République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 15/09/2022
N° de MINUTE : 22/756
N° RG 20/02942 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TD7L
Jugement (N° 18/07572) rendu le 28 mai 2020 par le tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de Lille
APPELANTS
Madame [X] [T] épouse [P]
née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 12] (59) - de nationalité française
[Adresse 7]
[Localité 3]
Monsieur [E] [P]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11] (59) - de nationalité française
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentés par Me Clément Fournier, avocat au barreau de Lille et Me Garry Arneton, avocat au barreau de Paris substitué par Me Akman, avocat
INTIMÉES
Sa Crédit du Nord société anonyme au capital de 890.263.248 € immatriculée au rcs de Lille Métropole sous le n° b 456 504 851
[Adresse 5]
[Localité 6]/France
Sa Société Marseillaise de Crédit
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentés par Me Caroline Chambaert, avocat au barreau de Lille et Me Emmanuelle Orengo, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 01 juin 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 mai 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre de prêt en date du 31 mars 2005, la SA Crédit du Nord en son agence de [Localité 9] a consenti à M. [E] [P] et Mme [X] [T] épouse [P] un prêt immobilier destiné au financement de l'acquisition d'une maison individuelle sise à [Localité 10] (Bouches-du-Rhône) composé comme suit :
- un crédit relais d'un montant de 66'110 euros, d'une durée de 24 mois, assorti des intérêts au taux de 3,05 % et au taux effectif global (TEG) à 3,456 %,
- un crédit amortissable Libertimmo 3 d'un montant de 203'000 euros, d'une durée de 168 mois, assorti des intérêts au taux de 3,050 % pendant trois mois, puis au taux révisable TIBEUR 3 majoré de 0,880 points et au taux effectif global de 3,729 %.
Par exploit d'huissier délivré le 19 juillet 2018, M. [P] et Mme [T] ont fait assigner en justice le Crédit du Nord aux fins de voir constater que le TEG indiqué à l'offre de prêt est erroné, en conséquence prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts du Crédit du Nord, subsidiairement prononcer la nullité des stipulations d'intérêts conventionnels, voir ordonner la substitution des taux d'intérêts conventionnels au taux légal et condamner le Crédit du Nord à leur rembourser le montant des intérêts indûment perçus, voir ordonner la communication de nouveaux tableaux d'amortissement établis sur la base du taux légal applicable, et condamner la banque à leur payer la somme de
5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par exploit d'huissier délivré le 28 mars 2019, ils ont fait assigner aux mêmes fins la Société Marseillaise de Crédit devant le tribunal de grande instance de Lille. La jonction des instances a été ordonnée.
Par jugement contradictoire en date du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :
- déclaré M. [P] et Mme [T] irrecevables en leurs demandes formulées à l'encontre de la SA Crédit du Nord,
- déclarer M. [P] et Mme [T] irrecevables en leurs demandes formulées à l'encontre de la Société Marseillaise de Crédit pour cause de prescription,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SA Crédit du Nord en sa demande d'indemnité formulée en application 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 juillet 2020, M. [P] et Mme [T] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement, sauf en ce qu'il a débouté la SA Crédit du Nord de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, les appelants demandent à la cour de :
'Vu les articles L.313-1 et R.313-1 du code de la consommation dans leur version applicable au cas d'espèce, vu l'article 1709 du code civil, vu le décret n°2014-98 du 4 février 2014,
- débouter purement et simplement la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ; que le taux effectif global indiqué dans l'offre de prêt émise le 31 mars 2005 par le Crédit du Nord est erroné (sic),
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il les a déclarés irrecevables en leurs demandes formulées à l'encontre de la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit, en ce qu'il les a déclarés irrecevables en leurs demandes pour cause de prescription, en ce qu'il les a condamnés in solidum aux dépens, et en ce qu'il les a condamnés à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 à la Société Marseillaise de Crédit,
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SA Crédit du Nord de sa demande d'indemnité formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
y faisant droit et statuant à nouveau :
à titre principal,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts de la SA Crédit du Nord et de la Société Marseillaise de Crédit,
- condamner in solidum la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit à leur restituer le montant des intérêts indûment perçus en conséquence de la déchéance totale du droit aux intérêts,
- ordonner à la SA Crédit du Nord à la Société Marseillaise de Crédit de leur communiquer de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la déchéance totale du droit aux intérêts,
à titre subsidiaire,
- prononcer la nullité des stipulations d'intérêts conventionnels,
- ordonner la substitution des taux conventionnels aux taux légaux en vigueur à la date d'acceptation de l'offre de prêt sans que celui-ci ne puisse excéder 1 % et sans remettre en cause les taux d'intérêt inférieurs à 1 % pratiqués par le passé,
- condamner in solidum la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit à restituer le montant des intérêts indûment perçus en conséquence de la nullité de la stipulation d'intérêts,
- ordonner à la SA Crédit du Nord et à la Société Marseillaise de Crédit de communiquer de nouveaux tableaux d'amortissement établis sur la base du taux légal applicable sans que celui-ci ne puisse excéder 1 %,
à titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts de la SA Crédit du Nord et de la Société Marseillaise de Crédit pour un montant de 20'000 euros, sous réserve de la libre appréciation de la cour,
- ordonner à la SA Crédit du Nord et à la Société Marseillaise de Crédit de communiquer de nouveaux tableaux d'amortissement en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts,
en tout état de cause,
- débouter la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner la SA Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA Crédit du Nord et la société marseillaise crédit aux entiers dépens de la présente instance.'
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2022, le Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit demandent à la cour de :
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, vu le traité d'apport partiel d'actifs du 11 septembre 2012, vu l'article L.110-4 du code de commerce, vu l'ancien article 1304 du code civil, vu les anciens articles L.312-1 et L.313-1 et suivants du code de la consommation, vu l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 28 mai 2020 sauf en ce qu'il a débouté le Crédit du Nord de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
en conséquence,
- déclarer M. [P] et Mme [T] irrecevables en leurs demandes à l'encontre du Crédit du Nord,
- déclarer l'action de M. [P] et Mme [T] prescrite,
à titre subsidiaire,
- débouter purement et simplement M. [P] et Mme [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
y ajoutant,
- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à payer au Crédit du Nord une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,
en tout état de cause,
- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à payer au Crédit du Nord et la Société Marseillaise de Crédit une indemnité de 3 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 1er juin 2022.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du Crédit du Nord
En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
C'est par des motifs pertinents exempts d'insuffisance que la cour adopte, que le premier juge a constaté que l'action des époux M. [P] était irrecevable en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du Crédit du Nord nonobstant les réponses apportées par ce dernier aux demandes pré-contentieuses, au motif qu'en vertu du traité partiel d'actifs intervenu le 11 septembre 2012, la Société Marseillaise de Crédit est désormais substituée et subrogée de plein droit dans les droits et obligations du Crédit du Nord dans la branche apportée, à savoir l'universalité des biens affectés à ses activités dans le secteur Provence Alpes Côte d'Azur, pour tous les engagements reçus au titre de la branche apportée et figurant au bilan de la banque apporteuse au 31 décembre 2011, et notamment le contrat de prêt litigieux liant le Crédit du Nord à M. [P] et Mme [T] ; que le traité d'apport partiel d'actifs a été approuvé par décision d'assemblée générale mixte du 19 octobre 2012, cette décision ayant été publiées dans un journal d'annonces légales.
Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de M. [P] et Mme [T] irrecevables à l'encontre du Crédit du Nord.
Sur la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts et en nullité
Les époux M. [P] font valoir que leurs demandes ne sont pas prescrites dans la mesure où ils n'ont découvert les erreurs de calculs du TEG qu'à la faveur d'une analyse faite par leur conseil en 2017, confirmée par l'analyse financière qu'ils ont fait effectuer par le cabinet d'expertise comptable RCL Experts et Conseils en date du 16 mai 2018.
La Société Marseillaise de Crédit maintient sa fin de non-recevoir à raison de la prescription des demandes au motif que les frais de garanti était déjà évoqués par l'avocat des appelants, lequel n'est pas un professionnel du chiffre et en a fait le constat à la lecture de l'offre, que le grief tenant à la mention de deux TEG à l'acte résulte d'une simple lecture de celle-ci, de même que le grief tenant à l'absence d'une notice d'information relative au taux variable.
La demande tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en matière de prêt immobilier sur le fondement des article L.312-33 du code de la consommation est soumise à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à laquelle a succédé, à compter de l'entrée en vigueur de celle-ci, le 19 juin 2008, une prescription quinquennale, applicable aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (article 26 de la loi du 17 juin 2008).
Par ailleurs, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans, en application de l'article1304 du code civil.
En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou les mentions de l'offre ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.
Contrairement à ce qu'a retenu par le premier juge, la recevabilité de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ou de déchéance du droit aux intérêts s'apprécie au regard de chaque grief invoqué par l'emprunteur.
A l'appui de leurs demandes de déchéance du droit aux intérêts ou de nullité M. [P] et Mme [T] invoquent :
- l'inexactitude du TEG à raison de l'omission dans son calcul des frais de garantie obligatoires, - la mention de deux TEG alors qu'il s'agit d'une seule et unique offre de prêt qui n'aurait dû mentionner qu'un seul TEG global,
- le non-respect des dispositions de l'article L.312-8 du code de la consommation en ce qu'ils n'ont jamais reçu la notice présentant les conditions et modalités de variation du taux,
En premier lieu, s'agissant de l'anomalie alléguée tenant à la mention de deux TEG, l'un de 3,456 % pour le crédit relais, et l'autre de 3,729 % pour le prêt Libertimmo 3, elle pouvait parfaitement être décelée dès la simple lecture de l'offre, ces taux étant expressément mentionnés à l'acte.
Le point de départ du délai quinquennal de prescription des actions en nullité et en déchéance du droit aux intérêts doit en conséquence être fixé à la date d'acceptation de l'offre par les emprunteurs. Ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, les époux M. [P] n'ont pas cru devoir préciser la date de l'acceptation de l'offre émise le 31 mars 2005, pas plus que la date de réception, que cependant les conditions générales précisent que l'offre est valable 30 jours à compter de sa date de réception, et il convient de considérer, compte tenu d'une date d'émission au 31 mars 2005 et des délais d'acheminement par voie postale, que la date d'acceptation ne saurait être postérieure au 3 mai 2005, ce qui n'est pas contesté par les emprunteurs.
Il convient donc de fixer le point de départ de la prescription quinquennale au 3 mai 2005.
Aussi, au jour de leur exploit introductif d'instance à l'encontre de la Société Marseillaise de Crédit le 28 mars 2019, alors que le délai expirait le 19 juin 2013, M. [P] et Mme [T] étaient prescrits en leur action en déchéance du droit aux intérêts et en nullité à raison de la mention de deux TEG dans l'offre de crédit.
En deuxième lieu, s'agissant du défaut de remise allégué de la notice présentant les conditions de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit exigé par l'article L.312-8 du code de la consommation, le point de départ du délai de prescription doit également être fixé au jour de l'acceptation de l'offre, date à laquelle cette information aurait dû être remise et à laquelle les emprunteurs ont nécessairement eu connaissance qu'elle ne l'avait pas été. Dès lors, M. [P] et Mme [T] sont également prescrits en leur demande de déchéance du droit aux intérêts et nullité à raison de l'absence de remise de l'information prescrite par l'article L.312-8 du code de la consommation.
En troisième lieu, s'agissant de caractère erroné du TEG afférent au crédit Libertimmo 3, en ce qu'il n'aurait pas pris en compte les frais de garantie, l'offre de crédit
mentionne :
'Montant des intérêts : 46 669,84 euros
montant des frais de dossiers (TTC) : 264,01 euros
montant de l'assurance : 10 231,20 euros
coût total : 57 165,05 euros
Frais de constitutions de garanties (estimation): 3 338 euros
Taux Effectif Global :3,729 %
Taux de période :0,310 %''
Ces mentions peuvent laisser penser aux emprunteurs profanes que les frais de garantie, même s'il s'agissait d'une simple estimation, étaient pris en compte dans l'assiette de calcul du TEG, la ligne 'Taux Effectif Global' se trouvant en dessous de celle relative au frais de constitutions de garantie. Au regard des mentions ambigües de l'offre, M. [P] et Mme [T], dont il n'est pas démontré qu'ils avaient des compétences particulières en matière bancaire et de calcul des intérêts, n'étaient pas en mesure de constater à la simple lecture de celle-ci que les frais de garantie n'étaient pas, comme il le prétendent, inclus à l'assiette de calcul du TEG, et il ne peut leur être fait grief de ne pas avoir refait des calculs lors de la souscription de l'offre.
Il s'observe donc que le caractère erroné du TEG à raison de la non-prise en compte des frais de garantie alléguée n'a été révélée aux emprunteurs qu'au jour de l'examen de l'offre par leur conseil, et il convient en conséquence de fixer le point de départ de la prescription quinquennale au 18 août 2017, date de l'envoi du courrier de réclamation de leur conseil au Crédit du Nord.
Il suit que leur demandes de déchéance du droit aux intérêts et de nullité de ce chef n'est pas prescrite et qu'elle est recevable, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts et nullité de la stipulation d'intérêts
Il résulte des articles L.312-8, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt immobilier d'un TEG erroné, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l'emprunteur. (1ère Civ., 12 novembre 2020 pourvoi n°19.10-313). Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'inexactitude du TEG en application de l'article 9 du code de procédure civile.
En l'espèce, M. [P] et Mme [T] se fondent sur l'analyse mathématique établie le 16 mai 2018 par le cabinet d'expertise comptable RCL Experts et Conseils qu'ils produisent, lequel conclut que la banque a omis d'intégrer dans le calcul du TEG du prêt Libertimmo 3 les frais de constitution de garanties estimés à 3 338 euros et qui conclut qu'en intégrant ces frais, le TEG aurait dû être de 3,949 % et non de 3,729 % comme indiqué à l'acte.
Il résulte de l'article 16 du code de procédure civile que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties.(1ère Civ 1er juillet 2020 ; pourvoi n° 19-11.401)
L'affirmation selon laquelle les frais de constitution de garanties auraient été omis dans le calcul du TEG n'est pas confirmée par la rédaction de l'offre, dans la mesure où ces frais y sont mentionnés, et ne se fonde sur aucun autre élément du dossier qui corroborerait l'analyse et les calculs du cabinet RCL Experts et Conseils. Aucun élément de preuve ou indice complémentaire n'est produit par les emprunteurs qui se fondent exclusivement sur les affirmations et calculs de leur expert pour tenter de démontrer que le TEG ne tient pas compte desdits frais.
Dès lors, le rapport d'expertise établi non contradictoirement ne peut valoir de preuve à cet égard, et il convient en conséquence de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur la non-prise en compte des frais de constitution de garantie alléguée.
En conséquence, les emprunteurs ne rapportent pas la preuve de ce que le TEG est erroné, et il convient de les débouter de leurs demande de déchéance du droit aux intérêts à raison du caractère erroné du TEG.
Seule la sanction de la déchéance du droit aux intérêts étant encourue, la demande subsidiaire de nullité pour ce même motif sera rejetée.
Sur l'inexécution contractuelle de la banque
M. [P] et Mme [T] soutiennent que la banque a fait une mauvaise application du contrat de crédit en percevant des intérêts supérieurs à ceux prévus au contrat au motif qu'elle a systématiquement utilisé le taux de majoration de 0,880 % comme un taux 'plancher' lorsque l'indice de référence était négatif, et à titre d'exemple, précise que lorsque l'Euribor 3 mois s'élevait à -0,301, au lieu d'ajouter à ce taux 0,880 et ainsi obtenir un taux de 0,579 % (-0,301 + 0,880) la banque a fixé le taux conventionnel à 0,880 % comme s'il s'agissait d'un taux plancher. Ils versent aux débats les informations trimestrielles adressées par la banque concernant le nouveau taux applicable, et ce, jusqu'à l'information du 22 juin 2015 sur le nouveau taux de 0,880 % applicable à compter du 20 juin 2015.
La banque fait valoir que selon les dispositions des articles L.313-1 du code monétaire et financier et 1906 du code civil, le prêt accordé par une banque à un emprunteur est un contrat à tire onéreux, ce qui implique que l'emprunteur paye des intérêts en contrepartie du capital prêté, et exclut l'hypothèse de l'application d'un taux d'intérêt négatif, dans la mesure où cela conduirait à la gratuité du prêt, voire à obliger la banque à payer des intérêts à l'emprunteur. Elle ajoute que lorsque les parties ont convenu d'appliquer un taux variable augmenté d'une marge fixe, cette marge doit être considérée comme un plancher, sans qu'il soit nécessaire que les parties l'aient expressément convenu, le taux de 0,880 % constituant en l'espèce le taux plancher.
A supposer même, comme le soutiennent les appelants, que le taux de 0,880 % ne soit pas contractuellement un taux plancher, force est de constater qu'ils ne tirent aucune conséquence du prétendu manquement de la banque quant au calcul du taux variable, puisque :
- d'une part, ils ne reprennent pas expressément ce manquement au titre des sanctions réclamée (page 23 de leur conclusions ils ne visent uniquement l'existence d'un TEG erroné en raison de l'absence de prise en compte dans son calcul des frais de garantie, la mention dans l'offre de deux TEG, et enfin, le non-respect par la banque des dispositions de l'article L.312-8 du code de la consommation en ce qu'elle ne leur a pas remis la notice présentant le conditions et modalité de variation du taux et n'excipent , et n'excipe pas du non-respect par la banque des dispositions contractuelles lors du calcul du taux variable),
- et que d'autre part, ils ne demandent pas le remboursement d'un éventuel trop perçu d'intérêts par la banque à ce titre.
Dès lors, ce moyen est inopérant.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] et Mme [T], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, et déboutés de leurs demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu des sommes déjà allouées par le premier juge, il convient de débouter la Société Marseillaise de Crédit de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, les appelants auraient dû s'abstenir de maintenir leur poursuite à l'encontre le Crédit du Nord, mais l'ont néanmoins intimé devant la cour. Il convient en conséquence de les condamner à payer au Crédit du Nord la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. [E] [P] et Mme [X] [T] irrecevables en leurs demande à l'encontre du Crédit du Nord et en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare M. [E] [P] et Mme [X] [T] irrecevables en leurs demandes de déchéance du droit aux intérêts et de nullité à raison de la mention de deux TEG dans l'offre de prêt du 31 mars 2005 et pour défaut de remise de l'information prescrite par l'article L.312-8 du code de la consommation, comme étant prescrites ;
Déclare M. [E] [P] et Mme [X] [T] recevables en leurs demandes de déchéance du droit aux intérêts et de nullité à raison de la non-prise en compte des frais de garantie dans le calcul du TEG de l'offre du 31 mars 2005 ;
Déboute M. [E] [P] et Mme [X] [T] de leurs demandes de déchéance du droit aux intérêts et de nullité à raison de la non-prise en compte des frais de garantie dans le calcul du TEG de l'offre du 31 mars 2005 ;
Déboute M. [E] [P] et Mme [X] [T] du surplus de leurs demandes ;
Condamne M. [E] [P] et Mme [X] [T] à payer au Crédit du Nord la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la Société Marseillaise de Crédit de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [E] [P] et Mme [X] [T] in solidum aux dépens d'appel.
Le greffier,Le président,
G. PrzedlackiY. Benhamou