 mois, au taux maximum de 0 % avec effacement du solde restant dû en fin de plan après avoir fixé la mensualité de remboursement à la somme de 120,08 euros par référence à la quotité saisissable.

Suivant lettre recommandée postée le 24 août 2020, M. [F] [I] a contesté ces mesures.

Lors de cette audience, M. [I] a soulevé de multiples moyens de contestation à l'encontre de la décision prise par la Commission.

Par jugement contradictoire en date du 12 mars 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure devant le premier juge et des demandes et moyens des parties, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes a :

-dit le recours de M. [F] [I] recevable ;

-débouté M. [F] [I] de sa demande tendant à voir dire que les pièces d'[B] [W] doivent être écartées des débats ;

-dit qu'aucune irrecevabilité en raison de l'autorité de la chose jugée n'est applicable en l'espèce;

-déclaré Mme [B] [W] recevable à la procédure de surendettement des

particuliers ;

-fixé la capacité de remboursement de Mme [B] [W] à la somme mensuelle de 122,35 euros ;

-fixé le montant du passif, sous réserve des paiements éventuellement intervenus en cours de procédure , à la somme de 36 482,50 euros ;

-ordonné le report ou le rééchelonnement de la créance durant les 84 mois au taux d'intérêt réduit à 0 %, conformément aux mesures ci-dessus ;

-dit qu'à l'issue du plan restera due à M. [F] [I] la somme de 26 205,10 euros qui n'est pas susceptible d'effacement ;

-dit que la première échéance du plan devra être réglée au plus tard le 15 du mois suivant la notification de la décision ;

-débouté M. [F] [I] du surplus de ses demandes ;

-dit que Mme [B] [W] ne devra pas augmenter son endettement ou effectuer des actes de nature à aggraver sa situation financière pendant toute la durée du plan ni accomplir des actes de disposition de son patrimoine sous peine d'être déchu du bénéfice de la procédure;

-dit qu'il appartiendra à la débitrice en cas de changement significatif de ses conditions de ressources à la hausse comme à la baisse de saisir la commission de surendettement à cet effet ;

-rappelé que les créanciers à qui ces mesures sont opposables ne peuvent exercer de procédures d'exécution à l'encontre des biens de la débitrice pendant toute la durée d'exécution des mesures

-rappelé qu'à défaut de paiement d'une seule des échéances à son terme , l'ensemble du plan sera caduc 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse, adressée à [B] [W] d'avoir à exécuter ses obligations ;

-rappelé que la décision était exécutoire de plein droit ;

-laissé les dépens à la charge du Trésor public.

M. [F] [I] a relevé appel de ce jugement par lettre recommandée adressée au secrétariat-greffe de la cour postée le 29 mars 2021.

Lors d'une première audience du 24 novembre 2021, M. [F] [I] a fait valoir divers moyens de contestations à l'encontre de la décision entreprise.

Mme [B] [W], représentée par son conseil, a demandé la confirmation de la décision entreprise.

Par décision prise en forme de mention au dossier en date du 20 janvier 2022, la Cour a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 22 juin 2022 au vu de la production en cours de délibéré de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 1er décembre 2020 condamnant solidairement Mme [M] [H], Mme [B] [W] et M. [D] [W] à requérir du notaire en charge de la succession la publication de l'attestation de dévolution successorale notariée concernant l'immeuble situé [Adresse 3] qui fait apparaître que Mme [B] [W] est propriétaire de cet immeuble en indivision avec son frère afin :

-que les parties fassent toutes observations utiles au regard de la procédure de surendettement des particuliers sur le fait que Mme [B] [W] est propriétaire en indivision d'un immeuble avec sa mère et son frère ;

-de recueillir le cas échéant, l'accord de Mme [W] pour que la mensualité de remboursement dépasse le montant de la quotité saisissable de ses ressources et soit fixée à un montant correspondant à sa capacité réelle de remboursement et ce au visa des dispositions de l'article L. 731-2 alinéa 2 du code de la consommation selon lesquelles en vue d'éviter la cession de la résidence principale , le montant des remboursements peut, avec l'accord du débiteur et dans des limites raisonnables, excéder la somme calculée par référence à la quotité saisissable du salaire;

-que Mme [B] [W] actualise sa situation financière en produisant notamment :

-les trois derniers relevés de tous ses comptes bancaires (ces pièces n'ayant pas été produites alors qu'elles étaient demandées dans la lettre accompagnant la convocation à l'audience ;

-ses trois derniers bulletins de paie ;

-le dernier relevé des prestations versées par la caisse d'allocations familiales ;

Les débats ont eu lieu effectivement lors de l'audience du 22 juin 2022.

Lors de l'audience, M. [I] est représenté par son conseil qui se réfère aux précédentes conclusions précédemment déposées, la cour renvoyant aux dites conclusions pour l'exposé complet de leur dispositif et pour l'exposé des moyens de l'appelant.

M. [I] fait valoir à cet égard que le jugement frappé d'appel est nul pour :

-défaut de respect du principe du contradictoire et absence de délai raisonnable accordé à M. [I] pour répondre aux conclusions adverses en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

-défaut de base légale ;

-défaut de motivation suffisante du jugement de première instance en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de statuer sur son recours dans le cadre de l'évocation suite à l'annulation du jugement.

Il reprend l'essentiel des griefs déjà formulés par lui devant le premier juge par rapport à la décision rendue par la Commission à savoir que :

-la Commission a prévu un effacement partiel de sa dette ce qui est contraire au non-effacement de sa créance qui avait été expressément prévu dans le dispositif du jugement du 29 septembre 2017 ;

-la Commission avait cependant parfaitement connaissance de la notification du jugement rendu par le juge d'instance de Valenciennes selon lequel la créance de l'appelant était ineffaçable

-sa créance en raison de sa nature ne peut être effacée ;

-il est impossible de mettre en oeuvre en l'espèce des mesures de désendettement au profit de Mme [W] ;

-le calcul des ressources et charges par la Commission n'a pas été fait de manière correcte et Mme [W] n'a en réalité aucune capacité de remboursement ;

-il n'a pas été tenu compte de ce que la prime d'activité était insaisissable et il n'a pas été tenu compte par ailleurs de la réalité des frais de transport de la débitrice ;

-s'agissant d'un redépôt d'un dossier de surendettement, la durée de 84 mois, durée maximale pour apurer la dette, court depuis le premier dépôt de la demande de traitement de la situation de surendettement ;

-s'agissant du redépôt, la durée restant pour apurer la totalité de la dette n'était plus que de quatre ans ;

-la débitrice bénéficiant d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire d'une durée de 8 années ne pouvait solliciter un redépôt pour des dettes similaires pendant une durée de huit années ;

-le redépôt du dossier de surendettement n'avait pour seul but que de surseoir à la procédure pendante devant le tribunal de grande instance en licitation et partage ;

-la situation de la débitrice est en réalité irrémédiablement compromise.

Il ajoute le fait que la Commission ne pouvait prévoir un taux d'intérêt à 0 % dès lors que les intérêts de retard ont le même caractère ineffaçable que la dette principale.

Si la cour n'annulait pas le jugement entrepris, M. [I] demande à la cour d'infirmer ce dernier sur le fondement de différents griefs déjà articulés à l'encontre de la décision de la Commission à savoir que la débitrice n'a en réalité aucune capacité de remboursement contrairement à ce qui a été retenu, le calcul des charges ainsi que celui de la quotité saisissable n'ayant pas été faits de manière correcte, que le premier juge ne pouvait davantage considérer que Mme [W] pouvait encore bénéficier d'un rééchelonnement de la dette alors qu'il convenait de tenir compte de la durée écoulée depuis a première procédure de surendettement, qu'aucun redépôt de dossier ne pouvait intervenir l'expiration d'un délai de huit années suivant le jugement de septembre 2017 ayant prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de la débitrice. Il indique à nouveau que l'intérêt sur sa créance ne peut être ramené à 0 %. Il soutient encore que le jugement entrepris ne pouvait prévoir de mesures d'aménagement qui ne règlent pas complètement la situation de surendettement de Mme [W].

Il explique lors de l'audience que la seule réponse adaptée dans le cadre du traitement de la situation de surendettement est le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire de Mme [W].

Il demande également que la cour dise que le plan de remboursement, notifié par le jugement du 12 mars 2021 valant reconnaissance de dette, a interrompu le délai de prescription du titre exécutoire détenu par lui en date du 23 juillet 2014 et de dire que le délai de prescription du titre exécutoire a recommencé à courir à compter du 12 mars 2021 pour une durée de 10 années.

Il demande la condamnation de Mme [W] au paiement d'une indemnité de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [W] comparaît en personne lors de l'audience de renvoi.

Elle fait le point sur ses revenus actualisés.

Elle indique que sa mère âgée de 87 ans n'est pas en mesure de supporter psychologiquement la vente de la maison et se déclare très inquiète à ce sujet.

Elle déclare encore qu'elle ne peut payer que la somme de 150 euros par mois qu'elle accepte de régler.

SUR CE

Le dispositif des écritures de M. [I] auxquels ce dernier se réfère dans le cadre de son appel contient un nombre important de demandes de 'dire et juger' qui ne sont pas des prétentions à proprement parler mais le simple rappel des moyens développés par l'appelant.

La cour n'a pas à statuer par voie de dispositions spéciales de ce chef.

Par ailleurs, il n'entre pas dans la mission du juge du surendettement de statuer sur les conditions de prescription du titre exécutoire d'un créancier alors que l'existence de la créance de ce dernier consacrée par ce titre exécutoire n'est pas remise en cause au moment où il statue.

Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :

L'annulation d'un jugement ne peut être prononcée que pour des motifs suffisamment graves tels une violation flagrante du principe du contradictoire, un excès de pouvoir ou une totale absence de motifs.

La demande d'annulation est en l'espèce fondée sur :

-le non respect du principe du contradictoire et l'absence de délai raisonnable accordé à M. [I] pour répondre aux conclusions adverses en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

-le défaut de base légale ;

-le défaut de motivation suffisante du jugement de première instance en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Sur le non respect du principe du contradictoire :

En l'espèce, le premier juge a relevé que les pièces avaient été transmises le 5 janvier 2021 (les débats ont eu lieu le 9 janvier), l'appelant soutenant que ces pièces ne lui ont pas été communiquées à cette occasion.

Dans le cadre d'une procédure orale, les demandes et moyens des parties sont exposés en principe à l'audience. Si, au regard notamment de leur nombre ou de leur complexité, il est nécessaire qu'elles aient été formulées préalablement par écrit, cet écrit et les pièces produites à l'appui doivent être communiquées à la partie adverse dans des conditions lui permettant d'y apporter une réponse utile

En l'espèce, les termes du débat entre les parties, inchangées depuis plusieurs années , étaient parfaitement connus des deux parties.

A supposer que les pièces relatives aux ressources et charges de Mme [W] n'aient pas effectivement été transmises le 5 janvier, l'appelant a été parfaitement mis en mesure de d'expliquer à l'audience sur ces pièces, en réalité très simples puisqu'il s'agissait de quelques fiches de paie montrant la stabilité de la situation de la débitrice, sa défense ayant d'ailleurs été très structurée et articulée sur de très nombreux moyens.

Il n'y a pas lieu en conséquence de considérer qu'il y a eu violation en l'espèce du principe du contradictoire.

Sur l'absence de conformité au droit :

Les erreurs de droit affectant éventuellement la décision querellée ne sont en soi de nature qu'à justifier son infirmation et non son annulation.

Sur le défaut de motifs :

Il ne saurait être considéré en l'espèce alors que le premier juge a pris soin de détailler avec beaucoup de précisions les motifs de sa décision, en donnant les modalités du calcul des ressources et charges de la débitrice, de la quotité saisissable et en expliquant de façon tout à fait précise les raisons pour lesquels il décidait d'un rééchelonnement de la dette suivant les modalités reprises au dispositif

Le moyen ne saurait dès lors prospérer.

En conséquence, la cour, rejetant la demande d'annulation du jugement entrepris, examiner ci-après les moyens d'infirmation de ce même jugement.

Sur la demande d'infirmation du jugement entrepris :

Il convient à titre liminaire d'observer que si Mme [W] a bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire par le jugement du 29 décembre 2017, ce rétablissement personnel n'a présenté en réalité qu'un très faible intérêt puisqu'il ressort des éléments de la cause que le passif de Mme [W] n'était à cette date constitué que de la seule créance de son ancien compagnon, M. [I] pour un montant de 36 482,50 euros, créance qui n'était pas effaçable dès lors qu'elle correspondait à une créance dont le montant avait été réglé par un co-obligé personne physique, ce qui avait d'ailleurs été expressément repris dans le dispositif du jugement concerné. Dès lors la dette de Mme [W] subsistait à l'issue de cette première procédure de surendettement, et n'était pas même aménagée puisqu'un rétablissement personnel avait été prononcée, et la débitrice se trouvait donc à nouveau soumise aux procédures diligentées par M. [I] pour avoir règlement de sa créance.

Cet état de fait explique que Mme [W] ait déposé à nouveau un dossier de surendettement le 19 décembre 2017 soit moins de trois mois après le jugement rendu le 29 septembre 2017, jugement dont aucune des parties n'avait relevé appel.

La question de l'autorité de la chose jugée se posait en l'espèce, faute d'élément nouveau, alors que les éléments de fait étaient strictement les mêmes que ceux qui présidaient à la décision rendue le 29 septembre 2017 à savoir que :

-le passif de Mm [W] était rigoureusement le même que celui qui est l'objet de la présente procédure de surendettement à savoir qu'il était composé de la seule créance de M. [I] pour un montant de 36 482,50 euros ;

-la situation de revenus de Mme [W] n'a pas changé alors qu'elle continue à bénéficier à titre de ressources d'un salaire qui lui est versé en sa qualité d'assistante en milieu scolaire pour élèves présentant un handicap, outre une prime d'activité ;

-la situation de Mme [W] n'a pas davantage été modifiée au titre des charges, à savoir qu'elle est hébergée actuellement dans un immeuble dont sa mère a l'usufruit à la suite du décès de son père, a des charges liées à sa participation aux dépenses courantes du foyer et à ses frais de transport pour rejoindre son lieu de travail ;

-la situation patrimoniale de Mme [W] n'a pas davantage changé, dès lors qu'elle est toujours titulaire au jour de l'audience devant la cour d'appel de droits en nu-propriété sur l'immeuble sis [Adresse 3] à hauteur de 25 % suite au décès de son père , comme cela était déjà rappelé dans le jugement rendu le 29 septembre 2017, ce jugement ayant précisé que le frère de la débitrice était également titulaire de droits en nue-propriété à concurrence du quart, tandis que la mère de Mme [W] était titulaire de l'autre moitié des droits de propriété au titre de ses droits de communauté, et usufruitière du tout au titre de ses droits successoraux de conjoint survivant. Il sera précisé que le jugement avait alors considéré que Mme [W] ne disposait d'aucun actif facilement réalisable au titre de cet immeuble , le juge d'instance ayant par ailleurs retenu comme pertinente l'évaluation proposée par la débitrice entre 100 000 et 105 000 euros au vu d'une attestation de l'agence immobilière 'espace immobilier'.

Il y a lieu cependant de relever qu'en dépit de l'absence d'élément nouveau, aucune fin de non-recevoir liée à l'autorité de la chose jugée n'a été soulevée et que la recevabilité de la demande de ce chef a été consacrée par le jugement aujourd'hui définitif rendue par le juge d'instance le 3 décembre 2019, lequel jugement a déclaré, sur le recours de M. [I], la demande de Mme [W] tendant au traitement de sa situation de surendettement recevable.

Ces points ayant été précisés, il sera rappelé qu'aux termes de l'article L 733-10 du code de la consommation, «'une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret, les mesures imposées par la commission en application des articles L 733-1, L 733-4 ou L 733-7. »

Aux termes de l'article L 733-13 du code de la consommation, "le juge saisi de la contestation prévue à l'article L 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L 733-1, L 733-4 et L 733-7. Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l'article L 731-2. Elle est mentionnée dans la décision. Lorsqu'il statue en application de l'article L 733-10, le juge peut en outre prononcer un redressement personnel sans liquidation judiciaire."

Aux termes de l'article L 731-1 du code de la consommation, 'le montant des remboursements est fixé, dans des conditions précisées par décret en conseil d'État, par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des articles L 3252-2 et L 3252-3 du code du travail, de manière à ce que la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité.'

Aux termes de l'article L 731-2 du code de la consommation, 'la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage ne peut être inférieure, pour le ménage en cause, au montant forfaitaire mentionné à l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles. Elle intègre le montant des dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé.'

Selon l'article R 731-1 du code de la consommation, 'pour l'application des dispositions des articles L 732-1, L 733-1 et L 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L 731-1, L 731-2 et L 731-3, par référence au barème prévu à l'article R 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.'

Il résulte de ces articles que le montant des remboursements à la charge du débiteur, dans le cadre des mesures de traitement de sa situation de surendettement, doit être fixé par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du débiteur, égale au moins au montant forfaitaire du revenu de solidarité active dont il disposerait, lui soit réservée par priorité et à ce qu'il n'excède pas la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant du revenu de solidarité active.

Le juge apprécie la situation du débiteur au regard des éléments dont il dispose au jour où il statue.

Il sera précisé que Mme [W] qui ne dispose que d'un salaire d'un montant inférieur à 1000 euros par mois et d'une petite prime d'activité et qui doit faire face à une dette d'un montant de 36 482,50 euros sans avoir d'épargne est indiscutablement, à la date des débats devant le premier juge comme à la date des débats devant la cour en situation de surendettement, étant précisé qu'il est constant qu'une situation de surendettement peut résulter d'une seule dette. Du reste, M. [I] qui suggère une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ne conteste pas véritablement la réalité de cette situation de surendettement.

La demande de traitement de sa situation de surendettement demeure donc toujours parfaitement recevable .

Pour répondre à plusieurs moyens soulevés par M. [I] , il sera d'emblée précisé

que :

-effectivement sont exclues de tout effacement les créances dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur par la caution ou le codébiteur solidaire personne physique (articles L. 733-4 et R 733-7 du code de la consommation, articles L. 741-2 et L. 742-22 du code de la consommation ) ; qu'à cet égard, si la commission a décidé d'imposer l'effacement partiel de la créance de M. [I] en fin de plan, méconnaissant à la fois l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le juge d'instance le 29 septembre 2017 et les dispositions législatives et réglementaires précitées, le premier juge n'a nullement méconnu le fait que la créance de M. [I] était ineffaçable, laissant subsister son solde en fin de plan ;

-nonobstant le caractère ineffaçable de la créance de M. [I] , cette dernière peut faire l'objet d'un aménagement dans le cadre des mesures de traitement du passif, aucune disposition ne s'y opposant ;

-dès lors que la créance de M. [I] peut faire l'objet de mesures sous la forme d'un rééchelonnement, il peut être décidé que la créance ne portera intérêt qu'à 0 % , une telle mesure ne s'analysant pas en un effacement déguisé ;

-contrairement à ce qui est soutenu par M. [I] et conformément à ce qui est énoncé par le jugement entrepris, aucune disposition ne prévoit le respect d'un délai de huit années suite à une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire pour pouvoir bénéficier d'une nouvelle procédure de surendettement ;

-si au titre d'un même passif, un débiteur ne peut au travers de procédures successives de surendettement, bénéficier de mesures de rééchelonnement cumulées qui excèdent une durée de 84 mois, cette restriction n'a pas d'objet dans la présente espèce, puisque la première procédure de surendettement de Mme [W] s'est soldée non pas par un plan mais par une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le prononcé d'un tel rétablissement personnel ayant eu pour effet de clôturer le dossier de surendettement de la débitrice, de sorte que les 84 mois autorisés par le code de la consommation au titre des mesures de report et de rééchelonnement peuvent encore être utilisés, comme l'a exactement énoncé le premier juge .

-en fixant le montant des remboursements de Mme [W] dans le cadre du plan au montant de la quotité saisissable soit à la somme de 122,35 euros, et ce en retenant que la débitrice percevait à titre de revenus un salaire de 763,97 euros outre une prime d'activité d'un montant de 229,86 euros, le jugement entrepris n'a contrevenu à aucune des dispositions rappelées plus haut ;

-pour ce calcul de la quotité saisissable , le jugement entrepris a à bon droit cumulé l'ensemble des revenus de la débitrice, nonobstant le caractère insaisissable de la prime d'activité.

Sur le calcul de la capacité de remboursement de la débitrice :

Il résulte des pièces produites dans le cadre de la demande d'actualisation formée par la cour par sa décision prise en forme de mention au dossier que Mme [W], ainsi cela a déjà été précisé, travaille toujours en qualité d'AESH en contrat à durée déterminée au sein des services de l'Education Nationale ; qu'elle a perçu de ce chef un salaire net à payer d'un montant de 913,63 euros pour le mois de janvier 2022, de 813,63 euros pour le mois de février 2022 et de 813,63 euros pour le mois de mars 2022, soit un salaire mensuel moyen de pour les trois mois considérés de 846 euros.

Elle perçoit par ailleurs mensuellement de la CAF une prime d'activité pour un montant de 202,71 euros par mois.

Le total de ces revenus est ainsi de 1048,71 euros.

La quotité saisissable est d'un montant de 133,93 euros.

Mme [B] [W] n'a pas de charges de loyer, elle vit au domicile de sa mère qui bénéficie de l'usufruit sur l'immeuble occupé. Elle n'a pas d'autres charges que sa participation aux charges courantes du foyer et le montant de ses frais de transport.

Mme [W] souhaite à tout prix sauver le logement qu'occupe sa mère qui est âgée de 87 ans et pour laquelle l'éviction de son logement pourrait avoir des répercussions considérables sur son état de santé.

En réalité cependant, l'usufruit dont bénéficie la mère de Mme [W] n'est pas véritablement susceptible d'être remis en cause dans le cadre des actions que M. [I] pourrait mettre en oeuvre pour obtenir le règlement de sa créance à l'égard de Mme [B] [W]. En effet, il est de principe selon lequel le juge ne peut, à la demande du créancier personnel d'un indivisaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier. Cette solution est valable même si le droit de l'usufruitier est reporté sur le prix de vente.

Néanmoins, il y a lieu de relever que Mme [B] [W] n'a d'autre logement que cet immeuble. La vente forcée de la seule nue-propriété toujours possible ne pourrait intervenir que dans des conditions très défavorables, au regard de la faible attractivité d'une telle vente et dans des conditions qui compromettraient les possibilités de relogement ultérieur de la débitrice, faute pour cette dernière d'obtenir un quelconque reliquat sur le prix de vente.

Il convient donc de décider d'une solution suffisamment équilibrée qui ne compromette pas totalement les intérêts de la débitrice sans méconnaître les droits de son créancier.

En application des dispositions de l'article L731-2 alinéa 2 du code de la consommation en vue d'éviter la vente de la résidence principale, le montant des remboursements peut, avec l'accord du débiteur, et dans des limites raisonnables, excéder la somme calculée par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des dispositions des articles L. 3252-1 et L.3252'2 du code du travail.

Le premier juge a fixé le remboursement par rapport à la quotité saisissable. Cependant, Mme [W] accepte des remboursements à hauteur de la somme de 150 euros par mois. Il convient de prévoir des remboursements à hauteur de cette somme pendant une durée de 84 mois courant à compter du présent arrêt.

Il sera observé que le jugement entrepris a inséré dans son dispositif une clause dite de retour à meilleure fortune en prévoyant qu'il appartiendra à la débitrice en cas de changement significatif de ses conditions de ressources à la hausse, de saisir la commission de surendettement d'une nouvelle demande.

Il convient de prévoir en effet que dans l'hypothèse où la débitrice réunirait l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 3], à la nue-propriété (ce qui permettrait une vente de l'immeuble beaucoup plus avantageuse), il lui appartiendra d'en aviser M. [I] et de saisir la Commission d'une nouvelle demande.

Les dépens resteront à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS :

Déclare l'appel de M. [F] [I] recevable ;

Déboute M. [F] [I] de sa demande tendant à voir annuler le jugement

entrepris ;

Statuant sur sa demande subsidiaire en réformation du jugement entrepris,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la mensualité de remboursement mis à la charge de Mme [B] [W] et sur le point de départ du plan ;

Statuant à nouveau sur ces deux seuls points ,

Fixe la capacité de remboursement de Mme [B] [W] à la somme de 150 euros par mois ;

Dit en conséquence qu'à l'issue du plan restera due à M. [F] [I] la somme de 23 882,50 euros, qui n'est pas susceptible d'effacement ;

Dit que la première mensualité devra être réglée au plus tard le 15 du mois suivant la notification du présent arrêt, les règlements postérieurs intervenant au plus tard le 15 de chaque mois ;

Ajoutant à la clause de retour à meilleure fortune prévue par le jugement,

Précise que dans l'hypothèse où la débitrice réunirait l'usufruit de l'immeuble sis [Adresse 3], à la nue-propriété, il lui appartiendra d'en aviser M. [I] et de saisir la Commission d'une nouvelle demande.

Précise qu'il n'entre pas dans la mission du juge du surendettement de statuer sur les conditions de prescription du titre exécutoire d'un créancier alors que l'existence de la créance de ce dernier consacrée par ce titre exécutoire n'est pas remise en cause au moment où il statue ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier, Le président,

G. Przedlacki V. Dellelis


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 2
Numéro d'arrêt : 21/01860
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.01860 ?
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