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08/09/2022 | FRANCE | N°21/03441

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 08 septembre 2022, 21/03441


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 08/09/2022



****





N° de MINUTE :22/281

N° RG 21/03441 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWPK



Jugement (N° ) rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer





APPELANTE



SA MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Philippe Balon, avocat au barreau de Paris



INTIMÉ



Monsieur [I] [M]

né le 24 juillet 1942 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adress...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/09/2022

****

N° de MINUTE :22/281

N° RG 21/03441 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWPK

Jugement (N° ) rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTE

SA MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Philippe Balon, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

Monsieur [I] [M]

né le 24 juillet 1942 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé Leclercq, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 05 mai 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M.'[I] [M] et sa s'ur, Mme [T] [M] épouse [D], étaient propriétaires dans le cadre d'une indivision successorale d'un immeuble situé [Adresse 3].

L'immeuble, assuré par la société MMA iard, a été détruit par un incendie le 13 juillet 2011.

Faute d'accord intervenu sur le montant de l'indemnisation proposé par l'assureur, les consorts [M] ont fait assigner en référé la société MMA iard devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, par acte d'huissier du 13 mai 2014, afin d'obtenir une mesure d'expertise judiciaire, outre le versement d'une somme provisionnelle.

Par ordonnance du 23 juillet 2014, le juge des référés a confié à M. [R] une expertise judiciaire, et condamné la société MMA iard à verser aux consorts [M] une somme provisionnelle de 34'211,11 euros.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 14 décembre 2016.

Par acte d'huissier du 29 juillet 2019, M. [M] a fait assigner la société MMA iard devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer afin d'obtenir le versement de l'indemnité d'assurance à la suite du sinistre.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 11 mai 2021, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :

1. condamné la société MMA iard à payer à M. [M] les sommes de :

337'883,91 euros au titre de l'indemnité d'assurance avec indexation selon l'indice BT01 entre le 14 décembre 2016 et le règlement effectif de la condamnation ;

2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

2. débouté la société MMA iard de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

3. condamné la société MMA iard aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

4. ordonné l'exécution provisoire du jugement.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 juin 2021, la société MMA iard a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, dans des conditions de forme et de délai non contestées.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses conclusions d'appel n°2 notifiées le 2 février 2022, la société MMA iard demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, et de':

- à titre principal, juger que M.'[M] ès qualités est mal fondé en ses demandes, faute de justifier de leur quantum, et ce nonobstant les termes du rapport d'expertise, l'en débouter';

- subsidiairement sur ce point, fixer à la somme de 259'305,89 euros TTC l'éventuelle indemnisation due à M.'[M]';

- en tout état de cause, condamner M.'[M] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, et à la somme de 8'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la société MMA iard fait valoir que :

- malgré le versement de la provision de 34'211,11 euros par courrier officiel du 16 août 2014, aucune mesure conservatoire de l'immeuble n'a été engagée par ses propriétaires, telle qu'un bâchage de la toiture ;

- M.'[M] poursuit à titre individuel une action qui ne peut concerner que l'indivision ;

- le chiffrage retenu par l'expert est contestable en ce qu'il prend en compte la dégradation inéluctable de l'immeuble entre la période immédiatement postérieure au sinistre et le dépôt du rapport ;

- l'aggravation des désordres après sinistre résulte de la seule carence de M. [M], qui n'a pas utilisé la provision reçue conformément à sa destination ;

- dans son rapport, l'expert judiciaire a systématiquement écarté sans s'en expliquer le chiffrage des travaux de reprise qu'elle a pu proposer ;

- à titre subsidiaire, elle offre, provision déduite, à l'assuré une indemnisation de 259'305,89 euros TTC correspondant à la note du 14 novembre 2016 du cabinet Texa.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 2 décembre 2021, M. [M], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1231-1 du code civil et L.'113-5 du code des assurances, de confirmer le jugement querellé, et en conséquence de :

- condamner la société MMA iard à payer la somme de 337'883, 91 euros, provision déduite, avec indexation sur l'indice de la construction BT01 depuis le 14 décembre 2016, date du dépôt du rapport d'expertise ;

- condamner la société MMA iard à payer en cause d'appel la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, M. [M] fait valoir que :

- en application des dispositions des articles 724, 815-2 et 815-3 du code civil, il agit en qualité d'héritier de sa mère, au bénéfice de la succession et non à son profit personnel ;

- son action en paiement de l'indemnité d'assurance, laquelle s'analyse en un acte conservatoire, est recevable, d'autant que sa s'ur a donné son plein accord pour qu'il agisse pour le compte de l'indivision successorale ;

- l'assureur ne conteste pas le principe de son obligation à indemnisation mais seulement le montant des demandes ;

- les photographies montrent que l'immeuble a été ruiné par le sinistre du 13 juillet 2011, et l'absence de mesure de protection prise pour la toiture n'apparaît pas de nature à changer cet état de fait ;

- la provision allouée était notoirement insuffisante pour lui permettre de protéger l'immeuble de façon pérenne ;

- l'expert judiciaire a écarté l'éventualité même de la pose d'une bâche simplifiée sur une surface de toit de 450 m² au regard de la localisation du bien en partie haute de la ville de bord de mer et de la très importante prise au vent qu'elle ne manquerait pas de présenter ; il a retenu que le sinistre était la cause unique de l'état inhabitable de la maison ;

- après dépôt du rapport d'expertise judiciaire, l'assureur ne lui a fait aucune proposition pour tenter de régler amiablement le litige ;

- l'assureur s'est réfugié dans une position d'attente et ne chiffre pas la part du dommage qu'il prétend en lien avec l'absence de mesure conservatoire ;

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité à agir de l'ayant droit

Aux termes de l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

A hauteur d'appel, la société MMA iard n'argumente plus sur l'irrecevabilité des demandes présentées par M.'[M] pour le compte de l'indivision successorale.

En l'espèce, l'immeuble sinistré provient de la succession de la mère de M. [M] et de Mme [T] [M] épouse [D], laquelle n'est pas encore liquidée.

En application de l'article 724 précité, chaque héritier peut, sans le concours des autres indivisaires, exercer les actions tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice subi par leur auteur ou par les biens provenant de celui-ci, étant relevé que l'action intentée par M.'[M] tend à obtenir la condamnation de l'assureur à verser à l'indivision successorale l'indemnité d'assurance couvrant le coût de réfection de l'immeuble incendié.

Suivant attestation du 6 novembre 2021, Mme [T] [M] épouse [D] donne son accord à son frère pour qu'il poursuive pour le compte de l'indivision l'action en indemnisation engagée contre la société MMA iard.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. [M] recevable en ses demandes.

Sur la demande en paiement de l'indemnité d'assurance

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances, lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.

En l'espèce, la société MMA iard ne conteste pas l'existence et le contenu du contrat d'assurance, ni le principe de son obligation d'indemnisation, mais seulement le montant des demandes indemnitaires.

Elle argue que M. [M] n'aurait pas utilisé l'indemnité provisionnelle de 34'211,11 euros qui lui avait été versée pour engager des mesures conservatoires, notamment le bâchage de la toiture, et que le chiffrage de l'expert judiciaire était vicié dès lors qu'il ne prenait pas en compte l'aggravation du sinistre incombant à l'assuré.

Dans son rapport d'expertise judiciaire du 14 décembre 2016, M.'[R] retient que :

- l'ouvrage sinistré est en forme de L ;

- la façade située sur la rue du puits d'amour n'a pas été sévèrement affectée par l'incendie, excepté au niveau de la jonction avec la grande partie du L, où la porte a disparu et où les embellissements ont légèrement soufferts ;

- le plafond mouluré avec plâtre sur lattes présente une zone très dégradée par l'humidité à corréler avec l'absence de prise de mesures conservatoires durables ;

- le grenier se situant dans la partie de couverture non affectée par l'incendie montre un état de la charpente correct, un plancher sujet au pourrissement et à la présence de champignons, le défaut de prise de mesures conservatoires ayant exposé cette partie aux intempéries ;

- dans l'aile incendiée correspondant au grand côté de l'immeuble en L, le sinistre a brûlé la totalité des éléments entre murs ; il n'y reste que les refends en maçonnerie ; les planchers, charpente, couverture et escaliers y ont été totalement dévastés.

La cour rappelle que, sous réserve d'une clause contractuelle ou d'un texte spécifique, l'assuré n'a aucune obligation d'affecter l'indemnité versée par son assureur à la réfection de l'immeuble.

En l'espèce, les dispositions de l'article L.'121-27 du code des assurances ne s'appliquent pas, dès lors qu'il n'est pas question de financer des travaux prescrits par un arrêté municipal intervenu conformément à son troisième alinéa. Le principe de libre disposition des indemnités par l'assuré et l'absence corrélative d'obligation de minimiser son dommage, applicable même en matière contractuel, excluent dès lors qu'une telle absence d'affectation de l'indemnité versée à M [M] aux travaux de reconstruction de son immeuble soit retenue comme fautive à son encontre.

Au surplus, s'il est constant que M. [M] n'a pas fait procéder aux mesures conservatoires de bâchage de l'immeuble au moyen de l'indemnité provisionnelle de 34 211,11 euros versée par l'assureur le 6 août 2014, soit plus de trois ans après le sinistre, il reste pour autant que l'aile incendiée était complètement détruite, totalement dépourvue de toiture et de charpente, de sorte que son bâchage se serait révélé inopérant pour limiter les désordres et la protéger de façon pérenne.

S'agissant de l'aggravation alléguée des désordres dans l'aile peu détruite par l'incendie, il s'observe que la société MMA iard s'est abstenue d'interroger l'expert judiciaire sur le chiffrage des dommages qui seraient, selon elle, liés à l'absence de prise de mesures conservatoires, étant ici observé qu'avant même la survenance du sinistre, l'immeuble apparaissait en état de vétusté, ainsi que le démontrent les photographies des lieux et les conclusions de l'expert.

En définitive, la société MMA iard échoue à rapporter la preuve qui lui incombe d'une faute avérée de l'indivisaire à l'origine d'une aggravation caractérisée de ses préjudices.

S'agissant de l'évaluation des dommages, les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

C'est par une exacte appréciation du litige que le tribunal a condamné la société MMA iard à payer à M. [M] la somme de 337'883,91 euros à titre d'indemnité d'assurance à la suite du sinistre incendie survenu le 13 juillet 2011, étant en outre précisé que cette somme revenait à l'indivision successorale existant entre l'intimé et sa s'ur.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et l'indemnité de procédure allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MMA iard qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

Elle sera en outre condamnée en cause d'appel à payer à M. [M] une somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer,

Y ajoutant,

Condamne la société MMA iard aux dépens d'appel,

La condamne en outre à payer à M. [I] [M] la somme de 2'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03441
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.03441 ?
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