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08/09/2022 | FRANCE | N°21/05346

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 08 septembre 2022, 21/05346


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 08/09/2022



****





N° de MINUTE : 22/291

N° RG 21/05346 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T46Z



Jugement (N° 19/02119) rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune







APPELANTE



Association [7]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Bethune

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INTIMÉE



Association ATPC Association Tutelaire du Pas de Calais

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Virginie Leleu, avocat au barreau de Bethune



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gu...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/291

N° RG 21/05346 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T46Z

Jugement (N° 19/02119) rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

Association [7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Bethune

INTIMÉE

Association ATPC Association Tutelaire du Pas de Calais

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Virginie Leleu, avocat au barreau de Bethune

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 05 mai 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Par jugement du 29 juin 2007, le juge des tutelles de Béthune a placé [U] [M] sous le régime de la curatelle renforcée et nommé l'association tutélaire du Pas-de-Calais (ATPC) en qualité de curateur.

Le 20 juin 2013, le juge des tutelles de Béthune a rendu un jugement portant aggravation de la mesure de curatelle renforcée dont bénéficiait [U] [M] en mesure de tutelle, et a désigné l'ATPC en qualité de tuteur.

[U] [M] qui résidait, au titre de différents contrats d'hébergement, au sein d'une maison de retraite gérée par l'association [7], est décédée le [Date décès 2] 2017.

A son décès, les comptes de l'association [7] ont fait apparaître un solde débiteur de 15'031,99 euros correspondant à ses frais d'hébergement non réglés.

Suivant acte du 3 juin 2019, l'association [7] a fait assigner l'ATPC devant le tribunal judiciaire de Béthune notamment aux fins de la voir condamner à l'indemniser de son préjudice financier correspondant au solde débiteur du compte de [U] [M].

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 10 août 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a :

1. rejeté la demande en paiement de la somme de 15'031,99 euros formée par l'association [7] à l'encontre de l'ATPC ;

2. condamné l'association [7] aux dépens ;

3. rejeté les demandes de l'association [7] et de l'ATPC formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

4. rejeté la demande d'exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 18 octobre 2021, l'association [7] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, dans des conditions de forme et de délai non contestées, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de procédure de l'ATPC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 février 2022,

l'association [7], appelante principale, demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement querellé, et de :

- condamner l'ATPC à lui verser la somme de 15'031,99 euros en réparation de son préjudice financier correspondant au solde débiteur du compte de [U] [M] ;

- condamner l'ATPC à lui payer la somme de 3'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, l'association [7] fait valoir que :

- l'ATPC a commis des fautes de gestion dans la mise en place de la curatelle renforcée de [U] [M], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée ;

- à son arrivée dans la structure, [U] [M] réglait elle-même ses factures et n'avait aucune dette d'hébergement ;

- l'ATPC a fait preuve de négligence dans le traitement de la demande d'aide sociale au nom et pour le compte de la majeure protégée ;

- à titre principal, elle fonde sa demande sur les dispositions des articles 421 et 1992 du code civil, et considère que l'article 421 ne distingue plus selon que l'action est engagée par le majeur protégé, son représentant légal ou ses ayants droit, ou bien par un tiers, et qu'il prévoit un régime spécial de responsabilité de l'organe de la mesure de protection judiciaire ;

- à titre subsidiaire, elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ;

- alors que les ressources de la résidente ne lui permettaient pas d'assurer le règlement des frais d'hébergement et que ses obligés alimentaires s'avéraient impécunieux, il appartenait à l'ATPC d'effectuer avec diligence toute démarche pour obtenir l'aide sociale, alors que la majeure protégée en a été privée pendant six années';

- ses factures d'hébergement sont restées impayées dès 2010, alors que le premier dossier de demande d'aide sociale s'est avéré incomplet, et que l'action aux fins d'obligation alimentaire n'a été engagée que courant 2012';

- à cette époque, elle ne pouvait valablement engager, au lieu et place de l'ATPC, l'action préalable obligatoire envers les obligés alimentaires sur le fondement de l'article L.'314-12-1 du code de l'action sociale et des familles lequel, créé par l'article 61 de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015, n'est entré en vigueur que le 30 décembre de la même année';

- le jugement de condamnation des deux obligés alimentaires a été rendu le 27 novembre 2012, mais l'ATPC attend le 9 septembre 2013, puis le 25 juin 2014, pour en confier l'exécution forcée à deux huissiers de justice, qui concluront à l'insolvabilité des débiteurs';

- dès le 19 avril 2012, le président du conseil général du Tarn avait accepté d'admettre provisoirement [U] [M] au bénéfice de l'aide sociale, dans l'attente des justificatifs établissant la saisine du juge aux affaires familiales';

- par lettre du 4 mai 2012, l'ATPC admettait n'avoir pas encore fait délivrer l'assignation aux obligés alimentaires';

- l'ATPC s'est désistée de son recours formé contre la décision de la commission départementale du Tarn rejetant sa demande de participation aux frais d'hébergement et de dépendance de la majeure protégée au motif que le dossier incomplet ne permettait pas d'évaluer le montant de l'aide sociale';

- ce n'est que le 13 octobre 2016 que l'ATPC a fini par déposer un dossier conforme de demande d'aide sociale';

- les fautes commises par l'ATPC consistent à s'être désistée de son recours, à avoir présenté des dossiers incomplets, à avoir tardé à assigner les descendants puis à exécuter le jugement de condamnation, et à avoir négligé de suivre assidûment le dossier de la personne protégée ;

- le lien de causalité existant entre les fautes et le préjudice est suffisamment établi, dès lors que les manquements fautifs de la tutrice ont retardé la transmission du dossier complet à l'autorité administrative, entraînant ainsi l'absence d'octroi de l'aide sociale et les impayés des factures d'hébergement.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 janvier 2022, l'ATPC, intimée,

demande à la cour, au visa des articles 548 du code de procédure civile et 1241 du code civil, de confirmer le jugement querellé, et de :

- débouter l'association [7] de toutes ses demandes ;

- condamner l'association [7] au paiement d'une somme de 3'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, l'ATPC fait valoir que :

- elle n'a commis dans l'exercice de son mandat aucune faute engageant sa responsabilité ;

- il convient de faire application de l'article 1241 du code civil, et non de l'article 421 du même code seuls le majeur protégé, son représentant légal ou ses ayants droit étant recevables à rechercher la responsabilité du tuteur sur le fondement de l'article 473 alinéa 2 ancien devenu 421 du code civil ;

- elle était chargée d'apporter des soins prudents, diligents et avisés dans la gestion des finances de [U] [M] ;

- avisée le 14 décembre 2010 de trois impayés, elle a immédiatement déposé pour la personne protégée une demande d'aide sociale auprès du conseil général du Tarn dès le 13 janvier 2011 en sollicitant sa prise en charge à compter du 1er janvier 2011 ;

- le conseil général du Tarn a accepté le 3 novembre 2011 d'accorder une prise en charge des frais d'hébergement par l'aide sociale pour une durée d'un an sous réserve d'une saisine du juge aux affaires familiales, soit du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013 ;

- elle a formé une demande de renouvellement de l'aide sociale le 24 mai 2013 en y joignant la copie du jugement du 27 novembre 2012 du juge aux affaires familiales de Béthune ;

- or le conseil général du Tarn a refusé le 3 décembre 2013 le renouvellement du bénéfice de l'aide sociale, au motif que les ressources théoriques de la personne protégée, lesquelles cumulaient la pension de retraite et l'obligation alimentaire de 500 euros, permettaient de couvrir ses frais d'hébergement mensuels ;

- elle a envoyé une troisième demande d'aide sociale à la mairie d'[Localité 6] le 13 octobre 2016 à la suite du jugement du 5 juillet 2016 du tribunal de grande instance de Béthune déchargeant l'une des deux filles de [U] [M] de son obligation alimentaire ;

- elle n'a pas davantage tardé à engager des procédures d'exécution contre les débitrices d'aliments, en multipliant d'abord les démarches amiables, en les mettant en demeure d'honorer leur obligation alimentaire par lettre du 17 décembre 2012, puis en mettant en 'uvre une procédure d'exécution forcée avec la grosse du jugement successivement en 2013 puis 2014 auprès de deux huissiers de justice, compte-tenu de la domiciliation de chaque obligée ;

- elle s'est efforcée de traiter ce dossier avec célérité et au mieux des intérêts de la personne protégée, laquelle disposait d'un budget limité, mais s'est heurtée à l'interprétation stricte faite par le conseil départemental du Tarn de son règlement départemental d'aide sociale, aux délais de traitement des procédures judiciaire et administrative, à la situation de précarité de la personne protégée et de ses ayants droit ;

- l'appelante échoue à rapporter la preuve d'un lien de causalité entre les fautes qu'elle conteste et un préjudice qui n'est pas défini quant aux dates des impayés ;

- [U] [M] ne pouvait avec sa seule retraite régler l'intégralité des frais d'hébergement, et a perçu des aides sociales grâce à son intervention ; il restait dû à son décès une somme de 15'031,99 euros pour des causes multiples sans rapport avec une quelconque faute du service tutélaire.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur le fondement juridique de l'action en responsabilité

Aux termes de l'article 421 du code civil, tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le subrogé curateur n'engagent leur responsabilité du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu'en cas de dol ou de faute lourde.

L'action prévue par ce texte, inséré à la section II du chapitre I du titre XI du code civil, intitulée «'Des dispositions communes aux majeurs protégés'», régit la responsabilité du mandataire judiciaire vis à vis de son protégé, et reste réservée au majeur protégé, à son représentant légal et à ses ayants droit.

Il s'ensuit que les tiers sont recevables à rechercher la responsabilité du tuteur ou curateur sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016- du 10 février 2016, lesquels disposent que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

Le droit commun de la responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle peut être invoqué par tout intéressé, qui y a intérêt et doit alors démontrer l'existence d'une ou plusieurs fautes commises par le tuteur, le préjudice subi, et le lien de causalité existant entre les fautes reprochées et le préjudice.

Dans ces conditions, il appartient à l'association [7] de démontrer en application des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, les fautes qu'elle entend reprocher à l'ATPC, son préjudice et le lien de causalité existant entre les fautes et le dommage.

II - Sur l'action en responsabilité diligentée par le tiers à l'encontre du mandataire judiciaire

Sur les fautes reprochées au mandataire judiciaire

Aux termes de l'article 472 du code civil relatif à la curatelle renforcée, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière ; il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains.

Aux termes de l'article 473 du code civil, le tuteur représente la personne protégée dans tous les actes de la vie civile.

En l'espèce, [U] [M] a bénéficié d'une mesure de curatelle renforcée suivant jugement du juge des tutelles de Béthune rendu le 29 juin 2007, puis d'une mesure de tutelle à compter du 20 juin 2013 jusqu'à son décès survenu le [Date décès 2] 2017, lesquelles ont été confiées à l'ATPC.

Dans le cadre de l'exercice de sa mission de protection, il appartenait au mandataire judiciaire, en application des dispositions susvisées ensemble l'article 496 du code civil, d'assister dans un premier temps, puis de représenter [U] [M] dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. L'ATPC était ainsi tenue d'apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée.

En application des articles 426 et 459-2 du code civil, le curateur ou le tuteur doit veiller à ce que la personne protégée choisisse son lieu de résidence, et conserve son logement aussi longtemps qu'il est possible.

Les parties ne contestent pas que [U] [M] a conclu un contrat d'hébergement avec l'association [7] à compter du 19 janvier 2007, et ce avant même son placement sous mesure de protection.

Par courrier du 14 décembre 2010, l'association [7] a écrit à l'ATPC pour lui signaler que deux factures d'hébergement de [U] [M] du 28 février et 30 juin 2010 pour des montants de 1'872,08 et 2'010,35 euros demeuraient impayées.

Dès le 13 janvier 2011, l'ATPC a adressé au service d'aide sociale de la commune d'[Localité 6] dans le Tarn (81) une demande de prise en charge des frais d'hébergement de [U] [M] en établissement (EHPAD), et ce à compter du 1er janvier 2011.

Par télécopie du 10 mai 2011, le service administratif et comptable de la maison de retraite a relancé l'association tutélaire, et s'est enquis des suites réservées au dossier d'aide sociale de la résidente.

Par télécopie du 16 mai 2011, la déléguée à la mesure de protection de l'ATPC a répondu qu'elle n'avait aucun retour s'agissant de sa demande d'aide sociale, et qu'une demande de décaissement avait été faite pour régler les deux factures de 2010 restées impayées.

Suivant courrier de notification du 30 juin 2011, le président du conseil général du Tarn a rejeté la demande de prise en charge des frais d'hébergement et de dépendance de [U] [M], motifs pris de ce que le dossier était incomplet, tous les obligés alimentaires n'ayant pas justifié de leur insuffisance de ressources ni indiqué l'aide qu'ils étaient susceptibles d'apporter, ce qui l'empêchait d'évaluer le montant de l'aide à apporter par la collectivité.

Le 22 juillet 2011, l'ATPC a interjeté appel de cette décision de rejet devant la commission départementale d'aide sociale du Tarn, considérant que l'absence de renseignements concernant certains obligés alimentaires ne pouvait faire échec à la demande d'admission à l'aide sociale.

Par décision du 19 avril 2012, ladite commission a rejeté le recours de l'ATPC au motif que le justificatif de saisine du juge aux affaires familiales ne lui avait pas été valablement fourni.

Par suite d'un recours engagé le 30 mai 2012 par l'ATPC devant la commission centrale d'aide sociale, le président du conseil général du Tarn a finalement, par décision du 17 septembre 2012, accepté de prendre temporairement en charge les frais d'hébergement et de dépendance de [U] [M] pour la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales fixant l'obligation alimentaire des descendants.

C'est la raison pour laquelle l'ATPC s'est désistée, le 4 septembre 2013, de sa demande d'annulation de la décision du 19 avril 2012 formée auprès de la commission centrale d'aide sociale, laquelle a entériné ce désistement par décision du 26 février 2014.

Parallèlement à l'exercice de ces recours, l'ATPC a confié, le 17 janvier 2012, la défense des intérêts de la majeure protégée à la SELARL Robert & Loonis, avocats associés qui l'ont acceptée, et a demandé à ceux-ci d'assigner en justice les deux filles de la majeure protégée pour voir fixer leur contribution alimentaire aux besoins de leur mère sur le fondement de l'article 205 du code civil.

Par actes d'huissier du 7 juin et 6 juillet 2012, [U] [M] et son curateur, l'ATPC, ont fait assigner Mesdames [S] [Y] [X] et [D] [Y] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béthune afin d'obtenir leur condamnation à une contribution alimentaire aux frais d'hébergement de leur mère.

Suivant jugement réputé contradictoire du 27 novembre 2012, le juge aux affaires familiales a fixé la part contributive de chacune des obligées alimentaires à la somme mensuelle de 250 euros.

Le 24 mai 2013, l'ATPC a renouvelé auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) d'[Localité 6] (81) sa demande de prise en charge des frais d'hébergement de [U] [M], prenant soin par courriel du 22 juillet 2013 d'attirer son attention sur le fait que les enfants ne respectaient pas les termes du jugement les condamnant à l'obligation alimentaire. Malgré cette précaution, le président du conseil général du Tarn a réitéré, par décision du 3 décembre 2013, son refus d'attribution de l'aide sociale, au motif que la personne protégée disposait dorénavant, avec l'aide de ses obligées alimentaires, des ressources suffisantes pour régler ses frais de séjour.

L'ATPC a reçu de son conseil, par lettre du 26 juillet 2013, la grosse du jugement du 27 novembre 2012 et la copie du certificat de non appel, ce qui lui a permis d'en assurer l'exécution.

Les démarches amiables d'exécution dudit jugement ont alors montré que les filles de la majeure protégée se trouvaient elles-mêmes en situation de précarité.

Par lettre du 4 décembre 2013, l'ATPC, devenue tutrice de [U] [M], a confié à la SCP Waterlot Darras, huissier de justice, mission de signifier le jugement du 27 novembre 2012 à Mme [D] [Y] et à la curatrice de celle-ci, l'association Ariane, puis de procéder au recouvrement forcé des sommes dues, insistant sur le caractère urgent de ces démarches, le conseil général du Tarn considérant que les filles pouvaient contribuer à l'entretien de leur mère et persistant dans son refus de prise en charge des frais d'hébergement.

Par courrier du 31 janvier 2014, la SCP Waterlot Darras a retourné l'entier dossier à l'ATPC l'informant de la totale insolvabilité de Mme [D] [Y].

Par lettre du 25 juin 2014, l'ATPC a alors confié à la SELARL Acte & Ose, huissier de justice, mission de signifier le jugement susvisé à la seconde débitrice, Mme [S] [Y] [X], puis de procéder au recouvrement forcé des sommes dues, insistant sur le caractère urgent de l'exécution forcée en raison du refus persistant du conseil général du Tarn.

Par lettres du 27 février 2015, l'ATPC a relancé Mme [D] [Y] et sa curatrice, les invitant à honorer l'obligation alimentaire ou, à défaut, saisir le juge aux affaires familiales afin qu'il constate son état d'impécuniosité.

Par courriers du 12 janvier et 17 mai 2016, la SELARL Acte & Ose a informé l'ATPC des démarches vainement accomplies dans le dossier de recouvrement qui lui avait été confié, Mme [S] [Y] [X] n'ayant jamais respecté ses engagements de règlement malgré les relances répétées de l'étude.

Par jugement réputé contradictoire du 5 juillet 2016, le juge aux affaires familiales de Béthune a supprimé pour cause d'impécuniosité la pension alimentaire mise à la charge de Mme [D] [Y] pour sa mère. Cette décision a fait l'objet par la suite d'une requête en omission de statuer déposée par le conseil de Mme [D] [Y], le juge aux affaires familiales n'ayant pas statué sur la demande de rétroactivité de la suppression de la contribution alimentaire à compter du 29 septembre 2015, date de dépôt de la requête initiale.

Dès le 13 octobre 2016, l'ATPC a de nouveau déposé un dossier complet de demande d'aide sociale à compter du 29 septembre 2015 auprès de la commune d'[Localité 6], et écrit au conseil départemental du Tarn, expliquant de façon détaillée la situation et précisant qu'aucune des obligées alimentaires n'avait effectué le moindre règlement depuis le prononcé du jugement de condamnation.

Par décision du 6 février 2017, la commission de surendettement des particuliers du Pas-de-Calais, précédemment saisie du traitement de la situation de surendettement de Mme [S] [Y] [X], a ordonné pendant une durée de 24 mois la suspension de l'exigibilité de ses dettes, en ce compris la dette de contribution alimentaire à l'égard de sa mère.

Au jour du décès de la majeure protégée le [Date décès 2] 2017, l'extrait de comptes de l'exercice 2018 de l'association [7] montrait un solde débiteur de 15'031,99 euros correspondant aux factures d'hébergement restées impayées pour la période courant d'avril 2016 à juin 2017.

De l'ensemble de ces pièces, éléments et énonciations, il apparaît que dès le 13 janvier 2011, date à laquelle elle a été informée des premiers impayés de factures d'hébergement de la personne protégée, l'ATPC a saisi la commune d'[Localité 6] d'une demande d'aide sociale, puis n'a jamais cessé de s'occuper du dossier. Elle a ainsi multiplié les relances écrites auprès du conseil général du Tarn, l'alertant sur la situation d'urgence dans laquelle se trouvait la personne protégée, puis les recours administratifs, parvenant même à obtenir une aide sociale temporaire couvrant la période allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, suivant décision du 17 septembre 2012.

La cour considère que l'ATPC n'a commis aucune faute en se désistant, le 4 septembre 2013, du recours qu'elle avait formé devant la commission centrale d'aide sociale, ce recours en annulation étant devenu sans objet à la suite de la décision du conseil général du 17 septembre 2012 octroyant provisoirement l'aide sociale à [U] [M] dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales fixant l'obligation alimentaire de ses descendants.

Elle n'a pas davantage tardé à confier à un avocat, dès le début de l'année 2012, la défense des intérêts de [U] [M] afin d'intenter une action contre ses obligées alimentaires, à l'égard desquelles elle ne disposait cependant pas de toutes les informations nécessaires.

Obtenant un jugement de condamnation le 27 novembre 2012, l'ATPC s'est montrée normalement diligente en réclamant d'abord amiablement aux obligées alimentaires le paiement de leur part contributive, puis en décidant de confier, en septembre 2013 et juin 2014, à deux huissiers de justice le recouvrement forcé de la créance d'aliments.

A compter de la fin de l'année 2013, l'ATPC s'est retrouvée tributaire des délais de traitement afférents aux procédures d'exécution forcée confiées aux huissiers de justice, puis à l'instance civile devant le juge aux affaires familiales pour suppression de l'obligation alimentaire mise à la charge de Mme [D] [Y], et enfin à la procédure de surendettement dont a bénéficié Mme [S] [Y] [X].

Au total, la curatrice, devenue tutrice, a déposé pas moins de trois demandes d'aide sociale auprès des services sociaux de la commune d'[Localité 6] le 13 janvier 2011, puis le 24 mai 2013 à réception du jugement du juge aux affaires familiales de Béthune du 27 novembre 2012 fixant la contribution des obligées alimentaires au titre de leur devoir de secours, et enfin le 13 octobre 2016 après l'échec de ses tentatives de recouvrement forcé, et la suppression de la pension alimentaire mise à la charge de Mme [D] [Y].

En définitive, c'est la décision du conseil général du Tarn du 3 décembre 2013 refusant d'accorder l'aide sociale à [U] [M] suite au jugement du 27 novembre 2012 fixant la contribution alimentaire de ses filles à la somme mensuelle de 500 euros qui a retardé l'octroi de l'aide sociale, dans la mesure où la tutrice a ensuite été contrainte d'engager une procédure d'exécution forcée à l'encontre des débitrices, puis d'attendre les décisions déchargeant celles-ci de toute contribution alimentaire.

Il s'ensuit que l'association [7] échoue à démontrer le manque de diligence et de célérité de l'ATPC dans le traitement du dossier d'aide sociale de [U] [M].

La tutrice n'ayant commis aucune faute à l'égard du tiers dans la gestion du dossier d'aide sociale de la majeure protégée, l'association [7] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.

Le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions.

III - Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'association [7] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de la condamner en cause d'appel à payer à l'ATPC une indemnité de procédure de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune,

Y ajoutant,

Condamne l'association [7] aux dépens d'appel,

La condamne en outre à payer en cause d'appel à l'association tutélaire du Pas-de-Calais (ATPC) la somme de 2'500 euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05346
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.05346 ?
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