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07/07/2022 | FRANCE | N°20/03039

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 07 juillet 2022, 20/03039


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2022



N° de MINUTE : 22/659

N° RG 20/03039 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TEIL

Jugement (N° 19/04237) rendu le 18 juin 2020

par le tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de Valenciennes



APPELANTE



Madame [H] [Y]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Cédric Blin, avocat

au barreau de Valenciennes



INTIMÉ



Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté par Me ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2022

N° de MINUTE : 22/659

N° RG 20/03039 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TEIL

Jugement (N° 19/04237) rendu le 18 juin 2020

par le tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de Valenciennes

APPELANTE

Madame [H] [Y]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Cédric Blin, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉ

Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Nicolas Despres, avocat au barreau de Valenciennes et Me Bruno Gendrin, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 04 mai 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 26 avril 2022

Exposé des faits et de la procédure

Par acte d'huissier en date du 9 décembre 2019, M. [I] [R] a fait assigner en justice Mme [H] [Y] aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, constater l'existence d'un prêt de 30'000 euros consenti par lui au profit de Mme [Y] et la voir condamner à lui payer la somme de 25'180 euros à titre principal, avec intérêts de droit à compter du 19 août 2019, ainsi que les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

- constaté l'existence d'un prêt de 30'000 euros de M. [R] au profit de Mme [Y],

- condamné Mme [Y] à payer à M. [R] la somme de 25'180 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2019,

- condamné Mme [Y] à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté M. [R] de toutes autres demandes,

- condamné Mme [Y] aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Me Nicolas Despres en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [Y] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 2 août 2020, à l'exception du chef du jugement ayant débouté M. [R] de toutes autres demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2021, elle demande à la cour de :

- vu les articles 1244-1 et 1899 et suivants du Code civil,

- 'infirmer le jugement du 18 juin 2020 sauf en ce qu'il a constaté que elle était encore redevable de la somme de 25'180 euros à l'égard de M. [R] à la date de la décision,'

statuant de nouveau :

- à titre principal, conformément à l'intention des parties, dire que la somme résiduelle de 24'340 euros sera remboursée avec un terme au 1er juillet 2040 par des mensualités minimales de 104 euros par mois conformément à l'intention des parties, le tout sans intérêt,

- à titre subsidiaire, l'autoriser à payer la dette de la manière suivante

- 300 euros par mois durant 23 mois,

- 17'540 euros au 24e mois,

- le tout sans intérêt,

- en toute hypothèse, dire ne pas y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit en matière de dépens.

Mme [Y] expose que le 4 avril 2015, M. [R] lui a offert la somme de 30 000 euros en établissant un chèque à son profit pour l'aider à acheter un immeuble, puis, sur son insistance, il a accepté qu'elle lui rembourse cette somme. Elle reconnaît finalement que M. [R] lui a consenti un prêt de 30 000 euros, qu'elle pourrait rembourser au rythme quelle souhaitait et comme elle le pourrait et ajoute qu'il n'a jamais été convenu avec ce dernier que la somme de 30 000 euros serait remboursée en capital et sans délai ; que s'agissant d'un prêt sans terme pour la restitution, il appartient au juge, en application des dispositions de l'article 1900 du code civil, de fixer le terme de l'engagement, qui doit, selon elle, être fixé au 1er juillet 2040 en se basant sur des échéances mensuelles de 100 euros, comme il avait été proposé par M. [R] dans un message de juin 2015 . A titre subsidiaire, Mme [Y] demande des délais de paiement sur 24 mois à hauteur de 300 euros par mois, le solde devant être réglé à la dernière échéance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2021, M. [R] demande à la cour de :

- in limine litis,

- radier l'affaire du rôle du fait de l'inexécution d'une condamnation avec exécution provisoire,

- à défaut sur le fond,

- rejeter tous moyens et conclusions contraires,

- dire et juger l'appelante à la présente procédure irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

- confirmer le jugement du 18 juin 2020 en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Nicolas Despres en application de l'article 699 du code de procédure civile.

In limine litis, M. [R] demande la radiation de l'affaire du rôle de la cour sur le fondement des dispositions 526 du code de procédure civile, en raison de l'absence d'exécution par Mme [Y] du jugement dont appel assorti de l'exécution provisoire, et alors qu'elle a été déboutée de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire par ordonnance du premier président en date du 4 janvier 2021.

Sur le fond, M. [R] fait valoir que l'existence d'un prêt de 30 000 euros consenti par lui au profit de Mme [Y] est reconnu par cette dernière, mais que son intention n'a jamais été d'être remboursé avec un terme au 1er juillet 2040 ; que Mme [Y] a commencé à rembourser mensuellement le prêt à hauteur de 300 euros par mois, et ses règlements sont devenus erratiques puis inexistants, et qu'il est en droit d'exiger le solde de l'intégralité restant dû. Il s'oppose également à la demande de délais présentée par Mme [Y] sur le fondement de l'article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil.

Par ordonnance du 4 janvier 2021, Monsieur le premier président de la cour a débouté Mme [Y] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, dit n'y avoir lieu à suspension de l'exécution provisoire assortissant la décision rendue le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Valenciennes, condamné Mme [Y] aux dépens ainsi qu'à payer à M. [R] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus amples exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la demande de radiation de l'affaire

En vertu de l'article 526 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 'Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911. (...)'.

Il résulte de ces dispositions que seul le premier président de la cour ou le conseiller de la mise en état sont compétents pour statuer sur une demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, cette action étant enfermée dans les délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911 du code de procédure civile.

La demande de radiation de l'affaire du rôle présentée devant la cour est par conséquent irrecevable.

Sur la demande en paiement

La cour constate que Mme [Y] reconnaît expressément aux termes de ses conclusions que M. [R] lui a consenti un prêt de la somme de 30 000 euros qu'elle doit lui rembourser, en établissant à son profit un chèque n° 0000645 d'un montant de 30 000 euros le 4 avril 2015, chèque qu'elle a encaissé le 13 avril 2015.

Aucun élément du dossier ne permet de constater qu'un terme aurait été fixé entre les parties, de sorte qu'il s'agit d'un prêt sans terme fixé.

En vertu de l'article 1899 du code civil 'le prêteur ne peut pas demander les choses prêtées avant le terme convenu'.

En vertu de l'article 1900 du même code 's'il n'a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l'emprunteur un délai suivant les circonstances'.

Lorsqu'un prêt d'argent a été consenti sans qu'un terme n'ait été fixé, il appartient au juge saisi d'une demande de remboursement de fixer, eu égard aux circonstances, et notamment à la commune intention des parties, la date du terme de l'engagement, qui doit se situer à une date postérieure à la demande en justice.

Le juge, en accordant un délai en vertu de l'article 1900 du code civil peut, si des intérêts n'ont pas été stipulés, dispenser le débiteur du versement d'intérêts jusqu'au terme qu'il fixe.

En l'espèce, M. [R] a adressé à Mme [Y] un message par sms le 26 juin 2015 aux termes duquel il lui proposait '(...) Tu peux commencer à faire un virement tous les mois. Tu choisis la somme 50, 100, 30. Comme tu veux.(...)'.

Il résulte manifestement de ce message que M. [R] souhaitait que Mme [Y] commence à le rembourser mensuellement dès juin 2015, en lui laissant cependant la liberté du montant des échéances, et en lui proposant un montant maximum de remboursement de 100 euros par mois. Avec de telles exigences, il apparaît que l'intimé ne se préoccupait pas, à l'époque, d'un terme précis et souhaitait laisser du temps à son amie pour rembourser le prêt, compte tenu de leurs relations amicales.

Néanmoins, il ressort des relevés de compte produits que l'appelante a commencé à rembourser 300 euros par mois pendant sept mois du 11 juillet 2015 au 7 janvier 2016, puis 200 euros par mois du 13 février 2016 au 5 mai 2016, puis 300 euros le 7 juillet 2016, 400 euros le 2 août 2016, choisissant elle-même de rembourser à M. [R] un montant mensuel plus important que ce qu'il lui avait proposé. Par la suite, en raison de difficultés financières alléguées, ses règlements sont devenus irréguliers, variant entre 50 euros et 100 euros.

La cour constate également que le prêt de 30 000 euros n'est pas modique, et que la dette est déjà ancienne puisqu'elle date d'avril 2015.

Au regard de ses éléments et de la commune intention des parties, il y a lieu de fixer le terme du prêt au 4 avril 2023.

Le décompte de créance arrêté au 31 décembre 2019 (pièce n° 3 de M. [R]), non contesté par Mme [Y], laisse apparaître que la dette résiduelle de cette dernière s'élevait 25 180 euros, déduction faite de ses versements de juillet 2015 au 31 décembre 2019 pour une somme globale 4 820 euros.

Mme [Y] justifie qu'en 2020, elle versé à M. [R] et à Me [E], huissier de justice, la somme globale de 840 euros, non contestée par l'intimé, de sorte que la dette en principal résiduelle de Mme [Y] s'élève à 24 340 euros au 31 décembre 2020.

En conséquence, fixant le terme du prêt au 4 avril 2023, il y a lieu de condamner Mme [Y] à verser à M. [R], au plus tard le 4 avril 2023, la somme de 24 340 euros, sous déduction des sommes éventuellement versées par elle postérieurement au 31 décembre 2020 en remboursement du prêt. Aucun intérêt n'ayant été stipulé entre les parties, il convient également de dispenser Mme [Y] du versement d'intérêts jusqu'au terme fixé au 4 avril 2023, et de dire que les intérêts au taux légal courront à compter du 5 avril 2023.

Compte tenu du délai ainsi accordé à Mme [Y] sur le fondement de l'article 1900 du code civil, il y n'y a pas lieu d'examiner sa demande subsidiaire de délai de paiement sollicitée sur le fondement de l'article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil du code civil.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code civile.

Il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté l'existence d'un prêt de 30 000 euros consenti par M. [I] [R] à Mme [H] [Y], et en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Fixe le terme du prêt de 30 000 euros consenti le 4 avril 2015 par M. [I] [R] à Mme [H] Mme [Y] au 4 avril 2023 ;

Condamne en conséquence Mme [H] [Y] à verser à M. [I] [R], au plus tard le 4 avril 2023, la somme de 24 340 euros, sous déduction des sommes éventuellement versées par Mme [Y] postérieurement au 31 décembre 2020 ;

Dispense Mme [H] [Y] du versement d'intérêts jusqu'au terme du prêt ;

Dit en conséquence que les intérêts au taux légal courront à compter du 5 avril 2023 ;

Laisse à chaque partie la charges de ses frais irrépétibles exposés en appel et dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

G. PrzedlackiY. Benhamou


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03039
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.03039 ?
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