COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/01223 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUN
N° de Minute :
Ordonnance du mardi 19 juillet 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [Y] [W]
né le 12 Juillet 1994 à [Localité 2] ( ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Lilia LAMBERT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [U] interprète assermenté en langue Arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Myriam CHAPEAUX, Conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 19 juillet 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 19 juillet 2022 à 14H30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 16 juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [Y] [W] ;
Vu l'appel interjeté par M. [Y] [W] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 18 juillet 2022 ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSÉ DU LITIGE
[Y] [W], ressortissant Algérien, a fait l'objet d'une requête aux fins de reprise en charge par un état membre, en l'occurrence l'Espagne, le 24 mai 2022.
Le 1er juin 2022, l'Espagne a accepté la reprise en charge.
Le 6 juillet 2022, [Y] [W] a été déclaré en fuite suite à sa non présentation devant les services de police.
Par décision du 14 juillet 2022, le préfet du Nord a pris une décision de transfert aux autorités espagnoles et par décision administrative du même jour, il a ordonné le placement de [Y] [W] en rétention administrative.
Par requête du 15 juillet 2022, le préfet du Nord a sollicité la prolongation de la rétention de [Y] [W] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt-huit jours.
Par ordonnance du 16 juillet 2022 notifiée le même jour à 18 heures 54, le juge des libertés et de la détention de Lille a ordonné la prolongation de la rétention de [Y] [W] pour une durée de 28 jours à compter du 16 juillet 2022 à 12 heures 00.
[Y] [W] a interjeté appel le 18 juillet 2022 à 14 heures 51 de l'ordonnance dont il sollicite l'infirmation.
Lors de l'audience, [Y] [W], assisté d'un interprète, indique qu'il a oublié le rendez-vous qui lui avait été donné, ayant des difficultés à avoir des repères faute de domicile fixe. Il n'a pas remis son passeport. Il souhaite sortir de rétention.
L'avocat de [Y] [W], développant à l'oral le mémoire d'appel, sollicite l'infirmation de l'ordonnance aux motifs de l'incompétence du signataire de la requête et de l'absence de diligence concernant la demande de routing dans le cadre du transfert Dublin ;
Le préfet n'a pas fait parvenir de conclusions à la cour et n'était pas représenté lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R. 743-11 du CESEDA, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
Sur les moyens tirés de la demande de prolongation du placement en rétention
Sur la compétence de l'auteur de la requête saisissant le premier juge
S'agissant d'une procédure civile, il appartient à l'appelant de démontrer en quoi son moyen est fondé et notamment en quoi le délégataire de l'autorité préfectorale ne disposait pas de mandat spécial aux fins de saisir le juge des libertés et de la détention, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce alors pourtant que les documents à l'appui du dit moyen sont actes administratifs accessibles puisque joints à la requête préfectorale saisissant le juge des libertés et de la détention.
De manière surabondante, il ressort des pièces du dossier que le signataire de la requête, [X] [D], sous-préfet de Douai, saisissant le juge des libertés et de la détention disposait de la signature préfectorale pour la période concernée.
Le moyen est inopérant
Sur les diligences aux fins d'éloignement
Il ressort de l'article L 741-3 du CESEDA que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les ''diligences utiles'' suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.
Il ressort de l'article L 751-9 du CESEDA qu'au cas spécifiques des étrangers faisant l'objet d'une demande de réadmission dans un pays de l'espace SCHENGHEN, l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et, le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert. Lorsqu'un Etat requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à la rétention de ce dernier, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet Etat dans les plus brefs délais ou si un autre Etat peut être requis. En cas d'accord d'un Etat requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais.
Il ressort de l'article R 743-11 du CESEDA que l'étranger qui se contente d'affirmer dans sa requête que les diligences ''ne semblent pas suffisantes dans le cas d'espèce'' ne formule pas un moyen motivé en fait répondant aux critères de l'article 71 du code de procédure civile, mais avance un simple argument hypothétique auquel le juge n'a pas à répondre.
En l'espèce les services de la préfecture ont effectué une demande de routage dès le 15 juillet 2022 à 10 heures 30 (lendemain du placement en rétention) ce qui constitue un délai raisonnable.
Le moyen tiré de l'absence de diligence sera donc rejeté.
Sur la prolongation du placement en rétention
[Y] [W] ne présente pas de garanties de représentation, ne béné'ciant pas des conditions matérielles d'accueil et ne pouvant pas justi'er du lieu de sa résidence effective ou permanente, a été déclaré en fuite pour ne pas s'être rendu à une convocation devant les services de police et déclare vouloir se maintenir sur le territoire national dans son audition.
Une demande de routage a été effectuée le 15 juillet 2022 à 10 h 30.
Un délai de prévenance de l'Etat-membre responsable de six jours minimum avant la date de départ effective est par ailleurs imposée.
Dans l'attente de l'aboutissement de ces démarches, il y a lieu d'autoriser la prolongation de la détention.
L'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
DECLARE recevable l'appel
CONFIRME l'ordonnance querellée
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
Aurélie DI DIO, Greffière
Myriam CHAPEAUX, Conseillère
N° RG 22/01223 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUN
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juillet 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 19 juillet 2022 :
- M. [Y] [W]
- l'interprète
- l'avocat de M. [Y] [W]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [Y] [W] le mardi 19 juillet 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Lilia LAMBERT le mardi 19 juillet 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 19 juillet 2022
N° RG 22/01223 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUN