COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/01218 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMTU
N° de Minute :
Ordonnance du mardi 19 juillet 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [K] [C]
né le 01 Mars 2002 à [Localité 2] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me LAMBERT Lilia avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [B] [D] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Myriam CHAPEAUX, Conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 19 juillet 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 19 juillet 2022 à 14H30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [K] [C] ;
Vu l'appel interjeté par Maître NAUDIN Marielle venant au soutien des intérêts de M. [K] [C] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 18 juillet 2022 ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSÉ DU LITIGE
[K] [C], ressortissant Marocain ayant fait l'objet d'un placement à l'Aide sociale à l'enfance en septembre 2019, a fait l'objet par la suite d'un arrêté du 24 septembre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qui lui a été notifié par voie postale le 3 novembre 2020.
Le 17 mai 2022, le préfet du Nord a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative.
Par ordonnances du 19 mai 2022 et du 16 juin 2022, confirmées par la cour d'appel, le juge des libertés et de la détention de Lille a autorisé la prolongation de la mesure de rétention.
Par requête du 16 juillet 2022, le préfet du Nord a sollicité la prolongation exceptionnelle de la rétention de [K] [C] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours.
Par ordonnance du 17 juillet 2022, notifiée le même jour à 16 heures 40, le juge des libertés et de la détention de Lille a rejeté la demande d'assignation à résidence et ordonné la prolongation de la rétention de [K] [C] pour une durée de 15 jours à compter du 16 juillet 2022 à 16 heures 00.
[K] [C] a interjeté appel le 18 juillet 2022 à 11 heures 25 de l'ordonnance dont il sollicite l'infirmation.
Lors de l'audience, [K] [C], assisté d'un interprète, indique qu'il a refusé le test PCR en raison de problèmes de santé et qu'il a demandé à rencontrer le médecin du centre de rétention administrative. Il indique ne pas avoir été informé de la première obligation de quitter le territoire français qui lui avait été faite. Il indique tout à la fois vouloir construire son avenir en France et vouloir rentrer au Maroc si la France ne veut pas de lui.
L'avocat de [K] [C], développant à l'oral le mémoire d'appel, sollicite l'infirmation de l'ordonnance aux motifs de l'inutilité de la mesure de rétention, au motif que la préfecture ne pouvant imposer un test PCR, la rétention ne permettra pas l'exécution de la mesure d'éloignement.
Le préfet n'a pas fait parvenir de conclusions à la cour et n'était pas représenté lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R. 743-11 du CESEDA, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
Sur le moyen tiré de la prolongation de la mesure de rétention
L'article L 742-5 du CESEDA dispose qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1 L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2 L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9 de l'article L. 611-3 ou du 5 de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3 La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1 , 2 ou 3 survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
L'obstruction est constituée par tout acte matériel effectué par action ou par omission dans le seul but d'éviter l'exécution de l'éloignement.
Si le fait d'accepter ou de refuser de subir un acte médical, tel un test PCR sur sa personne, relève du droit dont dispose chaque individu sur son propre corps, l'exercice de ce droit n'est pas exempt d'abus lorsque le refus du test n'est réellement motivé que par la volonté d'éviter une expulsion vers un pays imposant cette sécurité à toute personne rejoignant son territoire en cette période de pandémie.
Ainsi, nonobstant l'élément matériel du délit prévu par l'article L 824-9 du CESEDA, il ressort des dispositions de l'article L 742-5 1 du même code que l'ensemble des actes commis dans les quinze derniers jours dans le but unique d'éviter l'exécution de l'éloignement, en ce compris le refus du test PRC dans les conditions spécifiques reprises ci-dessus, constituent des actes d'obstruction au sens de l'article L 742-5 1 précité et permettent d'ordonner une troisième prolongation du placement en rétention administrative.
En l'espèce, [K] [C] a refusé le 10 juillet 2022 de faire un test PCR (le premier selon ses déclarations) exigé par les autorités marocaines pour l'entrée sur le territoire, au motif d'un problème de dérivation nasale et en raison de son asthme, sans autre justificatif médical qui aurait le cas échéant pu lui être remis par le professionnel en charge du prélèvement ou le médecin du centre de rétention administrative.
Nonobstant ses affirmations, le refus de pratiquer ce test nécessaire à son embarquement pour le Maroc avait bien pour finalité de faire obstacle à la mesure d'éloignement. Cette obstruction a eu lieu dans les quinze jours précédents la prolongation. Les conditions posées par l'article L 742-5 du CESEDA sont donc remplies.
Le moyen est dès lors inopérant.
Sur la prolongation du placement en rétention
[K] [C] ne présente pas de garanties de représentation, s'est soustrait à la précédente obligation de quitter le territoire français qui lui avait été faite en septembre 2020 et déclare vouloir se maintenir sur le territoire national.
Les autorités marocaines ont délivré un laissez-passer valable jusqu'au 29 août 2022. Une nouvelle demande de routage a été faite le 10 juillet 2022.
Dans l'attente de l'aboutissement de ces démarches, il y a lieu d'autoriser la prolongation de la détention.
L'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
Aurélie DI DIO, Greffière
Myriam CHAPEAUX, Conseillère
N° RG 22/01218 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMTU
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juillet 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 19 juillet 2022 :
- M. [K] [C]
- l'interprète
- l'avocat de M. [K] [C]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [K] [C] le mardi 19 juillet 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Lilia LAMBERT le mardi 19 juillet 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 19 juillet 2022
N° RG 22/01218 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMTU