COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/01220 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUE
N° de Minute :
Ordonnance du mardi 19 juillet 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [K] [M]
né le 28 Janvier 1996 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Moulay Abdeljalil DALIL ESSAKALI, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi et de Mme [L] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
dûment avisé, absent représenté par Me CHERFI Yonis
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Myriam CHAPEAUX, Conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 19 juillet 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 19 juillet 2022 à 14H40
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [K] [M] ;
Vu l'appel interjeté par Maître DALIL ESSAKALI venant au soutien des intérêts de M. [K] [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 18 juillet 2022 ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSÉ DU LITIGE
[K] [M], ressortissant Algérien, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 14 août 2021 sans délai de départ volontaire avec interdiction de retour pour une durée d'un an. Il a fait l'objet d'une assignation à résidence pour une durée de six mois, renouvelée pour six mois le 18 février 2022.
Il ne s'est pas présenté à la convocation remise en main propre pour un rendez-vous d'audition avec les autorités algériennes le 1er avril 2022 et n'a plus respecté à compter de cette date son obligation d'émargement. Une visite domiciliaire a montré qu'il avait déménagé. Un nouveau rendez-vous d'audition a été fixé et une convocation lui a été adressée à sa nouvelle adresse. Il ne s'est pas non plus présenté.
Par décision administrative du 16 juin 2022, le préfet du Pas-de-Calais a ordonné son placement en rétention administrative.
Par ordonnance du 18 juin 2022, confirmée par la cour d'appel, le juge des libertés et de la détention de Lille a autorisé la prolongation de la rétention.
Par requête du 15 juillet 2022, le préfet du Pas de Calais a sollicité la prolongation de la rétention de [K] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une nouvelle durée de trente jours.
Par ordonnance du 17 juillet 2022, notifiée le même jour à 16 heures 45, le juge des libertés et de la détention de Lille a autorisé la prolongation de la rétention de [K] [M] pour une durée de 30 jours à compter du 6 juillet 2022 à 16 heures 45.
[K] [M] a interjeté appel le 18 juillet 2022 à 12H20 de l'ordonnance dont il sollicite l'infirmation.
Lors de l'audience, [K] [M], assisté d'un interprète, indique qu'il a respecté son obligation d'émargement jusqu'au bout. Il a bien signalé sa nouvelle adresse. Lorsqu'il a vu l'adresse à laquelle il avait rendez-vous avec les autorités algériennes, proche de l'aéroport, il a eu peur. Il fait des démarches pour se marier. Il explique avoir refusé le test PCR car il ne veut pas repartir, n'ayant plus personne dans son pays et ayant des attaches sur le territoire national.
L'avocat de [K] [M], développant à l'oral le mémoire d'appel, sollicite l'infirmation de l'ordonnance aux motifs de l'absence de diligences suffisantes de l'administration au regard des dispositions de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'avocate du préfet sollicite la confirmation de la décision. Elle fait valoir que [K] [M] n'a pas respecté l'assignation à résidence et ne souhaitant pas être éloigné, met tout en 'uvre pour faire obstacle à l'exécution de la mesure. Les démarches ont bien été faites, la demande de renouvellement nécessitant la fixation d'une date de vol.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R. 743-11 du CESEDA, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
Sur les diligences aux fins d'éloignement
L'article L. 742-4 du CESEDA, relatif à la seconde prolongation comme au cas d'espèce, tandis que l'article L.742-5 ne s'applique que pour les prolongations ultérieures, dispose que le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1 En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2 Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3 Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.''
Il convient de rappeler que lorsque la procédure se situe dans le cadre de l'article L.742-4 du CESEDA précité et concerne une demande de seconde prolongation du placement en rétention administrative, il n'existe aucune obligation de ''bref délai'' concernant la levée des obstacles.
Ainsi, il suffit qu''il ait été décidé par la première décision judiciaire de prolongation de la rétention administrative, que l'administration avait effectué toutes les diligences nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement, et qu''il soit démontré que ces diligences n'avaient pas encore reçu satisfaction de la part des autorités étrangères requises, et ce sans faute ou négligence de la part de l'état requérant, pour que l'autorité judiciaire autorise la seconde prolongation du placement en rétention administrative.
En l'espèce il convient de rappeler que la présente procédure se situe dans le cadre de l'article L.742-4 du CESEDA précité, de sorte qu''il n'en résulte donc aucune obligation de bref délai concernant la levée des obstacles.
L'obstruction est constituée par tout acte matériel effectué par action ou par omission dans le seul but d'éviter l'exécution de l'éloignement.
Si le fait d'accepter ou de refuser de subir un acte médical, tel un test PCR sur sa personne, relève du droit dont dispose chaque individu sur son propre corps, l'exercice de ce droit n'est pas exempt d'abus lorsque le refus du test réellement motivé que par la volonté d'éviter une expulsion vers un pays imposant cette sécurité à toute personne rejoignant son territoire en cette période de pandémie.
Les autorités algériennes ont délivré un laissez-passer le 2 juillet 2022, ayant une durée de validité de quinze jours.
Un vol pour Alger a été réservé. Toutefois, en raison du refus par [K] [M] de subir un test PCR nécessaire à son embarquement le 4 juillet 2022, constitutif d'une obstruction dès lors que ce refus avait pour finalité d'empêcher son départ, ce vol a été annulé.
Une nouvelle demande de routage a été faite dès le 4 juillet 2022 et un vol réservé pour le 6 août 2022, soit après la date de fin de validité du laissez-passer qui devra être renouvelé.
Dès lors, aucun défaut de diligences ne peut être reprochés à l'administration. Le moyen est inopérant.
Sur la prolongation du placement en rétention
[K] [M] ne présente pas de garanties de représentation, ayant mis en échec l'assignation à résidence et déclare vouloir se maintenir sur le territoire national.
Une nouvelle demande de routage, permettant de faire une demande de renouvellement de laissez-passer consulaires a été effectuée.
Dans l'attente de l'aboutissement de ces démarches, il y a lieu d'autoriser la prolongation de la détention.
L'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
Aurélie DI DIO, Greffière
Myriam CHAPEAUX, Conseillère
N° RG 22/01220 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUE
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juillet 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 19 juillet 2022 :
- M. [K] [M]
- l'interprète
- l'avocat de M. [K] [M]
- l'avocat de M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
- décision notifiée à M. [K] [M] le mardi 19 juillet 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Moulay Abdeljalil DALIL ESSAKALI le mardi 19 juillet 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 19 juillet 2022
N° RG 22/01220 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMUE